CHAPITRE 48 La Pensine
– Alors, Dumbledore pense que Tu-Sais-Qui est en train de reprendre des forces ? murmura Ron.
Harry revenait du bureau de Dumbledore. Il avait fait à ses amis le récit de ce s'il avait vu dans la pensine de Dumbledore. Et de la conversation, qui en avait suivi.
Harry était seul dans le bureau de Dumbledore. Ce dernier avait raccompagner Fudge.
Tandis, qu'il patientait, il s'était aperçu que l'armoire était entrouverte. Une lueur argenté en émanait. Intrigué, il s'était approché et avait ouvert l'armoire. Elle
renfermait une sorte de bassine de pierre, peu profonde, dont les bords étaient gravés de signes étranges : des runes et des symboles que Harry était incapable de déchiffrer. La lueur
argentée provenait du contenu de la bassine qui ne ressemblait à rien de connu. Il aurait été incapable de dire si cette substance était liquide ou gazeuse. En tout cas, elle était brillante, d'une couleur argent qui tirait sur le blanc, et elle remuait sans cesse. Sa surface ondulait comme de l'eau ridée par le vent puis, tel un nuage, elle se séparait en plusieurs fragments qui tournoyaient lentement en changeant de forme. On aurait dit de la lumière à l'état liquide
ou du vent à l'état solide, Harry n'arrivait pas à se décider.
Il aurait voulu y toucher pour la sentir sous ses doigts mais près de quatre années d'expérience
en matière de magie lui avaient appris que mettre la main dans un récipient rempli d'une substance inconnue témoignait d'une totale stupidité. Après avoir jeté derrière lui un regard un peu inquiet, il avait sorti sa baguette magique et s'en était servi pour effleurer le contenu de la bassine.
Aussitôt, la surface argentée s'était mise à tourbillonner très vite.
Harry s'était penché davantage, la tête dans l'armoire. La substance était devenue transparente. On aurait dit du verre. Il avait regardé de plus près mais, au lieu de voir le fond de la bassine, il avait distingué sous la surface une vaste salle qu'il avait l'impression d'observer à travers une
fenêtre circulaire aménagée dans le plafond.
La salle était plongée dans la pénombre. Elle avait même l'air d'être située en sous-sol, à en juger par l'absence de fenêtres. La seule source de lumière provenait de torches fixées aux murs, comme celles qui éclairaient les couloirs de Poudlard. Le visage de Harry n'était plus
qu'à deux ou trois centimètres de la substance vitreuse et il apercevait à présent une foule de sorcières et de sorciers assis le long des murs, sur des bancs étagés en gradins. Au centre, il vit un fauteuil qui lui fit froid dans le dos : ses bras comportaient des chaînes, comme si on ne pouvait s'y asseoir sans être attaché.
Où se trouvait cet endroit ? Sûrement pas à Poudlard. Il n'avait jamais vu une telle salle dans le château. D'ailleurs, la foule qui s'y pressait était composée d'adultes et Harry était bien placé pour savoir qu'il n'y avait jamais eu un nombre aussi élevé de professeurs à Poudlard. Ils
semblaient tous attendre quelque chose. Harry n'apercevait que la pointe de leurs chapeaux
mais tout le monde avait la tête tournée dans la même direction et personne ne se parlait.
La bassine étant ronde et la salle rectangulaire, Harry n'arrivait pas à distinguer ce qui se passait dans les coins. Il pencha la tête un peu plus pour essayer de mieux voir...
Le bout de son nez entra alors en contact avec la mystérieuse substance.
Et tout à coup, ce fut comme si le bureau de Dumbledore basculait brutalement. Harry fut projeté en avant et tomba tête la première dans la bassine de pierre...
Mais il ne heurta pas le fond du récipient. Il fît une longue chute dans une obscurité glacée,
comme s'il avait été aspiré par un tourbillon noir...
Puis, soudain, il se retrouva assis sur un banc qui dominait les gradins, tout au bout de la salle qu'il avait observée au fond de la bassine. Il leva les yeux, s'attendant à voir la fenêtre
circulaire par laquelle il avait regardé, mais il n'y avait qu'un plafond de pierre sombre, sans la
moindre ouverture.
La respiration saccadée, Harry jeta de rapides coups d'œil autour de la salle. Les sorcières et sorciers qui s'y trouvaient rassemblés devaient être au moins deux cents, mais aucun d'entre eux ne lui accorda le moindre regard. Personne ne semblait avoir remarqué qu'un garçon de
quatorze ans venait de tomber du plafond et d'atterrir parmi eux. Harry se tourna vers le
sorcier assis à côté de lui et laissa échapper un cri de surprise qui résonna dans la salle
silencieuse.
C'était Albus Dumbledore.
– Professeur ! s'exclama Harry d'une voix étranglée. Je suis désolé... Je ne voulais pas... J'ai simplement jeté un coup d'œil à cette bassine qui se trouvait dans votre armoire... Je... Où sommes-nous ?
Mais Dumbledore ne fît pas un geste, ne prononça pas un mot. Il ne prêta aucune attention à Harry. Comme les autres, il avait le regard fixé sur le coin opposé de la salle où se trouvait une porte.
Déconcerté, Harry regarda Dumbledore puis observa un instant la foule silencieuse et attentive. Lorsqu'il posa à nouveau les yeux sur Dumbledore, il commença à comprendre...
Il lui était déjà arrivé, un jour, de se retrouver dans, un endroit où personne ne pouvait le voir
ni l'entendre. Cette fois-là, il était tombé dans les pages d'un carnet ensorcelé et avait atterri dans la mémoire de quelqu'un d'autre... S'il ne se trompait pas, c'était un phénomène semblable qui venait de se produire...
Harry leva une main, hésita, puis l'agita devant le visage de Dumbledore. Celui-ci ne cilla pas,
ne le regarda pas, ne fit pas le moindre mouvement. Harry en conclut qu'il avait vu juste.
Jamais Dumbledore ne l'aurait ainsi ignoré en temps normal. Il était donc tombé dans un souvenir et le Dumbledore qui était assis sur ce banc n'était pas celui d'aujourd'hui. Pourtant, il ne devait pas y avoir très longtemps que cette scène s'était déroulée... Le Dumbledore qu'il
voyait en cet instant avait déjà les cheveux argentés, comme celui qu'il connaissait. Mais quel était cet endroit ? Et qu'attendaient donc tous ces sorciers uHarry observa les lieux plus attentivement. La salle, comme il s'en était déjà douté quand il
l'avait regardée d'en haut, était sans nul doute souterraine — probablement un ancien cachot.
Il y régnait une atmosphère sinistre, menaçante. Il n'y avait aucun tableau aux murs, pas la plus modeste décoration, simplement ces bancs disposés en gradins pour qu'on puisse, de partout, voir le mieux possible le fauteuil aux bras dotés de chaînes.
Avant que Harry ait eu le temps de se faire la moindre idée sur la nature de cette salle, il entendit des bruits de pas. La porte située dans le coin opposé s'ouvrit alors et trois personnes entrèrent — ou en tout cas un homme, flanqué de deux Détraqueurs.
Harry sentit ses entrailles se glacer. Les Détraqueurs, d'immenses créatures au visage caché
par une cagoule, se glissèrent lentement vers le fauteuil, au centre de la salle, chacun tenant
l'homme par un bras dans ses mains mortes et décomposées. L'homme semblait sur le point de s'évanouir et Harry le comprenait... Il savait que les Détraqueurs ne pouvaient avoir aucun effet sur lui dans un souvenir, mais il ne se rappelait que trop bien leurs terribles pouvoirs dans la réalité. La foule tressaillit légèrement lorsque les Détraqueurs firent asseoir l'homme dans le fauteuil avant de sortir de la salle. La porte se referma alors sur eux.
Harry regarda l'homme et reconnut Karkaroff.
A la différence de Dumbledore, Karkaroff paraissait beaucoup plus jeune. Ses cheveux et son
bouc étaient noirs et il ne portait pas de fourrure mais une robe de sorcier en lambeaux. Il tremblait, tandis que les chaînes du fauteuil, étincelant soudain d'une lueur dorée, s'enroulaient d'elles-mêmes autour de ses bras et l'attachaient solidement.
– Igor Karkaroff, dit une voix sèche, à gauche de Harry.
Il tourna la tête et vit Mr Croupton, debout au milieu du banc, à côté de lui. Les cheveux foncés, le visage beaucoup moins ridé, Croupton avait l'air vif et en pleine santé.
– Igor Karkaroff, vous avez été transféré d'Azkaban jusqu'ici pour témoigner au bénéfice du
ministère de la Magie. Vous avez laissé entendre que vous déteniez des informations d'une grande importance pour nous.
Karkaroff, enchaîné au fauteuil, se redressa du mieux qu'il put.
– En effet, monsieur, répondit-il.
La peur faisait trembler sa voix, mais elle conservait le ton onctueux que Harry connaissait bien.
– Je souhaite être utile au ministère. Je souhaite apporter mon aide. Je... je sais que le ministère essaye de... d'appréhender les derniers partisans du Seigneur des Ténèbres et
j'espère ardemment pouvoir y contribuer par tous les moyens...
Il y eut un murmure dans la salle. Certains observaient Karkaroff avec intérêt, d'autres avec une méfiance affichée. De l'autre côté de Dumbledore, Harry entendit alors distinctement une voix familière qui grogna :
– Canaille...
Il se pencha et vit Maugrey Fol Œil, assis à côté d'Albus Dumbledore. Maugrey paraissait toutefois très différent. Il n'avait pas encore d'œil magique, mais deux yeux normaux qui fixaient Karkaroff avec un intense dégoût.
– Croupton va le laisser sortir, murmura Maugrey à Dumbledore. Il a conclu un marché avec lui. J'ai passé six mois à le retrouver, mais Croupton va le relâcher s'il lui donne suffisamment de noms. Il vaudrait mieux écouter ce qu'il a à dire et le livrer aux Détraqueurs.
Dumbledore fit la moue pour exprimer sa désapprobation.
– Ah, c'est vrai, j'oubliais... Vous n'aimez pas les Détraqueurs, n'est-ce pas, Albus ? dit Maugrey avec un sourire sardonique.
– Non, répondit Dumbledore d'un ton très calme. Je ne les aime pas, en effet. Je suis convaincu depuis longtemps que le ministère a eu tort de s'allier à de telles créatures.
– Mais pour ce genre de crapule... murmura Maugrey.
– Vous dites que vous avez des noms à nous donner, Karkaroff, reprit Mr Croupton. Nous vous écoutons.
– Il faut bien comprendre, répondit précipitamment Karkaroff, que Celui-Dont-On-Ne-Doit-
Pas-Prononcer-Le-Nom a toujours agi dans le plus grand secret... Il préférait que nous — je veux dire ses partisans et aujourd'hui, je regrette très profondément d'avoir compté parmi
eux...
– Ça suffit, pas de blabla, marmonna Maugrey d'un air méprisant.
– ... Il préférait que nous ne connaissions pas les noms de tous nos camarades. Lui seul savait qui ils étaient...
– Ce qui était très sage car, de cette manière, les gens comme vous, Karkaroff, ne pouvaient pas dénoncer les autres, grommela Maugrey.
– Vous dites cependant que vous avez certains noms à nous révéler, reprit Croupton.
– En... en effet, répondit Karkaroff, le souffle court. Et il s'agit de noms importants, je vous le garantis. Des gens que j'ai vus de mes propres yeux exécuter ses ordres. Je donne ces
informations pour bien montrer que j'ai totalement et définitivement renoncé à le servir et que mon remords est si grand que je...
– Quels sont ces noms ? l'interrompit sèchement Mr Croupton.
Karkaroff prit une profonde inspiration.
– Il y avait Antonin Dolohov, dit-il. Je... je l'ai vu s'acharner sur d'innombrables Moldus et sur
des... des opposants au Seigneur des Ténèbres.
– Et vous l'avez aidé dans sa besogne, murmura Maugrey.
– Nous avons déjà arrêté Dolohov, dit Croupton. Il a été capturé peu après vous.
– Vraiment ? s'étonna Karkaroff, les yeux écarquillés. Je... je suis enchanté de l'apprendre !
Mais il n'en avait pas l'air. Harry voyait que la nouvelle était un coup dur pour lui. L'un de ses noms n'avait plus aucune valeur.
– Qui d'autre ? interrogea Croupton d'une voix glaciale.
– Eh bien... il y avait Rosier, répondit aussitôt Karkaroff. Evan Rosier.
– Rosier est mort, déclara Croupton. Lui aussi a été arrêté peu après vous. Il a préféré résister au lieu de nous suivre docilement et il a été tué dans la bagarre.
– En emportant un souvenir de moi, murmura Maugrey. Harry se tourna vers lui et le vit montrer à Dumbledore son nez mutilé.
– Rosier ne... ne méritait pas mieux ! assura Karkaroff.
On sentait à présent la panique dans sa voix. Il commençait à se demander si ses dénonciations n'allaient pas se révéler totalement inutiles. Les yeux de Karkaroff se tournèrent
vers la porte derrière laquelle les Détraqueurs l'attendaient.
– D'autres noms ? demanda Croupton.
– Oui ! répondit Karkaroff. Il y avait Travers, qui a aidé à assassiner les McKinnon ! Mulciber, qui était spécialisé dans le sortilège de l'Imperium et a obligé des tas de gens à commettre des actes abominables ! Rookwood, qui était un espion et a communiqué à Celui- Dont-On-Ne-Doit-Pas-Prononcer-Le-Nom des informations de la plus grande importance recueillies au sein même du ministère !
Cette fois, Harry vit que Karkaroff avait visé juste. Un murmure parcourut la foule.
– Rookwood ? répéta Mr Croupton.
Il fit un signe de tête à une sorcière assise devant lui, qui se mit à écrire sur un morceau de parchemin.
– Vous voulez dire Augustus Rookwood, du Département des mystères ?
– Lui-même, s'empressa de confirmer Karkaroff. Je suis convaincu qu'il avait organisé un réseau de sorciers bien placés, à l'intérieur et à l'extérieur du ministère, pour rassembler des informations.
– Travers et Mulciber, nous les avions déjà, dit Mr Croupton. Très bien, Karkaroff, si c'est tout, vous allez être ramené à Azkaban pendant que nous prendrons une décision...
– Attendez ! s'écria Karkaroff, l'air désespéré. J'en ai d'autres !
A la lueur des torches, Harry vit qu'il transpirait, la pâleur de son teint contrastant avec sa barbe et ses cheveux noirs.
– Rogue ! s'exclama-t-il.. Severus Rogue !
– Rogue a été innocenté par le conseil, répliqua Croupton de sa voix glacée. Albus Dumbledore s'en est porté garant.
– Non ! hurla Karkaroff en tirant sur les chaînes qui le retenaient prisonnier. Je peux vous
assurer que Severus Rogue est un Mangemort !
Dumbledore s'était levé.
– J'ai déjà apporté des preuves concernant cette affaire, dit-il avec calme. Il est vrai que Severus Rogue était un Mangemort. Il a cependant rejoint notre camp avant la chute de Lord Voldemort et il s'est mis à notre service comme espion, en courant de grands risques personnels. Aujourd'hui, il n'est pas plus Mangemort que moi.
Harry se tourna vers Maugrey Fol Œil qui affichait un air de profond scepticisme.
– Très bien, Karkaroff, dit froidement Croupton. Vous nous avez été d'une certaine aide. Je vais examiner votre cas. En attendant, vous allez retourner à Azkaban...
La voix de Mr Croupton s'évanouit et Harry vit la salle se dissoudre comme si elle se transformait en fumée. Tout s'estompait autour de lui dans une pénombre tourbillonnante.
Seul son propre corps restait bien réel.
Puis le décor réapparut. Cette fois, Harry était assis à un autre endroit. Il se trouvait toujours sur le banc le plus élevé, mais à la gauche de Mr Croupton. L'atmosphère était très différente à présent, plus détendue, et même joyeuse. Les sorcières et les sorciers se parlaient volontiers,
comme s'ils s'apprêtaient à assister à un événement sportif. Une sorcière assise à mi-hauteur des gradins, en face de Harry, croisa son regard. Elle avait des cheveux blonds et courts,
portait une robe rose vif et suçait l'extrémité d'une plume d'un vert criard. Il s'agissait sans
aucun doute de Rita Skeeter avec quelques années de moins. Harry vit que Dumbledore, vêtu d'une robe différente, était à nouveau assis à côté de lui. Mr Croupton paraissait plus fatigué, plus maigre, plus féroce, d'une certaine manière...
Harry comprit qu'il s'agissait d'un autre souvenir, d'un autre jour... d'un autre procès.
La porte s'ouvrit dans le coin opposé et Ludo Verpey entra dans la salle.
Mais c'était un Ludo Verpey très différent. Il ne s'était pas encore empâté et avait le physique
d'un joueur de Quidditch au meilleur de sa forme. Il était grand, mince, musclé et son nez n'était pas encore cassé. L'air inquiet, il s'assit dans le fauteuil, mais les chaînes ne
s'enroulèrent pas autour de ses bras, comme elles l'avaient fait pour Karkaroff. Comme s'il y voyait un signe d'encouragement, Verpey jeta un regard à la foule, adressa un geste de la main à deux ou trois personnes qu'il connaissait et parvint à esquisser un sourire.
– Ludo Verpey, vous comparaissez devant le Conseil de la justice magique pour répondre à des accusations en rapport avec les activités criminelles des Mangemorts, annonça Mr Croupton. Nous avons entendu les témoignages vous concernant et nous nous apprêtons à
prononcer notre verdict. Avez-vous quelque chose à ajouter à vos déclarations avant que nous
rendions notre jugement ?
Harry n'en croyait pas ses oreilles. Ludo Verpey, un Mangemort ?
– Disons simplement que..., répondit Verpey avec un sourire gêné. Enfin bon, je sais que j'ai été un peu idiot...
Quelques personnes assises sur les gradins eurent un sourire indulgent. Mr Croupton, cependant, ne semblait pas partager leurs sentiments. Il regardait Ludo Verpey avec une
expression sévère et hostile.
– Tu ne saurais mieux dire, mon bonhomme, marmonna quelqu'un à l'oreille de Dumbledore.
Harry tourna la tête et vit à nouveau Maugrey.
– Si je ne savais pas qu'il n'a jamais été très malin, j'aurais pensé que les Cognards avaient fini par lui abîmer la cervelle...
– Ludovic Verpey, vous avez été surpris à communiquer des informations à des partisans de
Voldemort, reprit Mr Croupton. En conséquence, je propose que vous soyez condamné à une
peine d'emprisonnement d'au moins...
Il y eut alors une vague de protestation dans le public. Plusieurs personnes se levèrent en hochant la tête d'un air furieux et même en brandissant le poing vers Mr Croupton.
– Mais je vous ai déjà dit que je n'en savais rien ! s'écria Verpey au milieu du brouhaha, ses yeux bleus encore plus ronds qu'à l'ordinaire. Rien du tout ! Ce vieux Rookwood était un ami de mon père... Il ne m'est jamais venu à l'idée qu'il puisse être en rapport avec Vous-Savez-Qui ! Je pensais que je rassemblais des informations pour notre propre camp ! Et Rookwood
n'arrêtait pas de me dire que, plus tard, il m'obtiendrait un emploi au ministère... Quand j'aurais fini ma carrière de joueur de Quidditch, vous comprenez ? Je ne peux quand même pas continuer à me faire taper dessus par des Cognards jusqu'à la fin de mes jours, non ?
Il y eut quelques rires dans la salle.
– La question va être mise aux voix, répliqua Mr Croupton avec froideur.
Il se tourna vers la droite.
– Les jurés voudront bien lever la main... Ceux qui sont en faveur d'une peine d'emprisonnement...
Harry regarda les jurés. Personne ne leva la main. Il y eut de nombreux applaudissements.
Dans le jury, une sorcière se leva.
– Oui ? aboya Croupton.
– Nous voudrions simplement féliciter Mr Verpey pour sa remarquable performance au sein de l'équipe d'Angleterre dans son match de Quidditch contre la Turquie samedi dernier, dit la sorcière sans reprendre son souffle.
Mr Croupton avait l'air furieux. Des applaudissements enthousiastes résonnaient à présent dans toute la salle. Verpey se leva et salua, le visage rayonnant.
– Lamentable, lança Mr Croupton à Dumbledore en se rasseyant tandis que Verpey sortait de la salle. Rookwood, lui trouver un emploi, vous imaginez ? Si un jour Ludo Verpey venait travailler chez nous, ce serait une bien triste date pour le ministère...
Et le décor s'effaça à nouveau. Lorsqu'il réapparut, Harry et Dumbledore étaient toujours assis
à côté de Mr Croupton, mais l'atmosphère n'aurait pu être plus différente. Il régnait un silence
total, rompu seulement par les sanglots d'une petite sorcière gracile assise de l'autre côté de Mr Croupton. Les mains tremblantes, elle serrait un mouchoir contre sa bouche. En regardant Croupton, Harry vit qu'il avait l'air plus émacié, plus grisâtre que jamais. Un nerf se contractait par moments sur sa tempe.
– Qu'on les fasse entrer, dit-il d'une voix qui se répercuta en écho dans la salle silencieuse.
La porte s'ouvrit dans le coin opposé. Cette fois, six Détraqueurs entrèrent, encadrant quatre accusés. Harry vit alors tous les visages se tourner vers Mr Croupton. Quelques personnes se parlaient à l'oreille.
Quatre sièges pourvus de chaînes occupaient à présent le centre de la salle et les Détraqueurs y firent asseoir chacun des accusés. Un homme solidement bâti leva vers Croupton un regard vide ; un autre plus mince et plus nerveux observait la foule de ses petits yeux mobiles ; une femme aux cheveux bruns, épais et brillants, les paupières lourdes, était assise dans son fauteuil comme si c'était un trône ; enfin, le quatrième accusé, un garçon qui devait être âgé d'un peu moins de vingt ans, semblait pétrifié. Il tremblait de tous ses membres, ses cheveux couleur paille tombant sur son visage, sa peau d'un blanc laiteux constellée de taches de
rousseur. A côté de Mr Croupton, la petite sorcière gracile se mit à se balancer d'avant en arrière en gémissant dans son mouchoir.
Croupton se leva et regarda les quatre accusés avec une expression de haine absolue.
– Vous comparaissez devant le Conseil de la justice magique, déclara-t-il d'une voix forte,
afin que nous puissions vous juger pour avoir commis un crime si atroce...
– Père, dit le garçon aux cheveux de paille. Père, je t'en supplie...
– Un crime si atroce que nous avons rarement eu l'occasion d'en juger de semblables devant cette cour, poursuivit Croupton en parlant plus fort pour couvrir la voix de son fils. Nous avons entendu les témoignages retenus contre vous. Vous êtes accusés tous les quatre d'avoir capturé un Auror — Frank Londubat — et de l'avoir soumis au sortilège Doloris en pensant qu'il connaissait l'endroit où s'était réfugié votre maître exilé Celui-Dont-On-Ne-Doit-Pas-
Prononcer-Le-Nom...
– Père, je n'ai rien fait ! s'écria le garçon d'une voix perçante. Je n'ai rien fait, je le jure ! Père,
ne me renvoie pas chez les Détraqueurs...
– En outre, vous êtes accusés, s'écria Mr Croupton, d'avoir fait subir le sortilège Doloris à
l'épouse de Frank Londubat lorsque vous avez compris qu'il ne vous révélerait pas
l'information que vous recherchiez. Vous aviez l'intention de ramener Celui-Dont-On-Ne-Doit-Pas-Prononcer-Le-Nom au pouvoir et de reprendre une existence consacrée à la
violence, semblable à celle que vous aviez sans doute menée lorsqu'il était au sommet de sa puissance. Je demande au jury...
– Mère ! s'exclama le garçon.
La petite sorcière gracile assise à côté de Croupton éclata alors en sanglots en se balançant d'avant en arrière.
– Mère, empêche-le ! Mère ! Je n'ai rien fait ! Ce n'était pas moi !
– Je demande aux jurés, reprit Mr Croupton d'une voix tonitruante, de lever la main s'ils estiment, comme moi, que ces crimes méritent la détention à vie dans la prison d'Azkaban.
Tous les jurés levèrent la main en même temps. La foule se mit alors à applaudir, comme elle l'avait fait pour Verpey mais, cette fois, il y avait sur les visages une expression de triomphe empreint de sauvagerie.
Le garçon se mit à hurler :
– Non ! Mère, non ! Je n'ai rien fait, je n'ai rien fait ! Je ne savais pas ! Ne m'envoie pas en prison ! Empêche-le !
Les Détraqueurs étaient à nouveau entrés dans la salle. Les trois autres accusés se levèrent. La femme aux paupières lourdes regarda Croupton et lança :
– Le Seigneur des Ténèbres reviendra, Croupton ! Envoie-nous à Azkaban, nous attendrons !
Il se dressera à nouveau, il viendra nous chercher et nous récompensera plus que tous ses autres partisans ! Nous seuls lui avons été fidèles ! Nous seuls avons tenté de le retrouver !
Le garçon essayait de résister aux Détraqueurs, mais Harry voyait bien que leur pouvoir de vider leurs victimes de toute énergie commençait à agir. La foule conspuait les accusés. Certains s'étaient levés pour mieux voir la femme se faire emmener et le garçon lutter en vain.
– Je suis ton fils ! criait celui-ci à Croupton. Je suis ton fils !
– Non, tu n'es pas mon fils ! s'exclama Croupton, les yeux soudain exorbités. Je n'ai pas de fils !
La petite sorcière, à côté de lui, eut un haut-le-corps et s'effondra sur le banc. Elle s'était évanouie mais Croupton ne semblait pas l'avoir remarqué.
– Emmenez-les ! ordonna-t-il aux Détraqueurs, en postillonnant abondamment. Emmenez-les
et qu'ils pourrissent dans leur geôle !
– Père ! Père ! Je n'y suis pour rien ! Non ! Non ! Père, je t'en supplie !
– Je crois qu'il est temps de revenir dans mon bureau, dit une voix douce à l'oreille de Harry.
Celui-ci sursauta. Il se tourna à droite, puis à gauche. A sa droite, il y avait un Albus Dumbledore qui regardait le fils Croupton se faire trainer hors de la salle par les Détraqueurs tandis que, à sa gauche, un autre Albus Dumbledore s'adressait
à lui.
– Viens, dit le Dumbledore de gauche en le prenant par le bras.
Il se sentit alors projeté dans les airs. Le décor du tribunal s'estompa. Harry se retrouva dans le noir puis il eut l'impression de faire un saut périlleux au ralenti et retomba soudain sur ses pieds dans la lumière aveuglante qui éclairait le bureau de Dumbledore. La bassine de pierre scintillait dans l'armoire, devant ses yeux, et Albus Dumbledore se tenait debout à côté de lui.
– Professeur, dit Harry d'une voix haletante. Je sais que je n'aurais pas dû... Je ne voulais pas...
La porte de l'armoire était entrouverte et...
– Je comprends très bien, répondit Dumbledore.
Il souleva la bassine, la posa sur son bureau et s'installa dans son fauteuil en faisant signe à Harry de s'asseoir en face de lui.
Harry prit place sur la chaise, le regard fixé sur la bassine. Son contenu avait repris sa couleur
argentée et continuait de tournoyer lentement sous ses yeux.
– Qu'est-ce que c'est ? demanda Harry d'une voix tremblante.
– Ça ? C'est ce qu'on appelle une Pensine, répondit Dumbledore. Parfois, et je suis sûr que tu as déjà éprouvé la même impression, il me semble qu'il y a trop de pensées et de souvenirs qui se bousculent dans ma tête.
– Heu..., dit Harry qui ne pouvait prétendre avoir jamais ressenti quelque chose de semblable.
– Chaque fois que j'ai ce sentiment, reprit Dumbledore en montrant la bassine de pierre, j'ai recours à la Pensine. Il suffit d'extraire les pensées inutiles de son esprit et de les déverser dans cette bassine pour pouvoir les examiner plus tard tout à loisir. Il devient alors plus facile
de distinguer les structures et les liens qui les unissent lorsqu'elles se trouvent sous cette forme.
– Vous voulez dire que... ce qu'il y a là-dedans, ce sont vos pensées ? dit Harry en contemplant la substance qui tournoyait dans la bassine.
– Bien sûr, répondit Dumbledore. Regarde, je vais te montrer.
Dumbledore sortit sa baguette magique d'une poche de sa robe et en posa l'extrémité sur ses cheveux argentés, près de sa tempe. Lorsqu'il écarta la baguette, on aurait dit que des cheveux s'y étaient collés, mais Harry vit qu'il s'agissait en fait de filaments argentés semblables à la
substance que contenait la Pensine. Dumbledore y ajouta la pensée qu'il venait d'ôter de sa tête et Harry vit avec stupéfaction son propre visage flotter à la surface.
Puis Dumbledore prit la Pensine et se mit à l'agiter, tel un chercheur d'or en quête de paillettes... Harry vit alors son visage se transformer en celui de Rogue qui ouvrit la bouche et parla au plafond, sa voix résonnant légèrement, comme en écho : « Elle revient..., disait-il...
Celle de Karkaroff aussi... plus nette que jamais... »
– Une relation que j'aurais pu établir moi-même, soupira Dumbledore, mais ça ne fait rien.
Il regarda Harry par-dessus ses lunettes en demi-lune. Harry, bouche bée, gardait les yeux fixés sur le visage de Rogue qui continuait de tournoyer dans la bassine.
– J'étais en train de consulter la Pensine lorsque Mr Fudge est arrivé pour notre réunion et j'ai été obligé de la ranger en toute hâte. De toute évidence, je n'ai pas refermé l'armoire convenablement et il n'est pas étonnant que ton attention ait été attirée...
– Je suis désolé, marmonna Harry.
Dumbledore hocha la tête.
– La curiosité n'est pas répréhensible, dit-il, mais nous devrions toujours l'exercer avec prudence...
Les sourcils légèrement froncés, il remua les pensées de la bassine du bout de sa baguette magique. Aussitôt, une silhouette s'éleva devant eux : c'était une jeune fille d'environ seize
ans, plutôt replète, le visage renfrogné, qui commença à tourner lentement sur elle-même, les
pieds au fond de la Pensine. Elle ne prêta aucune attention à Harry ni à Dumbledore.
Lorsqu'elle parla, sa voix résonna en écho, comme celle de Rogue. On aurait dit qu'elle s'élevait des profondeurs de la bassine.
– Il m'a jeté un sort, professeur Dumbledore, pourtant, je n'avais fait que le taquiner. J'avais simplement dit que je l'avais vu embrasser Florence derrière la serre, jeudi dernier...
– Mais enfin, Bertha, dit Dumbledore d'un air attristé en regardant la jeune fille qui continuait de tourner lentement sur elle-même, pourquoi donc avez-vous cherché à le suivre ?
– Bertha ? murmura Harry. C'est... c'était... Bertha Jorkins ?
– Oui, dit Dumbledore.
Il plongea à nouveau l'extrémité de sa baguette dans la bassine et la silhouette de Bertha disparut en se fondant dans les pensées qui reprirent leur couleur argentée.
– C'est Bertha telle que je me souviens d'elle lorsqu'elle était à l'école.
La lueur argentée de la Pensine éclairait le visage de Dumbledore et Harry fut frappé de voir soudain à quel point il était vieux. Il savait, bien sûr, que Dumbledore prenait de l'âge mais jamais il ne l'avait considéré comme un vieil homme.
– Alors, Harry, reprit Dumbledore d'une voix douce, avant de te perdre dans mes pensées, tu voulais me dire quelque chose ?
– Oui, répondit Harry. Professeur, j'étais au cours de divination et... heu... je me suis endormi...
Il hésita en se demandant s'il allait s'attirer une réprimande, mais Dumbledore se contenta de
dire :
– C'est très compréhensible. Vas-y, continue.
– Alors, j'ai fait un rêve, poursuivit Harry. J'ai rêvé de Lord Voldemort. Il s'en prenait à Queudver... Vous savez qui est Queudver...
– Je sais, je sais, dit Dumbledore. Continue.
– Voldemort recevait une lettre apportée par un hibou et il disait que l'erreur de Queudver avait été réparée. Il annonçait que quelqu'un était mort. Puis il ajoutait que Queudver ne serait pas livré au serpent qui se trouvait à côté de son fauteuil. Il disait... Il disait que c'était moi qu'il allait donner à manger au serpent. Ensuite, il a jeté le sortilège Doloris à Queudver et ma cicatrice s'est mise à me faire mal. La douleur était si forte que je me suis réveillé.
Dumbledore le regarda en silence.
– Heu... c'est tout, dit Harry.
– Je vois... dit enfin Dumbledore de sa voix paisible. Est-ce qu'il y a eu un autre moment au cours de l'année où ta cicatrice t'a fait mal, à part le jour où elle t'a réveillé, cet été ?
– Non, je... Comment savez-vous qu'elle m'a réveillé cet été ? demanda Harry, stupéfait.
– Tu n'es pas le seul à échanger du courrier avec Regulus répondit Dumbledore. Moi aussi, je suis en contact avec lui depuis qu'il a quitté Poudlard, l'année dernière. C'est moi qui lui ai suggéré de se réfugier dans la caverne, au flanc de la montagne. C'est un endroit sûr.
Dumbledore se leva et commença à faire les cent pas derrière son bureau. Par moments, il effleurait sa tempe du bout de sa baguette magique, ôtait de sa tête une autre pensée argentée
et la déposait dans la Pensine. Les pensées tournoyaient si vite à présent que Harry n'arrivait plus à distinguer quoi que ce soit. Il ne voyait plus qu'un mélange flou et coloré au fond de la bassine de pierre.
– Professeur ? dit-il à voix basse au bout d'un long moment. Dumbledore cessa de faire les cent pas et se tourna vers lui.
– Excuse-moi, dit-il en se rasseyant derrière son bureau.
– Est-ce que... Est-ce que vous savez pourquoi ma cicatrice me fait mal ?
Dumbledore regarda longuement Harry.
– J'ai une hypothèse, rien de plus, dit-il enfin. Je crois que ta cicatrice devient douloureuse lorsque Lord Voldemort se trouve à proximité ou qu'il est pris d'un accès de haine particulièrement violente.
– Mais... pourquoi ?
– Parce que toi et lui, vous êtes liés par le sort qu'il t'a jeté et qui a raté. Il ne s'agit pas d'une cicatrice ordinaire.
– Alors, vous pensez que... ce rêve... Ça s'est vraiment passé ?
– C'est possible, répondit Dumbledore. Je dirais même probable. Harry... As-tu vu Voldemort dans ton rêve ?
– Non. Seulement le dos de son fauteuil. De toute façon, il n'y aurait rien eu à voir, n'est-ce pas ? Puisqu'il n'a pas de corps... Pourtant... il tenait sa baguette... comment faisait-il ? dit
lentement Harry.
– Oui... comment faisait-il ? murmura Dumbledore. Comment faisait-il ?
Harry et Dumbledore restèrent silencieux pendant un moment. Le regard lointain,
Dumbledore continuait de temps à autre d'effleurer sa tempe avec sa baguette magique, ajoutant une pensée argentée à la Pensine dont le contenu frémissait devant lui.
– Professeur, dit enfin Harry. Croyez-vous qu'il est en train de retrouver des forces ?
– Voldemort ?
Dumbledore le regarda par-dessus la Pensine, de ce regard perçant, caractéristique, que Harry
avait déjà connu en d'autres circonstances. Un regard qui lui donnait l'impression qu'il voyait
à travers lui d'une manière plus pénétrante encore que l'œil magique de Maugrey.
– Une fois de plus, Harry, je ne peux exprimer que des soupçons.
Il soupira à nouveau et parut plus vieux, plus las que jamais.
– L'époque qui a vu l'ascension de Voldemort au pouvoir, reprit Dumbledore, a été marquée
par des disparitions. Or, Bertha Jorkins s'est volatilisée sans laisser la moindre trace dans la région où on a de bonnes raisons de penser que Voldemort avait trouvé refuge. Mr Croupton aussi a disparu... dans l'enceinte même de Poudlard. Et il faut ajouter une troisième disparition à laquelle le ministère, j'ai le regret de le dire, n'a accordé aucune importance car elle concerne un Moldu. Il s'appelait Frank Bryce, il habitait le village où le père de Voldemort a grandi et on ne l'a plus revu depuis août dernier. Tu vois, à la différence de la plupart de mes
amis du ministère, je lis régulièrement la presse moldue. Dumbledore regarda Harry avec
gravité.
– Ces disparitions me semblent liées. Le ministère n'est pas d'accord — comme tu l'as peut-être entendu toi-même lorsque tu attendais devant la porte de mon bureau.
Harry approuva d'un signe de tête. Le silence s'installa à nouveau tandis que Dumbledore continuait d'ôter par instants des pensées de sa tête. Harry sentait qu'il aurait dû partir, mais la
curiosité le retint.
– Professeur ? répéta-t-il.
– Oui, Harry ?
– Heu... Est-ce que je pourrais vous demander ce qu'était-ce tribunal où je me suis retrouvé...
quand j'étais dans la Pensine ?
– Bien sûr que tu peux, répondit Dumbledore d'un ton grave. J'ai souvent assisté à ces procès
mais certains d'entre eux sont restés plus clairs que d'autres dans ma mémoire... surtout en ce moment...
– Vous savez... le procès pendant lequel vous êtes venu me retrouver... Celui du fils Croupton ? Est-ce qu'ils parlaient des parents de Neville ?
Dumbledore lança à Harry un regard perçant.
– Neville ne t'a jamais raconté pourquoi il a été élevé par sa grand-mère ? dit-il.
Harry fit non de la tête en se demandant pourquoi il ne lui avait jamais posé la question depuis
près de quatre ans qu'il le connaissait.
– Oui, ils parlaient des parents de Neville, poursuivit Dumbledore. Frank, son père, était un Auror, comme le professeur Maugrey. Ainsi que tu l'as entendu toi-même, les partisans de Voldemort les ont soumis, sa femme et lui, au sortilège Doloris pour essayer de leur faire
révéler où s'était réfugié Voldemort après sa chute. Ils voulaient le rejoindre.
– Alors, ils sont morts ? dit Harry à voix basse.
– Non, répondit Dumbledore avec une amertume que Harry n'avait encore jamais perçue dans sa voix. Ils sont devenus fous. Ils se trouvent tous les deux à l'hôpital Ste Mangouste où l'on soigne les maladies et blessures magiques. Je crois que Neville va les voir avec sa grand-mère
pendant les vacances. Mais ils ne le reconnaissent pas.
Harry resta figé sur sa chaise, frappé d'horreur. Il n'avait jamais su... En quatre ans, il n'avait jamais cherché à savoir...
– Les Londubat étaient très aimés, poursuivit Dumbledore. Ils ont été attaqués après la chute de Voldemort, alors que tout le monde pensait qu'ils ne risquaient plus rien. Une attaque qui a déclenché une vague de fureur telle que je n'en avais jamais connue jusqu'alors. Le ministère était soumis à une pression constante pour que les criminels soient retrouvés.
Malheureusement, après ce qu'ils avaient subi, les Londubat n'étaient pas en état de témoigner.
– Alors, il est possible que le fils de Mr Croupton n'ait pas été coupable ? dit lentement Harry.
Dumbledore hocha la tête.
– Je n'en ai aucune idée.
Harry resta à nouveau silencieux en regardant tournoyer le contenu de la Pensine. Il brûlait de poser deux autres questions... mais elles portaient sur la culpabilité de personnes encore vivantes... Il se décida pourtant à parler :
– Heu... Mr Verpey...
– ... n'a plus jamais été accusé de la moindre activité en matière de magie noire, dit Dumbledore d'une voix tranquille.
– Ah...
Harry baissa à nouveau les yeux sur le contenu de la Pensine dont le mouvement s'était ralenti, à présent que Dumbledore avait cessé d'y ajouter des pensées.
– Et heu...
Mais la Pensine sembla poser la question à sa place. Le visage de Rogue réapparut à la surface. Dumbledore y jeta un coup d'œil puis regarda à nouveau Harry.
– Le professeur Rogue non plus, dit-il.
Harry fixa les yeux bleus de Dumbledore et la question qu'il voulait poser jaillit de ses lèvres
avant qu'il ait pu la retenir :
– Qu'est-ce qui vous fait penser qu'il a véritablement cessé de soutenir Voldemort, professeur ?
Dumbledore regarda Harry quelques instants puis répondit :
– Ça, Harry, c'est une affaire entre le professeur Rogue et moi-même.
Harry sut alors que l'entrevue était terminée. Dumbledore ne paraissait pas fâché mais son ton déterminé lui indiqua clairement qu'il était temps de partir.
– Harry, ajouta-t-il, lorsque celui-ci eut atteint la porte. Je te demande de ne parler à personne des parents de Neville. Il a le droit de décider lui-même du moment où il voudra révéler la vérité.
– D'accord, professeur, répondit Harry en ouvrant la porte.
– Je voulais te dire aussi... Harry se retourna.
Dumbledore se tenait debout devant la Pensine qui projetait sur son visage ses reflets argentés. Jamais il n'avait semblé aussi vieux. Il regarda Harry un instant, puis ajouta :
– Bonne chance pour la troisième tâche
Ron contempla le feu qui brûlait dans la cheminée et Harry crut le voir frissonner légèrement, malgré la tiédeur de la température.
– Alors, il fait confiance à Rogue ? dit Ron. Même en sachant que c'était un Mangemort ?
– Oui, répondit Harry.
Il y avait une dizaine de minutes qu'Hermione n'avait pas ouvert la bouche. Elle était assise, le front dans les mains, le regard fixé sur ses genoux. Harry avait l'impression qu'elle aussi aurait eu besoin d'une Pensine.
– Rita Skeeter, murmura-t-elle enfin.
– Comment peux-tu te soucier d'elle en ce moment ? dit Ron, incrédule.
– Je ne m'en soucie pas, répondit Hermione en s'adressant à ses genoux. Je réfléchis... Tu te souviens de ce qu'elle m'a dit aux Trois Balais ? « Je pourrais te raconter sur Ludo Verpey des choses à faire dresser tes cheveux sur ta tête.. C'était de ça qu'elle voulait parler, non ?
Elle a assisté au procès, elle savait qu'il avait communiqué des informations aux Mangemorts.
Et Winky ? Tu te souviens ? « Mr Verpey est un mauvais sorcier. » Mr Croupton devait être furieux qu'il ait été acquitté et il en a sûrement parlé quand il est rentré chez lui.
– D'accord, mais Verpey n'a pas communiqué d'informations volontairement.
Hermione haussa les épaules.
– Et Fudge pense que c'est Madame Maxime qui a attaqué Croupton ? reprit Ron en se tournant vers Harry.
– Oui, mais il a dit ça simplement parce que Croupton n'était pas très loin du carrosse de Beauxbâtons quand il a disparu.
– On n'avait jamais pensé à elle, dit Ron avec lenteur. Il est certain qu'elle a du sang de géant dans les veines, mais elle ne veut pas l'admettre...
Bien sûr que non, lança Hermione d'un ton brusque en levant enfin les yeux. Regarde ce qui est arrivé à Hagrid quand Rita a découvert qui était sa mère. Regarde Fudge, qui la considère immédiatement comme suspecte sous prétexte qu'elle est à demi géante. Qui aurait envie de
prêter le flanc à de tels préjugés ? A sa place, moi aussi, je dirais que j'ai une forte ossature en sachant ce qui m'attendrait si j'avouais la vérité.
Hermione jeta un coup d'œil à sa montre.
– On n'a pas fait la moindre séance d'entraînement ! dit-elle avec effarement. On devait travailler le maléfice d'Entrave ! Il faut absolument s'y mettre demain ! Va te coucher, Harry, tu as besoin de sommeil.
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