Aut Agere Aut Mori
« 5 août 1995.
Je n'arrête pas de lire des articles sur P. dans la presse, et c'est une torture. J'ai entendu Père raconter comment le Ministère a envoyé des Détraqueurs contre lui... Des Détraqueurs !! Dans quelques jours, il sera jugé...
Je ne sais plus quoi penser de tout ceci. Je me sens piégé. Chaque jour, je perçois la menace qui grossit, qui grandit. Je sais qu'une guerre se prépare, et que ni Potter ni moi ne pourrons y échapper. Père nous y a déjà entraînés. Et nous ne nous battrons pas du même côté de la barrière, Potter et moi...
Que ferons-nous lorsque nous serons contraints de nous affronter ? Que ferai-je... ?
J'aime P. et je déteste ma vie, et pourtant, je ne veux pas mourir. Curieux, n'est-ce pas ? Comme un insecte peut vouloir s'accrocher à sa misérable existence... Je ne veux pas mourir, et dans le même temps, je redoute ce que l'on me demandera de faire pour survivre. »
X
« 20 août 1995.
Je dois écrire tout ceci avant que les détails ne s'effacent de ma mémoire. Avant de ne plus en avoir la force... Je dois écrire tout ce qu'il vient de se passer, même si mon discours est flou et incohérent, même si je passe pour un fou furieux, un criminel, une ordure... Je dois écrire tout ce qu'il vient de se passer... Parce que c'était inhumain. Parce que c'était trop horrible pour le conserver en moi une seule seconde de plus. Parce que ça me dévore déjà, je le sais, je le sens... La postérité doit savoir. Quelqu'un doit savoir, même si ce n'est qu'entre ces pages... Ce qu'il s'est passé aujourd'hui est trop abominable pour demeurer dans l'ombre, le silence et l'oubli. Et même s'il n'y a pas de mots pour décrire une telle horreur... Il faut que je les trouve.
V. est venu au Manoir aujourd'hui. Il n'était pas seul. Ceux de ses Mangemorts qui ne sont pas à Azkaban sont venus aussi. Avec Père, ils avaient prévu une réunion à laquelle je n'étais pas censé être convié. V. en a décidé autrement. Il a insisté pour que je fasse partie de la confidence, il a dit à Père qu'il était temps pour moi de prendre clairement position, de rejoindre leurs rangs, de défendre ce pour quoi j'avais été élevé toute ma vie...
V. a dû sentir la réticence de Père. Et ma propre réticence. Je suppose qu'il y a vu l'occasion de s'amuser, plus qu'autre chose. Pour lui, ce n'était qu'un jeu... Il a glissé quelques mots à l'oreille d'un des hommes qui étaient présents : G. Je n'ai pas compris ce qui se préparait. J'aurais dû me méfier dès que j'ai vu G. transplaner, pour revenir aussitôt en compagnie d'une de ses filles, A. Je connais vaguement les filles G. Elles sont à Serpentard toutes les deux. D. a mon âge, A. a deux ans de moins. Ce sont de jolies filles. Discrètes. De parfaites Sang-Purs.
G. a attiré sa fille au milieu de la salle à manger. Elle avait peur, ça se voyait, mais elle écoutait son père. Il lui a dit de s'asseoir sur la table. Tous les autres se sont écartés. Alors, V. m'a regardé :
« Drago », a-t-il dit.
Je déteste sa voix. Je l'entends encore me susurrer à l'oreille, comme un cobra sur mon épaule...
« Je ne te sens pas encore très dévoué à notre cause. Je crois savoir d'où vient le problème. Tu as besoin de devenir un homme, Drago. »
J'ai compris où il voulait en venir, avant même qu'il n'en dise plus. A. aussi l'a compris. Je l'ai vu au regard qu'elle a lancé à son père : un regard de déni, de désespoir pur, mais il l'a ignorée.
Je me suis senti piégé. Mon cœur battait si fort dans ma poitrine que j'aurais pu vomir là, sur place. Je ne savais pas quoi faire. Comment sauver la situation ? Comment m'échapper ?
« Je n'en ai pas besoin », j'ai dit. « Je l'ai déjà fait. »
« Tu parles de cette petite chienne de Pansy Parkinson », m'a-t-il répondu.
Le père de Pansy était là, dans l'assemblée, mais il n'a pas frémi.
« Mais ça ce n'est pas digne de toi, ça, mon petit Drago », a repris V. « Ce n'est que du menu fretin pour les gens comme toi et moi. Tu as pris la fille Parkinson parce que tu le voulais, et tu as bien fait. Ces gens-là sont faits pour nous servir. Pour combler nos moindres désirs. Mais une vraie Sang-Pur... Une vraie Sang-Pur, c'est autre chose... »
Il s'est tourné vers A. Il lui a dit : « Déshabille-toi, ma chérie. »
La fille a tremblé de tous ses membres. Quand V. a vu qu'elle ne ferait rien, il a levé sa baguette, et ses vêtements sont partis en lambeaux. Elle a hurlé. Elle pleurait vraiment à présent. Elle s'est recroquevillée sur elle-même pour se prendre dans ses bras, assise toute seule au milieu de la salle comme un trophée funèbre, comme une victime vouée au sacrifice.
« Arrêtez ! », j'ai crié. « Je n'ai pas besoin de ça pour vous prouver que je suis dévoué à votre cause ! »
« Au contraire », m'a dit V. avec son sourire qui me glace le sang, ce sourire doucereux, écœurant. « Voilà ce que je te demande pour prouver ton allégeance. C'est peu de chose. Ce n'est pas difficile. Et je ne souffrirai pas que tu refuses. »
Il m'a fait un clin d'œil :
« Tu sais qu'il y a un accord entre sa famille et la tienne, n'est-ce pas ? Un jour prochain, vous serez mariés elle et toi. Alors quelle différence ? Autant commencer à vous connaitre dès maintenant, tu ne crois pas ? »
A. m'a regardé. Par respect pour elle, je crois que je vais écrire son nom en toutes lettres, rien qu'une fois. Parce qu'elle est une victime. Et parce que le nom des victimes ne devrait jamais tomber dans l'oubli, jamais. Astoria.
Je l'ai regardée, et un univers de culpabilité et de souffrance s'est ouvert dans mon esprit. Mon monde entier s'est dissolu, pour se réduire à cet unique choix : « le faire, ou ne pas le faire ». Vivre au prix d'un crime horrible, ou mourir. Je me suis tourné vers V., et j'ai dit : « Je ne toucherai pas cette fille ».
Quelque part au fond de moi, je me suis senti soulagé. Soulagé de voir que je n'avais pas ça en moi. Que je n'étais pas pathétique, misérable et lâche au point de vendre mon âme au Diable, de souiller une innocente...
Mais V. avait prévu ma réaction, bien sûr. Il ne m'a pas torturé. Il n'a même pas levé sa baguette sur moi. Il l'a pointée sur A. Et il a haussé les épaules, en disant : « Tu vas le faire. Parce que si tu ne le fais pas, je la tue. Et tu auras sa mort sur la conscience. Pour moi, ce ne sera qu'une fille de Sang-Pur qui aura failli à son devoir. Il y en a des dizaines d'autres. Et tu peux être sûr que je les amènerai toutes, une par une, devant toi, jusqu'à ce que tu obéisses. Alors, tu choisis. Prends cette fille. Ou tue-la. »
J'ai regardé mon père. Plus que jamais, dans ma vie entière, j'ai tenté de l'appeler à l'aide. J'ai oublié toutes les cruautés, toutes les insultes, toutes les fois où il m'a blessé ou abandonné dans le noir, j'ai tout oublié pour qu'à cet instant précis, il redevienne mon père, pour qu'il réalise la folie de tout ceci et y mette un terme. Mais tout ce que j'ai vu dans ses yeux, c'était la peur. Une peur terrible. Jamais encore je n'avais vu mon père avoir peur... C'était la même peur qui palpitait en moi...
V. a levé sa baguette, et A. s'est mise à hurler. Il l'a torturée jusqu'à ce que je me jette sur la table, devant lui : « Arrêtez ! », j'ai hurlé à nouveau.
Je regardais autour de moi. Je priais pour que rien de tout ceci ne soit réel. Pour que quelqu'un reprenne ses esprits et intervienne, pour qu'on mette fin à ce cauchemar...
Mais tous ces hommes et ces femmes regardaient, en silence. Approuvaient. Comme s'il s'agissait d'une espèce d'initiation que tous avaient eux-mêmes subie un jour, et qu'ils trouvaient normale de nous faire subir à notre tour.
V. m'a contourné. Il a pointé sa baguette sur la tête de la fille : « C'est maintenant ou jamais, Drago », a-t-il dit. « Sinon je la tue ».
A. a cessé de pleurer. Elle le dévisageait, totalement immobile, les yeux fixés sur ce monstre et cette baguette qui risquaient de lui prendre sa vie. Elle avait compris ce qui était en jeu, elle aussi. Quand elle m'a regardé, j'ai vu une telle terreur dans ses yeux que j'ai voulu m'enfuir en courant. Jamais je ne m'étais senti aussi mal de toute ma vie. Comme si toutes mes émotions voulaient s'échapper par tous les pores de ma peau... Mais elle me regardait, sans ciller, sans bouger. Avec une abominable forme de résignation. Elle avait accepté ce à quoi je ne pouvais pas encore me résoudre.
J'ai dit : « Je suis désolé ».
Je ne savais pas quoi dire d'autre. Nous étions tous les deux pris au piège d'une mise en scène épouvantable, mais le pire était pour elle. Parce qu'elle était nue et seule, livrée en pâture dans une pièce pleine de monde, sous les yeux de son père qui ne faisait rien...
« Je suis désolé », j'ai répété, et je me suis rendu compte que des larmes roulaient sur mes joues. J'ai affronté son regard en me forçant à ne pas ciller. Je voulais lui faire comprendre que je n'étais pas comme tous ces gens qui nous faisaient du mal, en ce moment même. Que j'étais forcé moi aussi. Que j'étais une victime, comme elle. Que je ne voulais pas lui faire de mal... A défaut de pouvoir la sauver, je voulais être là pour elle, tout le temps que cela durerait, pour ne pas qu'elle soit seule, pour ne pas qu'elle endure ce supplice dans l'indifférence générale...
Je savais bien que je devais être le dernier soutien dont elle voulait. Mais j'étais tout ce qu'elle avait. Alors, j'ai essayé de ne pas la laisser tomber. J'ai fait du mieux que j'ai pu. J'ai choisi d'ignorer tout ce monde autour de nous, pour faire comme s'il n'y avait plus qu'elle et moi. Je l'ai prise dans mes bras pour la dissimuler aux yeux des autres. Elle a tremblé à mon contact. Sans me repousser. Sans dénouer ses membres. Elle a juste attendu là, suffocante, haletante, au bord de l'hystérie.
J'ai tenté de l'apaiser. Je lui ai murmuré à l'oreille : « Je ne te ferai pas mal. Je ferai vite. Pense à autre chose. Ce sera vite fini ».
J'ai caressé ses cheveux, j'ai murmuré encore et encore. Quel âge avait-elle ? Treize ans ? Pendant tout ce temps, ces secondes interminables où je la rassurais pour mieux repousser l'échéance, j'essayais de ne pas penser à ce que j'allais devoir faire. A ce que cela signifierait de moi. A l'empreinte que cela laisserait en moi. Mais malgré tous mes efforts, j'ai senti l'impatience gronder dans les rangs. Au bout d'un moment, monsieur G. a crié : « Ecarte les jambes, Astoria ! ».
C'était d'un tel mauvais goût que j'aurais pu le tuer sur place. Une seconde, j'ai songé à le faire. Ce père qui sacrifiait sa fille sans même se préoccuper une seconde du mal que cela lui faisait... Mon père qui faisait la même chose... Qui étaient-ils, ces parents qui ne méritent pas de vivre ? Oui, j'aurais voulu tout envoyer au diable et me jeter sur V., pour qu'il me tue directement...
Mais je ne pouvais pas. V. avait trouvé le parfait ressort pour me maitriser totalement. Il y avait A. Je ne pouvais pas jouer sa vie en abandonnant la mienne. Je ne pouvais pas désobéir en sachant que je la condamnerais à un sort dix fois pire, quoi qu'il arrive... Je n'avais pas le choix. Véritablement pas le choix. Pitié, si vous me lisez un jour, comprenez que je n'avais pas le choix...
J'ai guidé A. pour qu'elle s'étende sur la table froide. J'ai tenté de lui faire un rempart de mon corps pour que ces salauds en voient le moins possible. Je tremblais, mais je ne pouvais pas me permettre de pleurer. Je devais être fort, pour elle. J'ai caressé son visage, continué à la rassurer. Je me suis forcé à la regarder dans les yeux pour ne pas la laisser seule, même si je savais que ça me hanterait. Et alors oui, je l'ai prise. Je ne sais même pas comment j'ai pu y arriver. L'instinct de survie nous fait tout abandonner...
Elle a crié, elle pleurait, et c'était affreux... J'ai tout fait pour ne pas lui faire mal, mais la douleur physique n'avait aucune importance, comparé à ce que nous subissions elle et moi, à cet instant... Une brûlure au fer rouge... Une marque dans ma mémoire et dans mon âme, qui ne s'effacera jamais. A tout jamais, je serai hanté par cet instant...
J'ai fait vite, comme je le lui avais promis, en larmes et sans le moindre plaisir. C'était comme violer un cadavre... Je l'ai laissée tranquille dès que ça a été fini, en lui laissant ma cape pour se couvrir. Je ne voulais pas lui imposer ma présence une seule seconde de plus. Ni supporter la présence de mon père, de V. et de tous ces gens aussi coupables que moi. Je me suis enfui dans ma chambre, où je rédige ces lignes dès à présent.
Parce que c'est mon devoir. Parce qu'une telle horreur ne doit pas être oubliée. Ce que j'ai fait, ce que j'ai fait, je n'arrive pas à croire que je l'ai fait...
Lorsque j'ai commencé ces journaux il y a des années, je me souviens avoir eu le désir naïf de passer à la postérité. J'avais encore des espoirs, à l'époque. Des rêves. Je pensais que je deviendrai un grand sorcier et qu'on écrirait des livres sur ma vie.
Quand je repense à cela aujourd'hui, cela me donne délicieusement envie de rire... Je ne suis rien. Rien qu'un criminel de plus dans un repère de criminels qui ne méritent pas de vivre. Et ce journal, c'est un témoignage. Pour qu'aucune des horreurs de cette guerre ne soit épargnée. Pour qu'Astoria soit vengée. »
X
« 1er septembre 1995.
Il y a une nouvelle professeur de Défense Contre les Forces du Mal à Poudlard. Il est évident qu'elle est envoyée par le Ministère et qu'elle se voile la face, comme Fudge, comme tous les autres. Je la hais. Ce sont des gens comme ça qui permettent à V. de préparer son retour en force.
J'ai revu P., mais j'ose à peine le regarder depuis ce qu'il s'est passé cet été. Je ne m'en sens plus le droit. Je me sens sale. Tous les jours, je me douche matin et soir jusqu'à ce que ma peau devienne écarlate. Rien à faire. C'est une saleté intérieure. Ça ne part pas. Ça ne partira jamais.
Je fais des cauchemars, du coup je dors à peine. J'ai trouvé un gars à Serpentard qui a accepté de me vendre des trucs, pour que je tienne le coup. Je sens que la vie sera un peu plus supportable avec ça. »
X
« 3 septembre 1995.
O., la nouvelle prof, est encore plus timbrée que je ne le pensais. Elle a littéralement le mot « propagande » écrit sur le front. Elle doit prendre des trucs elle aussi. »
X
« 10 septembre 1995.
Pa. n'arrête pas de me harceler pour qu'on couche ensemble. B. aussi. Je les ai tous envoyés bouler. Hors de question de repenser au sexe après ce qui s'est passé. Je crois que je ne serai plus jamais pareil... »
X
« 28 septembre 1995.
Je ne me rappelle plus de ce que j'ai fait hier soir. Les pilules de ce gars marchent vraiment bien. La réalité perd tout de sa substance, elle devient un mélange informe qui ne signifie rien, qui n'a aucune importance. Je n'ai même pas entièrement conscience de ce que j'écris ou de si je l'écris, et c'est merveilleux... L'absence de conscience... L'absence de conséquence...
Je me moque de tout à présent. Je me moque de vivre ou de mourir. Tout ce que je veux, c'est que ça finisse et vite. Si je provoque la mauvaise personne, si je déclenche ce conflit une bonne fois pour toutes, ce sera fini, non ? »
X
« 16 octobre 1995.
J'ai tellement honte de moi-même... Tellement honte... Je n'arrive pas à croire à ce que j'ai fait, Seigneur... Je vous en prie, quelqu'un, aidez-moi...
Il faut que je reprenne des pilules. »
X
« 27 octobre 1995.
Je ne suis pas le seul à être seul (merveilleux jeu de mots...). P. aussi est seul. Personne ne le croit et tout le monde le prend pour un cinglé.
Je te crois, P. Je sais que tu n'en as rien à foutre, mais je te crois. Même défoncé jusqu'à l'os, je continuerais à te croire. Parce que tu es bien la dernière chose en laquelle je crois encore. Est-ce que tu sens ma douleur, P. ? Est-ce que tu peux la voir ?
Je me demande ce que tu penserais de moi, si tu savais ce que j'ai fait... »
X
« 5 novembre 1995.
J'ai revu A. aujourd'hui. Je crois bien que c'était la seule chose capable de me tirer de ma brume perpétuelle. La seule chose pour laquelle je me dois d'être conscient, présent, alerte. Même si c'est une torture. Je lui dois au moins ça.
Je crois que je redoutais de la croiser depuis le début de l'année, mais je n'ai rien fait pour l'éviter. Je ne voulais pas lui donner l'impression de la fuir comme une pestiférée, je ne voulais pas qu'elle ait à endurer cette image d'elle-même... Mais je crois que c'est elle qui m'a évité, jusqu'à présent, parce que je ne l'avais pas revue depuis la rentrée. Même si nous sommes dans la même maison.
Bref, c'est le hasard qui nous a réunis au détour d'un couloir, tout simplement. Je crois que ça m'a fait comme un coup de fouet. J'ai aussitôt retrouvé tous mes sens : j'étais lucide, plus lucide que je ne l'ai été depuis...
Ça m'a fait mal, bien sûr. Même si je suis celui qui a fait souffrir A., je commence seulement à comprendre à quel point, d'une certaine façon, elle m'a fait du mal elle aussi, et à quel point elle continue à m'en faire... Son souvenir. Sa souffrance. Sa seule présence... Autant d'épines qui enfoncent la culpabilité en moi...
Lorsque je l'ai croisée, j'ai voulu détourner le regard, mais je me suis forcé. Je suis resté là sans bouger, en lui donnant le choix de me maudire ou non...
Nous étions seuls tous les deux. Alors, je lui ai dit ce qui brûlait tout au fond de moi, depuis ce terrible jour d'août, je crois bien... Je lui ai dit : « Je suis désolé, A. Tellement désolé... ».
Elle a mis du temps à me répondre. Elle aussi, elle avait du mal à me regarder. Au final, elle a seulement hoché la tête : « Je sais », a-t-elle dit. Et elle est partie.
Je prends soin de consigner notre rencontre, avant que mes pilules ne m'aident à l'oublier. »
X
« 12 novembre 1995.
C. et G. ont remarqué que j'étais légèrement devenu accro, aussi m'ont-ils proposé quelque chose de plus fort. Ça s'injecte, et effectivement, c'est merveilleux. Comme quoi, ça sert d'avoir des serviteurs. »
X
« 18 novembre 1995.
A. est revenue me voir aujourd'hui. Je ne savais pas quoi lui dire. Je ne savais pas ce qu'elle pouvait possiblement me vouloir. C'est terrible à dire, mais je préfèrerais qu'elle m'ignore, qu'elle me haïsse, qu'elle m'enterre dans un coin de son esprit... C'est ce qu'elle devrait faire, non ? Parce qu'à chaque fois que je la vois, je tremble de terreur et les souvenirs ressurgissent... Même la drogue ne parvient pas à me faire oublier... A me guérir de moi-même... De tout ce dégoût que je ressens...
Mais je ne peux pas dire non à A. Elle est sans doute la seule personne sur Terre à qui je ne peux absolument rien refuser. Pas après ce qui s'est passé. Alors, je l'ai suivie dans une salle de classe vide, et j'ai accepté de l'écouter. Elle n'a rien dit, en fait. Elle a pleuré. Je me sentais tellement mal à l'aise qu'au bout d'un moment, j'ai osé m'approcher d'elle pour essayer de la consoler. Elle m'a laissé faire, deux secondes peut-être. Après elle s'est enfuie.
Les deux secondes les plus étranges de ma vie. »
X
« 22 novembre 1995.
A. est revenue me voir. Cette fois, elle n'a rien dit. On s'est compris, sans avoir besoin de parler. On est retournés dans la salle de classe, et elle a pleuré un peu. Après, on est restés longtemps sans rien dire. Ce n'est pas grave. Ça ne me gêne pas. Ça ne me gêne plus d'être avec elle. Au moins, je peux voir si elle va bien. Ou pas. Elle a maigri, et sa peau et ses cheveux se sont décolorés (elle est presque aussi blonde que moi maintenant...). Je vois bien qu'elle aussi ne dort pas. Pendant une seconde, j'ai pensé lui proposer la drogue de C. et G., mais Dieu merci, je me suis rappelé que ce n'était sans doute pas une bonne idée.
Elle continue de me ramener brutalement à moi. A moi et à cette journée d'août. Comme si elle avait le pouvoir de retirer toutes les drogues de mon corps. A. est devenue mon Enfer personnel sur Terre, en quelque sorte. La pénitence que je suis forcé d'affronter jour après jour, pour ce que je lui ai fait. Mais elle ne me blâme pas. Juste avant qu'on ne parte, elle m'a dit : « Pourquoi est-ce qu'ils nous ont fait ça, Drago ? ». J'ai répondu : « Parce que tu t'appelles G., et que je m'appelle Malefoy ».
Ça a eu l'air de lui suffire. Pour la première fois de ma vie, j'ai eu l'impression d'avoir en face de moi quelqu'un qui me comprenait. Quelqu'un qui avait vécu exactement les mêmes souffrances, pressions et situations que moi. Mais surtout, j'ai eu un très bref, un très beau moment de chaleur. Parce qu'elle avait dit : « Pourquoi est-ce qu'ils nous ont fait ça ? ». « Nous ». Elle et moi.
Malgré son jeune âge, A. a compris que moi aussi, je suis une victime. C'est toute l'absolution qu'il me fallait. »
X
« 5 décembre 1995.
Je reste toujours avec A. Nous nous voyons tous les jours à présent. Etrange, la tournure qu'ont pris les évènements... La victime et le bourreau qui deviennent amis... Quel genre d'amitié pourrait être plus improbable ? P. et moi, peut-être...
Je veille à ce qu'elle mange un peu. Je la laisse parler et pleurer autant qu'elle veut. Nous avons nos endroits secrets, elle et moi. La dernière chose que je souhaite est d'attirer l'attention sur elle. Je refuse qu'on se rende compte qu'elle est proche de moi, et qu'on la fasse payer à nouveau pour cela...
Mais je suis forcé de reconnaitre qu'elle me fait du bien, je crois. Elle sait que je suis drogué, mais elle ne me juge pas. Elle sait que ma situation est terrible. Que je serai forcé de faire d'autres choses terribles, très bientôt. Mais elle est là pour moi. Elle a compris qu'elle et moi, nous étions embarqués là-dedans. Nous nous soutiendrons l'un l'autre, quoi qu'il arrive, pour le meilleur et pour le pire. Elle est mon pilier. Mon ilot de stabilité au milieu de la folie de ce monde. Elle est la seule personne avec qui je peux être moi-même.
V. m'a donné une amie.
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« 11 décembre 1995.
Cette tarée d'O. a créé une Brigade Inquisitoriale. J'ai aussitôt reçu un mot de Père pour me dire de la rejoindre, alors je l'ai rejointe. Je ne me pose plus de questions maintenant. On souffre moins ainsi. Et puis de toute façon, cette brigade revient plus ou moins à jouer aux gorilles en se couvrant de ridicule, alors ce n'est pas très différent de ce que je faisais déjà...
Ça place davantage P. sur ma route, peut-être... Il m'a manqué... Je me rends compte d'à quel point je me suis senti seul toute cette année, encore plus que d'habitude, parce que j'ai essayé de le chasser de ma vie...
Quelle illusion. Je sais bien que nous finirons projetés l'un contre l'autre. Je sais bien que je ne suis pas digne de lui. Heureusement, pour le prince des Serpentards, la drogue coule à flot...
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« 14 décembre 1995.
P. et ses amis trament quelque chose, c'est évident. Je ne m'en étais pas rendu compte au début de l'année parce que j'étais trop défoncé, mais maintenant que la Brigade doit enquêter sur eux, je suis forcé de m'en rendre compte... Ce ne sont que murmures, rires et messes basses au clan des Gryffondors... Ces imbéciles trouvent encore le moyen de s'amuser de ce qui se passe...
Je t'en supplie, P. Quoi que tu trames, ne te mets pas en danger. Et couvre davantage tes traces, si tu ne veux pas que j'aie à te dénoncer. S'il te plait, épargne-moi ça... »
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« 19 décembre 1995.
Les vacances approchent à grands pas. Pour la première fois depuis des années, je peux vraiment dire que je suis terrifié à l'idée de rentrer. Avec les années, je m'étais habitué à ce qui m'attendait, à mon père, à la crypte et à tout le reste... Mais rien ne m'avait préparé à ce que j'ai vécu l'été dernier... Je ne pourrai pas le revivre, pas encore une fois... J'en mourrai je crois... Peu importe ce que ça coûte, peu importe les conséquences... Plutôt mourir que de recommencer... Mais je ne veux pas mourir...
A. aussi a peur. Je la comprends. Si je tenais son salopard de père entre mes doigts, je lui briserais la nuque.
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« 20 décembre 1995.
Il y a eu un incident pendant la nuit. A. W. a été blessé alors qu'il montait la garde au Département des Mystères. Il a été attaqué par cet abominable serpent...
Joyeuses fêtes de Noël Drago !
Je ne veux pas penser à ce qui se prépare... »
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« 3 janvier 1996.
V. ne s'est pas montré pendant ces vacances. Père aussi a été occupé et distant. Mère était plus nerveuse, plus possessive que jamais... Ces fêtes de fin d'année ont été bien trop tranquilles, et j'ai peur de voir s'accomplir le résultat de tout ceci...
PS : j'ai vu P. trainer avec cette fille, C., à la rentrée. Ça fait un petit moment que je les vois ensemble, mais cette fois ça y est, je crois que c'est officiel. P. a une copine. Bonne année Drago.
X
« 15 janvier 1996.
Je vais me répéter, et ça pourrait presque en devenir drôle, mais... C'est pire que tout ce que j'imaginais. Ce plan, ce plan auquel V. voulait m'initier et pour lequel Père a perdu le sommeil, ce plan vient de s'accomplir. Je sais de quoi il s'agissait, à présent.
Les Mangemorts. Azkaban. Les Mangemorts se sont échappés d'Azkaban.
Parmi eux bien sûr, il y a les pires de tous. Ma folle de tante, B. Les frère et sœur C. Tous ces gens qui sont emprisonnés depuis presque aussi longtemps que je respire, et dont je n'ai entendu parler que dans les journaux, les cours d'histoire et les histoires de famille, tous plus terribles les uns que les autres, tous des monstres dans le sillage du Maître qui terrorisait mon enfance...
Quelque chose me dit que je vais bientôt les rencontrer. Je le sens. Et quelque chose me dit que V. ne les a pas libérés pour leur faire prendre l'air.
F. et le Ministère ont déjà tout mis sur le dos de S.B., bien sûr... Si ce n'est pas ridicule... Jusqu'où la mauvaise foi de ces gens peut-elle aller ? A ce niveau-là, ça devient criminel.
PS : il n'y a qu'un seul avantage à tout ceci. Tous ces crétins croient P., à présent. Je suppose qu'il n'a plus à se sentir aussi seul... ça fait au moins l'un de nous deux. »
X
« 14 février 1996.
J'ai aperçu P. à Pré-au-lard aujourd'hui, avec cette cruche de C. Ils n'avaient pas l'air très à l'aise...
Ça m'a quand même foutu le moral bien à zéro, parce que je suis un imbécile qui ne peut pas s'empêcher de se préoccuper de lui... J'ai décidé de me confier à A. Je lui ai tout dit de mon amour pour P., depuis le début. Elle compatit. Mais que pourrait-elle faire pour moi ? A cause de ce qui s'est passé cet été, je sais qu'elle n'ose même plus songer aux garçons, à l'amour, et encore moins à tout le reste. Je n'aurais sans doute pas dû lui parler de tout ça. Peut-être que ça lui a fait du mal. Mais bon, fidèle à moi-même, je suis égoïste... »
X
« 26 mars 1996.
Quelle idiote ! Mais quelle idiote !
M.E, la meilleure amie de cette crétine de C., a trahi P. Ils se sont tous faits prendre, et je sais ce qu'ils mijotaient à présent : un club de défense contre les forces du mal. L'Armée de Dumbledore. L'Armée de Dumbledore : ils n'auraient pas pu trouver un nom plus explicite ??! Ils ont donné à F. exactement le prétexte qu'il attendait ! D. est parti maintenant ! Il est parti, et Poudlard est sans défense ! Non mais, à quoi pensaient-ils ? P., à quoi pensais-tu ?!
X
« 22 avril 1996.
Je reconnais à peine le château. Il est triste et vide. Les séances de torture – pardon, les retenues – avec O. se multiplient. Plus personne n'est autorisé à faire quoi que ce soit. Sauf nous, bien sûr, à la Brigade. Et ça me rend malade. Parce que j'ai l'impression que ce qui se joue à Poudlard cette année, c'est une guerre en miniature. La version édulcorée de ce qui nous attend d'ici quelques mois. Et déjà, je joue le rôle du collabo. Déjà, je suis du mauvais côté de la barrière...
Je déteste ce masque que je porte tous les jours, ce rôle que je suis contraint de jouer, mais que je pourrais briser si j'avais ne serait-ce que la moitié du courage de P...
Non, je ne pourrais pas, en fait. Les conséquences seraient terribles. Je perdrais tout, bien plus que ma vie. Je perdrais ma famille. Je perdrais A. Je ne veux pas affronter le destin que V. me réserverait si je venais à le trahir...
Mais il n'empêche que je déteste cette façon qu'ont les autres élèves de me regarder. Avec cette haine, ce mépris, cette rancœur... Ils voient à quel point je suis laid et petit... Ils ont compris à présent dans quelle direction notre monde se profilait, et comment ce serait de vivre sous le joug de V... Constamment sous le joug de personnes comme moi... Ils me haïssent, et moi aussi je les hais, je me hais... Je suis plus éloigné de P. que je ne l'ai jamais été...
PS : unique bonne nouvelle, car il faut bien qu'il y en ait une : P. a rompu avec C. Ça démontre bien qu'il n'encaisse pas les trahisons. Et que par conséquent, nous n'avons décidément aucune chance, lui et moi. Ce n'était peut-être pas une bonne nouvelle, finalement. »
X
« 2 juin 1996.
Nous étions censés passer notre première épreuve de BUSE aujourd'hui (comme si j'avais ça en tête...) mais les jumeaux W. ont joué un de leurs tours. Ils ont fait ce que je rêve de faire depuis des années. Ils ont tout envoyé valser et ont littéralement fait exploser la Grande Salle.
Je n'ai pas pu m'empêcher d'applaudir, intérieurement. Je n'ai peut-être pas beaucoup d'estime pour la belette, mais l'espace d'une seconde, j'ai ressenti de l'admiration pour ses frères. Ils ont apporté un peu de rire dans mon cœur. Je ne savais même pas que je pouvais encore rire. »
X
« 3 juin 1996.
Encore une fois, je n'ai rien vu venir. Ça devient vraiment comique, pas vrai ? J'ai l'impression que mon rôle se résume à cela, dans cette guerre. Assister en spectateur impuissant à toutes les horribles choses qui se déroulent, et toujours m'en rendre compte lorsqu'il est trop tard.
En bon petit membre de la Brigade Inquisitoriale drogué jusqu'à l'os, j'avais intercepté ces crétins de N.L. et G.W. dans les couloirs en train de préparer un truc louche, en compagnie de cette fille bizarre de Serdaigle, L.L. Je les ai amenés chez O., tout ça pour découvrir qu'elle tenait déjà P., W. et G. Je ne savais pas ce qui se passait, mais ça ne pouvait pas être bon... Cette salope d'O. a même menacé de torturer P. à coups d'Endoloris pour le faire parler...
Je ne sais pas ce que j'aurais fait si elle était passée à l'acte... Est-ce que j'aurais vraiment pu regarder cette femme affreuse torturer celui que j'aimais, sans rien dire, sans rien faire ? Est-ce que j'aurais pu tomber aussi bas ? Je crois que je suis heureux de ne pas avoir eu à répondre à cette question...
G. a balancé un mensonge gros comme mon bras à O., et cette dernière l'a emmenée avec P. Dieu sait où... Je suis resté avec W. et les autres crétins, et à cause de C. et G. qui ne pensent qu'avec leur estomac au lieu de penser avec leur tête, ils se sont échappés...
A partir de là, j'ai perdu le fil. Je sais seulement ce qui a été rapporté par les journaux. P. s'est rendu au Ministère de la Magie avec ses amis, dans la salle des Prophéties. Là, ils se sont faits attaquer par les Mangemorts, dont mon père, bien évidemment. L'Ordre du Phénix est intervenu. D. est intervenu. V. lui-même est intervenu...
Seulement voilà, au final, ça a été un véritable fiasco, comme toujours. P. a failli se faire tuer. V. est apparu en chair et en os aux yeux de tous, le Ministre F. aux premières loges. Mon père et tous les autres Mangemorts se sont fait arrêter, sauf ma tante B., évidemment. Et S.B. est mort...
B. l'a tué. Je n'ose pas imaginer dans quel état se trouve P. à présent...
En fait, je ne sais même pas laquelle de mes émotions doit prédominer. Le soulagement qu'il soit toujours en vie. La stupéfaction face à tout ce qui est arrivé – sans moi, comme toujours. La jubilation malsaine de voir mon père enfin emprisonné comme il le mérite. La crainte de ce que ça signifie pour ma famille, et pour ma mère et moi qui sommes livrés à V...
Le besoin de parler à P., comme toujours. De savoir comment il va. De le consoler...
L'été va arriver, et je sais que ce sera dur, pour lui comme pour moi. Peut-être le plus dur de tous. »
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« 5 juillet 1996.
V. n'a pas attendu pour faire pleuvoir sa vengeance sur moi. Au moins je peux dire que cette fois, j'étais préparé. Après ce qui s'est passé l'été dernier, je crois que je suis presque blasé. C'est terrible à dire, pas vrai ? Mais comme toujours, V. a trouvé un moyen particulièrement inventif et cruel de me faire payer l'échec de mon père, la disgrâce de ma famille, et moi, je me suis coupé de tout.
J'ai compris que c'était le seul moyen de survivre. Compartimenter. Ne plus rien ressentir. Si ce n'est la douleur, bien sûr. La douleur physique. Mais ne plus le laisser atteindre ma psyché...
En l'absence de mon père, V. a confié la suite de mon « éducation » à ma tante B. Voilà le châtiment qu'il a trouvé. Me livrer à cette folle de B.L.
Bien entendu, Mère ne dit rien, pour changer. B. est sa sœur. Et je crois que secrètement, elle a toujours eu peur d'elle...
B. a une conception bien à elle de l'éducation. Au lieu de me faire étudier et de vérifier si j'ai bien appris toutes les conneries qu'on veut me faire rentrer dans la tête, elle m'abrutit à coups d'Endoloris. C'est sa grande passion, je crois. Elle me torture à longueur de journée. Parfois même à longueur de nuit. Elle se glisse dans ma chambre et me réveille de cette façon si particulière. Pour que je ne me sente en sécurité nulle part. A aucun moment. Pour que je sois constamment sur mes gardes, telle une souris qui sursaute au moindre bruit...
Au bout de deux mois à ce régime, je crois bien que je risque de devenir fou.
Mais le pire...
Le pire, c'est ce que j'ai peur de raconter dans ce journal. Parce que j'ai trop honte. Parce que jamais je n'aurais cru vivre pire que ce qu'on m'a fait avec A.
Ma tante B. a entendu parler de cette aventure, bien sûr. Ça lui a beaucoup plu. Elle a apprécié l'idée de faire de son jeune neveu de seize ans un homme. Et bien évidemment, elle a très vite inventé sa propre version de cette éducation.
B. m'abrutit à coups d'Endoloris. Elle me torture jusqu'à ce que je n'ai plus de force dans les membres, jusqu'à ce que je tremble de tout mon corps, jusqu'à ce que je gise en sueur et à peine conscient à même le sol, incapable de me rappeler mon nom. Après, elle s'approche de moi. Elle se glisse au-dessus de moi, et elle murmure : « Allons, petit Drago... Fais plaisir à ta tante ».
Je n'ai pas le choix. A chaque fois, je n'ai plus la force physique ou morale pour lui résister. Les quelques fois où j'ai tenté de refuser, j'ai cru qu'elle allait me briser tous les os du corps. Alors je me retranche dans un coin de mon esprit, loin, très loin. Un coin de mon esprit où je suis avec P. et où rien ne peut me faire de mal. Et je laisse B. faire ce qu'elle veut avec moi. Le lendemain, avec un peu de chance, j'ai pris suffisamment de drogue pour ne plus m'en souvenir.
J'espère que tout se passe bien pour A. J'espère qu'elle ne subit pas ce que je suis en train de subir en ce moment. J'espère que je survivrai à cet été, pour revoir P. au moins une dernière fois... Et si ce n'est pas le cas... Ou si je craque parce que c'est trop dur, et que je décide d'y mettre fin moi-même...
Harry, mes dernières pensées seront pour toi. »
XXX
Je referme le carnet dans un silence de mort. Je tremble de tout mon corps. De colère, de chagrin, de dégoût... J'ouvre le second carnet. Le contenu du premier était si abominable que j'ai presque peur d'en lire la suite... Mais je sais que Drago a survécu à tout ceci. Je sais qu'il s'en est sorti au-delà de cet enfer. Je dois m'accrocher à cet espoir, et endurer avec lui cette sixième année qui pour lui, je le sais à présent, a dû être terrible...
J'ouvre le second carnet. Mais quelque chose ne va pas. La date de la première entrée : « 3 juillet 1997 », se déroule presque un an après celle que je viens de lire... La première phrase dit : « Nous avons dû nous enfuir. Dans la précipitation, je n'ai pas eu le temps d'emmener mon journal. Alors je commence celui-ci... ».
Tout s'éclaire dans mon esprit. Le 3 juillet 1997... Trois jours après la mort de Dumbledore. La précipitation à laquelle Drago fait allusion, c'est son départ de Poudlard avec les autres Mangemorts, après que Rogue ait tué Dumbledore...
Il me manque un journal. Celui de la sixième année. Drago l'a laissé à Poudlard...
Et pour autant que je sache, il s'y trouve toujours.
Je dois aller à Poudlard.
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