CHAPITRE 41. LES PRISONNIERS
Un coup de sifflet strident retentit dans l'air frais du matin. Des applaudissements et des cris
explosèrent dans les tribunes. Sans regarder ce que faisaient les autres champions, Harry enleva ses chaussures et ses chaussettes, sortit la Branchiflore de sa poche, la fourra dans sa
bouche et entra dans l'eau.
- Il est tellement pâle ! Murmura Lily.
- Arrête de t'inquiéter, il va bien. Dit James..
- Mais le lac est glacé. Il va tomber malade.
- Lily ! Soupira James, en la prenant dans ses bras.
Le lac était si froid qu'Harry avait l'impression qu'on lui brûlait la peau des jambes. A mesure qu'il
s'enfonçait, sa robe mouillée pesait de plus en plus lourd. L'eau lui arrivait à présent au-dessus du genou et ses pieds engourdis glissaient sur des pierres plates, recouvertes de vase et de limon. Il mâchait la Branchiflore qui avait une consistance visqueuse, caoutchouteuse, comme
des tentacules de pieuvre. Enfoncé jusqu'à la taille dans l'eau glacée, il s'arrêta, avala et attendit que quelque chose se passe.
Il entendait la foule rire et savait qu'il devait avoir l'air parfaitement stupide à marcher ainsi dans l'eau sans manifester le moindre pouvoir magique. A moitié immergé, une brise cruellement glacée ébouriffant ses cheveux, il tremblait de la tête aux pieds.
- Il est pas cencé plonger ? Demanda Ethan.
- Bein si.
- Tu crois qu'il ne sait pas ce qu'il doit faire ?
- J'espère qu'il a trouvé, parce que sinon, Velia et moi allons devoir asperger tous ceux qui se moquent de lui, et ma mère va pas apprécier.
- Il y a un problème. Murmura Lily.
- Mais non, il.. Va bien. Il lui faut juste un peu de temps. Repondit James.
- Hum, j'ai pas l'impression qu'il sait ce qu'il doit faire. Renchérit Sirius.
Harry évita de regarder en direction des tribunes. Les rires étaient de plus en plus bruyants, les Serpentard le
sifflaient et se moquaient de lui...
Puis, brusquement, il eut l'impression qu'on lui plaquait un oreiller invisible sur la bouche et sur le nez. Il essaya de reprendre sa respiration, mais ses efforts lui donnèrent le tournis. Ses
poumons étaient vides et il éprouva soudain une douleur fulgurante de chaque côté du cou.
Il porta ses mains à sa gorge et sentit sous ses oreilles deux larges fentes dont les bords palpitaient dans la brise froide... Il avait à présent des branchies. Sans prendre le temps de
réfléchir, il se jeta dans le lac.
- Ah tout de même ! S'exclama Cassandra.
- C'est parti. Renchérit Ethan.
- Bon, Dit James, tu vois, il n'y avait pas, de quoi s'inquiéter.
Il se sentait soulager. Même s'il ne l'aurait jamais reconnu. Il avait eu peur quil échoue.
Sirius lui donna une tape amicale sur l'épaule, et James lui sourit.
La première gorgée d'eau glacée sembla à Harry, comme un souffle de vie. La tête cessa de lui tourner. Il avala à nouveau une longue gorgée d'eau qu'il sentit ressortir doucement par ses branchies en envoyant au passage de l'oxygène dans son cerveau. Lorsqu'il tendit les mains
devant lui, il s'aperçut qu'elles avaient pris une teinte verdâtre, fantomatique, et que ses doigts
étaient palmés. En tournant la tête, il vit que ses pieds s'étaient allongés et que ses orteils, eux aussi, étaient palmés. On aurait dit que des nageoires lui étaient poussées.
L'eau avait cessé d'être glacée... Elle semblait au contraire agréablement fraîche et légère...
Harry continua d'avancer, s'émerveillant de la vitesse à laquelle ses pieds en forme de nageoire le propulsaient dans l'eau. Il arrivait à voir clairement autour de lui sans avoir besoin de cligner des yeux. Bientôt, il eut nagé si loin qu'il ne distinguait plus le fond du lac. Il
bascula alors verticalement et s'enfonça dans les profondeurs.
Le silence devenait de plus en plus épais tandis qu'il découvrait un étrange et sombre paysage
nimbé de brume. A présent, sa visibilité était réduite et à mesure qu'il avançait, de nouveaux
contours se dessinaient dans les ténèbres : de véritables forêts de plantes aquatiques ondulaient lentement, de larges étendues de boue étaient jonchées de pierres qui miroitaient faiblement dans la pénombre. Il descendit de plus en plus loin vers le cœur du lac, scrutant ses profondeurs grises et inquiétantes, essayant de percer le mystère de ses ombres, là où l'eau devenait opaque.
De petits poissons frétillaient autour de lui, comme des fléchettes d'argent. Par deux fois, il crut voir quelque chose de plus grand bouger un peu plus loin mais, lorsqu'il s'en approcha, il ne découvrit qu'un gros morceau de bois noirci et un enchevêtrement particulièrement dense de plantes aquatiques. Il n'y avait pas trace d'autres champions, ni de sirène, ni de Ron, ni - fort heureusement - de calmar géant.
Des herbes d'un vert pâle, d'une cinquantaine de centimètres de hauteur, s'étendaient devant
lui, aussi loin que portait son regard, comme une prairie luxuriante. Les yeux grands ouverts,
Harry essayait de distinguer des formes dans l'obscurité... mais soudain, il sentit quelque
chose lui saisir la cheville.
Harry se retourna et vit un Strangulot, un démon des eaux doté de petites cornes, qui venait de surgir d'entre les herbes. Ses longs doigts étaient étroitement serrés autour de sa jambe, et il montrait ses dents pointues. Harry glissa sa main palmée dans sa poche, à la recherche de sa
baguette magique. Lorsqu'il eut enfin réussi à la saisir, deux autres Strangulots avaient jailli des herbes et s'étaient accrochés à sa robe, essayant de l'attirer vers le fond.
- Lashlabask ! s'écria Harry, mais aucun son ne sortit de sa bouche.
Seule une grosse bulle s'échappa d'entre ses lèvres et, au lieu de produire des étincelles, la
baguette magique projeta sur les Strangulots quelque chose qui devait être un jet d'eau bouillante, car des taches rouges apparurent sur leur peau verte, comme des marques de
fureur. Harry arracha sa cheville à l'étreinte de la créature et se mit à nager aussi vite qu'il le pouvait, envoyant régulièrement d'autres jets d'eau bouillante par-dessus son épaule, sans prendre la peine de viser.
De temps à autre, il sentait un Strangulot lui attraper à nouveau la
cheville et donnait de grands coups de pied pour s'en débarrasser. Finalement, il sentit son pied toucher une tête cornue ; il se retourna et vit un Strangulot étourdi dériver en zigzag, le regard brouillé, tandis que ses congénères menaçaient Harry du poing avant de disparaître à
nouveau parmi les herbes.
Harry ralentit un peu l'allure, remit sa baguette dans sa poche et regarda autour de lui, l'oreille aux aguets, en décrivant un cercle complet dans l'eau. Un silence pesant oppressait ses tympans engourdis. Il savait qu'il devait se trouver à une profondeur encore plus grande mais rien ne bougeait, à part les herbes aquatiques qui ondulaient lentement.
- Alors, ça marche ?
Harry crut qu'il allait avoir une crise cardiaque. Il pivota brusquement et vit la silhouette floue de Mimi Geignarde qui flottait devant lui en le regardant à travers ses épaisses lunettes, brillantes comme des perles.
- Mimi ! essaya de s'exclamer Harry - mais, cette fois encore, seule une très grosse bulle sortit de sa bouche.
Mimi Geignarde, en revanche, parvint à pouffer de rire.
- Tu devrais essayer là-bas ! dit-elle en pointant le doigt. Je préfère ne pas venir avec toi, je ne les aime pas beaucoup. Ils me courent toujours après quand je m'approche...
Harry leva le pouce pour la remercier et suivit la direction indiquée en prenant soin de nager plus haut au-dessus des herbes afin d'éviter les Strangulots qui s'y cachaient.
Il nagea ainsi pendant une vingtaine de minutes. Il voyait défiler de vastes étendues noires d'où s'échappaient des tourbillons de boue dans les remous qu'il provoquait. Enfin, il entendit un morceau de l'obsédante chanson des sirènes :
Pendant une heure entière, il te faudra chercher
Si tu veux retrouver ce qu'on t'a arraché.
Harry nagea plus vite et vit bientôt un grand rocher se dessiner dans l'eau boueuse. Des dessins de sirènes et de tritons y étaient gravés. Ils étaient armés de lances et poursuivaient ce
qui paraissait être le calmar géant. Harry passa devant le rocher en suivant le son de la chanson qu'il continuait d'entendre :
La moitié de ton temps s'est enfuie, hâte-toi
Sinon, ce que tu cherches en ces eaux pourrira...
Des bâtisses rudimentaires de pierre brute, aux murs parsemés d'algues, apparurent soudain de
tous côtés dans la pénombre. Par endroits, derrière les fenêtres sombres, Harry apercevait des
visages... des visages qui ne ressemblaient en rien au portrait de la sirène, dans la salle de bains des préfets... Ces êtres avaient la peau grise et de longs cheveux hirsutes d'une couleur vert sombre. Leurs yeux étaient jaunes, tout comme leurs dents cassées, et ils portaient autour
du cou de grosses cordes fabriquées avec des cailloux. Ils lancèrent à Harry des regards mauvais en le voyant passer et un ou deux d'entre eux sortirent de leurs repaires pour
l'observer de plus près, une lance à la main, leurs puissantes queues de poisson argentées battant l'eau avec force.
Harry nagea encore plus vite et, bientôt, les abris de pierre devinrent de plus en plus nombreux. Certains étaient entourés de jardins de plantes aquatiques et il vit même un
Strangulot apprivoisé, attaché à un piquet devant une porte. Les êtres de l'eau sortaient de tous les côtés, à présent. Ils le regardaient avec avidité, montraient ses mains palmées et ses branchies, échangeaient des remarques sur son passage, la main devant la bouche.
Harry accéléra l'allure et un très étrange spectacle s'offrit alors à ses yeux.
Une véritable foule était rassemblée devant les bâtisses qui délimitaient une sorte de place de village aquatique. Un chœur composé d'êtres de l'eau chantait au milieu de la place, invitant les champions à s'approcher.
Derrière le chœur, grossièrement taillée dans un bloc de rocher,
s'élevait une gigantesque statue qui représentait une de ces créatures. Quatre personnes étaient
solidement attachées à la queue de poisson de la statue.
Ron était ligoté entre Hermione et Cho Chang. Il y avait aussi une fillette qui ne devait pas avoir plus de huit ans. En voyant ses longs cheveux d'un blond argenté qui flottaient autour
d'elle comme un nuage, Harry eut la certitude qu'il s'agissait de la sœur de Fleur Delacour.
Tous les quatre semblaient plongés dans un sommeil profond. Leurs têtes ballottaient sur leurs épaules et de minces filets de bulles s'échappaient régulièrement d'entre leurs lèvres.
Harry se précipita vers les prisonniers. Il s'attendait à voir les êtres de l'eau foncer sur lui en
brandissant leurs lances, mais ils ne firent pas un geste. Les prisonniers étaient attachés avec de grosses cordes, solides et visqueuses, constituées d'herbes aquatiques entremêlées. Pendant une fraction de seconde, Harry pensa au couteau de poche que Sirius lui avait offert pour
Noël - et qui était soigneusement rangé dans sa valise, dans le dortoir de Gryffondor.
Il regarda autour de lui. Pour la plupart, les êtres de l'eau qui l'entouraient étaient armés de
lances. Il nagea rapidement vers une sorte de triton de plus de deux mètres de haut, portant une longue barbe verte et un étroit collier de dents de requin, et s'efforça de lui demander par gestes s'il voulait bien lui prêter sa lance. Mais le triton éclata de rire en hochant vigoureusement la tête.
- Non, nous n'aidons personne, dit-il d'une voix rauque et dure.
- Allez, VITE ! dit Harry d'un air féroce (mais seules des bulles lui sortaient de la bouche).
Il essaya de lui arracher la lance des mains, mais le triton dégagea son arme d'un coup sec, en continuant de rire et de hocher la tête.
Harry tourna sur lui-même, jetant des regards partout, à la recherche d'un objet tranchant, n'importe lequel...
Des pierres jonchaient le fond du lac. Il plongea, en ramassa une qui lui paraissait particulièrement acérée et retourna devant la statue. Il entreprit de trancher la corde qui attachait Ron et, après plusieurs minutes d'efforts acharnés, parvint enfin à la sectionner. Ron, inconscient, flotta dans l'eau à quelques centimètres au-dessus du fond, dérivant légèrement au gré des mouvements de l'eau.
Harry regarda dans toutes les directions, mais il n'y avait aucun signe des autres champions.
Que fabriquaient-ils ? Qu'attendaient-ils pour se précipiter au secours des prisonniers ? Il se
retourna vers Hermione, leva la pierre tranchante et s'attaqua également à ses liens.
Mais aussitôt, des mains solides à la peau grise se saisirent de lui et le tirèrent en arrière. Une
demi-douzaine d'êtres de l'eau l'éloignèrent ainsi d'Hermione, hochant leurs têtes aux cheveux
verts et riant aux éclats.
- Tu prends ton propre prisonnier, dit l'un d'eux, et tu laisses les autres...
- Certainement pas ! répliqua Harry avec fureur - mais seules deux grosses bulles sortirent
de sa bouche.
- Tu as pour mission de délivrer ton ami... Les autres, tu les laisses...
- Elle aussi, c'est mon amie ! s'écria Harry en faisant de grands gestes vers Hermione.
Une énorme bulle d'argent s'échappa d'entre ses lèvres.
- Et elle non plus, je ne veux pas qu'elle meure !
La tête de Cho reposait sur l'épaule d'Hermione. La petite fille aux cheveux d'argent était d'une pâleur fantomatique. Harry se débattit pour essayer de se dégager mais les êtres de l'eau resserrèrent leur étreinte en riant plus fort que jamais. Harry jetait des regards frénétiques autour de lui.
Mais où étaient donc les autres champions ? Aurait-il le temps de ramener Ron à la surface et de revenir délivrer Hermione et les autres ? Parviendrait-il à les retrouver ? Il regarda sa montre pour voir combien de temps il lui restait.
Elle s'était arrêtée.
Soudain, les êtres de l'eau pointèrent le doigt au-dessus de lui l'air surexcité. Harry leva les
yeux et vit Cedric qui nageait vers eux. Il avait autour de la tête une énorme bulle qui élargissait étrangement son visage en déformant ses traits.
- Me suis perdu !
Aucun son n'était sorti de sa bouche, mais Harry avait lu sur ses lèvres. Cedric avait l'air paniqué.
- Fleur et Krum arrivent !
Harry éprouva un immense soulagement. Il regarda Cedric sortir un couteau de sa poche, trancher la corde qui retenait Cho prisonnière, puis l'emmener et disparaître dans l'obscurité du lac.
Où étaient Fleur et Krum ? Il ne restait plus beaucoup de temps et, si l'on en croyait les paroles de la chanson, au bout d'une heure, les prisonniers seraient perdus...
Brusquement, les êtres de l'eau se mirent à pousser des cris perçants. Ceux qui tenaient Harry
relâchèrent leur étreinte en regardant par-dessus leur épaule. Harry se retourna et vit une créature monstrueuse foncer droit sur eux : elle avait un corps humain vêtu d'un maillot de bain et une tête de requin... C'était Krum. Apparemment, il avait essayé de se métamorphoser
mais n'avait pas très bien réussi.
L'homme-requin nagea droit sur Hermione et commença à ronger la corde qui l'attachait à la
statue. Mais les nouvelles dents de Krum n'étaient pas très pratiques pour mordre quelque chose de plus petit qu'un dauphin et Harry se demanda s'il n'allait pas finir par couper Hermione en eux. Se précipitant vers eux, il donna un grand coup sur l'épaule de Krum et lui tendit la pierre tranchante. Krum la saisit et entreprit de sectionner la corde. Il y parvint en quelques secondes, attrapa Hermione par la taille et, sans un regard en arrière, la remonta rapidement en direction de la surface.
Lorsque Cedric, puis Krum remontèrent, Lily se tourna vers James, au comble de L'angoisse.
- Qu'est ce qu'il fait ? Pourquoi il n'est pas, remonté ?
- Il va venir, Lily, cesse de t'inquiéter. Tu as entendu Dumbledore, toutes les, précautions ont été prises pour assurer leur sécurité.
- Tu parles ! Mallgrè tout le respect que j'ai pour Dumbledore, Harry n'a pas cessé d'être en danger depuis sa première année.
James, soupira et ne répondit pas. Lui aussi était inquiet.
Sirius braqua discrètement sa baguette sur sa fille. Aussitôt. Les deux jeunes, gens, tendrement enlacés, sentirent une force terrible, les éloigner l'un de l'autre.
Furieuse, Cassandra se retourna.
- "Papa !
- Désolé d'interrompre ton tête à tête, mais tu pourrais demander à Velia, de jeter un coup d'œil sur Harry ?
- D'accord.
Velia plongea dans les, eaux glacée et revint quelque minutes plus tard.
- Tout va bien. Dit elle à Sirius.
Et maintenant ? pensa Harry désespérément. S'il avait été sûr que Fleur arrivait... Mais il n'y avait toujours aucun signe d'elle. Il fallait faire quelque chose...
Il ramassa la pierre que Krum avait laissée tomber, mais les êtres de l'eau s'avancèrent vers lui
et entourèrent Ron et la fillette en hochant la tête.
Harry brandit sa baguette magique.
- Fichez le camp !
Cette fois encore, il ne sortit que des bulles de sa bouche, mais il eut la très nette impression
que les êtres de l'eau l'avaient compris car ils cessèrent soudain de rire. Leurs yeux jaunâtres
fixés sur la baguette de Harry, ils semblaient avoir peur. Ils étaient sans nul doute beaucoup plus nombreux que lui mais Harry devinait, d'après l'expression de leurs visages, qu'ils n'en savaient pas plus en matière de magie que le calmar géant.
- Je compte jusqu'à trois ! cria Harry.
Une longue traînée de bulles sortit de sa bouche, et il leur montra trois doigts pour être sûr de bien se faire comprendre.
- Un... (il baissa un doigt) - Deux... (il baissa un deuxième doigt).
Les êtres de l'eau s'éloignèrent aussitôt, libérant le passage. Harry se rua en avant et commença à entailler la corde qui attachait la petite fille à la statue. Quelques instants plus
tard, il l'avait délivrée. Il saisit la fillette par la taille, attrapa Ron par le col de sa robe et s'élança vers la surface en donnant un grand coup de pied au fond du lac pour prendre de
l'élan.
Sa progression fut très lente. Ses mains palmées, occupées à tenir Ron et la fillette, ne lui étaient plus d'aucun secours et il agitait frénétiquement les pieds pour essayer de remonter le plus vite possible. Mais le poids de Ron et de la sœur de Fleur l'attiraient vers le fond...
Il leva les yeux avec espoir. Hélas, l'obscurité qui régnait autour de lui ne pouvait laisser aucun doute : il était encore très loin de la surface...
Les êtres de l'eau l'accompagnaient dans sa remontée. Il les voyait tournoyer autour de lui avec aisance en le regardant se débattre... Allaient-ils le ramener au fond du lac lorsque le temps serait écoulé ?
Peut-être mangeaient-ils les humains ? Harry sentait ses jambes
s'engourdir. A force de tenir à bout de bras Ron et la fillette, ses épaules commençaient à lui faire terriblement mal...
Il avait les plus grandes difficultés à respirer et sentait à nouveau une douleur de chaque côté de son cou...
Le flux de l'eau qui coulait dans sa bouche lui semblait de plus en plus
perceptible... Mais l'obscurité se dissipait nettement... Il voyait même la lumière du jour au-dessus de lui...
Il agita ses nageoires et s'aperçut qu'elles étaient redevenues de simples pieds... L'eau, qui s'engouffrait dans sa bouche descendait à présent dans ses poumons... Il commençait à avoir
le tournis mais il savait que l'air et la lumière n'étaient plus qu'à trois mètres au-dessus de sa tête... Il fallait arriver jusque-là... Il le fallait...
Harry remua les jambes si vite et avec tant de force qu'il eut l'impression que ses muscles poussaient des cris de protestation. Son cerveau lui-même paraissait flotter dans l'eau, il n'arrivait plus à respirer, il avait besoin à tout prix d'oxygène, il fallait continuer, continuer,
surtout ne pas s'arrêter...
Tout à coup, il sentit sa tête émerger à la surface du lac. De l'air ! Un air frais, lumineux, délectable, qui lui picotait le visage. Il en inspira avidement une longue bouffée, comme si c'était la première fois de sa vie qu'il respirait vraiment puis, hors d'haleine, il hissa Ron et la fillette à la surface. Tout autour de lui, des têtes aux cheveux verts émergèrent à leur tour
mais, cette fois, les êtres de l'eau lui souriaient.
Un grand tumulte s'élevait des tribunes. Les spectateurs s'étaient levés, ils criaient, hurlaient,
comme s'ils avaient peur que Ron et la fillette soient morts. Ils avaient tort : tous deux venaient d'ouvrir les yeux. La petite fille, apeurée, avait l'air de se demander ce qu'elle faisait là, mais Ron, lui, cracha un long jet d'eau, cligna les yeux et dit à Harry :
- Un peu humide, par ici...
Puis, voyant la sœur de Fleur, il ajouta :
- Pourquoi tu l'as ramenée ?
- Fleur n'arrivait pas, expliqua Harry, la respiration haletante, je ne pouvais pas la laisser.
- Harry, quel idiot tu fais ! s'exclama Ron. Tu n'as quand même pas pris cette chanson au
sérieux ? Dumbledore ne nous aurai pas laissés mourir au fond de l'eau !
- Mais la chanson disait.
- C'était simplement pour vous obliger à revenir dans un délai de une heure ! J'espère que tu n'as pas perdu de temps là-dessous à jouer les héros !
Harry se sentit à la fois stupide et agacé. Pour Ron, c'était facile, il était endormi. Il n'avait pas eu à explorer les profondeurs terrifiantes du lac, entouré d'êtres de l'eau armés de lances et visiblement décidés à s'en servir.
- Tu ferais mieux de m'aider à la sortir de là, dit Harry en montrant d'un signe de tête la sœur de Fleur, elle n'a pas l'air de très bien savoir nager.
Ils ramenèrent la fillette vers la rive où les juges les attendaient. Une vingtaine d'êtres de l'eau les accompagnaient comme une garde d'honneur en chantant d'une voix criarde leurs horribles
chansons.
Harry vit Madame Pomfresh s'affairer autour d'Hermione, Krum, Cedric et Cho, tous quatre enveloppés dans d'épaisses couvertures. Dumbledore et Ludo Verpey, debout côte à côte,
souriaient à Harry et à Ron qui se rapprochaient de la rive, mais Percy, qui semblait très pâle et soudain plus juvénile qu'à l'ordinaire, se précipita à leur rencontre en pataugeant dans l'eau.
Pendant ce temps, Madame Maxime essayait de retenir Fleur Delacour, prise d'une véritable crise de nerfs, qui se débattait comme une diablesse pour retourner dans l'eau.
- Gabrielle ! Gabrielle ! Elle est vivante ? Elle est blessée ? Enfin, c'est insensé, lâchez-moi !
- Elle va très bien ! essaya de crier Harry, mais il était tellement épuisé qu'il parvenait à peine à parler, encore moins à crier.
Percy attrapa Ron par les épaules et le traîna jusqu'à la rive (« Fiche-moi la paix, Percy, ça va très bien ! »), Dumbledore et Verpey aidèrent Harry à se relever et Fleur, qui avait réussi à se dégager de Madame Maxime, se précipita sur sa sœur pour la serrer dans ses bras.
- C'est à cause des Strangulots... Ces bestioles sont insensées... Elles m'ont attaquée... Oh, Gabrielle, j'ai cru que... J'ai cru...
- Viens ici, toi, dit la voix de Madame Pomfresh.
Elle prit Harry par le bras et l'amena auprès d'Hermione et des autres. Elle l'enveloppa alors dans une couverture en serrant si fort qu'il eut l'impression de se retrouver dans une camisole
de force, puis elle l'obligea à avaler une potion incroyablement pimentée qui lui fit sortir de la vapeur par les oreilles.
- Harry, bravo ! s'écria Hermione. Tu y es arrivé ! Tu as trouvé le moyen tout seul !
- Oh... dit Harry.
Il aurait voulu lui raconter ce qu'avait fait Dobby mais il venait de s'apercevoir que Karkaroff
les observait. C'était le seul juge qui n'avait pas quitté la table. Le seul juge qui n'ait manifesté aucun signe de joie ou de soulagement en voyant que Harry, Ron et la sœur de Fleur étaient sortis du lac sains et saufs.
- Oui, c'est ça, j'ai fini par trouver, reprit Harry en élevant légèrement la voix pour que Karkaroff puisse l'entendre.
- Tu as un scarrrabée dans les cheveux, Herrr-mion-neû, dit Krum.
Harry eut l'impression qu'il voulait attirer l'attention d'Hermione sur lui seul. Peut-être pour lui rappeler qu'il venait de la sauver, mais Hermione se contenta de chasser le scarabée d'un
geste impatient et dit à Harry :
- L'ennui, c'est que tu as dépassé la limite de temps... Tu as eu tant de mal à nous trouver ?
- Non... Je vous ai trouvés assez facilement...
Harry se sentait de plus en plus stupide. A présent qu'il était sorti de l'eau, il semblait parfaitement évident que Dumbledore avait pris toutes les précautions nécessaires pour
s'assurer qu'aucun prisonnier ne risquait de se noyer, même si son champion ne parvenait pas à le délivrer. Pourquoi ne s'était-il pas contenté de ramener Ron ? Il aurait été le premier à revenir... Cedric et Krum, eux, n'avaient pas perdu de temps à se soucier des autres. Ils
n'avaient pas pris au sérieux la chanson des êtres de l'eau...
Dumbledore, accroupi sur le rivage, était en grande conversation avec ce qui paraissait être le chef des êtres de l'eau, une sirène à l'aspect particulièrement sauvage et féroce. Dumbledore émettait les mêmes cris perçants que les êtres de l'eau lorsqu'ils s'exprimaient à l'air libre. De toute évidence, il parlait les langues aquatiques. Enfin, il se releva, se tourna vers les autres
juges et dit :
- Je demande une réunion du jury avant de donner les notes.
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