Chapitre 18- 2 : ....du papillon.

De prime abord, moues et affaissées, les écailles qui recouvraient ses ailes durcirent en moins de rien. Constituées d'une membrane transparente, ses ailes aux bords arrondis paraissaient aussi délicates qu'un pétale de fleur. Les yeux mi-clos, Desiderio était émerveillé par ce qu'il voyait. Les mots qu'elle prononçait se dessinaient dans l'air, et tournaient autour de la jeune femme.

La lumière disparut pour laisser place à deux ailes de papillons aux reflets irisés. Messagère du Bien, Thémis resplendissait de pureté et de bonté, réchauffant son âme rongée par le Mal. Il ne sut combien de temps le rituel dura, tout ce qu'il voyait, c'était la fin de son innocence. Elle battit rapidement des ailes, dissipant autour d'eux la poussière de l'explosion. Soudain, le cocon dans lequel reposait Lady Julia devint un arc-en-ciel de couleurs. Il vibra, il palpita. Et enfin, il s'évapora...

- Allez-vous bien ? Comment vous sentez vous ?

San Silvestre quitta son état de stupeur lorsque Thémis se pencha sur sa mère. Cette dernière papillonna des yeux. Il lui était difficile de les ouvrir. Ses paupières étaient lourdes et l'envie de retomber dans les bras de Morphée, tentante. La jeune femme l'oppressait de questions. Desiderio se mit en face de Thémis, rencontrant enfin ses iris topaze. Il la prit doucement par les épaules et l'attira en arrière.

- Calme-toi. C'est fini. Tu as réussi. Regarde.

Effectivement, Julia l'observait d'un air hagard comme si elle avait du mal à se concentrer sur un point précis. Thémis serra convulsivement les mains de sa mère, des perles de joie aux coins des yeux.

- Tu es en vie, tu es en vie... chuchota-t-elle.

Seul un sourire tremblant lui répondit, mais ce fut suffisant pour que Thémis laisse son bonheur éclater. Desiderio se tint à ses côtés, curieusement ému.

Des bruits de pas sur le gravats, des cheveux roux, une voix autoritaire.

- Thémis ? Mère ? Duc ?

Perturbé par le spectacle, Roy sentait la moutarde lui monter au nez. Il ne doutait pas que le salon détruit soit la conséquence du travail de sa sœur ou de son amitié avec le Primum. Néanmoins, ce qui l'inquiéta le plus, fut de découvrir sa mère à moitié enseveli sous un canapé et recouverte de sang. A ses côtés, Thémis n'était qu'une boule de nerfs pourvue d'ailes.

Regardant par-dessus son épaule, il constata le nombre croissant de témoins, attirés comme des aimants par le malheur des autres. Les bribes de conversations qu'il percevait l'inquiétaient aussi.

- Que s'est-il passé ?

Incapable de parler, Thémis laissa Desiderio répondre.

- Une bien triste affaire. Je vous propose d'en parler autre part, vous n'avez pas besoin d'oreilles indiscrètes, lui dit-il en désignant les commères visibles de loin par leurs extravagantes tenues.

- Vous avez raison. Montons à l'étage.

Aidé du duc, Roy souleva le sofa et coucha Lady Julia dans son lit. Sa peau était recouverte d'une fine pellicule de poudre. Elle collait aux vêtements et brillait sous le soleil. Thémis s'assit près d'elle afin de la veiller. Ses ailes, toujours accrochées à son dos, pendaient de part et d'autre du fauteuil.

L'ainé des Barowmerry fit signe à San Silvestre de le suivre jusqu'à son bureau. La porte fermée, tous deux munis d'un verre de brandy, ils pouvaient parler librement.

- Figurez-vous qu'une bombe est à l'origine de ce désastre.

- Une bombe ?! Qui serait assez fou pour s'attaquer aux Barowmerry alors qu'il peut facilement être vu à cette heure-ci ?

- Et pourtant...

Un ange passa. L'hésitation marquait les traits du métamorphe.

- Votre sœur est une guérisseuse de l'âme.

- Je sais, admit Roy. Face à la stupéfaction de son invité, il continua. Il y a quelques mois de cela, mon père me donna tous les droits sur les propriétés familiales. Sauf ceux de l'entreprise, qu'ils gardaient pour mon frère Gaspard.

- Oh, jalousie quand tu nous tiens.

- Taisez-vous ! cria Roy. Gaspard est le mieux indiqué. Je ne connais rien à la mécanique, étant plutôt un homme d'affaire. Enfin bref, là n'est pas la question. Curieux de savoir pourquoi il me donnait mon héritage si tôt, je suis allé le voir là-bas, dans ce bureau qu'il ne quitte même plus pour dormir.

- Attendez, depuis quand ne vient-il plus à la maison ?

Roy soupira lourdement.

- Je ne sais pas. Ça a commencé lors de votre venue en Angleterre, il y a deux mois environ. J'ai envoyé un détective le suivre. Je ne voulais pas que ma mère soit tachée par un scandale d'adultère.

Il but avant de continuer.

- Heureusement, aucune maitresse n'est cachée derrière cet éloignement. Ma mère l'aime, elle nous aime. De tout son coeur, et c'est si rare à notre siècle, que je suis devenu très protecteur vis-à-vis de ma famille.

- Je comprends, assura Desiderio.

- Vraiment ? demanda Roy, sceptique.

- Oui, ma famille fut assassinée lorsque je n'étais encore qu'un enfant. Mon parrain m'a élevé loin d'Angleterre, en Espagne. Je ne supporte pas qu'on touche à ma meute.

Surpris, Roy reconsidéra l'homme face à lui. Sa réputation de séducteur n'était plus à refaire : son visage taillé à la serpe, ses yeux troublants et son petit sourire au coin.... Quelle femme ne tomberait pas sous son charme ? Toutefois, Roy, resté en retrait après la violente dispute avec sa sœur sur son avenir, n'avait rien manqué de l'attirance qui les rapprochait inexorablement. Mais aussi de son régime sexuel. Comme si ses conquêtes ne le satisfaisaient plus....

- Vous n'êtes pas l'homme méprisant auquel je m'attendais, cher duc.

Ce dernier leva son verre, lui portant un toast.

- A une nouvelle amitié !

- N'abusez pas non plus, ria Roy. Je ne vous supporte toujours pas.

- Habituez-vous à me voir alors, parce que votre sœur est mon âme-sœur et je compte bien l'épouser.

Sous cet aveu, Roy s'étrangla avec le liquide qu'il portait à ses lèvres. Il toussa et hoqueta bruyamment. Rouge, les yeux mouillés, il se contenta de fixer le duc, incapable d'émettre un mot. « Ceci explique cela » pensa-t-il.

- Quand l'avez-vous remarqué, entre la chasse au meurtrier et les femmes faciles qui entrent dans votre lit, alors que vous vous recoiffiez au détour d'un rendez-vous agité ?

- ... pour être honnête, j'ai eu des doutes après plusieurs...rendez-vous infructueux. Et ils se sont confirmés en embrassant votre sœur. Depuis, je ne peux pas...mhmm...je ne ressens aucune luxure pour les autres femmes.

Roy paraissait ne plus pouvoir respirer. Immobile, telle une statue en marbre. Puis, il passa sa main dans ses cheveux, les décoiffant.

- J'imagine que c'est une bonne chose... au moins avec vous, elle ne sera pas malheureuse car après tout, vous êtes connectés...d'une manière qui ne me plaît pas...enfin, Dieu seul sait pourquoi Il a mis des êtres aussi volcaniques que vous deux ensembles. Votre mariage risque de ne pas être de tout repos.

- Alors, vous nous donnez votre bénédiction ? s'écria un Desiderio incrédule.

- Ai-je le choix ? Ce n'est pas comme si votre tigre allait vous laisser prendre vos distances avec Thémis.

- Merci, lui répondit-il, soulagé d'un poids immense.

- Par contre, se sera à vous de régler cette histoire avec la baronne de Rostchild.

Desiderio grimaça à se souvenir. Il voulait simplement rendre la jeune femme jalouse, et cela avait fonctionné mieux qu'il n'aurait cru. Toutefois, il n'avait pas compté sur le fait d'être harcelé par une baronne à l'espoir inébranlable, aussi tenace qu'une sangsue.

- Revenons à notre affaire voulez-vous.

- Comme je le disais, je suis allé voir mon père pour exiger des explications. Mais une fois arrivé sur place, la porte de son bureau était entrouverte et j'ai surpris sa conversation avec Gaspard. Ils étaient nerveux. Ils ont nommé un certain Caïn et Thémis.

D'un ton affecté, Roy continua, ne remarquant pas le teint pâle du duc.

- Elle a un rôle important à jouer. J'ai fait des recherches à la British Library. Les guérisseuses se dissimulent pour échapper au monde. En connaitre une est une aubaine. Ce Caïn veut surement l'immortalité de son sang. Et pour cela, il a dû envoyer un émissaire conquérir son cœur.

- Savez-vous qui cela pourrait-il être ?

Le rouquin secoua la tête.

- Non. Ils parlaient très bas. Mais ils préparent quelque chose, j'en suis certain. Protégez ma sœur San Silvestre ! Protégez-la au péril de votre vie si vous l'aimez vraiment !

- Vous n'avez pas besoin de me le demander, je le ferai.

- Bien, c'est tout ce que je voulais entendre. J'aimerai vous demander un service dont Thémis ne sera rien.

Desiderio fronça les sourcils.

- Arrêtez mon père et interrogez-le.

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(Aujourd'hui, je vous gâte, 2 chapitres en un weekend 😄 mais que voulez-vous, l'inspiration était au rendez-vous.

Je voulais aussi vous faire part de la publication d'un nouveau récit dans un ton plus léger, que j'aimerai inscrire au Wattys2018 parce que Carpe Diem ne peut pas l'être 😭 )

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