Chapitre 20 : Papa

« Papa,

Je te cherche dans les silences.
Dans les instants où le monde s'arrête
Et où tout ce que je ressens, c'est toi qui n'es pas là.
On m'a dit que le temps apaise,
Mais ce n'est pas vrai.
Le temps ne fait que creuser ton absence,
Comme une blessure qu'on gratterait sans fin.

Je me demande comment aurait été ta voix,
Si elle aurait eu ce grain grave qu'on dit rassurant,
Si elle aurait porté les mots que je voulais entendre :
« Je suis fier de toi. »

Papa, tu me manques d'une façon sourde,
Comme un écho dans une pièce vide.
Je ris souvent, je fais des blagues,
Mais c'est pour remplir le silence,
Pour que personne ne voit
Le gouffre laissé par ton départ.

J'ai grandi sans toi, mais pas vraiment.
Je suis resté ce garçon
Qui attend qu'on lui montre le chemin,
Qu'on lui dise que tout ira bien.
Tu aurais été cet homme, j'en suis sûr,
Celui qui, d'une bande sur l'épaule,
Fait disparaître les doutes.

Je t'écris parce que je ne sais pas te parler.
Je t'écris parce que je ne sais même pas où tu es,
Dans le ciel, dans le vent,
Dans ce vide qui me serre la poitrine.

Papa, est-ce que tu m'aurais compris ?
Est-ce que tu aurais ri avec moi ?
Je voudrais tant que ton rire soit une réponse,
Qu'il traverse le temps pour m'apprendre
À me sentir moins seul.

Je veux te dire que je t'aime,
Même si je ne sais pas comment t'aimer
Je veux te dire que tu me manques,
Même si je ne t'ai jamais eu.

Tu es ce manque qui me construit.
Tu es ce vide qui m'accompagne.
Et pourtant, Papa,
Tu resteras toujours mon père. »

Léo avait les yeux fermés lorsqu'il finit son poème, comme s'il redoutait de regarder les autres, comme s'il avait peur que ses émotions le trahissent.

Un silence lourd régna dans la salle après sa lecture, un silence qui semble durer une éternité. Mais tout à coup, un applaudissement retenu. Puis un autre, et encore un autre. Il tourna la tête, surprise. Tout le monde semblait reconnaître la profondeur de ce qu'il avait exprimée. Les applaudissements étaient nourris, pleins de respect, comme une reconnaissance sincère.

Le dernier participant monta alors sur scène. Il était calme, assuré, et son poème, lorsqu'il le prononça, fut tout simplement incroyable. Un chef-d'œuvre de poésie, une mélodie parfaitement en harmonie avec l'émotion. La salle entière le contempla, subjuguée. Il était le gagnant incontesté de la compétition.

poème d'August :

« Nous, enfants d'un siècle en cendres,

Là où le temps n'a plus de poids,
Nous portons des chaînes qu'on ne peut fendre,
Des cicatrices gravées sous la soie.

Le vent emporte nos murmures,
Des prières perdues sous les toits,
Et chaque étoile, dans sa brûlure,
Rappelle les rêves qu'on oublia.

Nous avons vu des tours s'effondrer,
Des cités pleurer leurs gloires fanées,
Et sur les ruines, en cœurs sombres gravés,
Le spectre d'un passé qu'on n'a jamais aimé.

Qui sommes-nous, sinon l'errance ?
Un cri dans l'abîme, un reflet dans l'eau,
Un souffle coupé, une dernière danse,
Des âmes brisées sous un fardeau.

Pourtant, dans l'ombre où tout se perd,
Dans l'ivresse sourde des mensonges,
Nous portons l'éclat de l'univers,
Un feu qui jamais ne s'allonge.

Voyez-nous, nous sommes vos miroirs,
Des veines battant sous la poussière,
Nous sommes la vie, douce et noire,
La poésie, l'ultime lumière.

Quand viendra l'heure des crépuscules,
Où s'éteindront les feux d'antan,
Nous serons là, au seuil des bulles,
Un souffle pour chaque vivant. »

Et pourtant, Léo ne se sent ni jaloux, ni triste. Non, il avait gagné quelque chose de plus précieux que tout trophée : la liberté d'exprimer ses émotions, et surtout, d'avoir retrouvé  son père.

Lorsque l'annonce fut faite, et que le jeune poète fut accueilli par la foule, Léo se sentit en paix. Il n'avait plus rien à prouver. Les gens qui l'avaient respecté pour son côté extraverti comprenaient maintenant une autre facette de lui.

Ses yeux se posèrent sur son père, assis au fond de la salle, les yeux brillants, pleins d'émotion. Ce respect. Un regard qu'il n'avait pas vu depuis si longtemps. Ce regard, c'était celui d'un père. Et à cet instant, il sentit un frisson le parcourir. Sa mère, aussi, était là. Pas loin de son père, debout, silencieuse, les yeux rivés sur lui. Elle était là. Elle l'avait vu. Elle l'avait enfin vu.

Alors que les applaudissements se dissipèrent, Léo descendit lentement les marches de l'estrade. Il n'était plus un adolescent en quête d'approbation, ni un garçon perdu dans son besoin de faire rire. Il était un fils, avec un père et une mère, dans cette salle, en train de le regarder pour la première fois. Et il se sentit plus fort que jamais.

Quand il arriva devant son père, celui-ci se leva brusquement. Les larmes brillaient dans ses yeux, tout comme les siennes. Ils se regardèrent longuement, sans un mot, et tout d'un coup, son père étendit les bras. Léo n'hésita pas une seule seconde. Il se précipita dans ses bras. Il n'avait pas honte. Ce qui comptait, c'était lui et son père, rien d'autre.

Ils s'étreignirent. Un père et son fils, enfin réunis dans un simple geste,.., un geste d'amour qui effaçait les années de distance.

__ Léo...

Les deux hommes se regardèrent dans les yeux, un regard sans fard, sans faux-semblants. Il n'y avait plus de distance. Juste eux, là, ensemble.

Et alors, du fond de la salle, Léo vit Anna. Ses mains discrètement jointes comme pour lui dire bravo. Et quand leurs regards se croisèrent, elle lui sourit. Elle su que son ami venait de gagner, d'une manière bien plus importante que n'importe quel trophée.

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