Chapitre 12 : Le passé révélé
Les journées s'égrenaient lentement, entre l'école et ses moments solitaires au parc. Anna avait l'impression que chaque événement de sa vie se superposait aux autres, sans jamais vraiment prendre de sens. Mais parfois, au détour d'un souvenir ou d'un regard, le passé se rappelait à elle d'une manière douloureuse.
Ce week-end-là, elle se retrouva dans sa chambre, seule avec ses pensées. Le soleil déclinait à l'horizon, plongeant la pièce dans une couleur orangé. Anna posa son carnet sur son bureau et se laissa tomber sur son lit. C'était l'un de ces moments où la solitude devenait un poids plus lourd à porter. Elle pensa à sa mère et à tout ce qui lui manquait d'elle.
Sa mère, Hélène, n'était pas simplement un souvenir. Elle était une présence vivante dans son esprit. Anna pouvait encore entendre sa voix rassurante, chaque fois qu'elle se laissait emporter par la mémoire. La mère d'Anna avait été une femme pleine de vie, passionnée par la nature, par la poésie et par l'écriture, comme sa propre fille. Elle avait ce sourire contagieux, ce rire franc qui réchauffait tous ceux qui l'entouraient. Mais tout cela avait disparu en un instant.
La jeune femme se souvint de ce jour, il ya presque deux ans, ce jour où tout avait changé. Sa mère avait pris sa voiture pour aller travailler, comme tous les matins. Mais ce jour-là, un accident de voiture avait bouleversé leur vie. La pluie tombait fort ce matin-là, et la route était glissante. La voiture d'Hélène avait dérapé et percuté un arbre. Anna n'avait pas eu de nouvelles pendant des heures. Ce n'était qu'après que son père lui avait annoncé, avec une voix brisée, que sa mère ne reviendrait plus jamais. Elle avait eu du mal à croire, à accepter. La douleur avait été trop grande. Ce vide, ce silence après la nouvelle, était encore là, à chaque instant de sa vie.
Anna n'avait jamais pu vraiment en parler à son père. La perte de sa mère avait fait d'eux des âmes solitaires, éloignées l'une de l'autre. Son père s'était enfermé dans son travail, trouvant refuge dans ses dossiers et ses réunions interminables, alors que sa fille s'était retrouvée seule à essayer de combler ce vide. Elle s'était réfugiée dans l'écriture, mais même les mots ne suffisaient pas à combler l'énorme espace laissé par la disparition d'Hélène.
C'est dans ce contexte de deuil non résolu qu'Anna avait dû accepter Sandrine. Sa belle-mère n'était pas mauvaise, loin de là. Mais il y avait quelque chose de froid dans ses gestes, de calculé dans ses paroles, comme si elle essayait toujours de remplir un rôle qu'elle ne parvenait pas à maîtriser.
Elle était une femme élégante, toujours soignée, une peu plus âgée que son père. Elle avait une approche pragmatique de la vie, toujours prête à organiser des événements ou à préparer des repas raffinés. Mais tout cela lui paraissait artificiel. Anna n'arrivait pas à la voir comme une mère et la femme de son père n'avait jamais vraiment voulu être une « maman » pour elle. Et essayait plutôt d'être une figure polie, mais sans trop s'impliquer dans les émotions qui rythmaient sa vie.
Sandrine n'avait jamais eu d'enfants de son propre côté, et ça se ressentait dans la manière dont elle interagissait avec Anna. Elle essayait, mais ne savait pas comment s'y prendre. Elle voulait créer une ambiance familiale, mais ses gestes restaient maladroits. Parfois, elle lui offrait des livres qu'elle pensait intéressants, ou des vêtements qu'elle avait trouvés en solde. Mais Anna avait l'impression qu'elle agissait ainsi pour combler une lacune, pour remplir un vide qui n'appartenait pas à elle.
Son père, lui, était devenu une ombre de l'homme qu'il avait été. Avant l'accident, il était un homme vibrant, amoureux de sa femme, d'Anna, un père présent. Mais depuis la disparition d'Hélène, il avait plongé dans le travail, comme pour éviter de faire face à la douleur.
Quand sa fille le regardait aujourd'hui, elle voyait un homme fatigué. Parfois, elle avait l'impression qu'il l'évitait, qu'il ne savait plus comment lui parler, comme s'il pensait que son propre chagrin allait se transmettre à elle. Ses conversations étaient devenues superficielles, ses sourires rares. Et bien qu'il fût un père aimant, il n'avait plus les mots pour la réconforter.
Anna se souvenait des moments où elle avait été plus jeune, quand son père et elle étaient inséparables, avant l'accident. Ils allaient ensemble dans les parcs, à la mer, ou se perdaient dans des bibliothèques anciennes. Mais tout cela semblait si lointain aujourd'hui. Le père d'Anna, cet homme qui l'avait toujours soutenu, était une tout autre personne maintenant.
Un samedi matin, alors qu'elle se promenait dans la maison, Anna tomba sur une vieille boîte dans le bureau de son père. C'était une boîte en bois, poussiéreuse, qu'il avait l'habitude de garder en haut de son étagère. Curieuse, elle l'ouvrit. À l'intérieur, il y avait des photos anciennes de sa défunte mère, des lettres qu'elle n'avait jamais vues et un journal intime. Le cœur d'Anna se serra. Elle savait que son père avait tout gardé, mais elle ne s'attendait pas à trouver ces lettres, ces fragments d'un passé qu'elle ignorait.
Elle prit le journal, hésitante, puis l'ouvrit doucement. Les pages étaient remplies de mots d'amour, d'espoirs, de rêves... des paroles qu'Anna n'avait jamais entendues. C'était comme si sa mère lui parlait à travers ces lignes, mais aussi comme si elle avait laissé ce journal pour que quelqu'un d'autre puisse découvrir la vérité sur son histoire.
En tournant les pages, elle trouva une lettre écrite par sa mère à son père. Elle la lut, silencieuse, alors que ses larmes commençaient à couler.
« Si quelque chose m'arrive, mon amour, ne t'en veux pas. Je sais que tu feras tout pour moi, mais je te demande une chose : ne laisse pas Anna se sentir seule. Elle aura besoin de toi plus que jamais. Promets-moi de ne pas l'abandonner, même si je ne suis plus là. »
Cette révélation bouleversa Anna. Elle comprit que sa mère n'avait jamais voulu qu'elle souffre, qu'elle ait l'impression d'être oubliée. Elle comprit aussi que son père, tout comme elle, portait un lourd fardeau, et que, malgré tout, il l'aimait toujours profondément. Mais le poids de la perte était trop grand, trop lourd à porter seul.
Dans le silence de la chambre, avec une lettre de sa mère entre ses mains, Anna réalisa qu'elle n'était pas seule. Elle comprenait mieux son père et même Sandrine, qui, malgré ses maladresses, essayait à sa manière de combler le vide laissé par la disparition d'Hélène.
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