Omnes Vulnerant, Ultima Necat
Le prochain chapitre sera très probablement le dernier. Ce sera la fin d'une longue et belle aventure. A la semaine prochaine donc =)
Nat'
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« 1er janvier 2010.
Ça y est, je l'ai fait. Je ne sais pas pourquoi j'ai choisi la date du 31 décembre pour passer à l'acte. J'avais cette étrange superstition que le passage à la nouvelle année pouvait symboliser ce passage à un nouvel état, ancré (et encré) dans ma chair.
Je me suis aventuré dans l'Allée des Embrumes sous une de mes nombreuses apparences. J'ai attendu dans l'ombre que les derniers effets du Polynectar se dissipent, et alors seulement, je suis entré dans la boutique.
J'avais pris toutes les précautions, comme du temps où je travaillais à l'Eventail. J'ai rasé mes cheveux, teint mes sourcils en noir. J'ai fait pousser sur mon visage une barbe noire qui a dévoré mes traits. J'espérais que ces protections seraient suffisantes pour éviter que H. B. ne me reconnaisse, même si je devais le voir sous ma véritable apparence...
Les premiers instants, je suis sûr qu'il ne m'a pas reconnu. Je me suis présenté à lui comme le maître dont je lui avais tant parlé sous ma fausse identité. Il m'a aussitôt conduit à la cave, sans un mot, et il m'a demandé de me déshabiller.
C'était étrange, inutile de le nier. Cela fait très longtemps que je ne me suis pas déshabillé en présence de quelqu'un, encore moins quelqu'un dont je ne suis pas intime. J'ai jugulé mon angoisse malgré tout. Il y a bien longtemps que la Marque des Ténèbres n'est plus visible sur mon bras. Rien d'autre sur mon corps ne peut révéler qui je suis. Seules mes cicatrices racontent l'histoire de ma vie... Mais H. B. serait bien incapable de les déchiffrer. En fait, au-delà du risque qu'il me reconnaisse moi, D.M., il y a surtout le risque qu'il me soupçonne d'être la Ronce... Ce risque hélas, je n'ai pas trouvé de moyen de l'éviter.
H.B. m'a fait m'allonger sur une table au fond de la pièce, et nous avons commencé, à la seule lueur des bougies. Ça n'a pas été aussi long que ce que j'imaginais, mais ce fut extrêmement douloureux. B. utilisait sa baguette pour parcourir chaque centimètre carré de mon corps, psalmodiant des incantations dans une langue que je ne comprenais pas, incrustant dans ma chair de minuscules gouttelettes d'encre qui s'enroulaient, se tordaient... Je pouvais les sentir s'agiter juste sous ma peau. Je pouvais sentir le sang dégouliner de mon épiderme à vif. A la fin, mon corps tout entier me brûlait comme si j'étais resté une journée entière allongé nu en plein Soleil.
Pourtant, pendant tout le temps que ça a duré, je n'ai cessé de surveiller H. B. Il paraissait concentré sur sa tâche, perdu dans ce qu'il faisait. Mais j'ai cru voir le fil de ses pensées se dérouler sous mes yeux. Une telle proximité avec le corps d'un autre, cela laisse des traces... H. B. a-t-il fini par discerner les traits du jeune D.M., sous la barbe et les dix années écoulées ? Dans tous les cas, il ne m'a pas trahi. J'ai songé un instant à lui effacer la mémoire. Et puis j'ai renoncé. J'ignore les effets secondaires que ce sortilège pourrait avoir sur moi, je pourrais encore avoir besoin de lui. Et avant d'en arriver à des solutions aussi radicales, je peux déjà le surveiller dans les temps à venir.
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« 20 janvier 2010.
Le tatouage a bien cicatrisé. Il n'apparait que sous un certain éclairage, si je le souhaite. Parfois la nuit, lorsque je n'arrive pas à m'endormir, j'ai l'impression de le sentir bouger, indépendamment de moi...
Il est très beau, je dois bien l'admettre. C'est déjà ça. Je ne l'ai pas fait pour des considérations esthétiques, mais mieux vaut se promener avec ça sur le corps qu'avec un motif hideux. Il a la forme d'une treille végétale, d'une ronce qui se serait enroulée autour de moi... Si ce n'est pas ironique. Ça semble presque trop parfait. J'ai parfois l'impression qu'il a une vie propre : il s'écarte devant certaines personnes, comme s'il sentait le moment de me protéger ou, au contraire, de s'ouvrir aux autres...
Je dois avouer que je suis rassuré en tout cas. Ça n'a pas l'air d'être de la magie noire. Rien que de la magie ancestrale. Reste à savoir si elle sera efficace. »
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« 2 février 2010.
Je suis retourné voir H.B. sous l'une de mes identités habituelles, pour lui donner la seconde moitié du paiement. Il n'a pas eu l'air de réagir plus que d'habitude. Fidèle à sa réputation, il ne m'a pas posé de questions après avoir vu mon « maitre » en chair et en os. Peut-être que je continuerai à faire affaire avec lui. H.B. m'a prouvé son utilité, et, de toute évidence, il est digne de confiance. S'il a deviné que j'étais la Ronce, il n'en a rien laissé paraître. »
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« 23 mars 2010.
Je me suis rendu compte aujourd'hui qu'il ne restait plus beaucoup de noms sur ma liste. Après dix années de traque, enfin, il semblerait que le travail de la Ronce touche à son terme. Qu'est-ce que je pourrai bien faire après ?
Ce n'est pas la première fois que je songe à arrêter. Déjà à la mort d'Astoria, lorsque je me suis retrouvé seul pour veiller sur le coffret, la question s'est posée. Devais-je arrêter, interrompre ma tâche, pour ne pas mettre le coffret en danger ? Pour ne pas reproduire la même erreur qu'avec Astoria ? J'aurais pu l'emmener dans la maison de Godric's Hollow, et me retirer du monde. Mais c'était au-dessus de mes forces. Il faut croire que je n'apprends pas de mes erreurs. Je ne supportais pas l'idée d'abandonner ma tâche à moitié terminée, de cesser mon combat, alors que d'autres Mangemorts vivaient encore en liberté dans la nature...
Alors, j'ai continué. Mais très bientôt, le choix ne se posera plus pour moi. Il ne reste que deux noms sur ma liste. Après ça, je cesserai d'être la Ronce. Qu'est-ce que je pourrai bien faire ? »
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« 4 avril 2010.
H., que je le veuille ou non, mes pensées vont vers toi. J'ai repris l'habitude de voir où tu en es de temps en temps. Parfois tard le soir, à la faveur d'une insomnie, je me demande où tu es, ce que tu fais, avec qui tu partages cet instant... Alors je sors et je t'observe. Pendant la journée, en soirée... Lorsque je te surprends à sortir de chez toi, je te suis. Ce n'est plus un besoin aussi vital et malsain qu'avant. Même si je t'aime toujours et que je regretterai à jamais le temps passé ensemble, je ne souffre plus comme au lendemain de notre séparation. Non, c'est seulement un moyen pour moi de me rassurer, je crois. De m'apaiser. Savoir que tu mènes ta petite vie relativement tranquille non loin de moi, ça me permet de penser que peut-être, pour moi, une existence semblable est possible. Que peut-être un jour, moi aussi je pourrai rentrer chez moi, boire un verre avec des amis, aller au travail...
Ça me semble surréaliste, tout ça. Ce sont des choses que je n'ai jamais eues, même quand je vivais avec toi. Une vie normale...
Je ne sais pas si j'y ai jamais vraiment aspiré. Peut-être que ça m'ennuierait, peut-être que ça ne me plairait pas. Peut-être, aussi incroyable que cela puisse paraitre, que j'ai passé trop de temps dans la souffrance et les forces du Mal : peut-être qu'elles me manqueraient... J'espère que je ne suis pas comme ça. J'espère qu'il n'est pas trop tard, pour moi. »
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« 17 mai 2010.
Je sais d'où me viennent toutes ces réflexions. Pardonne-moi si elles t'ennuient, H. C'est l'avantage de te parler à travers ce journal : tu es forcé de m'écouter...
Je ressasse ainsi parce qu'il ne reste plus qu'un nom sur ma liste. Très bientôt, la Ronce cessera d'exister. Et je serai forcé de penser à l'avenir à nouveau. C'est une chose à laquelle je n'ai jamais aimé penser. L'avenir ne m'a jamais vraiment réussi. »
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« 5 juin 2010.
J'ai trente ans. Quelle étrange idée.
Je ne sais pas très bien ce que ça m'inspire. Je me rappelle très bien de ce que j'écrivais dans mon journal, pendant ma sixième année à Poudlard, et l'année qui a suivi, auprès de V... Je me souviens que pour moi, à cette époque-là, chaque jour pouvait être le dernier. Parfois même, je le souhaitais.
Quand je repense à tout ce que j'ai vécu depuis mes onze ans... J'aurais dû mourir bien plus tôt, et tellement de fois. Mais non, il faut croire que je suis toujours là. Est-ce un bien, un mal ? Même moi, je ne saurais le dire. La vie que j'ai menée n'a pas fait de moi quelqu'un de bien. Mais je ne suis pas mauvais non plus. Trop peu de gens seraient capables de voir la différence. Le spectre du bien et du mal se décline à l'infini, mais les gens préfèrent se cantonner aux extrêmes, et oublier tout le reste... C'est plus facile de diviser le monde en deux camps opposés. C'est plus difficile, en revanche, lorsque l'on se tient pile à la frontière, dans la zone de pénombre, là où lumière devient ténèbres...
Dans l'ensemble, je crois que je suis heureux de m'en être sorti. Je n'irai pas jusqu'à dire que je suis fier, mais... Compte-tenu des circonstances, j'aurais pu tourner bien pire. Tellement pire... Peut-être est-il temps de laisser cette vie-là derrière moi maintenant. D'enterrer le passé et tous les morts qu'il contient, une bonne fois pour toutes. C'est tout ce que j'ai jamais connu, c'est pour ça que c'est si difficile... Mais je suis arrivé jusque-là. Je peux bien faire encore un pas en avant. »
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« 31 juillet 2010.
Joyeux anniversaire, H. J'ai fait un saut du côté du Terrier aujourd'hui pour te voir. J'en avais besoin, je crois.
Vous étiez tous là : H. et W., les parents, les frères et la sœur de W., leurs conjoints, leurs enfants... Toute une joyeuse troupe de marmaille, piaillant et riant au Soleil... Une famille unie.
Je suis resté à l'écart, sur une colline en hauteur, pas loin de la maison de L. L. Je t'ai regardé poursuivre les gnomes de jardin avec les enfants dans le potager. Tu sors avec Gabrielle D. maintenant, depuis quelques semaines...
Ça ne durera pas, je crois que tu le sais déjà. Mais je sais pourquoi tu l'as choisie. Elle est jeune, belle, vive, pleine d'esprit. Pleine de cette confiance en l'avenir que nous possédions étant plus jeunes, et qui nous fait défaut à nous, les trentenaires...
Quand sommes-nous devenus vieux, H. ? Toi et moi, je crois que nous nous sentons vieux depuis très longtemps... Ça peut paraitre étrange, mais jamais tu ne m'as autant manqué. Peut-être parce que je suis sur la piste de mon dernier nom, et qu'alors, une fois ce dernier meurtre accompli, je serai libre... Délivré de la Ronce, délivré de mon passé. Une toute nouvelle vie s'ouvrira devant moi, et cette vie, je ne peux m'empêcher de vouloir la remplir avec toi...
C'est ça que j'ai décidé, H. Toutes ces nuits sans sommeil m'ont conduit à cette seule et unique conclusion. Je veux faire partie de ta vie à nouveau. Alors à présent, je cherche une solution. Dois-je porter un masque, ou non ? Te dire la vérité, ou non ? Redevenir Noah ?
Je l'ignore. Chaque question soulève davantage de problèmes et d'interrogations. Mais pour la première fois de ma vie, je n'y vois pas une source d'inquiétude. Au contraire, j'ai retrouvé espoir. Tous ces problèmes signifient que j'ai décidé de refaire ma vie avec toi. Tu en feras partie à nouveau, d'une façon ou d'une autre. J'ai de nouveau envie de vivre. »
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« 25 août 2010.
Un incident s'est produit aujourd'hui. J'étais sur la piste de ma dernière victime, lorsque je me suis rendu compte que j'étais suivi. Je n'ai pas eu le temps de voir l'identité de l'espion, ni de le coincer. J'ai immédiatement transplané chez moi et je n'en ai plus bougé. Mais je ne peux plus emprunter cette apparence pour l'instant. »
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« 15 septembre 2010.
C'est encore arrivé. J'ai l'impression de devenir paranoïaque. Cette fois, j'étais sous l'apparence que j'utilisais pour interroger William D., et j'ai distinctement senti que l'on m'observait à l'autre bout d'une ruelle, attendant le moment de me coincer peut-être...
Je suis forcé d'être plus prudent. »
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« 18 octobre 2010.
Presque toutes mes identités sont compromises. Je ne sais pas comment ça a pu se produire. J'ignore ce qui a pu se passer, mais je ne me sens plus en sécurité lorsque j'arpente l'Allée des Embrumes, peu importe le visage que j'adopte... J'ai l'impression que des agents des Aurors sont impliqués. La sécurité a été renforcée dans les rues, comme s'ils espéraient attraper quelqu'un entre leurs filets... J'ai réussi à passer entre les mailles jusqu'à présent, mais quelque chose se prépare. D'où vient la fuite ? »
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« 20 novembre 2010.
C'est Henry B. Je suis allé le voir aujourd'hui, sous le visage que je lui montre d'habitude. J'espérais obtenir des renseignements sur les agissements des Aurors, sachant qu'il était toujours très bien informé sur ce genre de choses. Quand j'y pense maintenant, ça aurait dû me mettre la puce à l'oreille...
B. n'a rien pu me dire d'utile. Mais lorsque j'ai quitté sa boutique, je me suis très vite rendu compte qu'il essayait de me suivre. J'ai transplané avant qu'il en apprenne davantage sur ma destination. Mais je n'ose imaginer les implications de ce que je viens de découvrir...
Henry B. est la fuite, il n'y a pas d'autre explication. Il est le seul à m'avoir vu sous ma véritable apparence, le seul à pouvoir soupçonner ce que je représente... Mais pourquoi n'a-t-il pas agi plus tôt ? Pourquoi n'a-t-il pas prévenu les Aurors lorsque j'étais nu à sa merci dans sa boutique, s'il est bien leur indic ? Peut-être a-t-il décidé de s'occuper de moi lui-même... Pour toucher la prime... Mais alors, pourquoi n'a-t-il pas agi ?
La peur, sans doute. La peur de s'en prendre à un ancien Mangemort, ou à la Ronce, sans la moindre préparation... Je peux me féliciter de sa prudence, mais ce que j'ai découvert est bien pire. Si Henry B. m'a suivi aujourd'hui, ça signifie qu'il sait qui je suis, sous ma fausse apparence. Je ne pense pas qu'il croit toujours à cette histoire de maître. Autrement, mes autres identités ne seraient pas compromises elles aussi. Non, B. a dû s'ouvrir à quelques-uns de ses amis à propos de moi. Ils ont dû recoupé leurs théories : tout le monde sait que la Ronce opère sans doute sous plusieurs visages. Il leur a suffi de recenser les hommes des bas-fonds un peu isolés, dont le passé demeurait secret, et de les faire surveiller, jusqu'à ce que l'un d'eux se révèle enfin être la Ronce, peut-être...
C'est pour cela que je me sens suivi, quel que soit le visage que j'adopte. Malgré mes multiples identités, mon profil est devenu trop reconnaissable. Que faire alors ? Je ne peux pas les laisser remonter jusqu'à moi. Que se serait-il passé si Henry B. avait suivi ma trace jusqu'au coffret ? Mais je ne peux pas abandonner ma dernière victime si près du but...
Je ne vois qu'une seule solution. Hâter un peu ma sortie hors du monde des bas-fonds. Me retirer dans les ombres, le temps de rayer le dernier nom sur ma liste, et d'y voir plus clair. Mais que faire du coffret ? Je ne peux pas le garder auprès de moi, ce ne serait pas sûr. Et je ne peux pas le laisser seul sans protection... »
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« 29 novembre 2010.
La seule solution qui me semble viable, et j'ose à peine me l'avouer, ce serait de confier le coffret à P. Ça me semble surréaliste rien que de l'écrire, mais... J'envisageais bien d'entrer à nouveau dans sa vie après tout, pas vrai ? Il aurait bien fini par découvrir son existence un jour ou l'autre...
P., je tremble rien qu'à l'idée de te demander ce service... Ce n'est pas du tout comme ça que je m'imaginais ressurgir dans ta vie... Je pensais faire ça de façon calme, correcte, posée. Prendre le temps de t'expliquer clairement les choses, et te laisser ensuite décider... Je ne t'aurais pas parlé du coffret avant d'être sûr que tu ne me ferais pas arrêter, même si je ne pense pas que tu aurais osé compromettre sa sécurité...
P., dis-moi ce que je dois faire. Est-ce que je dois te confier le coffret ? Est-ce que je le peux ? J'ai bien peur de ne pas avoir le choix. Je n'ai personne d'autre vers qui me tourner. Et je te connais, je sais que tu comprendras. Qui sait, peut-être... Peut-être que ce sera le fameux premier pas qui nous permettra de nous retrouver, toi et moi ? »
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« 1er décembre 2010.
C'est notre anniversaire, P. Et ma décision est prise. Je vais t'envoyer un mot, sous l'identité de la Ronce. Je vais demander à te voir, et là, dans un premier temps, je te dirai le strict nécessaire, aussi vite que possible. Je te parlerai du coffret et du danger qu'il court. Peut-être parlerons-nous aussi un peu de la Ronce. Mais Noah, j'en ai bien peur, devra attendre encore un peu... Le contexte ne s'y prête pas.
C'est curieux comme les vieilles habitudes resurgissent vite. Depuis que je suis plongé dans la spirale du danger, et que je souhaite t'y mêler, j'ai de nouveau le réflexe de penser à toi sous ton nom de famille. Ça a toujours été presque plus intime que ton prénom, pour moi... Comme une façon de te dire « Je t'aime » lorsque je ne le pouvais pas.
Le fait est que d'ici quelques jours, P., nous allons nous revoir. Pas très longtemps, pas comme je l'espérais, mais... Nous allons nous revoir, sous ma véritable apparence : c'est un détail auquel je tiens. Plus de mensonges, plus de maques. Que se passera-t-il alors ? »
X
« 12 décembre 2010.
J'ai mis le coffret en sécurité : à l'origine du lion, là où personne ne viendra le trouver... Il ne reste plus qu'à espérer que P. répondra à l'appel. Il sait certainement que je suis la Ronce après toutes ces années. Cela signifie-t-il qu'il me fera confiance ? Qu'il acceptera de m'aider ? Il le faut, il le faut... »
X
« 14 décembre 2010.
Jour fatidique. J'ai donné rendez-vous à P. Je ne pense pas me tromper en affirmant qu'il sait qui je suis. Je crois que d'une certaine façon, je l'espère. J'espère ne pas avoir correspondu avec lui pendant toutes ces années sans qu'il sache qui j'étais... Cela rendrait une partie de mes actes vides de sens. Mais après tout, j'ai accepté depuis longtemps l'idée que mes espérances envers P. ne soient pas partagées.
J'espère qu'il me fera confiance. Il n'a aucune raison, après tout, mais c'est P. J'espère qu'il me fera confiance. Je suis dans l'impasse cette fois. Je dois lui confier le coffret. On m'a trahi, je ne peux pas le transporter moi-même au risque d'être pris... Je ne peux pas envoyer une simple missive à P. contenant une adresse et les instructions : mes lettres pourraient être interceptées... Non, je dois le voir en personne. Le rendez-vous en soi est risqué. S'ils interceptent mon message avec le point de rendez-vous... Ou si P. ramène tout le service des Aurors pour m'arrêter... Mais je n'ai pas le choix. Je n'ai personne d'autre sur qui compter. Personne en qui je fasse davantage confiance. Je dois confier le coffret à P. Il n'y a pas d'autre moyen. »
XXX
Ma lecture s'interrompt ici. Le carnet s'arrête brusquement, à quelques pages de la fin, sur une écriture pressée et frénétique... Quand Drago a-t-il écrit ces lignes ? Quelques minutes à peine avant de me retrouver, peut-être ? Je sens la précipitation dans sa plume. L'angoisse qui s'exprime à travers ses mots. L'angoisse à l'idée de me revoir, que je le trahisse, que quelque chose se passe mal ? Si seulement il avait su...
Lentement, je referme le carnet, mais comme d'habitude, ses mots me poursuivent en pensée. Déjà, je sens la boule amère du chagrin durcir au creux de ma gorge. C'est terminé. Je l'ai lu : le dernier carnet, les toutes dernières lignes... Machinalement, j'en fais une copie qui ira rejoindre les exemplaires de Gringotts. Et je reste là, assis sur mon lit, sans savoir quoi faire de ma vie.
Une déception sourde se fait jour en moi. Quelque part, en lisant ce carnet, j'avais espéré... Espéré quoi ? Que Drago comprenne miraculeusement ce qui était sur le point de se passer ? Qu'il ait trouvé un moyen d'échapper à la mort, envers et contre tout ? Qu'il ait finalement créé cet Horcruxe qu'Henry Boyle lui avait conseillé de faire ? Mais non, il ne l'a pas fait. Je sais qu'il ne l'a pas fait. Ça ne ressemble pas à Drago. Il n'aurait pas pu se trahir ainsi, lui et les sentiments que nous avons éprouvés l'un pour l'autre... Un Horcruxe les aurait gâchés, détruits. Drago ne reviendra plus...
Cette vérité me frappe, pire que la première fois. Cette fois le choc est diffus, mais plus insidieux. La douleur me pénètre jusqu'au creux de mes os. Et déjà, mes larmes me trahissent...
Rien dans ma vie n'aura été plus terrible que la lecture de ce dernier journal. Être témoin page après page du piège dans lequel Drago s'est précipité, et ne rien pouvoir y faire. Assister à sa lente renaissance au monde, à ses perspectives d'avenir. Apprendre qu'il voulait revenir auprès de moi... Qu'il s'apprêtait à laisser la Ronce derrière lui, pour revenir auprès de moi...
Mais je ne peux plus rien faire. Plus rien changer, sinon savourer mes regrets. Le passé est écrit, l'encre est sèche : jamais analogie n'aura été plus correcte que celle-ci... Le passé de Drago est écrit entre ces pages... Et je ne peux pas en changer un seul mot.
Regardant autour de moi, je tombe sur les quelques pulls que j'ai dérobés dans son appartement : il me semble que cela fait déjà une éternité... Compulsivement, je les serre contre moi. Ils portent encore l'odeur de Drago, mais elle aussi partira un jour, fatalement. Le temps détruit toute chose... Sauf la souffrance que j'éprouve...
Mes yeux me brûlent en songeant que Drago, lui aussi, il y a un an à peine, s'est introduit dans notre appartement, a marché dans cette même pièce, là où je me tiens en ce moment, et qu'il a eu le même réflexe que moi : me voler quelques pulls... Comme si nous nous étions parlés par-delà l'espace et le temps... Quelque part, c'est un peu ce que nous avons fait avec ces journaux. Même s'ils m'ont fait souffrir, je ne me féliciterai jamais assez de les avoir trouvés, Drago. Ils m'ont permis de te comprendre d'une façon que je n'aurais jamais pu imaginer. Ils m'ont permis de savoir que nous nous manquions l'un à l'autre, avec une égale intensité...
Mais à présent, tu me laisses avec un vide, et je n'ai plus rien. Seules tournent dans ma tête les allusions à cette vie et à cet avenir que tu voulais partager avec moi. Tout ce que j'ai gâché. Tout ce que je n'obtiendrai jamais, et qui est écrit là devant moi, dans ces pages...
Je presse le journal contre ma poitrine et je m'allonge sur le lit, là, l'esprit blanc, sans penser à rien. Tout me parait inutile. Je veux vivre dans ces journaux qui retracent les dix-neuf dernières années de ta vie. Dix-neuf années de journaux... Plus de la moitié de ton existence... Tu aurais mérité de vivre tellement plus longtemps, Drago...
Et ce coffret, ce coffret qui t'obsédait tellement ? J'espérais aussi que le dernier journal m'apporterait des réponses sur ce qu'il contenait, mais ça n'a pas été le cas... Au final, je ne suis pas plus avancé... Je n'ai aucune idée d'où il peut bien se trouver, et je ne le saurai jamais. Une part de mystère qui me demeurera à jamais cachée, Drago... Il te fallait bien ça, pas vrai ?
Eperdu, je ferme les yeux. Je ne sais pas ce que je vais faire à présent. Il m'est douloureux de penser au lendemain, au surlendemain, et à la vie sans toi, après tout ce que j'ai appris... Moi non plus, Drago, je n'aime pas penser à l'avenir. Ton journal s'est nourri de mes rêves, de mon amour, de mes espoirs, de tout ce qu'il y avait de possible en moi... Je ne veux plus rien. Je suis seul.
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