Chapitre 16- 1 : Compréhension mutuelle
Les soirées mondaines sont rarement intéressantes pour Lysandre Royale.
Inintéressantes ne signifiaient pas inutiles.
On apprenait les nouvelles modes, les derniers « on-dit » et les déplacements sur l'échiquier politique.
Dans cet ordre d'importance.
Cependant, il y avait toujours un « mais » quand son Primum lui confiait une mission.
Elle était tentée. Très tentée même par, si ce n'était le silence, l'amoindrissement des sons qui l'entouraient. Il lui suffisait de mettre ces bouchons d'oreilles en cire dans le conduit auditif. Ses longs doigts aux callosités révélatrices d'un entrainement intensifs à l'arc jouèrent avec les boules quies. La texture graisseuse et molle lui servait d'exutoire. Elle aurait préféré être en train de courir dans les bois ou faire des jeux coquins avec son mari (un nez aussi proéminent que le sien faisait des merveilles).
Mais quand Desiderio ordonnait, même le Diable obéissait.
Lysandre replaça une mèche de sa chevelure verte pomme derrière son oreille pointue. Elle s'ennuyait à mourir. La chaleur des corps entassés dans une salle de bal trop petite et le caquètement des commères embuaient ses yeux de larmes. Les couleurs se brouillaient comme de la peinture dans un pot rempli d'eau. Ses narines étaient exacerbées par les effluves floraux, les senteurs suaves, les parfums entêtants qui se mélangeaient et lui donnaient parfois la nausée. Décidément, la ville n'était pas faite pour elle. Lysandre trempa ses lèvres dans son breuvage citronné et excessivement sucré tandis que ses immenses yeux gris anthracite scannèrent la salle de bal en quête d'un quelconque divertissement. Il arriva. Sous la forme d'une blonde écervelée qui promit à Lysandre d'amusantes parties de cache-cache à venir, et une petite vengeance bien menée. Oh, oui, son Primum allait en baver !
Bon, peut-être que la vengeance de Lysandre était saupoudrée d'un voile de frustration. Tandis qu'elle s'occupait de la sécurité du Primum, Lyncoln volait chaque semaine à grande vitesse d'un territoire à l'autre afin qu'on exécute les ordres donnés. Depuis la visite chez la sorcière des augures, Lyncoln était nerveux. L'avertissement de la Luaya avait trouvé une place dans ses préoccupations, son masque de lieutenant s'était fissuré, faisant rejaillir sur la meute ses états d'âmes. L'instabilité des métamorphes obligea Desiderio a quitté momentanément Londres pour la forêt d'Epping où logeaient ceux l'ayant suivi en Angleterre. L'aigle royale voyait peu sa compagne, trop occupé à calmer la meute principale.
Leur Maître fulminait d'impatience, poussant Desiderio et les responsables de la communauté surnaturelle à agir. Le mécanisme s'était mis en place comme les engrenages bien réglés de l'horloge des mondes. Les rôles s'étaient inversés depuis un moment, dans l'ombre, loin de la lueur de l'illusion dans laquelle les aristocrates s'enlisaient avec plaisir. Parfois, les humains étaient vraiment pathétiques. Croire qu'ils étaient au sommet de la chaîne alimentaire la dépassait. En se basant sur le régime alimentaire des espèces, une échelle de 1 à 5 permettait de différencier les producteurs primaires des prédateurs purs. Les humains possédaient un score d'environ 2.21, soit l'équivalent d'un cochon ou d'un anchois. Toutefois, l'ingéniosité humaine n'avait pas de limites quant-il s'agissait de tuer.
- Il y a longtemps que nous ne nous étions pas vues et j'avoue avoir saisi l'occasion pour m'éloigner un peu de ma famille, la salua Thémis.
Lady Julia et son amie Lady Amelia Windellford parlaient avec animation à un groupe de jeunes dandys. Ces derniers jetaient de temps à autres des coups d'œil insistants à Thémis, un sourire entendu sur leurs lèvres. Il était de notoriété publique que sa mère cherchait un mari à sa progéniture récalcitrante, célibataire depuis quatre saisons. Une chasse où bien des hommes étaient disposés à perdre leur orgueil.
- Je vois, lui répondit Lysandre. Sa voix trahissait une pointe d'amusement. J'ai connu ça moi aussi, des messieurs prêts à tout pour conquérir votre cœur. Je suis de la royauté elfique voyez-vous. Oh, n'affichez pas un ahurissement pareil, vous n'auriez pas pu le deviner ! ria-elle. J'ai laissé tomber la carapace de froideur et d'élégance au profit d'un amour plus fort que la raison. Mon devoir d'héritière ou Lyncoln. Il ne me fut pas compliqué de choisir.
L'elfe s'hydrata la gorge en buvant de sa limonade. Près de la cheminée, les deux femmes se tenaient éloignées des oreilles indiscrètes et de toutes invitations à danser. Une compréhension mutuelle s'épanouissait tel un bourgeon délicat, prémices d'un lien plus fort. Lysandre allait reprendre son récit lorsque son regard aiguisé remarqua un rakshasa dans la foule. Ses longs ongles venimeux se promenaient sur le bras gracile de sa victime, lui infligeant une coupure, petite mais suffisante pour distiller le poison. Elle se putréfierait à une vitesse alarmante, délectable repas pour la créature. Leurs pupilles se croisèrent un court instant, lui procurant de terrifiant frissons dans le dos. Pour pouvoir assister au bal, le rakshasa devait y être invité. Lysandre détourna le regard.
- Ma famille m'a répudié après un tel affront. Je n'ai plus aucuns contacts avec eux.
- C'est cruel, asséna Thémis.
- C'est la loi, la corrigea-t-elle. Je savais à quoi m'attendre en refusant le trône. Un métamorphe et une elfe.... Du jamais vu, et pourtant, si c'était à refaire, je n'hésiterai pas une seule seconde. Je n'ai jamais goûter un tel sentiment de sécurité qu'entre les bras de Lincoln.
Soudain l'air ondula sous l'arrivée d'une chaude brisée d'été, réconfortante et familière. Puis, une odeur de souffre l'accompagna, irritant les narines des surnaturels présents ce soir. La voix de Lysandre se fit plus empressée.
- Thémis...aimer n'entraîne pas forcément un refus tranchant de la part de votre famille, même si vous allez en contre des dictats imposés. Soyez égoïste, abandonnez-vous aux sensations divines qui vous consument et pour l'amour d'Eru, arrêtez d'avoir peur ! Devenir une femme adulte c'est devoir prendre parfois des décisions difficiles.
Sa main prit la sienne de manière tendre mais ferme.
- Si vous avez besoin d'une oreille attentive, je suis là.
Ne lui laissant le temps de répondre à cette offre d'amitié, Lysandre monta les escaliers et disparut de son champ de vision. Surprise par cette disparition, Thémis la suivit. Elle se demanda brièvement si la belle elfe s'en était allée à cause d'un souvenir trop douloureux et si sa mère lui en voudrait d'être partie comme une voleuse. Mais en la voyant rire avec Windellford, elle se dit que peut-être, son absence passerait momentanément inaperçu. Si elle savait quelle douce punition l'attendait....
Thémis continua sa montée et déboucha sur le hall d'entrée où elle vit Lysandre embarquée dans une calèche. Ennuyée, elle se mordit la lèvre. Où pouvait-elle aller avec autant d'empressement ? Et qui était cet homme qui l'accompagnait : un membre de la meute ? L'inspectrice était sûre qu'il ne s'agissait ni de Monsieur Royale ni de San Silvestre, tout deux occupés dans des affaires de meute. Il y avait-il eu un problème dans la forêt d'Epping ? Le duc était-il en danger ? Impossible, pensa l'inspectrice.
Des rumeurs circulaient sur son ascendance royale, mais Thémis n'y croyait guère. Parfois, elle notait dans ses iris d'un miel doré une peur irrationnelle et croyait percevoir, lorsqu'il abaissait sa garde, des chaînes ligoter son âme. Qui soumettait ainsi le Primum d'Angleterre ? Et surtout à quelle fin ? Thémis secoua la tête afin de chasser l'idée qui commençait à germer dans son esprit. Non, il était hors de question de résoudre un mystère de plus avec tout ce qui s'avoisinait. Les folies nocturnes de ce maudit tueur lui donnaient la migraine, alors déchiffrer un foutu tigre à l'allure diablement sexy.... Avait-elle vraiment pensé ça ?
- Inspectrice ! Inspectrice Barowmerry !
Le lieutenant Kingdom secouait une main devant son visage. Il l'interpellait depuis un moment, visiblement essoufflé et recouvert de sueur.
- Lieutenant ?
- On a trouvé un nouveau corps.
-----------------------------------------------
Bonsoir mes macarons à la framboise, je participe aux Awards 2018 ! ♥♥
Si jamais vous avez l'envie de m'encourager et de voter pour cette histoire (parce qu'il fait beau, qu'on s'aime et qu'il faut avoir pitié d'une auteur débutante hihi). Je vous laisse le lien en commentaire !
On est actuellement à la moitié du récit, je vais essayer de finaliser le roman cet été car pour septembre un nouveau projet verra le jour (et je peux vous dire que le résumé a eu pas mal de succès haha ☺).
Bonne nuit !
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top