CHAPITRE 53. RETOUR AU MANOIR POTTER
En y repensant, même peu de temps après, Harry se rendit compte qu'il ne conservait guère de souvenirs des jours qui avaient suivi. Comme s'il avait subi trop de choses d'un coup pour pouvoir en assimiler d'autres. Les souvenirs qui lui revenaient en mémoire étaient terriblement douloureux. Le pire était sans doute celui de la rencontre avec les Diggory, qui avait eu lieu le lendemain matin.
Les parents de Cedric ne lui en voulaient pas de ce qui s'était passé. Au contraire, tous deux
l'avaient remercié de leur avoir ramené le corps de leur fils. Mr Diggory avait sangloté pendant toute l'entrevue, mais le chagrin de Mrs Diggory semblait au-delà des larmes.
– Alors, il n'a pas souffert ? avait-elle dit lorsque Harry leur avait raconté comment Cedric était mort. Il faut se dire, Amos, qu'il est mort au moment où il remportait le tournoi. Il devait
être très heureux.
En partant, elle avait regardé Harry et avait ajouté :
– Prends bien soin de toi, maintenant.
Harry avait saisi le sac d'or sur la table de chevet.
– Prenez-le, lui avait-il murmuré. Cet or aurait dû revenir à Cedric, c'est lui qui était le premier, prenez-le...
Mais elle avait reculé.
– Non, il est à toi, mon garçon, nous ne pourrions pas... garde-le.
Harry était retourné à la tour de Gryffondor le lendemain soir. D'après ce qu'Hermione et Ron lui avaient dit, Dumbledore s'était adressé aux élèves le matin même, pendant le petit
déjeuner. Il leur avait simplement demandé de laisser Harry tranquille, de ne pas lui poser de questions, de ne pas insister pour qu'il raconte ce qui s'était passé dans le labyrinthe. La
plupart de ses camarades l'évitaient dans les couloirs, fuyaient même son regard. Certains chuchotaient sur son passage, la main devant la bouche. Nombre d'entre eux croyaient l'article dans lequel Rita Skeeter le décrivait comme un être perturbé qui pouvait devenir dangereux.
Peut-être se faisaient-ils leur propre idée de la façon dont Cedric était mort. Mais Harry ne se souciait guère de ce qu'on pensait de lui. Il préférait rester en compagnie de Ron et d'Hermione et parler avec eux de tout autre chose, ou même ne pas parler du tout et jouer aux échecs en silence.
C'était comme s'ils n'avaient plus besoin de mots pour se comprendre.
Chacun attendait un signe, une parole, pour savoir ce qui se passait à l'extérieur de Poudlard — mais il était inutile d'imaginer ce qui pourrait arriver tant que rien n'était sûr.
Cassandra et Ethan leur manquaient.
La mort de Morgane avait été divulguée lors d'un communiqué du ministère. Il n'y était fait mention ni de Cassandra ni de James ou Sirius..
Fudge prétendait que c'était l'œuvre de ses Auror.
- C'est revoltant. Gronda Hermione. Il s'attire tous les honneurs, alors que si Cassandra n'avait pas été là.
- Elle s'en fiche des honneurs. Tu sais. Dit Harry.
Le lendemain, des Aurors étaient venus à l'école. Ils étaient à la recherche de Cassandra. Ils avaient interrogés, Harry, Ron et Hermione.
Et il avait fallu l'intervention de Dumbledore pour qu'ils renoncent à fouiller le château.
Ils s'étaient rendus chez Sirius, mais ils avaient trouvé la maison vide. Ils avaient également perquisitionné chez James et Lily.
James avait été convoqué au ministère et longuement interrogé. Il avait bu sans rechigner du veritaserum, et avait été relâché, faute de preuve.
En dehors de Ron et d'Hermione, la seule personne à qui Harry avait envie de parler, c'était Hagrid. Comme il n'y avait plus de professeur de défense contre les forces du Mal, ils étaient libres pendant ces heures-là. Le jeudi après-midi, ils en profitèrent pour aller le voir dans sa
cabane. C'était une belle journée ensoleillée. Lorsqu'il les vit approcher, Crockdur bondit sur
eux par la porte ouverte en aboyant et en remuant la queue avec frénésie.
– Qui est là ? demanda Hagrid. Harry !
Il se précipita sur eux, étreignit Harry et lui ébouriffa les cheveux.
– Ça fait vraiment plaisir de te voir ! s'exclama-t-il. Vraiment plaisir.
A l'intérieur de la cabane, deux tasses de la taille d'un seau avec des soucoupes assorties étaient posées sur la table de bois, devant la cheminée.
– J'ai pris une tasse de thé avec Olympe, dit Hagrid. Elle vient de partir.
– Qui ? demanda Ron, intrigué.
– Madame Maxime, bien sûr !
– Vous vous êtes réconciliés, tous les deux ? dit Ron.
– Je ne vois pas de quoi tu parles, répondit Hagrid d'un ton dégagé en allant chercher d'autres tasses dans le buffet.
Lorsqu'il eut préparé le thé et offert quelques biscuits pâteux, il s'adossa contre sa chaise et observa Harry de ses petits yeux noirs.
– Ça va ? demanda-t-il d'un ton bourru.
– Oui, assura Harry.
– Non, ça ne va pas, dit Hagrid. Bien sûr que ça ne va pas. Mais ça ira mieux.
Harry resta silencieux.
– Je savais qu'il reviendrait, reprit Hagrid.
Harry, Ron et Hermione le regardèrent d'un air interloqué.
– Je le savais depuis des années, Harry. Je savais qu'il était là, caché quelque part et qu'il attendait son heure. Il fallait que ça arrive. Eh bien maintenant, c'est arrivé et il faudra s'y faire. On se battra. Il est possible qu'on arrive à l'arrêter avant qu'il ait le temps de reprendre les choses en main. En tout cas, c'est le plan de Dumbledore. Tant qu'il est là, je ne me fais pas trop de soucis.
En voyant leur expression incrédule, Hagrid haussa ses sourcils broussailleux.
– Ça ne sert à rien de rester là à s'inquiéter, dit-il. Il arrivera ce qui arrivera et il faudra se préparer à l'affronter. Dumbledore m'a raconté ce que tu as fait, Harry.
Hagrid bomba la poitrine en le regardant.
– Tu as fait aussi bien que ce que ton père aurait fait. Je ne peux pas t'adresser de plus beau compliment.
Harry lui sourit. C'était la première fois qu'il souriait depuis plusieurs jours.
– C'était quoi, ce que voulait vous demander Dumbledore, Hagrid ? interrogea-t-il. Il a envoyé
le professeur McGonagall vous chercher, vous et Madame Maxime... Il voulait vous voir... cette nuit-là.
– Il avait un petit travail à me confier, cet été, répondit Hagrid. Mais c'est un secret, je n'ai pas le droit d'en parler, même pas à vous trois. Olympe — enfin, Madame Maxime — va peut-
être venir avec moi. J'en suis même presque sûr. Je pense avoir réussi à la convaincre.
– Ça concerne Voldemort ?
Hagrid tressaillit en entendant prononcer le nom.
– Peut-être bien, répondit-il d'un ton évasif. Et maintenant, est-ce que ça vous dirait de venir voir le dernier Scroutt qui reste ? Non, non, rassurez-vous, je plaisantais ! Une simple plaisanterie ! ajouta-t-il précipitamment en voyant l'expression de leurs visages.
Harry avait le cœur lourd en préparant ses bagages, la veille de son retour chez ses, parents Il
redoutait le banquet de fin d'année, qui était d'habitude une occasion de fête puisqu'on y annonçait le vainqueur de la Coupe des Quatre Maisons.
Depuis qu'il avait quitté l'infirmerie, il évitait soigneusement de descendre dans la Grande Salle aux heures d'affluence, préférant prendre ses repas aux moments où elle était presque vide, pour éviter les regards curieux de ses camarades.
Lorsque Ron, Hermione et lui entrèrent dans la Grande Salle, ils remarquèrent aussitôt que les
décorations habituelles n'avaient pas été installées. En temps normal, les couleurs de la maison gagnante étaient déployées dans toute la salle pour le banquet de fin d'année. Ce soir, cependant, des draperies noires étaient accrochées au mur, derrière la table des professeurs.
Harry sut tout de suite qu'on avait voulu ainsi rendre hommage à Cedric.
Le véritable Maugrey Fol Œil était assis à la table des professeurs. Il avait récupéré sa jambe de bois et son œil magique et paraissait extrêmement nerveux, sursautant chaque fois que
quelqu'un lui adressait la parole. Harry le comprenait : après avoir passé dix mois enfermé dans sa propre malle, il devait craindre plus que jamais d'être attaqué. La chaise du professeur Karkaroff était vide et Harry se demanda où il pouvait bien se trouver. Voldemort avait peut-
être réussi à le rattraper.
Madame Maxime, en revanche, était toujours là, assise à côté de Hagrid. Tous deux parlaient à voix basse. Plus loin, Rogue avait pris place à côté du professeur McGonagall. Pendant un
instant, son regard s'attarda sur Harry qui l'observait. Il était difficile de lire l'expression de son visage, mais il avait l'air aussi revêche et déplaisant qu'à l'ordinaire. Harry continua de le regarder, bien après que Rogue eut détourné les yeux.
Qu'avait donc fait Rogue sur les instructions de Dumbledore, la nuit du retour de Voldemort ?
Et pourquoi... pourquoi... Dumbledore avait-il la certitude que Rogue était sincèrement de leur côté ? Il avait été leur espion, c'était ce que Dumbledore avait dit dans la Pensine. Rogue
s'était retourné contre Voldemort et l'avait espionné pour le compte de ses ennemis, « en courant de grands risques personnels ». Quel rôle devait-il à nouveau jouer ? Peut-être avait-il repris contact avec les Mangemorts ? En faisant semblant de ne s'être jamais véritablement
rallié à Dumbledore, d'avoir simplement, tout comme Voldemort lui-même, attendu son heure ?
Harry fut interrompu dans ses rêveries par le professeur Dumbledore qui venait de se lever.
La Grande Salle, jusqu'ici moins bruyante que lors des autres banquets de fin d'année, devint totalement silencieuse.
– Voici donc venue la fin d'une autre année, dit Dumbledore.
Il s'interrompit et son regard s'arrêta sur la table des Poufsouffle. C'était la table qui avait été la plus discrète de toute la soirée, la table autour de laquelle on voyait les visages les plus tristes, les plus blafards.
– Il y a beaucoup de choses que je voudrais vous dire, ce soir, poursuivit Dumbledore. Mais je dois d'abord rendre hommage à un garçon de grande qualité qui aurait dû être ici — il fit un geste vers la table des Poufsouffle — pour partager ce banquet avec nous. Je vous demande de vous lever et de porter un toast en l'honneur de Cedric Diggory.
Dans un raclement de chaises et de bancs, tous les élèves se mirent debout et levèrent leurs gobelets. D'une même voix, comme un grondement qui se répercuta en écho dans la salle, tout le monde prononça le nom de Cedric Diggory.
Harry aperçut Cho dans la foule. Des larmes coulaient sur ses joues. Il baissa les yeux en se rasseyant avec les autres.
– Cedric incarnait de nombreuses qualités qui s'attachent à la maison Poufsouffle, poursuivit
Dumbledore. C'était un ami loyal et généreux, il travaillait sans relâche et se montrait toujours fair-play. Sa mort vous a tous affectés, que vous l'ayez bien connu ou pas. Je pense donc que vous avez le droit de savoir ce qui s'est exactement passé.
Harry leva la tête et regarda Dumbledore.
– Cedric Diggory a été assassiné par Lord Voldemort.
Un murmure de panique parcourut la Grande Salle. Les élèves fixaient Dumbledore d'un air incrédule et terrifié. Parfaitement calme, Dumbledore attendit que le silence revienne.
– Le ministère de la Magie, reprit Dumbledore, ne souhaite pas que je vous donne cette information. Les parents de certains d'entre vous seront peut-être horrifiés d'apprendre que je l'ai fait — soit parce qu'ils ne croiront pas au retour de Lord Voldemort, soit parce qu'ils
penseront que vous êtes trop jeunes pour que je vous dise une chose pareille. J'ai cependant la conviction que la vérité est généralement préférable au mensonge et que toute tentative de faire croire que Cedric est mort des suites d'un accident, ou à cause d'une erreur qu'il aurait
commise, serait une insulte à sa mémoire.
Pétrifiés, épouvantés, tous les visages étaient tournés vers Dumbledore... ou presque tous les visages. A la table des Serpentard, Harry vit Drago Malefoy murmurer quelque chose à Crabbe et à Goyle. Il sentit une vague de fureur dévorante lui nouer l'estomac et se força à regarder de nouveau Dumbledore.
– Je ne peux évoquer la mort de Cedric Diggory sans citer le nom de quelqu'un d'autre, poursuivit Dumbledore. Je veux parler, bien sûr, de Harry Potter.
Il y eut comme un frémissement dans la Grande Salle lorsque quelques élèves tournèrent la tête vers Harry avant de reporter leur attention sur Dumbledore.
– Harry Potter a réussi à échapper à Lord Voldemort. Il a risqué sa propre vie pour ramener à Poudlard le corps de Cedric. Il a fait preuve, à tous égards, d'une bravoure que peu de sorciers ont su montrer face à Lord Voldemort et c'est pourquoi je veux à présent lui rendre hommage.
Dumbledore regarda Harry avec gravité et leva à nouveau son gobelet. Presque tout le monde l'imita dans la Grande Salle. Les élèves murmurèrent son nom comme ils avaient murmuré celui de Cedric et burent en son honneur. Mais Harry vit que Malefoy, Crabbe, Goyle et de
nombreux autres élèves de Serpentard étaient restés assis sans toucher à leurs gobelets, dans
une attitude de défi. Dumbledore, qui ne possédait pas d'œil magique, ne s'en était pas aperçu.
Lorsque chacun se fut rassis, Dumbledore poursuivit :
– Le Tournoi des Trois Sorciers avait pour ambition de favoriser le rapprochement et la compréhension entre les sorciers du monde entier. A la lumière de ce qui s'est passé — le
retour de Voldemort —, de tels liens deviennent plus importants que jamais.
Dumbledore regarda Madame Maxime et Hagrid, Fleur Delacour et ses camarades de Beauxbâtons, puis Viktor Krum et les élèves de Durmstrang assis à la table des Serpentard.
Harry remarqua que Krum paraissait méfiant, presque effrayé, comme s'il s'attendait à ce que Dumbledore prononce des paroles sévères.
– Tous les invités présents dans cette salle, reprit Dumbledore en fixant les élèves de Durmstrang, seront toujours les bienvenus chaque fois qu'ils voudront revenir ici. Une fois de
plus, je vous le répète à tous, maintenant que Lord Voldemort est de retour, l'union fera notre
force, la division notre faiblesse. L'aptitude de Lord Voldemort à semer la discorde et la haine est considérable. Nous ne pourrons le combattre qu'en montrant une détermination tout aussi puissante, fondée sur l'amitié et la confiance. Les différences de langage et de culture ne sont rien si nous partageons les mêmes objectifs et si nous restons ouverts les uns aux autres. Je
suis convaincu — et jamais je n'ai tant souhaité me tromper — que nous allons connaître une période sombre et difficile. Certains, dans cette salle, ont déjà eu à souffrir directement des agissements de Lord Voldemort. Les familles de nombre d'entre vous ont été déchirées à cause de lui. Il y a une semaine, un élève nous a été arraché. Souvenez-vous de Cedric. Si, un jour, vous avez à choisir entre le bien et la facilité, souvenez-vous de ce qui est arrivé à un garçon qui était bon, fraternel et courageux, simplement parce qu'il a croisé le chemin de Lord Voldemort. Souvenez-vous de Cedric Diggory.
Les bagages de Harry étaient prêts et Hedwige avait retrouvé sa cage. Dans le hall bondé, Ron, Hermione et lui attendaient avec les élèves de quatrième année les diligences qui
devaient les emmener à la gare de Pré-au-Lard. Cette fois encore, c'était une belle journée d'été. Il ferait chaud lorsqu'il arriverait au Manoir. la verdure aurait envahi le jardin et les
massifs de fleurs rivaliseraient de couleurs. Mais cette pensée ne lui procurait aucun plaisir.
Cassandra ne serait pas la. Sirius, Meredith, et Leo étaient en fuite. Tout comme Régulus
– Arry !
Il se retourna et vit Fleur Delacour qui montait en courant les marches de pierre du château.
Derrière elle, au fond du parc, Harry apercevait Hagrid qui aidait Madame Maxime à atteler deux des chevaux géants. Le carrosse de Beauxbâtons s'apprêtait à repartir par la voie des
airs.
– J'espère que nous nous reverrons, dit Fleur en lui tendant la main. Je voudrais trouver un travail ici pour améliorer mon anglais.
– Il est déjà très bon, assura Ron d'une voix un peu étranglée.
– J'ai encore du mal avec les h aspirés... dit Fleur en lui adressant un grand sourire.
Hermione fronça les sourcils
.
– Au revoir, Arry, ajouta Fleur. J'ai eu grand plaisir à te rencontrer !
Harry sentit son moral remonter légèrement en regardant Fleur traverser la pelouse pour
rejoindre Madame Maxime, ses cheveux blond-argent ondulant au soleil.
– Je me demande comment les élèves de Durmstrang vont faire pour rentrer, dit Ron. Tu crois
qu'ils arriveront à manœuvrer ce bateau sans Karkaroff ?
– Ce n'est pas Karrrkarrroff qui tenait la barrrre, dit derrière eux une voix au ton abrupt. Il rrrestait dans sa cabine et nous laissait fairrre tout le trrravail.
Krum était venu dire au revoir à Hermione.
– Est-ce que je pourrrais te parrrler ? lui demanda-t-il.
– Oh... Oui... d'accord, répondit Hermione.
Un peu gênée, elle suivit Krum parmi la foule des élèves.
– Tu ferais bien de te dépêcher ! lui cria Ron. On va bientôt partir !
Il laissa Harry surveiller l'arrivée des diligences et tendit le cou au-dessus des têtes pour essayer de voir ce que faisaient Krum et Hermione. Ils revinrent très vite et Ron regarda
Hermione avec insistance, mais elle garda un visage impassible.
– J'aimais bien Diggorrry, dit brusquement Krum à Harry. Il était toujourrrs trrrès poli avec moi. Toujourrrs. Bien que je sois à Durrrmstrrrang... avec Karrrkarrroff, ajouta-t-il, les sourcils froncés.
– Vous avez déjà un nouveau directeur ? demanda Harry.
Krum haussa les épaules. Il tendit la main, comme l'avait fait Fleur, serra celle de Harry puis celle de Ron.
Celui-ci semblait en proie à une lutte intérieure particulièrement douloureuse. Krum s'était
déjà éloigné de quelques pas lorsque, n'y tenant plus, Ron s'écria :
– Est-ce que je pourrais avoir un autographe ?
Hermione détourna la tête en souriant. Krum, surpris mais flatté, signa à Ron un morceau de
parchemin tandis que les diligences sans chevaux cahotaient dans l'allée en direction du château.
Au cours du voyage de retour à la gare de King's Cross, le temps n'aurait pas pu être plus différent qu'à l'aller, lorsqu'ils étaient partis pour Poudlard au mois de septembre précédent.
On ne voyait pas le moindre nuage dans le ciel. Harry, Ron et Hermione avaient réussi à trouver un compartiment libre pour eux tout seuls. Cette fois encore, Ron avait enveloppé la cage de Coquecigrue dans sa tenue de soirée pour empêcher le hibou de hululer
continuellement. Hedwige somnolait et Pattenrond était pelotonné sur la banquette, comme un gros coussin de fourrure orange. Pendant que le train filait vers le sud, les trois amis se mirent à parler plus longuement et plus librement qu'ils ne l'avaient fait au cours de la semaine écoulée. Harry sentait que le discours de Dumbledore pendant le banquet de fin d'année
l'avait, d'une certaine manière, libéré. Il lui était moins difficile à présent de parler de ce qui s'était passé. Seule l'arrivée du chariot à friandises interrompit leur conversation sur les mesures que Dumbledore pourrait prendre pour essayer d'arrêter Voldemort.
Lorsque Hermione revint du couloir en rangeant son argent, elle tira de son sac un exemplaire
de La Gazette du sorcier.
Harry y jeta un coup d'œil en se demandant s'il avait vraiment envie d'en connaître le contenu.
Mais Hermione le rassura :
– Il n'y a rien là-dedans. Rien du tout, tu peux regarder toi-même. Je l'ai lu tous les jours et je n'ai trouvé qu'un tout petit article le lendemain de la troisième tâche pour annoncer que c'était toi qui avais remporté le tournoi. Ils n'ont même pas cité Cedric. Pas la moindre information
sur ce qui s'est passé. A mon avis, Fudge les oblige à garder le silence.
– Il n'arrivera jamais à faire taire Rita, fît remarquer Harry. Encore moins sur une histoire comme ça.
– Oh, Rita n'a plus rien écrit depuis la troisième tâche, dit Hermione d'un ton étrangement retenu. D'ailleurs, ajouta-t-elle d'une voix qui, à présent, tremblait légèrement, Rita Skeeter
n'écrira plus rien du tout pendant un bon moment. Si elle ne veut pas que je raconte tout sur elle.
– De quoi tu parles ? s'étonna Ron.
– J'ai découvert comment elle s'y prenait pour écouter les conversations privées alors qu'elle
n'avait pas le droit de remettre les pieds à l'école, répondit Hermione.
Harry avait l'impression que, depuis des jours, Hermione avait hâte de leur raconter ce qu'elle savait mais qu'elle s'en était abstenue en raison des événements.
– Alors, comment elle faisait ? demanda Ron en la regardant avec curiosité.
– C'est toi, Harry, qui m'as donné l'idée, répondit Hermione.
– Moi ? s'exclama Harry. Comment ?
– Tu te souviens quand tu as parlé de micros pas plus gros qu'un insecte ? Et quand tu t'es demandé comment elle s'y prenait pour cafarder dans son journal ? dit Hermione d'un ton
joyeux.
– Mais tu m'as dit que les micros ne marchaient pas à...
– Ce ne sont pas les micros qui sont importants, ce sont les insectes. Figurez-vous que Rita Skeeter — la voix d'Hermione avait un accent triomphal — est un Animagus non déclaré. Elle est capable de se transformer...
Hermione retira de son sac un petit bocal fermé par un couvercle.
– ... en scarabée.
– Tu plaisantes ! dit Ron. Ce n'est quand même pas...
– Mais si, c'est bien elle, répondit Hermione d'un ton allègre en brandissant le bocal.
Un gros scarabée y était enfermé au milieu de feuilles et de brindilles.
– Tu ne vas pas me faire croire... murmura Ron en examinant le bocal.
– C'est la vérité, répondit Hermione, le visage rayonnant. Je l'ai attrapée sur le rebord de la fenêtre de l'infirmerie. Regarde bien et tu verras que les marques autour de ses antennes sont exactement semblables à ses horribles lunettes.
Harry examina à son tour le scarabée et put vérifier qu'elle avait raison, Il se rappela
également quelque chose.
– Il y avait un scarabée sur la statue, le soir où Hagrid a parlé de sa mère à Madame Maxime !
– Exactement, dit Hermione, et Krum a trouvé un scarabée dans mes cheveux lorsque nous avons eu notre conversation au bord du lac. Et, à moins que je ne me trompe, Rita devait se trouver sur le rebord de la fenêtre le jour où ta cicatrice t'a fait mal pendant le cours de divination. C'est comme ça qu'elle arrivait à récolter toutes ses informations.
– Et quand on a vu Malefoy sous l'arbre... dit lentement Ron.
– Elle était dans sa main et il lui parlait, dit Hermione. Il était au courant, bien sûr. C'est de
cette façon qu'elle a recueilli ces charmantes petites interviews des Serpentard. Ils s'en fichaient qu'elle fasse quelque chose d'illégal du moment qu'ils pouvaient lui raconter des horreurs sur Hagrid et sur nous.
Hermione reprit son bocal et sourit au scarabée qui s'agitait d'un air furieux contre le verre.
– Je lui ai dit que je la laisserais sortir quand nous serions arrivés à Londres, expliqua Hermione. J'ai utilisé un sortilège pour rendre le verre incassable et donc elle ne peut plus se métamorphoser. Je l'ai prévenue qu'elle devrait arrêter d'écrire pendant un an. On va voir si
elle arrivera à perdre l'habitude de raconter d'horribles mensonges sur les gens.
Avec un sourire serein, Hermione remit le bocal dans son sac.
A ce moment, la porte du compartiment s'ouvrit.
– Très intelligent, Granger, dit Drago Malefoy. Crabbe et Goyle se tenaient derrière lui. Tous trois avaient l'air plus arrogants, plus suffisants,
plus menaçants que jamais. Malefoy fit un pas dans le compartiment et les regarda avec un sourire narquois.
– Alors, dit-il de sa voix traînante, tu as réussi à attraper une minable petite journaliste et Potter est de nouveau le chouchou de Dumbledore ? Pas de quoi en faire toute une histoire.
Son sourire s'élargit. Crabbe et Goyle lançaient des regards goguenards.
– On essaye de ne pas trop y penser ? dit Malefoy à voix basse. On fait comme si rien ne s'était passé ?
– Sors d'ici, dit Harry.
Il n'avait pas approché Malefoy depuis qu'il l'avait vu murmurer quelque chose à Crabbe et à
Goyle pendant le discours de Dumbledore sur Cedric. Il eut l'impression que ses oreilles
bourdonnaient et sa main se serra sur sa baguette magique, dans la poche de sa robe.
– Tu as choisi le camp des perdants, Potter ! Je t'avais prévenu ! Je t'avais dit que tu devrais faire attention aux gens que tu fréquentes, tu te souviens ? Dans le train, la première fois qu'on est allés à Poudlard ? Je t'avais dit de ne pas traîner avec ce genre de racaille !
Il désigna Ron et Hermione d'un signe de tête.
– Et maintenant que ce monstre de Black n'est plus là, tu n'as plus personne pour te protéger. Trop tard, Potter ! Ils seront les premiers à partir, maintenant que le Seigneur des Ténèbres est de retour ! Les Sang-de-Bourbe et les amoureux des Moldus en premier ! Enfin, en
deuxième, c'est Diggory qui a été le prem...
On aurait dit que quelqu'un avait fait exploser une boîte de feux d'artifice dans le compartiment. Aveuglé par les éclairs des sortilèges qui avaient fusé de partout, assourdi par une série de détonations, Harry cligna des yeux et regarda par terre.
Malefoy, Crabbe et Goyle étaient étendus, inconscients, à la porte du compartiment. Harry, Ron et Hermione s'étaient levés. Chacun d'eux avait jeté un sort différent. Mais ils n'étaient pas les seuls à avoir réagi.
– On s'est dit qu'on ferait bien de venir voir ce que mijotaient ces trois-là, lança Fred d'un ton
dégagé.
Sa baguette magique à la main, il entra dans le compartiment en marchant sur Goyle. George,
lui aussi, avait sorti sa baguette. Il suivit Fred et prit bien soin de piétiner Malefoy au passage.
– Intéressant, comme résultat, dit George en regardant Crabbe. Qui est-ce qui a lancé le sortilège de Furonculose ?
– Moi, dit Harry.
– Étrange, dit George d'un ton léger, moi, j'ai utilisé un maléfice de Jambencoton.
Apparemment, il vaut mieux ne pas les mélanger. On dirait qu'il lui est poussé des petits tentacules sur tout le visage. Il vaudrait mieux ne pas les laisser ici, ils n'arrangent pas le
décor.
Ron, Harry et George firent rouler à coups de pied les corps inertes de Malefoy, Crabbe et Goyle dans le couloir — le mélange des sortilèges qu'ils avaient reçus leur donnait un aspect particulièrement repoussant — puis revinrent dans le compartiment et refermèrent la porte derrière eux.
– Quelqu'un veut jouer à la bataille explosive ? demanda Fred en sortant un jeu de cartes.
Ils en étaient à leur cinquième partie lorsque Harry se décida enfin à leur poser la question :
– Vous allez nous dire, maintenant, à qui vous vouliez faire du chantage ? demanda-t-il.
– Oh, ça..., répondit George d'un air sombre.
– Aucune importance, dit Fred en hochant la tête avec impatience. Ce n'est pas très grave.
Plus maintenant, en tout cas.
– On a laissé tomber, dit George avec un haussement d'épaules.
Mais Harry, Ron et Hermione insistèrent et Fred finit par répondre :
– D'accord, d'accord, si vous voulez vraiment savoir... c'était Ludo Verpey.
– Verpey ? s'exclama Harry. Tu veux dire qu'il était impliqué dans...
– Non, répondit George, d'un air sinistre. Ça n'a rien à voir. C'est un imbécile. Il n'est pas assez intelligent pour ça.
– Alors, c'est quoi ? demanda Ron. Fred hésita.
– Tu te souviens de ce pari qu'on avait fait à la Coupe du Monde de Quidditch ? répondit-il enfin. Que l'Irlande gagnerait mais que ce serait Krum qui aurait le Vif d'or ?
– Oui, dirent Harry et Ron d'une même voix.
– Cet idiot nous a payés en or de farfadet ; il l'avait attrapé quand les mascottes d'Irlande en ont jeté sur les spectateurs.
– Et alors ?
– Et alors, dit Fred avec impatience, l'or a disparu, bien sûr. Le lendemain matin, il n'y en avait plus !
– C'était sûrement une erreur, non ? dit Hermione.
George eut un rire amer.
– Oui, au début, c'est ce qu'on a pensé. On a cru que, si on lui écrivait pour lui dire qu'il s'était trompé, il nous payerait. Mais rien à faire. Il n'a pas répondu à notre lettre. On a essayé de lui en parler chaque fois qu'on l'a vu à Poudlard mais il trouvait toujours une excuse pour nous fuir.
– Il a fini par devenir très désagréable, dit Fred, il a prétendu que nous étions trop jeunes pour
parier et il ne voulait rien nous donner du tout.
– Alors, on lui a demandé de nous rembourser au moins notre mise, dit George, le regard furieux.
– Il n'a quand même pas refusé ? s'exclama Hermione.
– Si, justement, dit Fred.
– Mais c'étaient toutes vos économies ! dit Ron.
– Ne m'en parle pas, se désola George. A la fin, on a compris ce qui se passait.
Le père de Lee Jordan a eu du mal à obtenir de l'argent de Verpey, lui aussi. Il paraît qu'il a de gros ennuis
avec les gobelins. Il leur a emprunté des quantités d'or. Alors, ils l'ont coincé dans le bois, après la Coupe du Monde, et ils lui ont pris tout ce qu'il avait sur lui, mais ce n'était pas
suffisant pour couvrir ses dettes. Après, ils l'ont suivi jusqu'à Poudlard pour le tenir à l'œil. Il a tout perdu au jeu. Il n'a même pas deux Gallions en poche. Et vous savez comment cet idiot a essayé de rembourser les gobelins ?
– Comment ? demanda Harry.
– Il a parié sur toi, dit Fred. Il a parié très gros avec les gobelins que ce serait toi qui gagnerais le tournoi.
– C'est pour ça qu'il essayait tout le temps de m'aider ! s'exclama Harry. Eh bien, j'ai gagné, non ? Comme ça, il va pouvoir vous rembourser votre or !
– Non, dit George en hochant la tête. Les gobelins ont été aussi retors que lui. Ils ont dit que tu étais ex aequo avec Diggory alors que Verpey avait parié que tu gagnerais tout seul. Verpey a été obligé de prendre la fuite. Il a disparu juste après la troisième tâche.
George poussa un profond soupir et redistribua les cartes.
Le reste du voyage se passa agréablement. Harry aurait bien voulu qu'il se poursuive tout l'été
et que le train ne parvienne jamais à King's Cross... Mais, comme il en avait fait la douloureuse expérience au cours de l'année, le temps ne ralentit jamais lorsque quelque chose
de déplaisant s'annonce et le train arriva beaucoup trop vite à son goût sur la voie 9 3/4. La cohue habituelle régna dans les couloirs lorsque les élèves commencèrent à descendre des wagons. Ron et Hermione, chargés de leurs bagages, eurent du mal à passer par-dessus Malefoy, Crabbe et Goyle, toujours étendus sur le sol à l'extérieur du compartiment.
Harry, lui, ne bougea pas.
– Fred... George..., dit-il. Attendez un peu.
Les jumeaux se tournèrent vers lui. Harry ouvrit sa grosse valise et en sortit le sac d'or qui récompensait sa victoire au Tournoi des Trois Sorciers.
– Prenez-le, dit-il en fourrant le sac dans les mains de George.
– Quoi ? s'exclama Fred, abasourdi.
– Prenez-le, répéta Harry d'un ton décidé. Je n'en veux pas.
– Tu es cinglé, répliqua George en essayant de lui rendre le sac.
– Non, pas du tout, assura Harry. Vous le prenez et vous continuez vos inventions. C'est pour le magasin de farces et attrapes.
– Il est vraiment cinglé, dit Fred d'une voix presque effrayée.
– Ecoutez-moi, reprit Harry d'un ton ferme. Si vous ne le prenez pas, je le jette dans un égout.
Je n'en veux pas et je n'en ai pas besoin. En revanche, j'ai besoin de rire. On en a tous besoin. Et j'ai l'impression que, dans quelque temps, on en aura encore plus besoin que d'habitude.
– Harry, dit George d'une petite voix en soupesant le sac, il y en a pour mille Gallions, là-dedans.
– Ouais, répondit Harry avec un sourire. Pense au nombre de crèmes Canari que ça représente.
Les jumeaux le regardèrent avec des yeux ronds.
– Simplement, ne dites pas à votre mère où vous l'avez eu... Peut-être qu'elle insistera moins pour vous pousser à faire carrière au ministère, maintenant...
– Harry, dit Fred.
Mais Harry sortit sa baguette magique.
– Bon, ça suffit, dit-il sèchement, ou bien vous prenez ce sac ou bien je vous jette un sort. J'en connais des pas mal, maintenant. Je vous demande seulement une chose. Achetez à Ron une autre tenue de soirée et dites-lui que c'est vous qui lui en faites cadeau, d'accord ?
Il sortit du compartiment avant qu'ils aient eu le temps d'ajouter un mot, enjambant Malefoy, Crabbe et Goyle toujours inertes dans le couloir, le visage déformé par les séquelles des
sortilèges.
Lily et James attendaient sur le quai Mrs Weasley se tenait tout près de lui. Dès qu'elle le vit, elle se précipita sur Harry pour le serrer dans ses bras et lui murmura à l'oreille :
– Je pense que Dumbledore va t'autoriser à venir chez nous un peu plus tard cet été. Tiens-nous au courant, Harry.
– A bientôt, Harry, dit Ron en lui donnant une tape dans le dos.
– Au revoir, Harry ! dit Hermione.
Elle fit alors quelque chose qu'elle n'avait encore jamais fait : elle l'embrassa sur la joue.
– Harry... Merci, murmura George.
A côté de lui, Fred approuva avec des signes de tête frénétiques.
Harry leur adressa un clin d'œil puis se tourna vers Lily et James et les suivit en silence vers la sortie. Il était inutile de s'inquiéter pour l'instant, pensa-t-il, en suivant ses parents
Comme Hagrid l'avait dit, il arriverait ce qui arriverait et il faudrait alors se préparer à l'affronter.
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