Un bourgeon au gré du vent
Comment faire pour qu'un bourgeon, aux pieds enracinés dans le sol, prenne son envol ? C'est là que la métaphore du papillon ne marche plus : la chenille prend son envol en sortant de son cocon. Pas le bourgeon. Le bourgeon ne sera libre qu'au prix de sa vie.
...
Le bourgeon n'y croyais plus, on l'a cueilli, enfin !
Le bourgeon se sent tout nu, ses racines déjà loin,
Le bourgeon s'est battu, pour s'ouvrir en vain,
Le bourgeon dans les nues, n'a plus ni froid ni faim.
Libre comme au début, sous sa forme de grain,
Il observe les grues, qui partent jusqu'au matin,
Le jour s'achève en vue, le soleil se déteint,
Il observe les feuillus, il contemple les sapins.
Le bourgeon détendu, réalise soudain,
Qu'il n'a pas défendu ses racines pour rien,
Qu'il paye un lourd tribut sa liberté, car demain,
De ses racines dépourvu, il connaîtra sa fin.
...
On m'a déjà arrachée, je le sais, et j'ai survécu de justesse. On m'arrache aujourd'hui bien plus que d'habitude, on m'arrache mon enfance, ma naïveté, mon innocence, mes rêves, mon insouciance. Pour ma liberté et mon indépendance, je paye le prix salé de mon adolescence.
On me cueille, on me déracine, on m'arrache, on m'enlève, on m'extirpe, on me ravit, on me dépayse, on m'exile, on m'expatrie, on me détache, on me déterre... j'ai peur. J'ai peur, j'ai mal, j'ai froid, j'ai faim, je tremble, je crie, je m'égosille, je hurle, je me débats, je vocifère... Rien n'y fait, voilà que l'on m'arrache.
La douleur est telle que je pleure. Moi qui pleure si peu, moi qui me renferme, je pleure, je pleure et je pleure en vain et sans cesse. Je suis seule, encore et toujours seule. Je me bats dans la solitude, je me défends dans l'isolement.
Et puis l'on m'emmène. Je sais que mes racines sont restées là-bas. Je sais que je vais mourir mais je m'en fiche. Je ne veux pas savoir la fleur que j'aurais été. Plus rien n'importe que de partir au bout du monde, et tant pis si le prix à payer est celui de ma vie.
...
Le doux soleil rougeoyant se lève, l'horizon se dévoile,
Comme un pyjama que l'on enlève, au réveil matinal,
Le paysage infini devant moi, à mes pieds, s'étend,
Les landes fleuries, les bois, les prés, les étangs.
Les oiseaux chantent un couplet que je n'avais jamais entendu,
Les arbres dansent un ballet que je n'avais jamais regardé ou vu,
Les nuages roses violacés, se baladent dans le ciel de l'aurore,
Comme ces reflets mélangés, dans l'eau de bleu et d'or.
Ils semblent savoir que ce spectacle grandiose,
De toutes les joies du monde, de toutes les symbioses,
N'a de goût qu'à celui qui prend le temps de le comprendre,
De la nature elle-même nous avons tant de choses à apprendre...
...
Je suis Fleur. Et je crois que je suis partie pour un long voyage. Un très long voyage. Je ne veux pas me retourner. Je veux ignorer le passé. Je ferai ce voyage seule, comme je l'ai toujours été. Et, dans la solitude, au petit matin, je m'assiérai sur les pierres dures et froides qui bordent mon chemin, ce sentier étroit au milieu des ronces et des bois, bien différent de celui de terre battue, de cailloux dorés qu'ils foulent tous à l'en user.
Assise là, je ne penserai à rien, je ne réfléchirai pas. Je laisserai la beauté du paysage me couper le souffle et m'emporter, je laisserai le vent m'envoler. Loin, bien loin de ces fleurs bien rangées, élevées aux pesticides et aux engrais toxiques. Là, loin de toute civilisation, tout en haut de ma montagne aux sentiers escarpés, je sourirai. Là, je me saurai enfin à ma place.
...
La beauté réside en chacun d'entre nous, il suffit juste de la semer,
On sème une minuscule graine aux abords d'un sentier,
D'où sort une ridicule pousse, frêle et fatiguée,
Qui deviendra bourgeon, lorsque le temps l'aura décidé.
Le bourgeon, c'est un pissenlit dira-t-on, grandit et s'ouvre hébété,
Il éclot enfin après tant d'attente, inespéré, désespéré,
Fleur jaune, dans nos cœurs, tu apportes la gaieté,
Puis tu t'envoleras, devenue coton blanc, une fois fanée.
...
Le voyage achevé je reviendrai. Je vais te laisser là, j'ai besoin de temps. Quand sera ouverte ma chrysalide, quand mon voyage touchera à sa fin, quand j'aurai trouvé la beauté, quand je l'aurai semée, quand je l'aurai choyée, quand je l'aurai regardée pousser, quand je l'aurai récoltée, replantée, de nouveau choyée... je serai là. Oui, de nouveau là. Et je te raconterai tout.
À jamais...
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