Chapitre 4 : L'attente

La soirée était froide et silencieuse, le genre de calme qui rendait chaque bruit plus net. Léo s'était installé sur le banc près de l'étang, emmitouflé dans une veste épaisse. Devant lui, l'eau scintillait doucement sous la lumière blafarde d'un lampadaire. Il avait choisi cette heure précise, celle où, selon le cycliste qu'il avait rencontré, le mystérieux poète venait souvent s'asseoir.

Le carnet était ouvert sur ses genoux. Il ne savait pas vraiment ce qu'il espérait. Peut-être qu'il reverrait l'auteur, ou que quelqu'un passerait et le reconnaîtrait. Mais pour l'instant, il n'y avait que le murmure du vent dans les roseaux et le crissement des feuilles mortes sous ses chaussures.

Une heure passa. Puis une autre. Il commença à se dire qu'il avait fait tout ce chemin pour rien, lorsque des pas feutrés brisèrent le silence derrière lui. Il se retourna vivement.

C'était une silhouette qui s'approchait, une personne enveloppée dans une écharpe, ses traits cachés sous un grand chapeau. Léo s'attendait
à voir un homme, peut-être un écrivain solitaire, comme il l'avait imaginé en pensant à l'auteur du carnet. Mais en se concentrant sur les yeux qui brillaient sous la lumière tamisée du lampadaire, une étrange sensation le traversa. Ces yeux-là étaient ceux d'une fille.

Elle tenait un sac en toile, chargé de livres. En apercevant le garçon et le carnet sur ses genoux, elle hésita un instant, les yeux scrutant curieusement l'objet.

Léo sentit son cœur s'emballer. Avant qu'il ne puisse parler, elle fit un pas en arrière, comme pour s'éloigner.

__ Attendez ! dit-il, se levant précipitament.

Elle s'arrêta.

__ Ce carnet... je l'ai trouvé. Est-ce que c'est à vous ? exigea-t-il.

L'expression de la jeune fille changea fréquemment. Un éclat de reconnaissance, ou peut-être de surprise, traversa ses yeux. Elle ne répondit pas tout de suite, mais elle s'approcha lentement, tendit la main et prit délicatement le carnet. Elle le feuilleta rapidement, comme pour vérifier quelque chose, puis s'arrêta sur une page en particulier. Elle leva les yeux vers Léo.

__ Pourquoi vous l'avez gardé ? demanda-t-elle finalement, sa voix teintée de méfiance.

Léo sentit le rouge lui monter aux joues.

__ Je... je voulais retrouver son propriétaire au cas où il l'aie perdu sans le savoir. Vos poèmes... ils sont magnifiques. Je me suis dit que je devais connaître l'auteur. Je suis désolé si ça vous dérange.

Elle fut hésitante un instant, puis referma le carnet et la serra contre elle.

__ Merci de ne pas l'avoir jeté. Beaucoup l'auraient fait. Mais,... je l'ai laissé exprès.

Un silence gênant s'installa entre eux. Léo chercha ses mots.

__ Pourquoi... pourquoi vous avez fait ça ? finit-il par demander.

Elle le fixa un bon moment, avant de répondre.

__ Parce que je pensais qu'il valait mieux qu'il appartienne à quelqu'un d'autre... Quelqu'un qui en aurait besoin. Murmura-t-elle.

Ensuite, ils restèrent là, assis côte à côte sur le banc, la nuit tombant doucement autour d'eux. La jeune fille finit par se présenter : elle s'appelait Anna. Elle était souvent venue à l'étang l'année précédente, pendant une période difficile de sa vie.

__ J'écrivais pour ne pas sombrer, avoua-t-elle, le regard perdu dans l'eau. Puis, j'ai décidé de m'en séparer... C'était une sorte de libération. Je ne voulais pas que ces mots me parlent pour toujours.

Léo sentit la curiosité grandir en lui.

__ Mais, pourquoi ?

Elle sourit tristement.

__ Parce que, les choses les plus importantes doivent être partagées. Je voulais qu'ils trouvent quelqu'un qui comprenne.

Léo ne savait pas quoi dire. Mais dans ce silence, il sentit quelque chose changer en lui. Ces poèmes, qu'il avait lus et relus, avaient trouvé leur chemin jusqu'à lui pour une raison. Ils lui avaient donné des mots pour des sentiments qu'il n'avait jamais su exprimer.

Avant qu'Anna ne parte, il laissa échapper une question :

__ Est-ce que vous allez continuer à écrire ?

Elle haussa les épaules.

__ Je ne sais pas. Peut-être... Puis, avec un sourire timide. Et toi ? Tu devrais essayer. Tu sembles avoir l'âme d'un poète.

Ces mots restèrent avec lui longtemps après qu'elle disparut dans la nuit, son écharpe flottant comme une ombre derrière elle. Léo resta assis encore un instant, le regard perdu dans l'eau.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top