De Profundis Clamo A Te Domine
Et voilà la 6e année, j'espère qu'elle vous plaira =)
Je vous souhaite à tous de très bonnes fêtes,
Nat'
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« 10 juillet 1996.
Ça y est, c'est arrivé. V. l'a fait. Je suis officiellement devenu un Mangemort. C'était une épée de Damoclès suspendue au-dessus de ma tête depuis longtemps, j'en avais conscience, mais... Cette fois, il n'y a plus de retour en arrière possible. Le Mal est ancré dans ma chair, sous ma peau. Je peux sentir la Marque me brûler la nuit, elle me réveille au beau milieu de mes cauchemars, en me faisant pousser des hurlements...
J'avais peur d'avoir de nouveau droit à une petite initiation pour fêter l'occasion, mais non. V. a trouvé autre chose. Quelque chose qui l'amuse encore plus, sans doute... Il m'a confié une mission. Il veut que je tue D.
Je l'ai lu dans ses yeux : je sais qu'il ne s'attend absolument pas à ce que je réussisse. Non, ce qu'il veut, comme toujours, c'est me torturer. Me confier une mission qui, il le sait, me déchirera, et que je n'arriverai pas à mener à bien. C'est sa punition pour l'échec de mon père au Ministère. C'est sa punition envers ma famille toute entière. Il fait passer cette mission pour un honneur, mais c'est une condamnation à mort, et tout le monde le sait. Alors ça y est. Cette année, je vais mourir...
Je n'arrive pas à l'accepter. Tout en moi le refuse. A l'heure même où j'écris ces lignes, je tremble de peur, et je m'en veux d'avoir peur...
V. m'a confié une autre mission. Il veut que je trouve un moyen de faire entrer ses Mangemorts à Poudlard. Mère a déjà une idée pour cela, et j'avoue qu'elle est ingénieuse. Mais je crains le pire... La guerre est déclarée désormais, ça y est. Personne n'en est encore conscient, mais c'est moi le pion qu'on envoie en première ligne, pour engager le combat sans que personne ne s'en doute...
Je suis devenu le traître. Le ver dans la pomme. Celui que P. devrait arrêter...
P... Tout va nous séparer cette année. Je suis tellement désolé, tellement... Je suis fatigué de tout ceci... J'aimerais l'espace d'une seule minute être un adolescent comme les autres, venir vers toi tout maladroit et rougissant, et te dire ce que je ressens, sans en avoir peur ou honte. J'aimerais ne pas avoir vécu toutes ces saloperies qui me salissent. J'aimerais simplement pouvoir me réfugier dans tes bras et pleurer longtemps.
J'aimerais tellement... »
X
« 12 juillet 1996.
Des Mangemorts ont détruit le Millenium Bridge aujourd'hui. Comme je le redoutais, ils deviennent de plus en plus audacieux et dangereux. De plus en plus visibles, aussi... Les Moldus commencent à se douter que quelque chose gronde, sous la surface. Rufus Scrimgeour a été nommé Premier Ministre, mais même s'il est d'une autre trempe que Fudge, je doute qu'il puisse quoi que ce soit contre la tempête qui s'annonce. Une tempête dont je suis l'avant-garde... »
X
« 31 juillet 1996.
Bon anniversaire, P. Où es-tu, en ce moment ? Comment vas-tu ? Je maudis B. tous les jours pour ce qu'elle a fait à ton parrain. Je la maudis tous les jours pour ce qu'elle continue à me faire. Je crois que toi et moi avons enfin trouvé un terrain commun : notre haine pour elle. »
X
« 4 août 1996.
Mère et moi sommes allés au Chemin de Traverse aujourd'hui, chez B.&.B., et je n'ai pas pu m'empêcher de me sentir épié... Je suppose que c'est un sentiment auquel je vais devoir m'habituer, cette année...
Quoi qu'il en soit, Mère disait qu'il était temps de commencer à mettre en branle le plan du Maître. Elle n'est plus que l'ombre d'elle-même depuis l'arrestation de Père. Elle vit dans la terreur de V. et de sa propre sœur. Elle sait que son statut et son nom ne suffiront pas à la protéger de la disgrâce dont V. l'a frappée, loin de là. Elle sait que ce qu'il m'a fait est une punition, et qu'il m'a promis à la mort... Pour cette raison, je crois qu'étonnamment, V. a perdu son allégeance.
C'est étrange pour moi de penser cela, et j'ai même du mal à l'écrire, mais... Pour la première fois de ma vie, je crois avoir distingué un sursaut d'instinct maternel, chez ma mère. Comme si elle venait tout juste de se réveiller. Comme si elle venait tout juste de prendre conscience de ce dans quoi mon père et elle m'ont embarqué, et de ce qu'ils m'ont fait subir pendant toutes ces années...
Surtout, et pour la première fois de sa vie elle aussi, elle est confrontée à la perspective de me perdre. Elle sait que cette année sera sans doute la dernière pour moi. Que je ne survivrai pas à la tâche qui m'a été confiée. Alors, elle s'aveugle en échafaudant des plans, et c'est pour cela qu'elle m'a traîné chez B.&.B. aujourd'hui...
Son idée est simple, en fait. Elle pourrait marcher. Il y a chez B.&.B. un objet très particulier : une Armoire à Disparaître. Cette armoire a une sœur, à Poudlard, je sais exactement où. Il serait facile d'introduire des Mangemorts dans l'école par ce procédé. A un souci près... L'armoire de Poudlard est cassée. Peu importe ce que l'on introduit dans l'armoire des Embrumes, le passage ne s'opère pas.
Quelque part, j'en suis presque soulagé. Il y a quelque chose d'horrifiant à participer à de telles exactions, à les planifier... Je n'ai aucune envie de voir des Mangemorts envahir l'école, et encore moins envie d'en être responsable... Pour l'heure donc, c'est impossible. Mais mon avenir est clair. Je vais devoir réparer l'armoire. Ou alors, je n'aurai plus d'avenir du tout.
C'est idiot, n'est-ce pas ? De s'accrocher à mon existence, alors que tout dans mon être me crie qu'elle est d'ores et déjà perdue... Mais je ne peux pas faire autrement. Je ne veux pas mourir...
Est-ce si mal de ma part de vouloir ça ?
X
« 14 août 1996.
A. me manque. Je n'ai pas demandé à la voir cet été, parce que je veux la maintenir autant que possible en dehors de tout ceci. Je sais qu'elle a demandé après moi, elle m'a littéralement inondé de lettres... Je n'ai répondu qu'une seule fois, pour lui dire de rester à l'écart. C'est le mieux que je puisse faire pour elle. »
X
« 1er septembre 1996.
J'ai revu P., dans le train. Dieu merci, j'ai revu P...
A la seconde où je l'ai revu, je me suis dit : « Profites-en, Drago. Savoure l'instant. Parce qu'à présent, chaque instant peut être le dernier. Tu ne sais pas quand est-ce que tu le reverras. Tu ne sais pas dans quelles circonstances. Tu ne sais pas quand est-ce qu'il devra lever sa baguette sur toi. Et quand tu devras en faire autant... ».
Alors je crois bien que le désespoir m'a pris à la gorge. Le désespoir, vraiment... Je sais bien que j'ai l'habitude de pleurer sur mon sort dans ces pages, mais là... J'ai bien cru que j'allais étouffer. J'ai voulu hurler contre l'injustice de ce monde qui non seulement nous séparait, mais nous plaçait aussi face à face, en adversaires...
Je voudrais tellement me révolter contre tout ceci... Me dire : « puisque je vais mourir, autant tout envoyer se faire foutre et rejoindre Potter, rejoindre la lumière, rejoindre le bon côté de la barrière... ». Mais je ne peux pas. Parce qu'il y a cette créature pitoyable et lâche en moi qui espère toujours vivre. Qui veut vivre. Alors que je sais très bien que je ne pourrai pas supporter une telle vie. Comment pourrais-je me regarder dans un miroir un jour, si V. gagne et tue P., et si j'ai contribué à tout cela ?
Je suis dans une impasse. Je ne sais plus, je ne sais plus... Je ne sais pas quoi faire... Pitié, je n'ai personne à qui parler...
Le plus ironique dans tout ceci, c'est que j'ai surpris P. en train de m'épier sous sa cape d'invisibilité. Et j'ai jubilé à la seule idée d'occuper à ce point ses pensées... Seulement, j'ai réagi comme je l'ai toujours fait. Comme la vie semble nous avoir destinés à le faire. Je l'ai paralysé, tabassé et abandonné. Dans le coup que je lui ai porté, il y avait comme de la résignation, l'acceptation de cet avenir violent que l'on nous promet, à l'un et à l'autre, l'un contre l'autre... Mais je crois qu'il y avait aussi, d'une certaine façon, une déclaration d'amour. Une déclaration d'adieux. »
X
« 5 septembre 1996.
J'ai retrouvé Pa., Bl, C. et G. Ils me tapent déjà tous sur le système. Tous me regardent avec ce mélange de crainte et de pitié, qui me fait comprendre qu'ils savent. Ils savent que je suis un cadavre en suspens. »
X
« 12 septembre 1996.
P. s'est distingué en Potions aujourd'hui. Incroyable ! Ce crétin de H.S. est déjà à ses pieds. Je n'avais vraiment pas besoin de ça en plus cette année...
Les Potions ont toujours été ma matière préférée. La matière où j'excelle. Assez éloignée de la magie brute et primitive, en fin de compte... Plus subtile, plus raffinée, plus exigeante... Loin de la violence... Même si elle peut être aussi redoutable qu'une baguette.
Enfin bref, je divague. Mais je sais que j'envie déjà P. en tout. Je lui envie ses amis, sa tranquillité d'esprit, son courage... Je lui suis tellement inférieur... Je n'avais pas besoin qu'il me démontre une fois de plus à quel point il me surpasse. Et certainement pas en Potions. »
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« 22 septembre 1996.
J'ai revu A. aujourd'hui. J'ai tout fait pour l'éviter depuis la rentrée, mais je savais bien que ça finirait par arriver : nous sommes dans la même maison après tout...
Malgré moi, je dois avouer que j'ai été soulagé de la revoir. Sa simple vision, son simple regard, son sourire doux... suffisent à me faire oublier, l'espace de quelques instants, dans quel monde de merde on vit. A quel point ma vie est cauchemardesque. Voir qu'il existe encore des gens comme A. sur cette Terre – des gens qui ont été touchés par le Mal, mais qui y ont survécu, sans se laisser détruire – me donne envie de garder encore un peu foi en l'humanité, et en cette existence.
J'ai eu tort de vouloir me couper d'elle. Je ne pourrai pas survivre sans elle, pas cette année. Pas avec ce que V. m'a confié... Elle est déjà là, je le sens : la pression sur mes épaules, et cette culpabilité hideuse et noire, ce limon infect dans lequel mon cœur s'est englué, et qui contraint chaque battement... Je vais m'y noyer. La tourbière de mes ténèbres m'aspire et me perd chaque jour un peu plus. Je vais m'y noyer... »
X
« 2 octobre 1996.
Je suis allé voir l'Armoire à Disparaître aujourd'hui. Elle est dans la Salle sur Demande, au milieu d'un fatras d'autres choses absolument indescriptible. Elle est dans un sale état... Je n'ai pas la moindre idée de par où commencer pour la réparer. Malheureusement pour moi, j'ai toujours été excellent en sortilège...
J'ai repoussé l'échéance autant que je l'ai pu, mais je ne peux plus à présent. Mère s'angoisse, V. exige des résultats... Et malgré moi, même si ça me met le cœur au bord des lèvres, je sais que mon esprit travaille déjà à la résolution du mécanisme.
PS : D. a commencé à donner des leçons privées à P. Je ne sais pas en quoi cela consiste, mais tout le monde spécule déjà sur le fait que P. serait l'Elu. Encore une fois, il faut que tu te retrouves sous les projecteurs... »
X
« 16 octobre 1996.
La saison de Quidditch ne démarre pas très bien. Je n'arrive pas à me concentrer sur mon jeu. Comment est-ce que je le pourrais, en même temps ? Tout le monde semble uniquement se préoccuper de poursuivre ce stupide Vif d'Or, alors que moi, c'est ma vie qui est en jeu... Je n'ose même pas imaginer affronter P. Ça me semblerait être une farce odieuse de ce qui nous attend d'ici très peu de temps. »
X
« 3 novembre 1996.
Je l'ai fait. Je n'arrive pas à croire que je l'ai fait, Seigneur, mais je l'ai fait.
J'ai reçu une lettre inquiétante de Mère il y a quelques jours. V. lui a fait des menaces. Ouvertement. Il trouve que ma mission concernant D. n'avance pas, et il s'impatiente. En réalité, je pense qu'il s'amuse simplement à arracher les pattes de la fourmi que je suis, l'une après l'autre...
J'ai donc décidé de faire quelque chose. Mais quoi ? Je ne veux pas tuer D. ! C'est sans doute le plus grand sorcier de toute l'histoire de la Magie, bordel de merde ! Et moi, je ne suis rien ! Je ne suis pas un meurtrier...
En plus, quelque part, la présence de D. constitue un rempart rassurant pour moi. Je me dis qu'il est presque ma seule chance de salut... Parce que tant qu'il est là, V. ne peut pas triompher. Tant qu'il est là, il y a un bouclier entre lui et le Mal qui veut envahir Poudlard, et nos vies entières...
Je ne sais pas si D. montrerait une quelconque indulgence envers le Mangemort que je suis. Mais je crois au moins que le sort qu'il me réserverait serait moins pire que celui que me destine V.
C'est pour ça que je n'ai pas le choix... Je n'ai pas le choix... Je dois faire quelque chose, juste pour le satisfaire un petit moment, juste pour qu'il me laisse un peu plus de temps...
J'ai eu une idée. Je me mortifie déjà rien que pour l'avoir eue. Jamais encore je n'ai dû planifier la mort de quelqu'un, réellement... J'ai acheté le très vieux collier de chez B.&.B., celui qui est ensorcelé. Il provoque une mort affreuse chez quiconque le touche... D'ici les prochains jours, je vais devoir me débrouiller pour qu'il trouve le chemin de D. En espérant qu'il décèlera mon plan. En espérant qu'il n'y succombera pas. Je vous en supplie, D... Montrez-vous à la hauteur de votre réputation...
Mais si j'échoue... »
X
« 13 novembre 1996.
J'ai échoué.
J'ai confié le collier à K.B., pendant la sortie à Pré-au-Lard. Je lui ai jeté un Imperium pour qu'elle aille le remettre à D. en mains propres. Mon premier Impardonnable...
Mais K. a touché le collier, et tout a été foutu... P. était là, bien sûr, avec ses deux acolytes... Parce qu'il est toujours là où il ne faut pas être, évidemment... Ce gros balourd de Ha. a emmené K. à l'infirmerie, et à présent, il y a des risques qu'elle me reconnaisse, que je me fasse prendre...
Une part de moi ne peut s'empêcher de penser que peut-être, ce serait une bonne chose. Me faire arrêter maintenant. Que quelqu'un m'empêche de nuire, par pitié... Mais je sais que V. trouverait le moyen de m'atteindre, même à Azkaban. Et puis, il y a ma mère...
Je suis soulagé que K. s'en soit sortie. J'ai beau n'en avoir jamais eu grand-chose à faire d'elle... Je ne veux pas être un meurtrier. Je m'en veux déjà terriblement pour ce que je lui ai fait, et pour ce que j'aurais pu lui faire...
Je t'en prie, K... On ne se connait pas, mais... pardonne-moi...
PS : inutile de préciser l'horreur que je ressens à l'idée que tout ceci s'est déroulé sous les yeux de P. Je ne veux pas que tu me vois ainsi... »
X
« 28 novembre 1996.
P. n'arrête pas de me surveiller depuis l'incident avec K. Il me soupçonne, je le sens. Jamais je n'ai autant eu conscience de son regard sur moi. Je crois que jamais je n'ai autant occupé ses pensées... Mais étrangement, je n'en retire pas le moindre plaisir. J'ai honte de moi. A chaque instant, je voudrais pouvoir me cacher de son regard, et tout lui expliquer, et lui dire : « Je suis désolé, je n'avais pas le choix... ».
Seulement voilà, je ne peux pas. Je dois endurer les regards lourds de P., l'homme que j'aime et qui me méprise chaque jour un peu plus, parce qu'il sait que je suis un Mangemort, et que j'ai failli tuer une fille... J'ai tellement honte... Je me sens tellement coupable... Je ne me supporte déjà plus moi-même, alors je ne sais pas comment je pourrai tenir jusqu'au bout. Et j'ai tellement, tellement peur...
Plus que dans ma vie entière, je suis seul. »
X
« 13 décembre 1996.
On a perdu contre Gryffondor. Sans surprise. Je me suis senti à peine conscient pendant le match. Tout ce que je pouvais faire, c'était me tenir le plus loin possible de P., parce que l'affronter me faisait trop mal. Mais j'ai eu l'impression que lui, au contraire, me cherchait avec une agressivité et une hargne que je ne lui avais encore jamais vues.
PS : W. a commencé à sortir avec cette pouffe de L.B. Non pas que la vie sentimentale de la belette m'intéresse d'une quelconque façon, mais j'ai de la peine pour G. Comment W. peut-il à ce point avoir de la merde dans les yeux ? Tu me diras, G. aussi a de la merde dans les yeux, à sa façon. Elle devrait se rendre compte qu'elle mérite cent fois mieux que lui. Mais je ne suis sans doute pas le mieux placé pour parler de relations amoureuses...
X
« 20 décembre 1996.
Les résultats sur l'Armoire ne sont pas concluants. La tâche s'avère beaucoup plus difficile que je ne l'avais soupçonné, et même si je tente de le repousser de toutes mes forces au fond de moi, je suis forcé de l'écrire ici... Je commence à paniquer. Je ne sais plus quoi faire. V. trouve chaque jour de nouvelles manières de me faire comprendre qu'il s'impatiente. Je n'ai aucune idée de ce qu'il pourrait faire à ma mère...
D'ici quelques jours, je devrai rentrer au Manoir pour les fêtes de Noël, et je redoute le moment où V. me demandera des comptes... Je sens déjà que B. s'en donnera à cœur joie... Elle est probablement en train de perfectionner ses Endoloris, à l'heure qu'il est...
PS : je me suis fait chopper à la fête de cet abruti de H. S., en revenant de la Salle sur Demande. P. et G. étaient là, ainsi que tous les chouchous de ce vieux fou, c'était à vomir... Bref. R. m'a tiré d'affaire. Mais ensuite, il s'est mis à me poser des questions, il s'est mêlé de mes affaires, et je... J'ai ressenti une peur indescriptible.
Peur parce que R. est un agent de V., et qu'en dépit de cela, je l'apprécie, et j'ai tellement honte de ce que j'ai fait... Peur parce qu'il m'a avoué avoir fait le Serment Inviolable pour me protéger. Je ne sais pas quoi penser de R. Je ne sais pas ce que je peux lui dire ou non. A défaut, j'ai choisi de lui dissimuler mes pensées. Avec V., c'est bien la seule chose qui me sauve. J'ai fait comme si j'étais effectivement honoré de cette mission, comme si je voulais en retirer toute la gloire... C'est le rôle que tous sont habitués à me voir jouer après tout : le petit prince arrogant... Mais je crois bien que R. n'y a pas cru. »
X
« 26 décembre 1996.
V. n'a donc plus de respect pour rien ! Même une trêve pour Noël, il ne peut donc pas la lui accorder ?!
V. a envoyé des Mangemorts au Terrier hier soir. Là où P. passe les fêtes, avec G. et la famille de W... Cette folle de B. était présente, et j'ai appris qu'elle s'était faite une joie de tout incendier... Un jour, je lui arracherai la tête à celle-là... J'y songe à chaque fois qu'elle pose la main sur moi. A chaque fois qu'elle me torture, ou pire.
Mais aujourd'hui, comme d'habitude et plus que tout, je songe à P. Je suis tellement désolé, P... Tellement soulagé que tu n'aies rien... Et tellement désolé... Chaque parcelle de bonheur que tu possèdes, faut-il donc que moi et mes semblables, nous venions te la gâcher ?
Je me déteste. Je les déteste tous. Peut-être vaudrait-il mieux que je meurs, finalement. »
X
« 11 janvier 1997.
Je suis de retour à Poudlard. Et j'ai craqué. J'ai recommencé à prendre de la drogue. Je m'étais sevré en début d'année, dans la crainte de la tâche qui m'attendait, mais... Je ne peux plus. Je ne peux plus. »
X
« 1er février 1997.
A. m'a fait tout avouer. Elle se doutait bien que quelque chose n'allait pas depuis le début de l'année, et pas seulement comme la dernière fois : pas seulement la drogue et les abus, mais quelque chose de bien plus grave...
Ça me fait rire d'écrire ça. Dans quel monde de fous est-ce que je vis, pour considérer que la drogue et le viol sont des ennuis secondaires ?
Enfin bref. Je lui ai dit pour la Marque, je la lui ai même montrée. Je lui ai dit pour la drogue, et surtout, je lui ai dit pour ma mission. Les deux missions.
Elle a pleuré. Pour moi, pas pour elle, ce qui est peut-être encore pire. Je regrette déjà de lui avoir parlé. Elle a déjà suffisamment souffert comme ça, je n'avais pas besoin de rajouter ce poids sur ses épaules... Surtout que A. est intelligente. Par conséquent, elle sait comme moi que cette situation est sans issue. Que quoi qu'il arrive, je détruirai soit mon avenir, soit ma conscience. Qu'il ne peut pas y avoir de fin heureuse pour moi... Elle ne discerne pas de solution dans tout ceci.
Heureusement, comme d'habitude – et c'est ce que je chéris le plus en elle – elle ne me juge pas. Elle se contente de me soutenir, d'être là pour moi. J'ai résolu de ne plus rien lui confier des manipulations futures que je serai forcé de faire : je ne veux pas la rendre complice. Mais avec elle à mes côtés, peut-être que je tiendrai un tout petit peu plus longtemps. »
X
« 7 février 1997.
J'ai un nouveau plan. Je vais empoisonner une bouteille et la faire parvenir à H.S. Lui et D. sont très amis, il y a de grandes chances qu'il lui en propose un verre... Je ne peux pas envoyer la bouteille à D. directement, il se méfierait...
Et d'un autre côté, j'espère secrètement que S. débouchera la bouteille pour lui seul et s'étouffera avec. Mieux vaut lui que D. »
X
« 15 février 1997.
Encore une fois, mes plans semblent dépasser d'eux-mêmes ma pensée. Ce n'est pas D. qui a bu le vin empoisonné. Ce n'est même pas S. C'est ce crétin de W. Et en présence de P., en plus...
Et si ça avait été P. ? Cette question me hante, jour et nuit... On m'a raconté que c'est P. qui a su quoi faire pour sauver W. Sans son intervention, S. n'aurait rien fait, et j'aurais eu le sang de W. sur les mains. Alors, que ce serait-il passé si P. avait bu le premier ?
J'aurais tué l'homme que j'aimais... J'aurais tué l'homme que j'aimais...
J'en tremble rien que de l'écrire. Je ne peux plus, je ne peux plus... Je refuse de voir venir le jour où nous devrons nous affronter tous les deux... Je n'en serai pas capable... Je le laisserai me tirer dessus, je crois...
P., pardonne-moi... Même toi, W. Toi aussi, pardonne-moi. Pardonnez-moi tous. Délivrez-moi... »
X
« 26 février 1997.
Gros progrès aujourd'hui. Heureusement ou malheureusement, qui peut le dire ? Moi je n'en suis plus capable. Entre ma vie et mon âme, j'ai choisi ma vie. Même si je sais qu'au sortir de cette guerre, je n'en voudrai plus.
Mais assez d'énigmes. Assez de philosophie. L'Armoire à Disparaître marche, et il est trop tard maintenant. Tout est perdu. Il ne me reste plus que mes larmes. »
X
« 12 mars 1997.
Le pire est arrivé aujourd'hui. Le pire jour de ma vie. Et, quand on connait ma vie, ça ne représente pas rien.
J'écris depuis l'infirmerie. Je vais mieux à présent, les plaies se sont refermées. Les plaies de ma chair. Pour le reste, je crains que ce soit une cause perdue...
J'ai pris l'habitude de me réfugier dans les toilettes des filles du deuxième étage, depuis le début de l'année. Elles sont communément connues sous le nom de « toilettes de Mimi Geignarde », aussi personne n'y va jamais. Puisque je suis constamment entouré par les miens au dortoir des Serpentards, c'est le seul endroit où je peux me retrouver seul, et être moi-même, en plus de la Salle sur Demande. Le plus souvent je m'y rends quand je sens que je suis sur le point de craquer. Pour pleurer, me droguer, ou les deux. Pour parler à Mimi, qui étonnamment m'écoute et me console du mieux qu'elle peut.
Cette fille est étrange. Je crois que je lui plais, et c'est pour ça qu'elle m'écoute. Mais ce soutien vaut mieux que rien d'autre...
Enfin bref. K.B. est revenue à Poudlard aujourd'hui. Je l'ai vue dans la Grande Salle, j'ai vu P. en train de lui parler, et j'ai eu peur... J'ai paniqué. Brusquement, j'ai cru que toutes mes conneries allaient enfin me péter à la figure... Je me suis enfui jusque dans les toilettes, et j'ai pleuré toutes les larmes de mon corps, mais P. m'a suivi.
Il m'a VU pleurer. Jamais je ne me suis senti aussi faible de toute ma vie. Aussi pathétique, pitoyable, aussi vulnérable, et en plus devant lui ! Je ne pouvais pas le supporter, je ne pouvais pas le laisser me voir comme ça...
Ne t'approche pas de moi P., par pitié, surtout ne regarde pas en moi, tu n'aimerais pas ce que tu verrais...
Du coup, j'ai attaqué le premier. Il a riposté, bien évidemment. On s'est battus comme si on était nés pour ça. Quelques fois, je me demande s'il n'existe pas également une prophétie, juste pour P. et moi... Mais au final, c'est P. qui m'a eu. Est-ce que je l'ai laissé faire ? Peut-être... J'ai appris à ne plus répondre à ce genre de questions. Parce que je n'aime pas les réponses.
Quoi qu'il en soit, il m'a jeté un sortilège que je ne connaissais pas, et j'ai su à la seconde où j'ai senti mes chairs se déchirer que ce n'était pas un sortilège ordinaire. Ce n'était pas un banal Stupéfix, Experlliarmus, ou ces sorts gentillets dont P. est familier. Non, ça c'était un vrai sort. Un sort de magie noire. Le genre que l'on lance à son pire ennemi, avec l'intention de le tuer.
J'ai ressenti tout cela lorsque le sortilège m'a percuté. La colère, la haine, la brûlure de toute cette rancœur que P. a accumulée contre moi depuis toutes ces années... Quelque part, je devrais en être satisfait. Je n'avais jamais soupçonné que P. avait des sentiments aussi puissants pour moi...
Mais je ne peux pas m'empêcher d'en souffrir également, comme toujours. Même maintenant, dans mon lit à l'infirmerie, je pleure comme une fillette sur les pages de ce journal... Parce que P. a voulu me tuer. Moi je l'aime, et pourtant lui, il ne rêve que d'inscrire des blessures dans ma chair...
Il a regretté après coup. Je l'ai vu dans ses yeux. Je crois qu'il ne réalisait pas bien la portée de ce sort, heureusement que R. est apparu comme par enchantement et lui a sauvé la mise (à moi aussi, par la même occasion). Mais je ne peux m'empêcher de penser que P. a regretté de m'avoir blessé uniquement parce qu'il ne voulait pas avoir ça sur la conscience. Ce n'était pas par rapport à moi. Mais uniquement par rapport à lui. Il s'est dit : « Mon Dieu non, je ne veux pas être un meurtrier, je ne veux pas vivre avec ce sang sur les mains et cette tâche sur la conscience ! ». Mais il ne s'est pas dit : « C'était Drago Malefoy ! Je ne veux pas tuer Malefoy... ».
Pourtant, qu'est-ce que tu crois, P. ? C'est la suite logique. C'est ce qui nous attend. Cet affrontement n'a-t-il pas sonné comme une prémonition, à tes yeux ?
Moi je ne veux plus dormir la nuit. Je ne peux plus. Pas avec tout ce que je sais, pas avec ce qui se prépare, et pas avec la haine et l'indifférence que tu ressens pour moi...
Je me dis que peut-être, finalement, ça aurait été bien que tu me tues. »
X
« 18 avril 1997.
Gryffondor a encore gagné un match. Et P. a commencé à sortir avec G.W. Que dire de plus ? »
X
« 25 mai 1997.
J'ai couché avec A. Je ne sais pas très bien comment ça s'est fait. Quand je pense au passif que nous avons elle et moi, ça parait presque surréaliste. Et pourtant, sur le moment, c'était tellement naturel...
Je crois que ça a été une accumulation de petits riens, en fait. Peut-être parce que P. sort avec G.W. Peut-être parce je sais que la fin est proche, et que je vais bientôt mourir. Peut-être parce que A. le sait aussi. Peut-être parce que nous avons pris l'habitude d'être tout l'un pour l'autre : un soutien indéfectible, sans faille, un lien que nous avons forgé malgré tout le mal et la douleur qu'on nous a fait, malgré V., malgré tous les autres, un amour que nous avons construit sur une terre que tout désignait comme stérile, et qui a survécu...
J'aime A. Je ne sais pas exactement de quelle façon – c'est tellement différent de ce que je ressens pour P. – et pourtant, ce n'est pas qu'une simple amitié... Mes sentiments pour P. sont comme un volcan en éruption : incontrôlables, brûlants, imprévisibles, et à terme... dévastateurs. Avec A., ce n'est pas la même chose. C'est plus doux. Plus tendre. Infiniment triste, délicat et posé. Comme le reflet de notre innocence brisée... Comme le reflet de A., en fait. Je n'ai pas couché avec elle comme ça juste pour une nuit : j'ai fait l'amour avec elle. C'était la première fois que j'envisageais ce genre de rapport comme davantage qu'un plaisir ou une torture. La première fois que j'avais une relation normale, peut-être bien... Inutile de dire que c'était très différent de notre premier contact forcé.
Pour A. aussi, je pense que ça a dû être étrange. Elle ne m'a jamais caché qu'elle m'aimait : même si elle ne me le disait pas, tout dans son être le criait. Elle l'a toujours affiché avec cette étrange réserve qui la caractérise, et que j'aime chez elle. J'aime sa pureté, sa fragilité, l'innocence qu'elle a su préserver... J'aime la lumière, l'espoir et l'oxygène qu'elle m'apporte... La confiance, et le sentiment des épreuves partagées...
Je l'aime, et même si rien entre nous n'aurait dû permettre que cela arrive, elle m'aime aussi. Peut-être que je devrais me réjouir que nous ayons réussi à développer de tels sentiments après ce que nous avons partagé...
Mais je redoute le pire. Ce moment si proche maintenant où nous ne pourrons plus nous aveugler, où la réalité nous rattrapera, et où je devrai mourir ou vendre mon âme... Je ne veux pas faire de mal à A. Pas plus que je ne lui en ai déjà fait... Mais je sens qu'il est déjà trop tard pour ça. »
X
« 30 juin 1997.
Tout est organisé. Tout est fin prêt. Je n'arrive pas à croire que c'est moi qui suis responsable de ce qui est sur le point de se produire... Je n'arrive pas à croire que c'est mon nom que l'on citera dans les livres d'histoire, lorsqu'on se demandera où est-ce que tout cela a commencé, et comment cela a été rendu possible...
L'Armoire à Disparaître marche à la perfection. Et c'est le dernier jour de l'année. Ce soir, je devrai agir. Je devrai tuer D., ou alors... Je mourrai.
Je ne sais pas ce que je vais faire... Je ne suis pas prêt, je ne l'ai jamais été... Je ne veux pas tuer D... Mais je ne veux pas mourir ! Je ne veux pas mourir, par pitié, quelqu'un, faites quelque chose ! Que tout cela ne repose pas uniquement sur mes épaules !!
Je dois me reprendre. Je n'ai plus le choix. Il n'y a pas que ma vie qui est en jeu : il y a ma mère, il y a A... Et il y a P...
P., est-ce que j'aurai le temps de te revoir, ce soir ? Je crois qu'il ne vaut mieux pas. Dieu sait ce qu'ils te feraient. Et en même temps, je sais que d'ici quelques heures, si j'agis comme prévu, tu voudras me tuer... J'aurai perdu la moindre lueur d'espoir qui aurait pu subsister entre nous. J'aurai tout perdu. Peut-être ma vie, peut-être mon âme...
Mon amour pour toi, c'est tout ce qu'il me reste. Même si je ne le mérite pas. Même si je n'ai pas le droit de le ressentir. Je l'emporterai avec moi, quelle que soit l'issue de ce soir. C'est la seule chose qu'ils ne m'enlèveront jamais. Mon amour pour toi. »
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