Chapitre 6 : Un rêve, rien qu'un rêve.

Je ne sais pas d'où me provient la force d'écrire ce weekend, alors que je suis noyée sous les révisions des partiels. J'espère que vous aimerez, n'hésitez pas à me donner votre ressenti et à cliquez sur la petite étoile.

Bonne lecture mes macarons à la framboise !

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Quand le duc de San Silvestre l'avait finalement déposée chez elle, après une mémorable dispute sur le déroulement des actions à venir, ce fut sa mère qui vint lui ouvrir la porte d'entrée où le blason des Barowmerry était fièrement sculpté. Elle entra rapidement chez elle, de peur qu'une commère avoisinant les parages soit en train de regarder par sa fenêtre. Il n'était pas bon de vivre en face du célèbre parc Saint James, lieu de rendez-vous matinal pour les affamés de potins. Bien entendu, une seule possibilité était alors envisageable quand votre mère vous prenait en flagrant délit nocturne, faire comme si de rien était.

- Avez- vous passée une bonne soirée chez Lady Gombrich ?

Thémis avala avec difficulté sa salive face au regard mi-réprobateur, mi-intrigué de sa mère. Elle ne savait pas ce qui était pire, une bonne remontrance maternelle ou un interrogatoire poussé et interminable sur sa relation avec Desiderio. Sur sa non-relation plutôt, pensa-t-elle.

- Excusez-moi, mais il me tarde de tomber dans les bras de Morphée.

Vêtue d'une robe de chambre beige qui s'harmonisait avec la blondeur de ses cheveux, sa mère lui prit avec douceur mais fermeté le bras. Thémis soupira, le trajet jusqu'à sa chambre risquait d'être long.

- Je n'ai pas eu la chance de te voir cette semaine. Tu as passé quatre jours à chercher un indice pouvant te mener à ce serial killer.... A moins que ça ne soit pour rivaliser avec ce duc étranger. Personne n'ignore qu'il veut te mettre sur la touche, ni qu'il est beau à damner un saint.

Et voilà, le célèbre regard inquisiteur d'une mère un peu trop curieuse.

- Ce n'est pas parce que je mène cette enquête avec lui, qu'il va subitement tomber sous mon charme. Mère, vous lisez trop de Jane Austen. Je ne suis pas Elizabeth Bennet.

- Et pourtant ma fille, tu en as toutes les qualités, murmura-t-elle d'un air rêveur.

- Si vous le dites, j'espère tout de même ne pas être aussi aveuglée par mes préjugés. Bonne nuit ! lança Thémis dans une ultime tentative pour échapper au regard perçant de sa génitrice.

Mais il était trop tard, en éternelle romantique, sa mère s'imaginait maints scénarios plus farfelus les uns aux autres. Elle laissa trainer sa main sur la rambarde de l'escalier, apparence innocente dont Thémis, trop fatiguée, ne remarqua pas.

- Que cela doit être agréable de travailler avec un homme si charmant. Le Primum d'Angleterre doit certainement chercher une femme de caractère pour prendre soin de sa meute.... Invite- le à manger, tiens, pourquoi pas samedi ? J'avais justement prévu une réception privée.

Choquée, Thémis loupa une marche, s'étalant le long du corridor. Elle se releva tant bien que mal, époussetant la robe qu'elle avait revêtue dans la calèche, et qui recouvrait ses habits d'homme.

- Pour la dernière fois, nous avons seulement des relations professionnelles ! Et ce n'est pas parce qu'on s'est retrouvé dans un lupanar ce soir et qu'une lueur de respect a traversé son regard, que le duc me considère comme autre chose qu'un moustique nuisible ! lui répondit-elle d'une tirade passionnée, avant de fermer la porte de sa chambre d'un mouvement de robe théâtrale.

- Un lupanar ? asséna Lady Julia de Barowmerry dans le couloir déserté.

Un sourire entendu aux lèvres, elle alla se coucher près de son mari, sachant que le destin réservait bien plus de surprise aux deux protagonistes que sa fille ne semblait le croire.

~*~

Pendant ce temps, Thémis observait les teintures de son lit, elle n'arrivait pas à fermer l'œil. La niaise représentation d'oiseaux pinaillant sur fond bleu marine lui donnait le tournis. Quand avait-elle donc commandé une horreur pareille ? Les milliers de minuscules yeux noirs paraissaient la juger, l'épier. Cela additionné aux questions relatives à l'enquête, préconisait une humeur exécrable pour le lendemain matin. Ces trois assassinats sortaient de l'ordinaire. Ils avaient une symbolique presque poétique dans leurs représentations. Non. Elle s'égarait. Rien ne se transmettait à travers ses crimes sauf une cruauté sans bornes. Le meurtre de l'homme au cigare, pardon, de Martin King avait-il un lien avec Barowmerry Enterprise comme le laissait entendre Rosalie ? Ce n'était qu'une prostituée, mais bien souvent, elles étaient les confidentes de nombreux secrets. Le projet sur lequel Monsieur King travaillait par exemple. Cette calèche volante qui promettait un nouveau moyen de transport révolutionnaire, était-elle la cause de ce meurtre ? La jalousie pouvait être un facteur important et non la vengeance d'un géniteur stérile. Mais alors pourquoi l'avait-on privé de son organe reproducteur ? Et ces fils à coudre, ils avaient une symbolique importante, de ça elle en était certaine. Laquelle ?

La folie menaçait de la submerger. Les questions se bousculaient dans la tête de Thémis, Morphée n'étant pas décidé à la câliner. Un doute revenait sans cesse la hanter : son père avait-il influencé ce meurtre ? Etait-il au courant de la disparition de son employé ? Le meurtrier le pourchassait-il ? Devait- elle le prévenir ? Non. Si elle était sûre d'une chose, c'est que la discrétion était primordiale dans cette affaire. Il cherchait assurément la reconnaissance des londoniens, et même si cacher un potentiel danger à sa famille lui coutait, elle devait le faire. Ses frères, Gaspard et Roy étaient bien trop protecteurs, les connaissant, ils délaisseraient leurs épouses pour la suivre dans ses folles aventures. Elle ne pouvait pas le permettre. Finalement, ses paupières se fermèrent d'elles-mêmes pour la plonger dans le royaume des songes.

La chaleur était insoutenable, l'odeur de transpiration imprégnait chaques costumes, chaques robes. Ils avaient dû allumer des bougies car une panne de courant avait plongé le Beau Monde dans l'obscurité. Des robots habillés d'un nœud papillon circulaient ici et là, obéissant aux désirs des invités, un plateau de champagne à la main.

Ils dansaient avec témérité une valse. Sa main à lui positionnée au bas de son dos, leurs cuisses se frôlant tandis qu'il la faisait tourbillonner de plus en plus vite, mains et regards liés. L'environnement se flouta jusqu'à ne former qu'un fond uni, pigmenté de couleurs. Et de murmures outrés par cette proximité que donnait la valse. Ces yeux ambrés brillaient d'une étrange intensité, lui brûlaient les rétines de part leur signification. Il la serra contre lui. Sa poitrine écrasée contre son torse, elle écoutait avec avidité le cœur du Primum s'emballer.

Le décor changea, elle se trouvait dans un exquis jardin. La pureté de l'air emplit ses poumons, une moue de félicité s'étala sur son visage. Tu es miennes, lui asséna-t-il d'une voix rauque. Sa mâchoire se transforma alors en celle d'un tigre royal. Ses oreilles devinrent félines, se couvrirent d'un pelage blanc rayé de noir. Sa gorge émit un rugissement assourdissant, des filets de bave volèrent vers elle alors que l'homme-tigre lui montrait les crocs. Et le cauchemar commença.

Elle courait à travers ce qui paraissait être une jungle bien trop silencieuse. De ses bras, elle souleva d'immenses feuilles qui lui obstruaient la vue et l'empêchaient d'échapper au monstre qui la pourchassait. Elle entendait ses griffes s'enfoncer dans la terre, son souffle chaud et pestilentiel dans son dos. Des larmes de désespoir dévalaient ses joues rougies par l'effort. Sa respiration devenait de plus en plus hachée, son cœur battait la chamade. Elle n'en pouvait plus de courir. Des gouttes de transpiration coulaient le long de sa tempe jusqu'à son cou, laissant un sillon humide sur sa peau. Ses cheveux, malmenés par le vent, se collaient à sa sueur et sur ses lèvres entrouvertes. Elle s'arrêta, exténuée, les jambes engourdies. Elle ne pouvait pas se retourner, ne voulait pas voir sa puissante mâchoire désireuse de mordre sa chaire. Alors elle ferma les yeux. Et attendit, angoissée, le destin qui s'abattait sur elle. Mais rien ne vint. Quand elle souleva ses paupières, un cercle de feu l'entourait. Les flammes la réclamaient, lui léchaient sa peau si douce. Des cloques se formaient sur ses bras, elle sentait son enveloppe corporelle fondre comme glace au soleil. Ses cris se perdirent dans le crépitement des flammes. Et elle mourut.


Thémis se réveilla en sursaut, collante de sueur. Sa vision était floue, elle sentait la panique monter en elle. S'appropriant les techniques de méditation de sa mère, elle inspira et expira jusqu'à ce que son cœur reprenne un rythme plus serein. Un rêve, un simple rêve. Elle agrippa avec fermeté le verre d'eau qui se trouvait sur sa table de chevet, lorsque sa main se mit à trembler au souvenir encore frais de sa mort. Elle était exténuée à cause de ses rêves qui lui pourrissaient la vie. Elle ne supportait plus d'éprouver ces sensations nuit après nuit, être baignée dans les affres de la crainte. Son quotidien lui paraissait ennuyeux, morne et sans saveurs. Thémis commettait des folies pour sentir le souffle de la Vie l'effleurer.

Soudain, une lueur orangée attira son attention. Elle se leva de son lit et s'approcha de sa fenêtre, tirant les rideaux pour mieux voir. Au loin, un incendie dévastait le quartier de Westminster. Les yeux de la comtesse s'ouvrirent de stupeur. Il ravageait tout sur son passage, laissant derrière lui un paysage comme figé dans le temps, où des flocons de cendres se déposaient ici et là.

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