Chapitre 6 : Léo, les raisons de la quête
Léo n'avait jamais été du genre à se passionner pour quoi que ce soit. Sa vie était tranquille, presque trop lisse, à tel point qu'il avait l'impression de flotter d'un jour à l'autre sans vraiment saisir quoi que ce soit. Pourtant, en découvrant le carnet perdu, qui s'avérait être délaisser exprès sur le banc et en lisant les poèmes d'Anna, quelque chose en lui s'était éveillé.
Ce n'était pas seulement de la curiosité. C'était comme si les mots d'Anna lui offriraient enfin les clés pour comprendre ce qu'il n'avait jamais su nommer. La solitude. L'impression d'être invisible, même entouré de monde.
Alors qu'il feuilletait une nouvelle fois le carnet, un poème attira son attention. Ce poème, il l'avait déjà lu plusieurs fois, mais il n'en saisissait jamais pleinement le sens. Ce soir-là, pourtant, il résonnait différemment :
« Il y a des absences qui déchirent l'âme,
Un vide brûlant, mais sans la flamme.
J'ai tendu mes mains vers une brume d'espoir,
Mais tout s'efface, comme un mirage du soir.
Les jours se succèdent, mais rien ne s'apaise,
Ton absence s'étire, une douleur sans trêve.
Chaque souffle de vent porte ton nom perdu,
Chaque étoile me rappelle ce que j'ai cru.
Et si l'amour survit dans le silence,
Alors je le porte, dans ma souffrance.
Car même sans toi, même sans lumière,
Je t'aime encore, dans cet enfer. »
Léo relut ces mots encore et encore, les laissant résonner dans son esprit. Une scène de son enfance lui revint en mémoire : la silhouette de son père, quittant la maison une dernière fois. Il n'avait que dix ans à l'époque. Sa mère lui avait expliqué qu'il ne reviendrait pas, sans vraiment en dire plus. Depuis, cette absence avait laissé une marque qu'il n'avait jamais osé explorer.
Anna, avec son poème, avait mis le doigt sur cette vieille blessure. Il se rendit compte qu'il n'avait jamais pris le temps de comprendre cette douleur, de lui donner une forme. Et pourtant, ces poèmes, qui parlaient de ce même vide, étaient devenus une sorte de miroir pour lui.
C'était pour ça qu'il avait poursuivi sa quête. Pas juste pour retrouver l'auteur du carnet, mais parce qu'il voulait comprendre pourquoi ces poèmes semblaient parler directement à son cœur. Ils mettaient des mots sur ce qu'il n'avait jamais su exprimer, des émotions qu'il n'avait jamais osé affronter.
Anna n'était pas seulement une inconnue talentueuse. Elle était une personne qui partageait des blessures similaires. Une âme qui, malgré tout, avait trouvé le courage de transformer ses souffrances en quelque chose de beau. Léo se demandait s'il pourrait faire de même. Peut-être que lui aussi, il pourrait un jour laisser ses émotions prendre forme, trouver un moyen d'exprimer ce qui sommeillait en lui.
Il posa son crayon sur une feuille vierge, mais les mots ne vinrent pas. Comment écrire ce qu'il ressentait ? Comment transformer ses pensées confuses en quelque chose d'aussi pur et simple que les poèmes d'Anna ?
Il tourna les pages du carnet, espérant trouver l'inspiration. Ses yeux tombèrent sur un autre poème qu'il n'avait pas vraiment remarqué. Il le lut à voix haute, doucement, comme pour en savourer chaque mot :
« Les rues sont un théâtre, mais je n'y joue aucun rôle.
Des visages passent, sans jamais croiser mon envol.
Je crie en silence, une prière sans écho,
Un murmure oublié, noyé dans le flot.
Si je disparaissais, le monde changerait-il ?
Ou ne serais-je qu'un soupir, un souffle inutile ?
Une plume arrachée, qui virevolte dans l'oubli,
Un fragment d'âme, que personne ne recueille, ni ne lit.
Je suis là, perdu entre l'ombre et la lumière,
À chercher une place dans ce vaste désert.
Mais à quoi bon exister, si personne ne voit,
Que sous ce sourire, c'est le vide qui me broie ? »
Ces mots frappèrent Léo comme un coup de tonnerre. Il posa le carnet et ferma les yeux, se demandant combien de fois il avait lui-même ressenti cela. Combien de fois il s'était assis au milieu d'un groupe, souriant en apparence, mais se sentant seul à l'intérieur.
Le lendemain, il envoie un message à Anna. Elle lui avait laissé son numéro après leur dernière rencontre, juste au cas où il aurait encore des questions. Mais ce n'était pas une question qu'il voulait lui poser.
__ Tes poèmes m'ont touché plus que tu ne peux l'imaginer. Je crois que j'ai enfin compris pourquoi. Merci. Est-ce qu'on peut se revoir ?
La réponse ne tarda pas.
__ D'accord. Retrouvons-nous au parc demain soir.
Ce n'était plus juste une quête pour comprendre Anna ou ses poèmes. C'était une quête pour se comprendre lui-même, et peut-être, enfin, commencer à écrire son propre récit.
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