De Nobis Fabula Narratur
« 2 décembre 2000.
Je l'ai fait. Je me suis brûlé. Mais qu'est-ce qui m'a pris, Harry ? Pourquoi est-ce que je t'ai suivi jusque dans ce bar Moldu hier soir ? Pourquoi est-ce que quand j'ai vu ce type commencer à te draguer juste sous mes yeux, je n'ai pas pu le supporter ? Pourquoi a-t-il fallu que j'intervienne ? Je n'ai pas réfléchi, sur le moment. J'en étais incapable. Tout ce qui comptait pour moi était de faire cesser cette scène qui se déroulait devant moi, tout ce qui comptait c'était de tout arrêter, et après... Après, je ne sais pas.
Je me suis retrouvé là, debout en face de toi, à te parler. Ça semblait si facile, sur le moment... Comme si ce n'était pas réel. Si facile de faire dégager ce pauvre type insignifiant, et de prendre sa place...
Et après ?
Tu m'as parlé. Je me suis présenté, j'ai dit le premier nom qui me passait par la tête. Et tout était si... normal. Normal, et extraordinaire à la fois. Mon cœur n'arrêtait pas de battre très fort. Est-ce que tu pouvais le voir, Harry ? J'ai du mal à me rappeler de ce que nous nous sommes dits dans ce bar. Pour moi, c'était un instant de frénésie pure, d'euphorie. Tu n'avais plus été aussi proche de moi depuis... Tellement longtemps. Je crois bien que la dernière fois, c'était dans mon Manoir, quand Bellatrix m'a demandé de t'identifier... Je n'ai pas pu être proche de toi pendant la grande bataille. Et tu n'es devenu qu'une silhouette dans ma vie après cela...
C'était grisant, envoûtant. D'être à nouveau là juste devant toi, présent, palpable. De pouvoir détailler ton visage, tes yeux, tes cheveux, et même le grain de ta peau... J'avais oublié comment c'était, comment c'était vraiment. J'avais oublié à quel point ça m'avait manqué. Je me suis brûlé, Harry... J'ai goûté à quelque chose auquel je ne peux plus renoncer.
J'ai bu très peu, pendant notre conversation. Parce que l'instinct de préservation m'a appris qu'il vaut mieux garder les idées claires en toutes circonstances. Aussi je suis resté sur mes gardes, je me suis montré prudent, pour ne rien laisser échapper par mégarde qui puisse me trahir... Mais j'ai tellement aimé parler avec toi, Harry. C'était comme... une danse. Une danse mortelle et magnifique entre deux serpents. J'ai adoré ton humour, adoré ta chaleur et tes traits d'esprit, tous ces aspects de toi que tu avais toujours offert aux autres, mais jamais à moi... A bien y réfléchir, je crois que c'était notre première vraie conversation... Dire qu'il a fallu attendre que je me cache derrière un faux visage...
J'aurais voulu m'abandonner totalement à cette discussion, Harry. Savourer ta présence sans avoir à supporter le poids de cette angoisse sur mon épaule. Et puis finalement, alors que la soirée touchait à sa fin... Tu m'as invité chez toi. Je ne peux pas te dire à quel point ça m'a troublé. J'y avais pensé, bien sûr. Tout au long de la soirée, je me suis efforcé de mettre de la distance, pour rester raisonnable, pour ne pas être tenté, mais... Le moment venu, je n'ai pas su dire non. Je n'ai pas pu. Comment l'aurais-je pu ? Tu es tout ce que j'ai jamais désiré.
Alors cette pensée terrible s'est glissée dans mon esprit. Une pensée traître. « Rien qu'une fois, Drago », disait-elle. « Rien qu'une fois. Prends ce que tu désires, rien qu'une fois. Pour te donner une raison de vivre. Une raison d'avancer. Pour emporter avec toi un souvenir de lui, un souvenir tangible, réel, que tu pourras serrer contre ton cœur et chérir jusqu'à la fin de ta vie ».
Et j'ai obéi. J'ai cédé à la petite pensée traître dans mon esprit. Parce qu'envers et contre tout, je reste faible quand il s'agit de toi, Harry...
Nous sommes donc allés chez toi. Et je t'ai aimé, comme j'avais toujours rêvé de le faire. Je ne peux pas décrire avec des mots ce que j'ai vécu et ressenti hier soir. C'était quelque chose que je n'avais jamais espéré vivre. Un fantasme, un rêve que j'avais toujours cru hors d'atteinte, que je m'étais interdit de désirer...
Mais tu étais bien là, sous mes doigts, hier soir... J'ai goûté ta peau, tes étreintes, tes lèvres, je t'ai serré contre moi, j'ai senti ton odeur, tes baisers, la chaleur de ton corps... Comment décrire l'inexprimable ? Pour moi, c'était parfait. Inespéré, brûlant, éphémère et tragique, magnifique, comme nous deux, Harry. Sacré. Je doute que tu aies ressenti la même chose : comment l'aurais-tu pu ? Je n'étais qu'un parfait inconnu pour toi... Mais je pense que tu as ressenti un peu de cette intensité qui me consumait, hier soir... Un peu de cette flamme que tu m'as toujours inspiré... J'espère ne pas t'avoir fait peur. J'espère avoir marqué ton esprit, la nuit du premier décembre, d'une étoile éclatante au ciel de ton existence. Parce qu'il ne peut pas y avoir de prochaine fois... »
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« 3 décembre 2000.
Il y a eu une prochaine fois. Je ne sais pas ce qui m'a pris. Mais après être rentré chez moi hier matin, Harry... Je n'ai pas pu m'empêcher de penser à toi. A cette nuit que nous avions vécue. Je n'ai pas pu m'empêcher de penser à ces millions de petits détails que je n'avais jamais espéré connaitre sur toi.
Je suis pris au piège, une abeille qui a goûté au nectar des dieux : je m'y suis englué, et à présent... Je n'ai d'autre choix que de m'y noyer.
Je ne sais pas ce qui m'a pris. Je suis sorti de chez moi hier soir parce que je ne supportais plus de rester seul avec mes pensées. J'ai erré sans but, et mes pas m'ont conduit dans ce même bar, le même, comme une sensation de déjà-vu...
Je suis entré, et tu étais là. Ça m'a suffi. Ta seule présence était un aveu en soi. La preuve que toi aussi, tu recherchais ma présence, la preuve que pour toi aussi, cette nuit ne pouvait pas être la dernière, la seule et l'unique, que ça ne pouvait pas finir ainsi...
Je me suis assis dans ce bar, à la même place. Et ce matin, je me suis de nouveau réveillé avec toi... »
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« 10 décembre 2000.
Je ne sais pas quoi faire. Je ne sais plus comment arrêter la machine que j'ai mise en marche. Je joue un jeu dangereux, je le sais. Mais le jeu en vaut tellement la chandelle...
Voilà une semaine que je te fréquente, Harry. Une semaine que je te retrouve tous les soirs, sans qu'il y ait de réelles explications entre nous, sans que nous cherchions à nous poser les questions que nous devrions nous poser, pourtant. Sans chercher à mettre des mots sur ce qui nous unit. Comme si tu savais, toi aussi, que c'était une petite chose fragile, un murmure qu'une simple question pourrait suffire à faire disparaître...
Je ne sais pas quoi faire. Je ne sais pas dans quoi je m'engage. Je sens monter en moi un sentiment que j'avais banni depuis longtemps, le pire sentiment de tous, celui qui torture l'esprit des hommes tels que moi.
L'espoir. »
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« 1er janvier 2001.
D'une façon ou d'une autre, ma décision est prise. Je crois qu'elle s'est prise à mon insu, dans tes bras, dans mon sommeil auprès de toi. J'ai passé le Nouvel An à tes côtés, Harry, et j'ai décidé d'entamer cette nouvelle année avec toi. Je ne sais pas où cela me conduira. Je ne sais pas combien de temps durera ce bonheur désespéré, illusoire, la seule forme de bonheur que je puisse m'accorder... Je sais juste que je ne peux pas y renoncer. J'en suis incapable. Toutes les fibres de mon être ont beau me susurrer que c'est stupide, aberrant et dangereux, que cette folie causera ma perte, et sans doute aussi la tienne... Pour la première fois depuis très, très longtemps, je suis... apaisé. Je n'ose pas utiliser le mot « heureux », parce que c'est une notion trop étrangère pour moi. Je sais juste que je prendrai chaque seconde que tu voudras bien m'accorder. »
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« 15 janvier 2001.
Les choses s'organisent, lentement mais sûrement, presque sans que je m'en rende compte. Je prends soin de continuer à préparer le Polynectar dans l'appartement de ma dernière victime, Tommy Lewis. J'en ai une bonne réserve d'avance, mais c'est une précaution que je m'impose. Je suis aussi retourné sur Chatter Street pour voir Justin, le garçon dont j'emprunte l'apparence lorsque je suis avec Harry. Le garçon qui, aux yeux d'Harry, incarne Noah...
Justin est un Moldu, un petit dealer de rue qui ne pose pas de questions, même quand un type aussi bizarre que moi vient lui acheter ses cheveux... Il doit se dire que je nourris un fétichisme quelconque, mais ça m'est égal. Je l'ai à nouveau payé cent livres pour qu'il se rase entièrement la tête. Avec ça, je devrais en avoir pour plusieurs mois... Après quoi, je retournerai le voir. J'ai pris soin de lui montrer une photo d'Harry, pour qu'il s'enfuie aussitôt si jamais il venait à le croiser par hasard dans la rue. Comme à son habitude, Justin n'a pas posé de question. Je lui ai dit qu'Harry était flic, et ça lui a suffi. Je ne le devrais sans doute pas, mais je commence à penser que ce petit jeu d'illusion pourrait bien marcher... »
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« 14 février 2001.
Tu m'as présenté à tes amis aujourd'hui, Harry. Comme c'était étrange de revoir Granger et Weasley... Sans surprise, ils sont mariés à présent. Granger attend même une future petite marmotte aux cheveux roux.
Nous sommes sortis tous les quatre pour la Saint Valentin, deux couples. Sans surprise aussi, Weasley m'a instantanément détesté. Cela m'a fait sourire, et je crois qu'il m'a haï encore plus pour ça... C'est comme s'il avait pu sentir ma véritable identité, par-dessous le masque...
Enfin, peu importe Weasley. Il ne vaut pas l'encre que je gaspille à écrire sur lui. En revanche, j'étais étonnamment heureux de revoir Granger. Elle a l'air de s'être épanouie. Elle est devenue tout ce qu'elle promettait de devenir : une jeune femme forte, belle, intelligente, avec une brillante carrière devant elle...
L'amour qu'elle éprouve pour Weasley est palpable, touchant, même s'il demeurera toujours un mystère pour moi. Weasley le lui rend au centuple, et c'est bien la seule qualité que je peux lui concéder.
Quoi qu'il en soit, c'était étrange de déambuler ainsi tous les quatre, de dîner à la même table qu'eux... Le trio d'or, et moi... Combien de fois n'ai-je pas fantasmé, durant mes années à Poudlard, de faire partie de ce petit cercle bien à part ? De me tenir à tes côtés, Harry, et de jouer le même rôle de soutien que Weasley et Granger durant tes heures les plus sombres ?
Aussi incroyable que cela puisse paraitre, c'est devenu une réalité aujourd'hui. Je fais partie de ta vie.
Je fais partie de ta vie... »
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« 3 mars 2001.
Tu commences à poser des questions, Harry. Quoi de plus naturel ? C'est ton droit. Jusqu'à présent, je m'étais débrouillé pour les éviter, et tu t'étais pris au jeu, par malice peut-être : le frisson de l'Auror qui sait qu'il se compromet avec plus sombre que lui...
Mais tu es Auror Harry, justement. C'est ton métier de poser des questions. J'ai dû me résoudre à te révéler cette vérité toute simple : beaucoup de réponses à mon sujet ne sont pas faites pour que tu les entendes. Au risque de me perdre...
Tu as eu l'air troublé, en apprenant cela, évidemment. Mais guère surpris. Je suppose que la noirceur laisse une empreinte sur les gens, une aura, un sillage, et que cette marque est perceptible sur moi. Tu sais bien que je me réveille souvent en larmes la nuit, Harry. Tu sais qu'il y a des sujets qui me font tiquer, et des moments où je me retire en moi-même, malgré moi, parce que mes démons m'aspirent...
Tu sais déjà tant de choses. »
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« 29 mars 2001.
Je dois prendre garde à ne pas oublier qui je suis. Là d'où je viens. Les raisons de mes actes. Ces dernières semaines avec Harry m'ont semblé comme un rêve éveillé, mais il est temps pour moi de reprendre un peu prise avec la réalité, même si elle m'est détestable.
Comme tous les Aurors de Londres, Harry est chargé de l'enquête sur la Ronce. Or, il se trouve que la Ronce n'a pas donné signe de vie depuis décembre dernier. Un sommeil anormalement long, pour ce justicier si actif...
Harry m'en a fait la réflexion hier soir au dîner. Je me suis tendu, mais je ne crois pas qu'il s'en soit rendu compte. Intérieurement, je me suis traité de tous les noms. Je me suis montré distrait et inconscient. Non mais qu'est-ce qui m'a pris ?
Harry, tu as éclipsé tout le reste dans ma vie, comme tu as toujours si bien su le faire... Mais aujourd'hui, tu sors avec l'homme même que tu traques. Pour notre bonheur à tous les deux, je crois bien qu'il faut que je fasse preuve de davantage de prudence. Et il est temps pour la Ronce de sortir de son sommeil.
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« 26 avril 2001.
Cela m'a pris plus de temps qu'auparavant. Plus de temps, parce qu'Harry occupe une part importante de ma vie désormais, et que je ne peux justifier des absences trop longues. C'est étrange et nouveau pour moi, d'avoir quelqu'un pour s'inquiéter de mon emploi du temps...
Cela m'a pris plus de temps, mais en fin de compte, j'ai trouvé une nouvelle piste. J'ai exécuté ma dernière victime hier soir. Je dois faire attention à ne jamais rien écrire devant Harry, pour qu'il ne puisse associer mon écriture à celle de la Ronce...
Je crois aussi qu'il est temps que je cesse mes errances entre les appartements de mes victimes. Avec Harry si proche de moi, cela devient trop dangereux. J'ai besoin d'un endroit sûr, où dissimuler le personnage de la Ronce à l'abri des regards. L'armurier chez qui je me procure mes lames m'a dit qu'il avait un appartement à louer au-dessus de sa boutique, la semaine dernière. Je pense que je vais le lui prendre. C'est un homme discret, un quartier tranquille, à la frontière du monde sorcier... Même si j'ai pratiquement emménagé avec Harry, de manière tacite, j'ai besoin d'un endroit où entreposer ma double vie. Et ce journal avec elle. »
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« 15 mai 2001.
Je me sens coupable, Harry. Cela me pèse de vivre à tes côtés en sachant pertinemment qu'à chaque seconde, je te mens. En sachant que je rentre parfois dans notre appartement alors que je viens de laver le sang d'un de mes ennemis de mes mains. Je n'avais pas réfléchi aux conséquences avant de te fréquenter, mais je crois que les conséquences commencent doucement à me rattraper... »
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« 26 juin 2001.
Six mois ont passé déjà. Six mois... Envolés, partis en un éclair... Est-ce que c'est ça la vie avec toi, Harry ? Je n'arrive pas à m'y faire. Tu dis que c'est étrange pour toi de me voir faire le ménage ou la vaisselle. Tu dis que j'ai l'air trop extraordinaire pour des tâches aussi triviales. Eh bien pour moi, tu représentes la même chose. J'ai toujours peine à réaliser que je partage ta vie désormais. J'ai toujours peine à réaliser que je me réveille presque chaque matin avec toi dans mes bras, et qu'enfin, après tant d'années à t'admirer, à te désirer, à te regarder de loin, j'ai le privilège de te connaitre.
Tu as cette façon si particulière de me regarder... Comme si j'étais la chose la plus précieuse qui ait jamais existé en ce monde. Personne ne m'avait jamais regardé ainsi. Je n'ai jamais cru mériter ce genre de regard, en vérité...
Mais ce n'est pas moi que tu regardes, pas vrai ? Celui que tu regardes, c'est Noah. Le mystérieux et séduisant Noah, qui ne veut pas parler de son passé torturé... C'est tout cela qui te plait, n'est-ce pas, Harry ?
Je te connais, et dans le même temps, tu me demeures inaccessible. Jamais je n'aurais cru que l'apparence d'un autre me deviendrait aussi lourde. A présent, chaque regard, chaque caresse de ta part me le rappelle : ce n'est pas moi que tu vois.
Tu me trouves beau, tu me trouves attirant. Je n'avais jamais prêté attention à Justin de cette manière jusqu'à présent. Pour moi, ce n'était qu'un type des rues un peu minable, un peu paumé. Mais tu me trouves beau lorsque je revêts ses traits. J'ai du mal à définir ce que cela m'inspire. Au départ, Noah n'était censé être qu'une couverture, un nom et un visage passe-partout, pour me permettre de partager ton quotidien...
Je ne l'envisageais pas comme un être à part entière, mais tu m'y obliges à présent, Harry. Noah est partout : dans ma vie, dans notre appartement, entre nous. J'en suis venu à le haïr. »
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« 18 août 2001.
Nous sommes partis en vacances au Terrier durant ce beau mois d'été. Moi au Terrier... Si on m'avait dit qu'un jour, je serais reçu à la table d'Arthur et Molly Weasley...
J'ai rencontré Ginny, la fameuse ex-femme d'Harry. Elle s'est montrée aimable envers moi, mais je sens bien qu'il ne pourra jamais rien avoir d'autre que de la froideur entre nous. Je la comprends. Je vois dans ses yeux qu'elle aime Harry comme moi-même je l'ai toujours aimé. Je sais que ma simple existence est une blessure de chaque instant pour elle. Alors je ne veux pas lui imposer ma présence.
Par contre, j'ai sympathisé avec George et Angelina, étonnamment. Ces deux-là sont aussi tarés l'un que l'autre. Ils vont bien ensemble. Et j'ai revu Weasley et Granger...
Ce n'est pas la première fois que nous nous revoyons, évidemment : Harry les fréquente souvent, que ce soit chez eux ou chez nous. Mais c'est la première fois que je passe plusieurs semaines en leur compagnie, sous le même toit. C'est la première fois que je me sens autant entouré, en vérité...
La famille Weasley est une plongée dans l'inconnu pour moi. L'incarnation de tout ce que ma famille n'a jamais été. Quand je pense à toutes ces années où je les ai méprisés... Aujourd'hui, à l'issu de ce bref séjour chez eux, je me rends une fois de plus compte d'à quel point j'ai été méprisant et stupide. Les Weasley sont une vraie famille, une famille aimante. Je suis content que tu aies pu compter sur eux, Harry, à défaut d'avoir tes parents... Je suis content qu'ils aient été là pour toi. Je leur serai éternellement reconnaissant pour l'amour et le soutien qu'ils t'ont apporté – et je parle même pour Ron.
Le fait est que j'ai fait l'expérience du mot « chaleureux » pendant ces vacances. Harry, tu avais l'air si heureux... Si insouciant. Je crois que je t'ai aimé plus encore dans ces instants, si c'est possible...
J'ai aussi eu l'occasion de discuter avec Granger. Je ne peux pas vraiment décrire l'impression que cela m'a fait... Tout comme Harry, Hermione était une sorte de fantasme pour moi, un fantasme différent : j'avais l'envie de la connaitre, d'outrepasser les barrières que mon père m'avait imposé, pour céder à la curiosité qu'elle m'inspirait...
Aujourd'hui, c'est enfin chose faite. Et je ne suis pas déçu. Hermione est vraiment une personne extraordinaire : brillante, vive, amusante, subtile... C'est sans doute étrange, beaucoup plus pour moi que pour elle, mais... Je crois bien que nous sommes devenus amis. »
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« 17 octobre 2001.
Harry et moi avons joué à boire hier soir. De nouveau, il m'a posé des questions, des questions dangereuses. Je lui ai donné certaines réponses, pour le dissuader d'aller plus loin. Pour qu'il comprenne que tout ce que j'aurais à lui dire serait forcément déplaisant. Ça a eu l'air de le réduire au silence, pour l'instant. Mais pour combien de temps encore ? »
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« 2 décembre 2001.
Un an déjà. Un an... Tu te rends compte, Harry ? Jamais je n'aurais cru que cette folie irait aussi loin... Quelque part, je crois que toute cette histoire m'a totalement échappé. Je suis prisonnier du mensonge que j'ai tissé autour de moi depuis cette fameuse nuit de décembre. Je ne peux plus m'en dépêtrer : je suis entraîné malgré moi par les conséquences de mon masque.
Est-ce que je le regrette ? Je n'en suis pas toujours sûr. Par moments, je te regarde me sourire, m'aimer, m'embrasser, et je me dis que tout cela en vaut la peine. Je me dis que si c'était à refaire, je referais exactement les mêmes choix. Et par moments, je sens l'admiration dans tes yeux, la tendresse dans tes caresses, et tout ce que je peux voir, c'est la supercherie. L'illusion, le mensonge. Le masque de chair et de sang.
Je traverse un de ces moments-là, je crois...
Hier soir, toi et moi sommes allés au bar où nous nous sommes rencontrés, pour fêter cette première année ensemble. Ce soir-là, tu m'as dit que tu m'aimais. Ça peut paraitre stupide, mais c'était la toute première fois que tu me le disais. Je ne suis pas homme à exprimer facilement mes sentiments – ailleurs que sur le papier – et toi non plus. Tous les deux, cela nous met mal à l'aise, ce genre de choses... Alors oui, tu as attendu un an pour me le dire. Et j'ignore pourquoi... cela m'a rendu vide.
J'ai su que tu allais me le dire, avant même que tu n'ouvres la bouche. Ces mots, j'ai rêvé de les entendre depuis ma plus tendre adolescence, depuis tellement longtemps... Ça pourrait presque être l'accomplissement de toute ma vie, je crois bien. Et pourtant, avant même que tu ne les prononces, j'ai su qu'ils seraient gâchés. Comme tout le reste dans ma vie : tout ce que je touche flétrit et pourrit. Tout ce que je touche est forcément perverti... Et ce « Je t'aime », même si je ne doute pas que pour toi, Harry, il était profond et sincère... Il était perverti. Parce que ce n'est pas à moi que tu as dit « Je t'aime ». Ce n'est pas pour moi que tu éprouves ces sentiments. C'est pour Noah. »
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« 2 février 2002.
Je crois qu'Hermione se doute de quelque chose. Je ne sais pas pourquoi : un sentiment, ce vieil instinct qui ne me quitte pas... Elle a cette façon de me regarder, parfois. De poser des questions d'une certaine manière, comme pour me prendre au piège. Des insinuations, de petits gestes...
Je dois faire plus attention. Cela me trouble, car je ne perçois aucune hostilité dans ses tentatives subtiles. Rien que le désir d'en savoir plus, de comprendre...
Elle dit qu'elle s'inquiète pour moi. Elle est mon amie. A elle aussi, cela me pèse de mentir... Mais qu'est-ce que je peux faire d'autre ? »
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« 4 avril 2002.
Que dirais-tu, Harry, si tu apprenais que tu vis avec la Ronce depuis plus d'un an ? Que dirais-tu, si tu apprenais que l'homme que tu aimes, l'homme que tu as pris dans tes bras il y a encore quelques heures, était en fait Drago Malefoy, ton vieil ennemi et ancien Mangemort, l'homme le plus recherché du pays, et que tu es précisément chargé de traquer ?
Ces questions me hantent la nuit. A chaque fois que tu poses le regard sur moi, à chaque fois que tu m'embrasses, que tu me dis que tu m'aimes, je ne peux m'empêcher de me demander si tu ressens réellement ces choses-là pour moi. Ce qu'il en serait si tu me voyais tel que je suis vraiment...
Mais c'est un cercle vicieux, n'est-ce pas ? Je ne connaitrai jamais la réponse à ces questions. Jamais je ne pourrai t'avouer la vérité. Cela nous détruirait tous les deux, et ma mission en tant que la Ronce est loin d'être terminée : je ne peux pas me payer le luxe d'une incarcération...
Cela signifie-t-il que je suis condamné à porter le masque de Noah jusqu'à la fin de mes jours ?
Jamais encore je n'avais pensé à l'avenir de cette façon, mais chaque jour, je m'y sens davantage forcé. Je ne peux pas compter sur le fait de prélever des cheveux à Justin pour le reste de ma vie, c'est absolument délirant. Et quand je vois ce que cette couverture me coûte au bout d'à peine un an, je n'ose imaginer le poids d'une vie, d'une vie toute entière, dans la peau d'un autre...
Harry, je commence à admettre une vérité qui me fait peur. J'en étais conscient dès le premier soir, bien sûr, mais je n'osais pas me l'avouer... Ça ne pourra jamais durer toi et moi. Tôt ou tard, il faudra que l'on se dise au revoir... »
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« 17 juin 2002.
Hermione m'a confronté hier soir. Je ne sais pas exactement pourquoi. Pourquoi ce soir-là plutôt qu'un autre ? Elle, Ron, George et Angelina étaient venus à la maison pour fêter la promotion d'Harry au sein du service des Aurors. Il y avait de la musique, nous avions bu et dansé. C'était une très belle soirée. Au bout d'un moment, comme il faisait chaud, je suis sorti sur le balcon quelques instants, et Hermione m'a rejoint.
- Tu veux encore à boire, Drago ? m'a-t-elle demandé.
Je suis trop habile pour céder à ce genre de pièges. Mais mes pires craintes se sont confirmées. Hermione avait des soupçons, des soupçons suffisamment graves pour venir me confronter en personne...
Passées les premières secondes de panique, j'ai songé... « Après tout, et alors ? Pourquoi nier ? Pourquoi lui mentir ? ». Je ne sais pas si c'est ma confiance en Hermione qui m'a décidé, ou tout simplement mon envie de me détruire, d'assassiner enfin Noah de mes propres mains...
Quoi qu'il en soit, j'ai souri, et j'ai dit :
- Qu'est-ce qui m'a trahi ?
Elle s'est avancée vers moi. Elle avait peur, cela se voyait. Mais pas peur de moi. Je sais reconnaitre lorsque les gens ont peur de moi... Non, elle avait peur de ma réaction.
- J'ai reconnu ta voix, a-t-elle fini par dire tout doucement. La façon dont tu appelles Harry par son nom, et moi aussi, parfois... Ensuite, j'ai commencé à me montrer plus attentive, et j'ai remarqué... Un tas de petites choses. La façon dont tu te comportes. La façon dont tu t'entends avec Ron.
J'ai souri à nouveau, sans la regarder. Perdu dans la nuit.
- Est-ce que tu vas le dire à Harry ? j'ai demandé.
Elle a fait non de la tête :
- C'est ton secret, Drago. Ce n'est pas à moi de le dire à Harry.
- Tu sais tout ce que ça implique, n'est-ce pas ?
Je l'ai regardé dans les yeux tout à coup. Elle a dit oui. Alors, nous sommes restés silencieux, longtemps. Je crois que pour la première fois depuis des mois, je me sentais étonnamment léger. Comme si plus rien n'avait d'importance. Il y avait enfin une personne en ce monde qui partageait mon secret, enfin...
En l'espace de quelques minutes, je me suis rappelé tous les souvenirs qui me liaient à Hermione, tous les souvenirs de notre amitié si inattendue, si étrange... Durant la soirée, à peine quelques heures plus tôt, nous avions même dansé ensemble. A présent, elle se tenait auprès de moi, en tant qu'amie, alors qu'elle savait qui j'étais...
Sa main a saisi la mienne, et alors, nous nous sommes enlacés. Je crois qu'elle pleurait.
- Je suis désolée, Drago, a-t-elle dit. J'ignore pour quoi exactement, mais je suis désolée de tout ce qui t'est arrivé. Je suis désolée que tu doives te cacher pour aimer Harry...
J'ai fait non de la tête, comme si ce n'était pas grave, mais elle savait que ça l'était. Elle pouvait lire en moi comme dans un livre ouvert, après tout :
- Est-ce que tu comptes lui dire un jour ? m'a-t-elle demandé.
- Je ne peux pas, j'ai murmuré. Cela le détruirait, et moi aussi. Il est bien trop droit pour outrepasser ses devoirs d'Auror. Et je suis ce que je suis... Je ne peux pas lui faire ça, Hermione. Je ne peux pas lui infliger la vérité. Le mettre dans l'obligation de m'arrêter et de me condamner...
- Il ne le ferait pas...
- Il le ferait. Il y serait obligé. Et même s'il passait outre sa morale... Il ne me pardonnerait jamais de l'avoir abusé de cette manière. Depuis plus d'un an, Hermione, plus d'un an... Il le verrait comme une trahison.
- Mais...
- Je sais que ça ne pourra pas durer pour toujours.
- Qu'est-ce que tu vas faire ?
J'ai soupiré, pris ma tête entre mes mains :
- Je n'en sais rien..., j'ai murmuré.
Hermione a posé sa main sur mon épaule. Plus que jamais en cet instant, j'ai ressenti la fascination qu'elle m'avait toujours inspirée. Moi aussi, en un sens, je la fascinais. Je crois qu'elle et moi, à ce moment précis, étions tous les deux parfaitement conscients de ce lien spécial que nous partagions. Si Harry et Ron n'avaient jamais existé, cela aurait probablement été elle et moi...
Je le lui ai dit. Elle a acquiescé. Alors, très brièvement, je l'ai embrassée, et je crois que cela a scellé notre secret. »
X
« 10 septembre 2002.
Les choses sont très différentes depuis qu'Hermione sait. J'ai enfin quelqu'un à qui me confier. Pas beaucoup, bien sûr, car je ne suis pas capable de me confier en dehors des pages de ce journal. Mais j'ai au moins pu m'amender pour mon comportement durant nos années à Poudlard. J'ai dit à Hermione que j'étais désolé, et je lui ai confié quelques éléments de réponse, quand à l'adolescent que j'étais à l'époque...
Elle m'a pardonné. Je ne sais pas si cela signifie grand-chose pour elle, mais... Pour moi, c'est littéralement un poids qui s'est retiré de mes épaules.
Merci, Hermione. La situation commençait à devenir invivable dans mon esprit. Je crois que ta perspicacité nous a offert à Harry et moi quelques mois de plus. »
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« 2 décembre 2002.
Deuxième anniversaire. Encore une fois, cela m'a laissé un sentiment étrange. Nous sommes retournés au bar, comme un pèlerinage, et tu as recommencé à me poser des questions, Harry. Mais cette fois, tu as insisté.
J'ai paniqué, j'ai eu peur, et comme à chaque fois que j'ai peur, je ne sais réagir que d'une seule façon : la colère.
Nous avons déjà eu notre lot de disputes toi et moi. Je sais que je ne suis pas forcément facile à vivre : j'ai mon orgueil et mon sale caractère, parfois même, je prends plaisir à énerver les autres, simplement par jeu. Mais cette fois, c'était une vraie dispute. Une dispute importante. Cela m'a permis de réaliser une idée toute simple, qui aurait dû m'effleurer plus tôt : je ne suis pas le seul à penser à notre avenir. Toi aussi, Harry, tu commences à voir l'impasse se dessiner à l'horizon. Toi aussi, tu te demandes combien de temps tu pourras tenir au côté d'un homme dont tu ne sais presque rien et qui ne t'apporte aucune réponse. Et surtout, tu sais, tout comme moi, que cela ne pourra pas durer éternellement... »
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« 4 décembre 2002.
Réconciliation sur l'oreiller. Comme toujours entre toi et moi. L'approche de Noël a aidé sans doute : nous étions sortis acheter nos cadeaux respectifs, et l'ambiance générale nous a rapprochés, jusqu'à ce que nous décidions de rentrer sur un coup de tête...
J'adore ces moments avec toi, Harry. J'adore lorsqu'à l'improviste, à l'issu d'un échange, d'un geste, d'un regard, nous nous jetons l'un sur l'autre comme si c'était la toute première fois. La véritable passion, à l'état pur... Le désir et le besoin réunis, absolus, sans cesse renouvelés. Mais tout a acquis une saveur d'adieu désormais. A chaque fois que je t'embrasse, à chaque fois que je te touche, je me demande si ce sera pour la dernière fois. Je me demande : « Encore combien de temps ? ». Et je goûte encore à tes lèvres, pour me rappeler du moindre souvenir de toi...
J'ai l'impression de vivre pour chaque seconde. Comme au seuil d'un immense précipice qui se rapproche, inexorablement... Il n'y a rien que je puisse faire pour l'éviter. Je suis suffisamment lucide – ou cynique ? – pour savoir que souvent, l'amour ne suffit pas. Loin de là. La vie va nous séparer, comme elle l'a déjà fait il y a des années... »
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« 4 mars 2003.
Weasley nous a surpris dans le salon aujourd'hui, Harry et moi. J'étais occupé à plier des chaussettes. Comme d'habitude lorsque je me livre à ce genre d'activité, Harry s'est moqué de moi jusqu'à ce que je lui jette les chaussettes à la figure avant de l'embrasser. Nous avons fait l'amour sur le canapé, et Weasley a transplané sans prévenir...
Je n'ai pas souvent l'occasion de rire, mais je crois que je me souviendrai de sa tête jusqu'à la fin de mes jours. Weasley, pauvre petit Weasley, si prude et si fermé...
J'ai dit à Harry que ce n'était pas la peine d'en faire toute une histoire, mais il lui a couru après dans la rue. Ils se sont disputés, j'ai entendu ce qu'ils se sont dits.
Tu m'as défendu, Harry, comme d'habitude... Tu ne sais rien de moi, et pourtant, tu as une telle confiance, une telle foi, une telle certitude...
Cela m'a bouleversé, au-delà des mots. Sans prévenir, je t'ai serré fort contre moi lorsque tu es revenu. Parce que je t'aime. Parce que ces deux merveilleuses années sont un cadeau que je n'aurais jamais espéré vivre, et que c'est uniquement grâce à toi. Parce que je ne veux pas te perdre... »
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« 16 juin 2003.
Nous nous parlons de moins en moins, toi et moi, pas vrai ? C'est ce que je redoutais. Malgré l'amour, la rancœur s'est installée. Tu m'en veux de garder le silence malgré tout ce temps passé ensemble, Harry. Tu m'en veux de toutes ces nuits sans sommeil, de ces absences sans réponses, et de l'avenir dont elles nous privent. Tu as dû sentir en moi que je savais déjà comment tout cela se terminerait. Et cela te met en colère, pas vrai, Harry ? En bon héros que tu es, tu veux lutter contre l'inéluctable. Mais la fin est déjà là : elle me déchire déjà le cœur, et je tente à la fois de la fuir et de l'accepter...
Que sera ma vie sans toi ? »
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« 25 septembre 2003.
Cela fait longtemps que mes activités en tant que la Ronce sont devenues une routine pour moi. Mes ennemis ont appris à mieux se cacher depuis qu'ils ont compris que je suis sur leurs traces, mais moi, j'ai appris à mieux les débusquer. Depuis son poste au bureau des Aurors, Harry le sait aussi bien que moi : la Ronce est devenue un personnage extrêmement influent. J'ai tout un réseau d'informateurs, désormais. Je gagne ma vie grâce à l'argent de mes victimes, mais je remplis aussi d'autres services : je connais tout le monde, alors je véhicule des secrets, des armes, tout ce que l'on peut souhaiter trouver... Je suis un business à part entière. Et perdu au milieu de tout ceci, perdu au milieu de mes soucis avec Harry, j'ai soudain mis la main sur un fantôme issu du passé.
Pour la première fois depuis des années, alors que j'avais presque renoncé, un nom a resurgi d'entre les morts. Astoria.
Ce n'est pas grand-chose : juste un nom dans un registre obtenu par un contact à l'Eventail, mais... Elle est belle et bien là, couchée sur le papier. Daphnée et Astoria Greengrass, vendues à un certain H. G. Shelby. J'ignore de qui il s'agit, mais je mènerai mon enquête...
Presque malgré moi, j'ai l'impression de sentir le passé m'agripper, et me ramener jusqu'à lui... »
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« 12 novembre 2003.
J'ai ce pressentiment, depuis quelques temps maintenant, ce pressentiment étrange. Je ne dors quasiment plus depuis deux semaines. J'ai le sentiment que tout va bientôt finir, Harry...
Cela fait des mois que je ne me regarde plus dans un miroir. Des mois que la seule mention du prénom « Noah » me plonge dans des abymes noirs. Tu tentes de m'apaiser, de me comprendre, de me faire parler... Chacune de tes tentatives n'est qu'une agression de plus. Parce que tu veux faire de moi ce que je ne suis pas, Harry... Tu ne me vois pas et tu ne me verras jamais, c'est sans espoir. Tu ne m'as même jamais vraiment embrassé, vraiment touché... Tu me regardes, et tout ce que tu vois c'est un jeune homme blessé au passé sombre, qui ne se livrera jamais à toi.
Tu n'arrêtes pas de répéter que tu m'aimes, comme si c'était une formule magique qui allait nous sauver. Je ne connais pas de remède à ce que je suis, Harry... Il n'y a pas de remède à la vérité, pas plus qu'au mensonge. Et mon mensonge est si noir, si profond, si laid...
Je voudrais tellement tout te dire. Aujourd'hui après trois années, j'ai l'impression de n'avoir vécu qu'une farce. Une supercherie. Comment distinguer le vrai du faux dans ce que nous avons partagé ? Même cela, même notre relation, mon amour pour toi, j'ai réussi à le gâcher... Je t'aime, Harry, de toutes les fibres de mon corps. Je n'aurais jamais espéré pouvoir t'aimer d'aussi près. Mais je suis toujours le petit garçon de onze ans qui rêve de devenir ton ami, qui rêve d'être aimé de toi.
Pendant un temps, j'ai cru avoir réussi, mais... Ce n'est pas vrai, et ça ne le sera jamais. Pas tant que tu ne sauras pas qui tu as réellement en face de toi. Pas tant que tu ne sauras pas qui est l'homme que tu crois aimer... Mais si je te le disais...
Je suis fatigué, fatigué de ce conflit entre nous, entre moi. La vérité est le remède, mais aussi le poison. »
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« 2 décembre 2003.
Cela fait trois ans à présent. Quelque chose en moi sent qu'il n'y aura pas d'autre anniversaire. Alors j'ai cédé, j'ai fait ce que je me suis toujours interdit de faire...
Pour une fois, rien qu'une fois, Harry, je t'ai laissé m'aimer sous ma véritable image. Ma véritable apparence, mon véritable corps. Pour la première fois, tu m'as serré dans tes bras, aimé, embrassé, moi, Drago Malefoy...
Mais tu ne le savais pas. T'es-tu rendu compte de quelque chose, Harry, tandis que je t'entrainais pour faire l'amour dans le noir ? As-tu senti une différence, dans la texture de mes cheveux, de ma peau, as-tu senti les cicatrices sur mon corps, la tension dans mes muscles ?
Je suis condamné à l'ignorer. J'ignore même pourquoi j'ai fait ce que j'ai fait. C'est le geste d'un être désespéré. Mais je crois que c'était vital pour moi, Harry... De t'avoir enfin pour moi, vraiment... D'être réellement là avec toi... Cela m'a déchiré le cœur, tout le temps que ça a duré. Je ne voulais pas que cela s'arrête, mais je savais qu'il le faudrait. Je savais que cette nuit dans le noir, c'était un adieu anticipé...
Quand ça a été fini, je suis sorti dans la rue et j'ai hurlé tout le désespoir que cela m'inspirait. Toute la frustration et l'horreur infligées depuis trois années. Je n'aurais jamais cru en allant te parler dans ce bar trois ans plus tôt que cela me détruirait à ce point...
Je suis une épave, Harry. Je ne peux pas vivre avec ou sans toi. Quelle que soit l'issu, je sombre dans ces ténèbres qui ont toujours été les miennes. Où que se porte mon regard, l'horizon me semble verrouillé, et je ne suis qu'un jouet au milieu de la tempête, prêt à céder aux pressions contraires... »
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« 18 janvier 2004.
Ça y est, c'est arrivé. Est-ce le fruit du hasard, ou est-ce moi qui l'ai décidé ? Je suppose que je ne le saurai jamais.
Harry et moi avons eu la dispute qui devait arriver, inexorablement. La dispute de trop. Celle que nous avions eu des dizaines de fois, et qui finirait par avoir raison de nous...
Depuis plusieurs mois maintenant, je travaille d'arrache-pied sur la piste d'Astoria. Je suis souvent absent, et j'évite peut-être Harry, inconsciemment...
Quoi qu'il en soit, cela a donné lieu à une nouvelle séance de questions, hier soir. Jusqu'à ce que je craque. Jusqu'à ce que l'évidence se fasse jour en moi, terrible, tranchante et froide, sans colère, sans larmes. Devant Harry à bout de souffle d'avoir crié, je me suis figé tout à coup. Il a vu le changement dans ma posture, dans mon regard, et ses yeux se sont soudain cramponnés à moi pour me supplier. « Non », semblaient-ils dire. « Ne renonce pas ! Ne renonce pas, pas maintenant ! ».
Alors j'ai dit :
- Tu ne cesseras jamais de t'interroger, n'est-ce pas ? Et je le comprends. Tu ne peux pas vivre sans ces réponses. Et moi, je ne cesserai jamais de te les cacher. Tu sais où cela nous mène, pas vrai ?
- Noah...
- Non. Rends-toi à l'évidence, Harry. Nous sommes dans une impasse. Il n'y a rien que nous puissions y faire. Je ne parlerai jamais. Et je ne peux pas exiger de toi que tu supportes cette situation plus longtemps.
- Noah, je t'en prie...
Le reste n'a pris que quelques minutes. J'ai rassemblé mes affaires, je les ai mises dans une valise, et je suis parti. Je n'ai rien entendu des supplications d'Harry, ou de ses tentatives pour me retenir. Je me suis évanoui dans la nuit, et ainsi, comme cela, au détour d'une rue, Noah Loxley a totalement disparu.
Pardonne-moi, Harry. A présent que je suis seul chez moi, mes larmes se sont libérées, et je ne sais pas si elles se tariront un jour. Tu me manques déjà. Tu me manques comme si j'avais laissé une partie de mon cœur là-bas avec toi. Mais nous savions que ce jour arriverait toi et moi, pas vrai ?
Pas d'explications, je crois que cela vaut mieux. Pas d'ultime confrontation, qui pourrait faire fléchir ma résolution. Plus de filatures à l'improviste en bas de ton immeuble...
Drago Malefoy est mort encore une fois, une dernière fois. Il faut croire qu'il restait encore quelque chose à tuer...
Tu as bouleversé ma vie, Harry. Plus que tu ne l'avais encore jamais fait jusqu'à présent. Parce qu'après trois années passées à tes côtés, je ne sais plus comment me débrouiller seul sans toi. Je ne sais plus comment accepter d'être moi et seulement moi, sans but dans la vie, si ce n'est la vengeance, et Astoria...
Astoria est la réponse, sans doute. Je n'ai plus la force d'être Drago. Je ne sais pas si j'aurai la force de rester en vie très longtemps, en vérité. Mais j'ai cette piste, ce minuscule filament d'information qui me maintient en vie...
Oui, tant que je n'aurai pas retrouvé Astoria, je serai la Ronce. Plus rien d'autre ne compte désormais.
Adieu, Harry. »
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