Chapitre 18 : Le choix du cœur

Julien se tenait sous le soleil écrasant d'un camp de réfugiés au cœur de l'Afrique. Il n'avait jamais eu peur de la chaleur intense, ni de la poussière fine qui recouvrait tout. Cela faisait partie du travail, du sacrifice qu'il avait choisi de faire. Il avait toujours su qu'il ne pourrait jamais mener une vie ordinaire. Le monde avait besoin de lui ici, parmi les souffrances, les blessures et les vies brisées. Mais au fond de lui, il savait que ce n'était pas seulement pour cela qu'il était là.

Il aimait son travail. Il l'avait toujours aimé. C'était plus qu'une vocation, c'était une nécessité. Le sentiment de pouvoir apporter de l'aide là où le besoin était le plus grand, de sauver des vies dans des endroits où l'espoir paraissait absent, lui donnait une énergie qu'il ne trouvait nulle part ailleurs. Mais ces dernières semaines, quelque chose avait changé. Il se sentait de plus en plus épuisé, non seulement par les conditions de travail, mais aussi par l'écho lointain de la vie qu'il avait laissée derrière lui.

Julien se souvint de la première fois qu'il avait rencontré Isabelle. C'était il ya des années, à un événement caritatif pour une organisation de santé. Elle était venue en tant que bénévole, ses yeux brillants d'une passion contagieuse pour le travail humanitaire. Elle était belle, intelligente, et il avait été immédiatement frappé par sa gentillesse et son énergie. Ils avaient partagé une conversation courte, mais profonde et il était certain qu'il y avait eu une connexion.

Quelques mois plus tard, leur relation s'était approfondie. Isabelle venait souvent lui rendre visite sur le terrain, et c'est là que leur histoire avait vraiment commencé. Ils s'étaient mariés rapidement, presque comme si le temps pressait.

Mais, il se souvenait particulièrement d'un événement qu'il n'avait jamais oublié. Lors du dernier mois de grossesse de son épouse, il était en mission dans un camp de réfugiés en Asie et il n'avait pas pu revenir à temps pour l'accouchement. Il s'en souviendrait toujours. Il avait reçu l'appel tard dans la nuit, alors qu'il était dans une tente, entouré de blessés, du bruit des sirènes et des appels de détresse. Il avait raté la naissance de son fils. Cela l'avait marqué profondément, plus que tout le reste.

Il avait essayé de se racheter, de revenir aussi souvent que possible, mais la distance s'était toujours insinuée entre eux. Il vivait dans un monde où la vie des autres passait avant la sienne. Et Isabelle, bien qu'elle fût compréhensive au début, avait fini par se lasser.

L'un des médecins de l'équipe, un homme de 40 ans, s'approche de lui, l'air grave.

__ Julien, tu es sûr que ça va ? On dirait que tu es dans un autre univers depuis quelques jours.

Julien esquissa un sourire fatigué, haussant les épaules.

__ C'est juste la routine, Pierre. Rien de grave.

Pierre ne semblait pas convaincu.

__ Tu sembles ailleurs, c'est tout. Tu sais, tu as un droit à la fatigue. Tu n'es pas un robot.

Julien se tourna vers l'horizon, où des nuages ​​menaçaient d'éclater sous une pluie tropicale. Il n'était plus vraiment là. Son esprit était ailleurs, chez Isabelle, chez Léo. C'était étrange, cette sensation de perte. Même ici, à des milliers de kilomètres de chez lui, il n'arrivait pas à se détacher d'une absence qui grandissait de jour en jour.

Il se souvint d'une conversation qu'il avait eue avec Isabelle, plusieurs années auparavant. C'était juste avant que la situation ne devienne trop difficile entre eux. Elle lui avait dit : « Tu es là, mais tu n'es pas vraiment là, Julien. Tu passes des mois loin. Je n'en peux plus de cette distance. »

Il n'avait pas su quoi répondre. Il l'aimait, mais l'amour ne suffisait pas pour tenir une famille. Et malgré son désir de faire la différence dans le monde, de sauver des vies, il était conscient que sa famille souffrait. Mais c'était trop tard. La rupture s'était faite petit à petit, sans qu'il puisse la stopper, jusqu'à ce qu'Isabelle lui annonce qu'elle était prête à vivre sans lui.

Alors qu'il se trouvait au plein milieu d'une discussion avec son collègue de travail, une décision prit forme dans son esprit. Il avait longtemps repoussé l'idée, se convaincant que sa mission ici était plus importante que tout le reste. Mais plus il y réfléchissait, plus il se rendait compte que tout ce qu'il avait fait, tout ce qu'il avait sacrifié, n'avait pas de sens sans sa famille.

Il n'avait pas vu son fils grandir. Il n'avait pas été là quand Isabelle en avait eu besoin. Il était là pour les autres, pour ceux qu'il ne connaissait même pas, mais il avait négligé ceux qu'il aimait profondément. Et la vérité, c'était qu'il en souffrait. Il souffrait de l'idée que son fils puisse ne jamais avoir la chance de vraiment le connaître.

__ Je vais rentrer, Pierre. Il est temps pour moi de rentrer.

Pierre le fixa, surprise.

__ Tu veux dire... chez toi ?

Julien acquiesça, les yeux occasionnellement déterminés.

__ Oui. Il est temps de voir ma famille. Il est temps que je rentre au bercail.

Julien entra à l'intérieur et prit son sac. Ensuite, il partit, sans rien dire à ses collègues. Un autre avion l'attendait, celui qui le ramènerait chez lui. Et peut-être que, juste peut-être, il pourrait réparer ce qui était brisé.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top