En media, "Heart of Gold", Johnny Cash
La vie reprend son cours. Finalement, ça ne change rien à mon quotidien, et c'est peut-être cela le plus perturbant. Comme un énorme séisme, qui aurait blessé les gens sans pour autant changer le paysage. Je me lève chaque matin, le plus souvent auprès de Tom, chez lui ou chez moi, puis je vais travailler. Le soir, je rentre, vais à la boxe, au ciné, ou dîner avec mes amies. Thomas, qui me connait si bien, a su trouver le juste milieu, et m'entoure sans pour autant m'étouffer.
Comme promis, Caro a mis au courant Charlotte et Capucine, et lors de notre réunion suivante, c'est moins pénible de parler de cette affaire sans avoir besoin de faire revivre le passé, encore. Elles me questionnent, certes avec curiosité, mais aussi beaucoup de pudeur, et s'intéressent davantage à mon ressenti qu'à l'analyse des faits. Cela me soulage de me confier à elles, mes amies les plus proches, et surtout, j'apprécie quand nous changeons enfin de sujet. La grossesse de Caroline tient une place importante dans la conversation, et c'est bien normal, puis nous dévions sur le travail de chacune, les amours de chacune et en bonus, la dernière expo au Pompidou.
Je n'ai pas encore revu mes parents. Par deux fois, j'ai eu ma mère au téléphone, pour des broutilles, mais nous n'avons pas abordé le sujet. Je rechigne un peu à y aller, j'ai peur que ce soit bizarre, de ne pas réagir avec eux de manière naturelle, surtout avec lui. Avec mon père. Je ne sais pas si nous pourrons retrouver la complicité qui nous unissait, que ce soit de son côté ou du mien, et je suis inquiète que la gêne ne s'immisce entre nous.
Ma mère finit par prendre les devants. Ce jeudi soir, et huit jours après la fameuse soirée où j'ai appris la vérité, mon téléphone sonne. Tom et moi lisons sur son canapé, je ne me méfie pas en voyant son numéro et prends l'appel.
D'une voix faussement joyeuse, d'une voix qui fait semblant, elle nous invite à déjeuner, le dimanche suivant, avec mon frère et sa famille. Sa proposition me prend au dépourvu, ce qui est ridicule car les repas en famille sont plutôt chose fréquente chez nous. Mais à son ton, je sens qu'elle a les mêmes craintes que moi, et au lieu de me rassurer, cela m'angoisse davantage, comme si ça les justifiait. J'accepte mollement son invitation, me demandant déjà ce que je vais pouvoir inventer pour me dédire, et raccroche. Je pose mon mobile à côté de moi et reste silencieuse quelques instants avant d'annoncer à Tom, d'une voix que j'aurais aimé plus ferme :
— Dimanche midi, on mange chez mes parents, si ça te va.
— Hin hin, fait mon amoureux, sans relever les yeux de sa lecture. J'avais cru comprendre.
Je n'ajoute rien devant son absence de réaction et pose ma joue dans ma main, en proie à une réflexion intense.
— Besoin d'aide, peut-être ? me demande-t-il d'un ton tranquille.
— Pour ?
— Pour trouver une excuse, histoire de ne pas avoir à aller à ce déjeuner.
Il ferme son livre, retire ses lunettes et penche la tête de côté, m'observant avec attention. Cet homme me connait beaucoup trop bien.
— Je ne sais même pas pourquoi je n'ai pas envie d'y aller.
— La première fois, c'est la plus dure. Tu te souviens quand on s'est revu ? Chez Nico et So déjà, puis au baptême, en vacances... A chaque fois notre relation progressait un peu. Laisse-toi le temps d'apprivoiser cette situation nouvelle petit à petit, mais ne recule pas. La distance ne t'aidera pas, au contraire. Plus tu attendras pour revoir tes parents, plus ce sera difficile.
Je hoche la tête pensivement.
— Ce qu'il y a, c'est que j'ai peur. Et je déteste avoir peur.
— Je sais. Et je sais aussi que tu t'es toujours battue contre ça, et il me semble que ça t'a plutôt bien réussi.
— Tu parles de toi, là, non ? souris-je.
— Oui, entre autre, répond-il sur le même ton.
***
Je suis nerveuse quand sa voiture se gare près de chez mes parents. Nous sortons du véhicule et tout de suite, il prend ma main et la presse, pour me donner du courage.
— Allez Babe, tu fais comme si de rien n'était, comme avant. Je suis sûr que tes parents n'aborderont même pas le sujet. Il est temps de reprendre votre vie.
Je frappe à la porte et l'ouvre.
— On est là, lancé-je à la cantonade.
— Je suis dans la cuisine, répond la voix de ma mère, à l'autre bout du couloir.
— Tu vois, souffle Tom avec un sourire, rien n'a changé.
Effectivement, tout est comme d'habitude. Ma maman achève la préparation du repas, mon père est parti acheter du pain, Nico et Solène sont en retard. Rien n'a changé.
Nous avançons dans le corridor où flotte déjà une délicieuse odeur de rôti, avant de rejoindre ma mère dans la cuisine. Après les bises de rigueur, elle continue de s'activer et Tom l'aide à préparer l'apéritif tandis que, comme toujours, je reste spectatrice. Mes piètres talents de cuisinière ne sont jamais les bienvenus. Elle fait de gros efforts pour avoir une attitude normale, mais elle est néanmoins un peu tendue et je la sens m'observer en coin.
Mon père arrive, baguettes à la main, et m'embrasse sur les joues, tend sa main à Tom.
— Bonjour, ma chérie. Thomas.
Il est plus doué que ma mère.
— Venez, on va prendre l'apéritif, pépie celle-ci, nous entraînant dans le salon.
— On n'attend pas Nico et Solène ?
— En fait, ils nous rejoignent au dessert.
Le voilà, le piège.
Sur la table basse, entre les olives et l'assiette de feuilletés chauds que ma mère pose, il y a un vieil album.
Je ne moufte pas. Mon père ouvre une bouteille de vin blanc et sert un verre à chacun dans un silence un peu pesant, nous trinquons, et ma mère se lance un peu timidement.
— Je... j'ai ressorti ça, Loulou. Ce sont des photos de mon enfance, que je n'ai jamais pu te montrer, avant. On peut les regarder maintenant, mais seulement si tu en as envie. Tu n'es obligée à rien.
Le regard de Tom croise le mien. « Je suis sûr que tes parents n'aborderont même pas le sujet. » Raté.
J'attrape le lourd album, et le pose sur mes genoux, sans me résoudre à l'ouvrir. La couverture en cuir marron le fait ressembler à un grimoire. C'est un peu ça, d'ailleurs. Le livre magique qui fait ressurgir le passé. Je ne suis pas sûre d'avoir envie de voir ces photos, de faire un pas de plus dans cette histoire. Les trois autres retiennent leur souffle. Ouvrira, ouvrira pas ?
Je lève les yeux vers ma mère, ses yeux gris, les mêmes que les miens, les mêmes que son père, sont pleins d'espoir qu'elle ne cherche pas à dissimuler. Après tant d'années de silence, elle a besoin de partager son passé avec moi. Et moi, je crois qu'avant tout, je ne veux plus de non-dits, plus de tabous. Je tourne la première page.
Durant un long moment, nous regardons les clichés de cette vie d'avant. Des images en sépia, de mes grands-parents jeunes, de ma maman enfant, adolescente, en vacances à Casalnuovo, chez elle à Nice, quelques-unes de mes arrière-grands-parents calabrais, Immaculata et Vincenzo Bartoletti. Des photos de Giuseppina aussi, et du reste de la famille. Pas une seule d'elle enceinte, hormis à son mariage avec celui qui est devenu mon père. Sur leur visage, on ne retrouve pas de trace de la joie débordante habituelles des jours de noces. Une expression plutôt tendre, et résignée. Pourtant, maintenant, l'amour, je le vois dans leurs yeux. Je le vois dans le regard que pose mon père sur elle à cet instant.
Deux heures, deux bouteilles de vin, quatre-vingt-dix-huit photos, des dizaines d'anecdotes et pas mal de larmes plus tard, le rôti de veau forestier est froid, mais nos cœurs plus chauds. Au fur et à mesure que les pages défilaient, je sentais renaître ma complicité avec ma maman. Tom avait raison, une fois de plus.
— Où vivent les parents de Giuseppina maintenant ?
— Euh... À Gênes. Ils ont déménagé quelques mois après... après. Pourquoi ?
— Tu as de leurs nouvelles, encore ?
— C'est plus ma mère, elles s'appellent parfois, avec sa cousine. Moi aussi, mais c'est plus rare.
— Je crois que j'aimerais aller les voir.
— Tu es sérieuse ? bégaye ma mère, les yeux écarquillés.
— Oui. Tu es d'accord ? On pourrait y ailler ensemble, Mamoune ?
— Mais bien sûr, bien sûr, avec plaisir !
— Tom, demandé-je en me tournant vers mon amoureux, est-ce que je pourrais te laisser deux ou trois jours ?Tu t'en sortirais avec la librairie ?
— Évidemment, pour l'un et l'autre. Je crois que c'est une très bonne idée.
— Et toi, Papoune, qu'est-ce que tu penses ?
Il reste silencieux un moment, son regard indéchiffrable passe de ma mère, à moi, puis il hoche la tête, et nous livre son avis :
— Je suis certain que Marie sera ravie de vous accompagner.
— Oh oui ! Mamie, quelle bonne idée !
Quand Nico et Solène arrivent avec Loris, après sa sieste, nous n'avons toujours pas déjeuné, mais le voyage est prévu, pour dans deux semaines. Ma mère a immédiatement appelé la sienne qui a accepté l'escapade avec enthousiasme, malgré son grand âge. C'est la première fois que nous partirons toutes les trois. Trois filles, trois générations, trois caractères. Si le contexte n'était pas si dramatique, je serais folle de joie.
L'arrivée de mon frère et sa famille nous permet de changer de sujet, et notre adorable filleul est une merveilleuse diversion. Loris a deux ans et se promène dans toute la maison en gazouillant. Nous buvons un café tous ensemble, accompagné d'une tarte aux poires qui constituera notre seul repas aujourd'hui, puis nous nous installons dans le salon. Ma mère, ancienne comptable, aide Nico à calculer ses frais réels pour les impôts, mon père somnole dans son fauteuil, et Tom, installé au sol sur une couverture, joue avec le petit, sous notre regard attendri, à Solène et moi. Avec de vieux cubes de bois sur lesquels on voit encore les empreintes de dents de Nico et les miennes, mon amoureux construit de hautes tours que Loris fait basculer. A chaque fois que l'édifice s'effondre, l'enfant éclate d'un rire en cascade, ce rire de bébé qui fait fondre même les cœurs de pierre comme le mien. Comme pour m'achever, Thomas se tourne vers moi et je croise son regard bleu, pur, heureux. Je lui rends son sourire, articule un « je t'aime » silencieux quand Solène, assise à mes côté se racle la gorge.
— Hum, Lou... commence-t-elle, très bas. Nico m'a tout raconté... Ce qui s'est dit le mercredi où vous vous êtes retrouvés ici... Et, heu... je voulais que tu saches que j'étais vraiment désolée... pour toi, et pour Nico. Je sais qu'on n'est pas très proches toutes les deux, mais si jamais un jour tu as besoin de parler... je serai là pour toi.
Ma main, posée sur le canapé part à la recherche de la sienne, et la serre fort.
— Merci So. Merci.
Il est dix-huit heures passées quand Thomas et moi prenons congé. Nous marchons jusqu'à la voiture en silence, nous installons côte à côte, toujours sans dire un mot.
— Merci. Merci mon amour.
Tom tourne la tête vers moi, surpris. Ses yeux marine sont grand ouverts, ce regard candide qui me fait fondre.
— Merci de quoi ?
— Je ne sais pas... d'être toi.
Il rit doucement.
— Heureux que ça te convienne.
— Tom...
— Oui ?
— Est-ce que je peux abuser ?
— Ce ne sera ni la première, ni la dernière fois, sweet heart.
Je souris à mon tour et reprends.
— J'aimerais aller voir mes grands-parents, tu voudrais bien m'y emmener, s'il te plaît ?
— Maintenant ?
— Oui... je ne les ai pas vus depuis plus d'un mois et pas depuis que j'ai appris la vérité. Comme visiblement, ils savent que je suis au courant, je crois qu'il est plus que temps pour moi d'y retourner.
— C'est une très bonne idée. Je t'y dépose.
— Tu peux venir aussi, proposé-je.
— Je pense que c'est mieux si tu y vas seule. J'apprécie beaucoup tes grands-parents mais si vous devez aborder ce sujet délicat, je pense qu'il vaut mieux que je ne sois pas là. Je vais appeler Ludo et voir si je peux m'incruster chez Aurélie et lui pour la soirée, puisqu'ils n'habitent pas très loin. Tu m'appelles quand tu veux que je vienne te chercher.
***
Les parents de ma mère vivent à une dizaine de kilomètres de chez elle, dans une petite commune devenue un peu bourgeoise au fur et à mesure que la population vieillit. A leur arrivée dans l'Est, début 1989, ils avaient loué un appartement quelques temps, puis profité de la politique du ministre Albin Chalandon et de la construction en chaîne de maisons individuelles pour acheter une des « Chalandonnettes » de la ville. Depuis mon enfance, je suis habituée à ces maisons de poupées, toutes semblables, dans les mêmes rues aux noms de fleurs. Les livreurs et les visiteurs occasionnels s'y perdent, mais moi j'ai l'habitude.
Quand j'étais enfant, mes grands-parents nous gardaient le mercredi, Nico et moi, et pendant les vacances scolaires quand nos parents travaillaient. C'est d'ailleurs ainsi que j'ai connu Caro, qui passait elle aussi ses congés chez son papi et sa mamie, voisins des nôtres. Ma Mamie Prune, mon Papi Pierrot. Elle, parce qu'elle fait la meilleure tarte aux quetsches du monde, lui parce qu'il avait un ami qui s'appelait Jean-Pierre comme lui, alors, pour se différencier, ils avaient chacun opté pour un diminutif, Jeannot et Pierrot. Ma grand-mère l'a adopté, et nous aussi ensuite. Ça nous est resté, même quand l'ami Jeannot est mort.
De mes journées chez mes grands-parents, je me souviens des caramels suisses, dans les papiers dorés, que nous glissait Papi Pierrot quand nous avions bien mangé, ou si nous étions sages. Je me souviens des balades en forêt, où nous ramassions feuilles de chêne, glands et cailloux magiques. Je me souviens des déjeuners de fêtes, crêpes, purée-saucisses, biftecks que mon grand-père coupait en minuscules morceaux pour que nous n'ayons pas trop à mâcher à la fois. Et chaque soir, le même rituel. Douche à dix-huit heures précises, un puzzle et une soupe. Rouge, jaune, verte, orange, blanche. Avec des croque-monsieur, une tarte salée, un gratin, du jambon, du fromage, avec n'importe quoi. Mais toujours une soupe. Avec tout ça, je ne comprends pas que je ne dépasse pas le mètre soixante-sept.
Je n'ai jamais pu sonner à la porte chez mes grands-parents. J'aurais l'impression d'être une étrangère. Alors, je prends la porte de derrière, celle qui donne sur le petit cellier puis la terrasse et je toque. En général, j'entends la voix de ma grand-mère qui dit : « Ouiiiiiii », mais il faut croire qu'avec les années, l'audition baisse. Personne ne me répond, je me résous à frapper sur le carreau de la cuisine. Immédiatement, on vient m'ouvrir. Mamie Prune, Marie Thiriet, née Maria Bartoletti, n'a même pas l'air surprise de me voir.
— Ma Loulou, ça faisait longtemps, murmure-t-elle avec un sourire, avant de s'effacer pour me laisser entrer.
Mon grand-père vient m'accueillir à son tour, heureux de ma visite surprise. Il ne me demande pas mon avis avant de placer une troisième assiette creuse sur la nappe en toile cirée. Le menu est le même que d'habitude.
Il sert trois ballons du meilleur rouge du hard discounter du coin, et frise nerveusement sa moustache. Ma grand-mère finit de passer son potage Du Barry et nous rejoint autour de la petite table de la cuisine. Elle plante ses yeux noirs de velours, aux contours ridés, dans les miens et prend doucement ma main.
— Alors, tu es au courant...
— Oui.
Il n'y a pas grand-chose à ajouter. Elle tente de se justifier, d'expliquer le silence et les mensonges, mais je n'ai plus de colère.
— Je sais Mamie, je sais tout ça... j'ai digéré et je comprends. Mais j'ai besoin, je ne sais pas... que tu me racontes.
— Que je te raconte quoi ?
— Tout ça, ton enfance, les vacances en Italie. Ce que tu veux. Ce qu'une grand-mère doit raconter à sa petite fille. Comme si on se retrouvait.
Alors, comme ma mère quelques heures plus tôt, la machine à souvenirs s'emballe et plus rien ne peut arrêter Mamie Prune. Mon grand-père écoute en souriant, se contentant d'ajouter une anecdote ou deux à l'occasion, Nous dînons en même temps, soupe donc, rôti de porc froid, fromage et pain rassis –Désolée Loulou, le dimanche soir c'est frugal, si on avait su que tu venais, on aurait fait un effort. Moi ça me va, c'est toujours mille fois meilleurs que les plats préparés que je me suis enfilée durant des années.
A aucun moment, nous n'abordons le drame qui a chamboulé leur vie il y a bientôt trente ans, la soirée est réservée à des évocations plus joyeuses et c'est très bien aussi. Nous savons tous les trois que ce ne sera pas le cas lors de notre visite à Gênes.
Nous terminons le repas par un yaourt et une pomme, puis je les aide à faire la vaisselle avant d'envoyer un message à Tom. Je m'installe avec eux dans le salon, sur le canapé protégé d'un plaid tricoté, devant la fin des actualités.
— Désolée, je vous ai fait louper le JT, je fais, sachant combien ils sont attachés à leurs petites habitudes.
— Pas grave, te voir et discuter un peu avec toi, c'était mieux. Et puis ça va, la météo n'est pas encore passée.
Thomas arrive pile pendant les publicités d'avant le film, salue chaleureusement mes grands-parents, refuse avec un sourire le « petit verre » que propose Papi Pierrot, et nous repartons tous les deux, après une belle séance d'embrassades.
— Ludo et Aurélie vont bien ? m'enquiers-je, alors que nous marchons vers sa voiture.
— Aucune idée, je ne les ai pas appelés finalement, ça me gênait de m'imposer un dimanche soir, à l'improviste.
— T'as fait quoi alors ? je demande, effarée.
— Je suis allé me balader un peu au parcours de santé derrière chez tes grands-parents, j'ai appelé Emma, c'est le début d'après-midi à Chicago, puis je suis resté dans la voiture à écouter de la musique.
— Tu aurais dû nous rejoindre, soupiré-je, je suis désolée que tu m'aies attendue comme ça.
— Pas moi, j'aime bien ne rien faire, me poser avec Johnny Cash dans les oreilles.
— T'es adorable, mais tu es un menteur, soufflé-je en déposant un baiser sur ses lèvres.
Il hausse les épaules avec un sourire, son sourire un peu timide qui ne découvre pas ses incisives qui se chevauchent.
— Tom, poursuis-je, en prenant place à ses côtés dans le véhicule, tu ne crois pas que tu es trop gentil avec moi ?
— Euh... pardon ? Trop gentil ?
— Tu ne te fâches jamais, même quand je dépasse les bornes. Quand je me suis disputée avec mon père juste avant qu'on se remette ensemble, plusieurs fois quand j'ai appris cette nouvelle et que j'ai un peu exagéré... Tu es toujours là, patient, présent... j'ai peur d'abuser, et qu'un jour ce soit la goutte d'eau.
Il reste silencieux un moment, sans mettre le contact. Il joue avec la clef de sa vieille Clio, semblant chercher une réponse convenable.
— Lou, quels sont mes défauts ? me demande-t-il enfin.
— Je... eh bien, je ne sais pas.
— Si, réfléchis bien.
— Mais non, tu es doux, gentil, tellement tendre et patient, et généreux aussi, je ne vois vraiment pas...
— Pourtant, je suis immature, dilettante, parfois égoïste, souvent maladroit, que ce soit dans mes paroles ou dans mes actes, indécis, incapable de m'investir dans quoique ce soit d'autre que notre relation, et aussi passablement paresseux.
— Tu exagères... c'est vrai que tu es parfois un peu... gamin, mais pour le reste, je ne suis pas d'accord.
— Si, tu l'es, en réalité. Ce sont en partie des choses que tu m'as reprochées avant qu'on se remette ensemble, et tu avais raison, mais tu l'as oublié, parce que tu m'aimes, et que tu ne vois plus ces côtés-là. Eh bien moi c'est pareil. Je t'aime, et tes sautes d'humeur font partie de ton caractère, ça ne me gêne pas plus que cela, surtout que tu es toujours revenue t'excuser. Mais le jour où tu abuseras Lou, rassure-toi, je te le dirai. Nous ne deviendrons jamais un de ces couples dominant-dominé, parce que ça, ce ne n'est pas nous Babe, et que le respect et l'équilibre dans un couple, c'est la chose la plus importante pour moi.
— Tom... je ne sais pas ce que je ferais sans toi.
— Des bêtises, mon amour, des bêtises.
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