Chapitre 1 - J'avais tout perdu.
Mikky Ekko - Feels like the end
C'était comme si l'univers s'était arrêté pendant un instant. Comme si la Terre avait cessé de tourner sur elle-même. Le temps était comme suspendu, sa course momentanément interrompue.
Je n'avais plus vraiment conscience de la moindre de chose qui pouvait se passer autour de moi, autour de nous. Le bruit de la télévision ne parvenait même plus à mes oreilles, et pourtant, ça aurait dû me gêner. Je détestais ces publicités incessantes qui vous disent quoi manger, quand, en quelle quantité. Mais non, il n'y avait plus qu'une sorte de bourdonnement sourd, et les battements de mon cœur qui s'affolaient. Je ne voyais même plus qu'elle, comme ça avait toujours été le cas depuis si longtemps.
Je ne voyais plus que son regard, qui ne quittait pas le mien, pas même pour une seconde. J'avais l'impression qu'elle sondait mon âme, mon esprit, pour y trouver des réponses. Son esprit devait être chamboulé de questions, dont une en particuliers ; « qu'est-ce qu'il se passe ? ». Le problème était que même moi, je n'avais pas de réponses à cette question. Je me la posais moi-même, tellement souvent. Que pouvait-il bien se passer dans mon esprit pour qu'il soit si dérangé ? Qu'avait-il bien pu se passer pour que je me mette à faire n'importe quoi ?
Alors, qu'est-ce qu'on fait dans ces cas-là ? Qu'est-ce qu'on peut bien pouvoir dire, et comment peut-on le dire ? Quand on sait déjà quelles seront les conséquences, comment ?
Mais elle devait l'entendre, ça devait venir de moi. Elle avait besoin de cette vérité, et, là maintenant c'était bien la seule chose que je sois incapable de lui donner. Parce que je savais déjà, je savais parfaitement qu'à la seconde où je prononcerais ces mots, qu'elle apprendrait cette insupportable vérité, c'en serait fini de nous deux, je l'aurais perdue.
Il n'y a guère de possibilité de retour en arrière lorsque l'amour se transforme en haine.
« Dis-moi, Charly. Dis-moi ce qu'il se passe. », J'entendais sa voix, tremblante d'appréhension.
Je ne pouvais pas l'affronter, cette vérité qui était que j'avais commis l'irréparable, l'inexcusable. Je me sentais déjà alourdi par sa perte. C'est bizarre, non ? Comme la perte d'un être cher peut vous alourdir, et non vous délester ? la culpabilité n'y était pas pour rien, j'en étais parfaitement conscient. Les regrets étaient déjà là, tout comme cette sensation de vide. J'étais vide de tout, sauf d'émotions.
« Arrête. S'il te plaît. », Je murmurais dans un souffle, court.
J'essayais de faire un pas vers elle, de m'en approcher, mais le langage de son corps ne mentait pas. Je voyais ses traits se tirer, ses muscles se crisper... ses poings se serrer. Elle fit un pas en arrière, m'avertissant du regard ; un pas de plus de ma part et elle s'enfuirait.
Son regard m'était de plus en plus difficile à supporter, à soutenir. Il y avait encore un instant, elle me regardait avec cette tendresse qui lui était propre, cette tendresse à laquelle je ne m'étais jamais habitué. Jamais personne ne m'avait regardé de la sorte, avec cette tendresse, et cette sorte d'admiration. Et je n'arrivais jamais à comprendre ce qu'elle pouvait me trouver, pour me porter ce regard. Parce qu'à mes yeux, jamais je n'avais mérité cette femme, cette douceur incarnée. Elle avait cette façon de me rassurer, rien qu'en prononçant mon surnom, comme s'il était plus que ça. Sa main posée contre ma joue me réchauffait le cœur, ses lèvres sur les miennes me faisaient tout oublier.
Il n'y avait qu'elle et moi, que moi et elle. Nous. Un tout. Je ne faisais jamais rien sans qu'elle ne soit dans mes pensées, à me demander si elle se sentait bien, si elle ne manquait de rien. Elle était ce genre de femme qu'on aime chérir, qu'on a besoin de chérir même. Et bon sang, ce que j'aimais la faire rire. Elle riait, même lorsque je n'étais pas drôle. Ou même justement parce que je n'étais pas drôle. Son petit rire était si spontané, contagieux. Le plus marrant était que, lorsqu'elle riait aux éclats, aucun son ne franchissait la barrière de ses lèvres : tout se passait sur son visage. Elle souriait si largement que tout son visage se métamorphosait. Son sourire étirait ses lèvres, fort, retroussait son petit nez et plissait ses jolis yeux bruns, jusqu'à ce qu'on ne les voit plus. Ce visage représentait la joie de vivre.
Elle était ce genre de personne qui amenait la lumière dans l'obscurité. D'ailleurs, elle n'avait cessé d'éclairer tout mon monde depuis qu'elle y avait fait son entrée. Et je m'apprêtais à l'éteindre.
« Je t'ai trompée, Romane... », J'articulais à peine, sans savoir si un son s'était échappé de ma bouche. J'avais le cœur au bord des lèvres, et des larmes au bord des yeux.
Cinq mots mis bout à bout, et mon monde se fracassait à vitesse V, brique par brique. Cette forteresse où je protégeais mon bonheur coûte que coûte s'écroulait... et c'était moi qui avais asséné le coup fatal.
J'avais mis tellement de temps à m'échapper d'un Enfer qui consumait, et voilà que j'y retournais.
Lâchement, je baissais les yeux, le courage de soutenir son regard et d'affronter sa douleur m'avait quitté. Alors je fixais du regard mes mains, occupées à se triturer l'une et l'autre, mon regard s'attardant sur l'anneau qui ornait mon annulaire gauche. Cet anneau qui devait symboliser tant de chose. J'aurais pu le briser, l'écraser, l'effet aurait été le même en fin de compte ; j'avais ruiné toutes les valeurs qui s'en émanaient.
« Regarde-moi », souffla-t-elle, me tirant de mes pensées par la même occasion.
Je ne pouvais pas m'y résoudre. Si je la regardais, j'allais réaliser un peu plus encore la triste réalité des choses. Je ne le voulais simplement pas. Je voulais juste retourner en arrière, effacer ce qui avait été fait... et reprendre ma vie, notre vie.
« Charly. »
Je soufflais longuement, tentant tant bien que mal de me débarrasser de cette lâcheté nocive, et inspirais pour m'imprégner d'un peu de courage. Juste un peu.
Mon regard se leva, peu à peu, jusqu'à se poser sur son visage.
La vue me glaça le sang ; son teint était livide, son regard maintenant sombre, teinté de colère et d'incompréhension. Ses lèvres étaient pincées entre elles et ne formaient plus qu'une ligne fine, comme si elle les retenait de déverser sur moi un flot de mots qu'elle pourrait regretter. Elle devrait se lâcher, se vider, me dire tout ce que je devrais entendre. Mais elle n'en fit rien, elle resta stoïque. Trop d'émotions à gérer à la fois et, pour une personne qui nous regarde, c'était comme si rien ne se passait dans notre esprit. Je ne connaissais que trop cette sensation.
« Je suis désolé...
- T'es désolé. Voilà qui arrange tout. »
Je ne voyais pas d'issue à cette situation. Je ne voyais pas comment on pouvait se sortir de là, ensemble. Et honnêtement ? J'étais persuadé que tout serait plus facile à gérer pour elle si elle se mettait à me détester. A vraiment me détester.
« Qu'est-ce que tu veux que j'te dise Romane ?
- Pourquoi t'as fait ça ? »
Evidemment, elle avait droit à des explications, c'était le moins que je puisse faire. Mais pas les bonnes, pas les vraies. C'était tellement n'importe quoi, tellement incompréhensible et illogique... et il fallait qu'elle me déteste. Il le fallait.
« J'en sais rien moi, elle était là, c'est tout. »
C'est faux, je pensais. Il lui fallait un mensonge, quelque chose de crédible pour qu'elle puisse avancer, sans se retourner. Alors quoi de mieux que le cliché du mec qui n'en avait pas assez ?
« Elle était là, l'envie était là, voilà. »
J'avais envie de me frapper la tête contre un mur. Mon cœur me hurlait de lui dire la vérité, et ma raison m'ordonnait de mentir, encore. Il n'y avait aucune logique dans tout ça, aucune. Je m'efforçais de ne pas détourner le regard cette fois, pour ne laisser aucun indice de mon mensonge. Il fallait que ce soit crédible, et pour ça, le langage du corps était important. La culpabilité me rongeait, mais je n'en laissais voir qu'une infime partie. Le reste n'était que froideur, indifférence, qui frôlait presque l'arrogance.
Bordel, elle mérite mieux que ça. Elle mérite mieux que moi, je me répétais.
« J'vais m'en aller maintenant. C'est mieux comme ça. »
Je fis volte-face, tournais le dos.
A Romane.
A ma vie pourtant si belle.
A tout.
Je fis volte-face, et montais récupérer quelques unes de mes affaires, sans vraiment réfléchir à ce que je fourrais dans mon sac de sport. Mon esprit était en pleine effervescence, et ce n'était pas une bonne chose. Je paniquais littéralement, et je rageais en même temps. Non seulement j'avais commis l'irréparable, mais je m'étais arrangé pour qu'il n'y ait absolument aucune chance de retour en arrière. Strictement aucune.
J'ignorais même comment mon corps pouvait encore bouger, par quoi il était guidé. Mon cerveau était en rade, complètement court-circuité. Alors qu'est-ce qui lui guidait quoi faire ? Ma raison, sûrement. C'était elle qui devait activer mes mains à remplir un sac, et mes jambes à avancer, un pas après l'autre, jusqu'à la sortie.
Ma main était à présent posée sur la poignée de la porte de l'entrée, j'étais prêt à partir, à la laisser tranquille. Mais quelque chose me retenait, m'empêchait d'ouvrir la porte. Mon cœur avait sans nul doute pris le dessus sur ma raison, essayant de me faire rebrousser chemin.
Il est trop tard maintenant... ce qui est fait, est fait. Je ne peux pas lui faire endurer ça, je pensais.
Je secouais la tête, et ouvris enfin la porte, sortant de la maison en trombe.
Je mis à peine un pied dehors que les vannes s'ouvrirent. Tout ce qui me maintenant un tant soit peu de bout tomba, et moi avec. Mes genoux se cognèrent contre les pavés de l'allée, mes mains les imitant pour essayer d'amoindrir ma chute.
Je n'arrêtais pas de me demander pourquoi, comment... qu'est-ce qui avait bien pu se passer pour que ma vie devienne un tel fiasco.
Je devais comprendre. Je devais mettre la main sur cette raison. Il n'y avait que comme ça que je pouvais avancer, et peut-être essayer de m'en sortir.
Alors autant recommencer, partir du début, non ?
A la case départ.
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