Alter Ego

Je me souviens de Noah comme d'un jeune homme vif et séduisant, fier, secret, assuré, rongé par une souffrance inconnue qui le pénétrait jusqu'à l'os. Je me souviens de lui comme du jeune homme le plus torturé et le plus intelligent que j'aie jamais rencontré. Trop pour son propre bien, sans doute. Je n'ai jamais rencontré de personne intelligente qui soit heureuse. Cela doit vouloir dire quelque chose...

Mais surtout, je me souviens de lui comme l'amour le plus intense et le plus absolu que j'aie jamais ressenti. Je l'ai su dès la première nuit, et toutes les autres nuits ensuite. Je l'ai laissé m'aspirer dans un gouffre sans fond : chaque seconde me voyait tomber un peu plus, tomber amoureux de lui, de sa voix, de son esprit, tomber amoureux de cette façon si particulière d'être et de me regarder, qui me faisait le préférer à tous les autres.

Je l'aimais un peu plus à chaque seconde. Peu de gens peuvent se vanter d'avoir connu un tel sentiment, encore moins de l'inspirer. Noah était tout cela : inspirant. Envoûtant. De ces êtres qui nous agacent et nous fascinent, parce qu'on les sait différents, exceptionnels. Faire partie de leur monde n'est qu'un privilège, souvent temporaire. Et c'est une souffrance de vivre avec eux, parce que l'on sait qu'on ne les connaitra jamais vraiment...

Noah était tout cela pour moi. Le culte du secret exercé au maximum. Durant les premières semaines de notre relation, j'ai très vite cherché, bien sûr, à en apprendre plus sur lui, sur sa vie, sur sa famille. Il m'a très vite fait comprendre qu'il ne livrerait pas grand-chose de ce côté-là, et que je devais l'accepter. Au début, c'était un jeu auquel je me prêtais de bonne grâce. J'aimais ce caractère mystérieux qu'il se plaisait à arborer en permanence. Mais il ne m'a pas fallu longtemps pour comprendre qu'il se cachait une noirceur derrière toutes ces questions sans réponse. Un passé lourd et poisseux, qui pesait sur lui comme une seconde peau, entachait son ombre. Un présent guère plus glorieux, et, à l'origine de tout cela, des terreurs, des monstres, des fantômes, des souffrances inimaginables, et qui ne se manifestaient que la nuit, dans ses cauchemars...

Noah ne se réveillait pas toutes les nuits, mais presque. Il ne dormait pas toutes les nuits avec moi, non plus. Même lorsqu'il emménagea avec moi, ce qui se produisit au bout de quelques semaines. Il proposa de payer équitablement le loyer, et une fois encore, il n'accepta pas de me répondre quand je lui demandais d'où lui venait l'argent. Il ne répondait pas sur ses cauchemars, non plus. Il ne répondait sur rien. Et le jeune Auror que j'étais alors commençait à deviner des horizons plus sombres, une vie plus trouble, un dessein plus immense que tout ce que j'avais imaginé.

Je me souviens de notre vie à deux. Je me souviens de comment c'était de rentrer à l'appartement le soir et de le trouver là, simplement attablé dans le salon, à lire le journal. Cela me faisait toujours un choc. Même en trois ans, je crois bien que je ne m'y suis jamais habitué. Noah avait ce petit quelque chose d'extraordinaire, de décalé, d'irréel. A chaque fois que je le voyais apparaitre chez moi, surgir de nulle part, c'était un petit miracle. Comme si le bonheur avait décidé de faire irruption dans ma vie, de se pencher sur mon pauvre destin si minable...

Pour ces mêmes raisons, je n'ai jamais pu m'habituer à voir Noah vivre avec moi. C'était le genre de personne qui paraissait parfaite en toutes circonstances. Il s'habillait simplement, mais il avait un petit quelque chose dans son attitude, son port de tête, son maintien, qui le faisait paraitre prince au royaume des Potter. Noah avait une allure féline, avec son grand corps fin, sa prestance, ses regards condescendants et ses sourires narquois. Aussi c'était toujours un évènement pour moi de le voir faire la vaisselle, plier le linge ou ranger mes chaussettes. Noah paraissait au-dessus de ces choses-là, au-dessus de tout, supérieur à tant de points de vue...

Combien de fois l'ai-je regardé faire le ménage, un petit sourire aux lèvres, pendant que lui s'énervait de mes moqueries ? Combien de fois avons-nous fini sur le parquet au milieu des chaussettes, parce qu'il avait fini par céder et s'était jeté sur moi, juste pour m'embrasser, effacer mon sourire et m'enlacer ?

Noah, c'était cela aussi. La passion à l'état pur. Jamais je n'ai aimé quelqu'un aussi intensément, au point que sa présence devienne un besoin vital, au même titre que l'air ou le sang. Combien de fois nous sommes-nous étreints l'un l'autre sans prévenir, juste pour un regard, un geste, une connexion qui nous unissait plus loin que la chair ? Combien de fois avons-nous fait l'amour dans le salon sur le tapis à même le sol, parce que nous ne pouvions pas attendre, parce que c'était ici et maintenant ?

Je me rappelle de Noah me toucher. M'embrasser, me caresser, m'aimer. Je me rappelle lui faire la même chose. Dans ces moments-là, nous étions infinis. En parfaite harmonie. Comme si le temps s'était arrêté, et que le monde ne se réduisait plus qu'à nos deux corps fondus l'un en l'autre. Noah avait toujours cette façon pénétrante de me regarder, à chaque fois que nous le faisions, et plus encore lorsque je le prenais. Comme si nous participions tous les deux à un rituel inconnu et sacré. Un rite aussi ancestral que le monde, et qu'il fallait honorer, chérir, embrasser peau contre peau.

Oui, dans chaque aspect de ce qu'il faisait, et plus particulièrement celui-ci, Noah m'a brûlé. Il m'a brûlé d'un éclat si intense qu'à présent, tout le reste me parait terne, vide et sans goût. Comment aimer à nouveau quand on a connu un tel amour ? Comment se contenter d'une flamme, quand on a eu le Soleil ? Noah était tout pour moi, mon Soleil. Il est entré dans mon cœur comme un météore et n'y a laissé que des cendres. Il m'a porté aux plus hauts sommets, aux plus belles promesses que la vie peut offrir, et il me les a reprises. Il m'a livré aux ténèbres. Et pourtant, pas une seconde, je n'ai regretté de l'avoir connu. Combien de fois ai-je pensé : « ma vie aurait-elle été plus heureuse si je ne l'avais jamais rencontré ? ». Oui, sans doute. Mais elle aurait eu moins de sens. Elle aurait été moins riche. Et j'aurais moins vécu. Noah m'a apporté l'absolu, la pureté, l'état de grâce. J'endurerais mille morts plutôt que de l'oublier.

Mais aujourd'hui, tout est différent. Aujourd'hui, j'ai lu le journal de Drago Malefoy, et tous ces évènements, ces trois années vécues ensemble, viennent de prendre une coloration différente. Une myriade de souvenirs transpercent ma mémoire, éclairés par une connaissance que je ne possédais pas jusqu'alors.

Je me souviens de ce soir où Noah et moi avions joué à boire, tous seuls, dans notre appartement, comme nous aimions le faire parfois. J'étais assis sur le canapé, lui avait la tête posée sur mes genoux. Je me souviens qu'il souriait, parce qu'il savait qu'à chaque fois que nous faisions ce genre de jeux, je tentais de lui soutirer des détails sur son passé. Mais il était bien plus fort que moi.

- Dans quelle maison tu étais à Poudlard ? je lui avais demandé.

- Poufsouffle, avait-il répondu.

Nous nous étions esclaffés, mi-graves, mi-amusés, comme nous l'étions toujours. Il savait que j'attendais de véritables réponses à mes questions.

- Tu sais très bien dans quelle maison j'étais, Potter, avait-il fini par répondre. Serpentard. J'ai plutôt le profil, tu ne trouves pas ?

A l'époque, Noah m'avait dit avoir cinq ans de plus que moi, ce qui expliquait que nous ne nous étions pas rencontrés à Poudlard. Aujourd'hui, je sais que c'est faux.

- Est-ce que tu t'y plaisais ? je lui avais demandé.

Il avait haussé les épaules :

- Les garçons étaient mignons.

Je m'étais forcé à sourire. Comme toujours, Noah avait l'art de répondre sans répondre. Mais je me souviens de ce que j'avais lancé alors :

- Drago Malefoy était dans ta maison.

Il avait hésité quelques instants. Et puis, l'air de rien :

- C'est vrai. Je ne l'ai pas connu, mais toi si. Comment tu le trouvais ?

J'avais haussé les épaules :

- Je ne suis pas sûr de l'avoir jamais vraiment connu. Il souffrait, je crois. Je l'ai plaint à mesure que le conflit empirait.

Noah était resté étrangement silencieux. Et puis, tel un chat malicieux, il m'avait demandé :

- Tu le trouvais mignon ?

J'avais ri. A l'époque, cette question ne portait pas à conséquence :

- Terriblement, j'avais répondu. C'était le petit blond le plus sexy que j'aie jamais vu.

Noah avait ri lui aussi – sérieusement, comme toujours. Après quoi j'avais tendu mon verre dans sa direction :

- Je n'ai jamais embrassé de Serpentard avant toi, avais-je déclaré.

Il avait compris mon manège, bien sûr. Il avait bu sans rien dire.

- A toi !

- Non continue, je te sens inspiré.

J'avais retenu ma respiration, à l'époque. J'hésitais à voir là ma chance. Une chance de le faire parler, de le connaitre mieux... J'avais saisi cette chance :

- Je n'ai jamais rien fait d'illégal pour gagner ma vie, j'avais lancé.

Il m'avait regardé en silence, et une fois encore, il avait bu. Dans son regard, j'avais décelé une lueur d'avertissement. Mais je l'avais ignorée :

- Je n'ai jamais eu plus de cinq partenaires sexuels.

Il avait bu, moi aussi.

- Dix partenaires ?

Cette fois, il avait bu seul.

- Vingt ?

Il avait bu encore.

- Combien ? avais-je fini par demander.

- Ce n'est pas comme ça que le jeu fonctionne, Potter.

- Combien ?

- Je ne sais pas.

Un doute terrible s'était alors fait jour dans mon esprit. Un doute nourri par ses allures de chat de gouttière recueilli sous la pluie, et par les allégations que Ron tenait déjà contre lui...

- Je n'ai jamais couché avec quelqu'un contre de l'argent, j'avais déclaré.

Et il avait bu. Je me souviens d'avoir senti ma gorge se serrer à cet instant. Se serrer d'horreur ou de compassion, je n'aurais su le dire...

- Pourquoi ? j'avais demandé.

Il avait haussé les épaules :

- C'était il y a longtemps. J'étais à la rue, j'avais besoin d'argent. C'est fini maintenant.

J'avais secoué la tête. Plus sonné que je ne voulais l'admettre. Alors, presque malgré moi, j'avais lancé :

- Je n'ai jamais...

- Potter, m'avait-il interrompu. Ne pose pas de questions si tu n'es pas prêt à entendre les réponses.

Alors je l'avais regardé dans les yeux, et je m'étais tu ce soir-là. La question que je m'apprêtais à lui poser était : « Je n'ai jamais tué quelqu'un ». Je me demande s'il aurait bu.

X

Noah n'a jamais fait mystère de ses activités illicites. Souvent, il me retenait de le questionner, parce qu'il savait que les réponses me contraindraient à l'arrêter. « Tu es Auror », me répétait-il. « Je ne veux pas te placer devant un dilemme de conscience, un conflit d'intérêts ». Mais pour moi, ce dilemme était déjà consommé. Le simple fait de le voir sortir le soir et d'ignorer où il allait jusqu'au matin me torturait.

Mais c'est Ron, surtout, qui n'a jamais supporté les airs de mystère et de duplicité dont Noah s'entourait. Ces deux-là se sont détestés à l'instant même où ils se sont rencontrés. Difficile de dire d'où ce sentiment venait, pour Ron. Il n'aimait pas Noah, tout simplement. Il n'aimait pas ses airs matois et son humour cynique. Il n'aimait pas la noirceur qui régnait autour de lui, ni la façon que Noah avait « d'étaler » sa criminalité sans s'en cacher, et surtout, il n'aimait pas notre relation. Il voyait bien, à nos seuls regards, à quel point nous étions proches. A quel point j'étais tombé éperdument amoureux, dépendant de ce jeune homme. Et comme chacune de mes relations avec des hommes, il ne comprenait pas.

Pour Noah, c'était différent. Noah était très sensible à l'attitude des autres à son égard, et y réagissait en conséquence. Aussi avait-il immédiatement perçu l'hostilité de Ron et y avait-il réagi comme il savait si bien le faire : en s'en moquant. Les premiers temps, l'agressivité de Ron l'avait laissé perplexe, puis il s'en était amusé. Peu à peu, il avait pris plaisir à le provoquer, à le chambrer, juste parce qu'il savait très exactement comment Ron répondrait. Noah rendait Ron fou de colère, simplement par une remarque, une façon d'être, un baiser appuyé sur mes lèvres, juste sous ses yeux. De mon regard extérieur, cela m'inquiétait un peu, parce que je connaissais Noah et que je savais qu'il n'agissait ainsi qu'avec les personnes qu'il méprisait. Celles qui ne méritaient pas son estime, et dont, par conséquent, il se moquait des opinions et des avis. La faute incombait à Ron bien sûr : c'était Ron qui l'avait pris en grippe dès le départ. Mais parce que je les aimais tous les deux, j'aurais voulu qu'ils s'entendent mieux. J'aurais aimé que Ron cesse de porter ce regard de jugement sur lui, sur moi, et qu'il m'accepte pour ce que j'étais vraiment...

Au lieu de cela, je me souviens d'un soir où il était entré chez moi sans prévenir, et où il nous avait trouvés Noah et moi, lors de l'une de nos passions improvisées. Il était sorti en trombe, extrêmement choqué, et je l'avais rejoint dans la rue pour le calmer.

- Comment est-ce que tu peux supporter ça ? m'avait-il alors crié. Comment est-ce que tu peux aimer ça, avec ce type ?

Cela m'avait fait sourire, et je n'avais rien répondu. Mais Ron avait continué. Alors, j'avais pris la pleine mesure de sa haine envers Noah, et de son dégoût envers la vie que je m'étais choisie :

- Ce type est un criminel, une raclure, il ne vaut pas mieux qu'un rat dans un égout ! Et toi, tu te fais tringler par lui, et tu en redemandes !

Mon sourire s'était figé. J'avais tenté de comprendre pourquoi des mots aussi durs, pourquoi une telle rage. Mais Ron n'avait rien voulu entendre. Comme à son habitude dans ces moments-là, il était rouge de colère. Alors, hors de moi à mon tour, j'avais fini par lui dire :

- Si ça te mets si mal à l'aise, si tu es si dégoûté par Noah et moi, c'est peut-être parce qu'intérieurement, tu as aimé ce que tu as vu.

J'ai cru qu'il allait m'attaquer. Mais non, il avait répliqué :

- C'est un drogué ! Un criminel !

- Il y a des remèdes contre l'addiction, j'avais répondu. En revanche, je ne vois pas de remède à ta connerie.

Et j'étais parti. Les choses n'avaient plus jamais été les mêmes entre Ron et moi, à partir de ce jour-là...

Avec les autres, c'était différent. Noah entretenait une relation polie mais distante avec Ginny. Sans doute parce que Ginny savait que Noah l'avait supplantée dans mon cœur, et qu'elle n'avait plus aucune chance d'y revenir... Elle l'aimait bien, mais le voir lui faisait mal.

Avec George et Angelina, les choses s'étaient passées en douceur, le plus naturellement du monde. Tous les deux trouvaient Noah scandaleusement sexy. Mais la relation la plus étonnante que Noah avait liée avec mes proches, c'était avec Hermione. Contre toute attente, et malgré la désapprobation de Ron, Hermione et Noah étaient très vite devenus amis. De vrais amis. Cela nous avait tous laissés perplexes, mais moi, j'en étais heureux. Noah avait besoin d'amis en ce monde. Et je ne connaissais pas de meilleure amie qu'Hermione.

Bien sûr, encore une fois aujourd'hui, tout est différent. Je comprends que Ron ne supportait pas Noah comme il ne supportait pas Malefoy. Et je comprends que Noah – comme Malefoy – avait laissé libre cours à son dédain et à son indifférence face à celui qui le méprisait. Je comprends, je comprends tant de choses...

Mon quotidien tout entier devient comme un livre qui retrouve ses pages, une peinture à l'encre secrète, dont la multitude de détails se révèlent, enfin...

Je revois Noah le matin, à la fenêtre de la cuisine, sous la lumière du Soleil. Je le revois tenant un livre, préparant du thé, en train de me sourire. Je revois mille et un aspects du quotidien. Je le revois allongé auprès de moi dans notre lit, encore endormi, inconscient de mon regard. Je revois trois années passées à ses côtés, trois merveilleuses années. Et je comprends tout.

Je comprends à présent pourquoi Noah était si sombre, si secret, si torturé. Je comprends pourquoi il refusait de se confier, et toutes ces choses qu'il me cachait. Je comprends pourquoi, avec le temps, mes questions lui ont pesé. Comme si, à chaque fois que je les lui posais, j'amenais au-devant de nous l'horizon sur lequel nous viendrions nous fracasser.

Il n'y avait pas d'autre issue, Noah le savait. Nous n'aurions jamais pu tenir toute une vie ainsi sans jamais nous parler. Aujourd'hui seulement, je comprends pourquoi.

Je me souviens de cette nuit, où Noah m'avait chuchoté de lui faire confiance, et m'avait emmené dans notre chambre entièrement plongée dans le noir. Je me souviens qu'il m'avait fait promettre de ne pas rallumer la lumière, de ne laisser entrer aucun rayon, sous aucun prétexte, juste pour essayer. A l'époque, j'avais pris cela pour un fantasme, une fantaisie. Je m'étais laissé faire avec un abandon délicieux, et je me souviens que la nuit que nous avions passée ensemble ce soir-là avait été différente de toutes les autres.

Tout m'avait paru différent, sur le moment. Son odeur, ses cheveux, sa peau. J'avais mis cela sur le compte de mes sens, exacerbés par le noir absolu. Et puis sa voix restait la même, sa manière de me toucher, de m'embrasser...

Aujourd'hui, je comprends que cette nuit si particulière – quelques semaines à peine avant qu'il ne me quitte – représentait pour Noah tout ce qu'il ne pourrait jamais atteindre. Tout ce qu'il désespérait de vivre avec moi, mais qu'il s'interdisait. Je n'ai pas fait l'amour avec Noah cette nuit-là : j'ai fait l'amour avec Drago. Une seule et unique fois, sous son vrai lui, sa véritable apparence... Ce bonheur auquel il aspirait tellement... Il ne pouvait s'en offrir que l'ombre, et encore : une seule fois...

Voilà ce qu'avaient dû représenter ces trois années pour lui, pour ce Drago qui a vécu à mes côtés sous les traits d'un autre : un mensonge, une mascarade, une contrefaçon, la pire des tromperies, et un mal-être croissant...

Je comprends tout cela aujourd'hui. Je comprends pourquoi Noah détestait son prénom et n'aimait pas que je l'admire avec attention. Je comprends pourquoi il méprisait les compliments sur son physique, et n'aimait pas que je lui dise que je l'aimais...

Parce que Noah n'était pas Noah : Noah, c'était Drago. Et qu'à chaque instant, à travers ses yeux, Drago me voyait en aimer un autre, un être qui était lui sans l'être vraiment, une illusion. Il devait croire que je ne le connaissais pas, et qu'il était condamné à demeurer inconnu de moi, prisonnier de son masque, contraint d'accepter l'amour et les compliments d'un amant qui ne le voyait pas tel qu'il était vraiment...

Je comprends la torture que cela a dû être pour lui. Je comprends pourquoi il m'a quitté. Mais pire que tout, je comprends une vérité avec laquelle je ne peux pas vivre.

Noah était Drago.

J'ai tué l'amour de ma vie.

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