Epilogue

L'homme marchait sur la plage avec lenteur, sans se presser. Ses pieds nus s'enfonçaient dans le sable humide et les vagues roulaient et glissaient jusqu'à lui, montant jusqu'à ses chevilles avant de repartir vers l'immensité indigo qui se perdait jusqu'à l'horizon, dans un roulement régulier et ininterrompu.

L'homme s'arrêta un instant pour regarder une mouette tournoyer au-dessus de sa tête, si haut qu'il dû courber la nuque en arrière pour suivre le ballet aérien de l'oiseau. La mouette poussa un cri strident, si caractéristique à son espace et l'homme baissa la tête sur ses pieds, comme si c'était de lui que le volatile se moquait ainsi.

Oui, il y avait sans doute de quoi se moquer de lui...

Même si lui, il n'avait pas le cœur à rire.

La guerre était terminée. La Famille du Sud avait été déchue et les Trois autres Familles se galvanisaient de leur victoire. Mais y avait-il seulement matière à se réjouir ? Tant de morts. Tant de morts inutiles. Des rivières de sang à nettoyer, des corps à enterrer, des amis à pleurer, et une ville entière à reconstruire. Comment les Survivants pouvaient-ils se réjouir et espérer pour un avenir meilleur alors qu'il y avait tout à rebâtir ?

Avec cette guerre, c'était une époque qui s'était achevée. Un système venait de s'écrouler. Un système qui avait des défauts, certes, mais qui fonctionnait bien, dans l'ensemble. Du moins, il aimait à le penser ainsi.

L'homme se détourna de l'horizon. Il craignait que, à force de le contempler trop longtemps, il finisse par s'imaginer à quoi pourrait ressembler sa vie s'il partait dans l'immensité bleue. Vers l'inconnu. Vers le Continent, même, pourquoi pas ?

Mais y avait-il seulement quelque chose pour lui, au-delà de l'horizon ?

De frustration, l'homme donna un coup de pied dans le sable. De minuscules grains humides et quelques coquillages se retrouvèrent projetés au-devant de ses pas. Il n'y avait plus rien pour lui. Nulle part.

Alors qu'il songeait à rebrousser chemin pour retourner en ville, il aperçut quelque chose dans le sable. Au loin, ça ressemblait beaucoup à un tronc d'arbre rejette par les flots sur la plage. Mais le tronc avait une forme bien trop singulière pour que l'homme en soit sûr.

Il mit sa main en visière pour se protéger du soleil aride et plissa les yeux. Après quelques secondes, le doute ne fut plus permit : Il s'agissait bien du corps d'un homme, allongé face contre terre, immobile.

Il bondit aussitôt dans sa direction, le cœur battant. Le sable le gênait dans sa course mais il parvint jusqu'au corps et s'accroupit à ses côtés. Il hésita quelques secondes avant de retourner le corps sur le dos. Il passa une main sur le cou de l'homme et cru sentir un petit battement contre ses doigts, comme le flux sanguin qui se faisait propulser dans la carotide de l'homme. Était-il réellement possible que l'homme soit en vie ?

Il fouilla dans sa poche et sortit sa petite montre à gousset. Il la déposa contre les lèvres de l'homme, quelques secondes, avant de la regarder.

De la buée venait de se former.

L'homme respirait.

Il vivait.

Pour un peu, il en aurait soupiré de soulagement.

Mais la réalité le rattrapa et souffla son enthousiasme plus vite qu'une ampoule qui grille.

Qu'allait-il raconter aux autres ? Devait-il seulement parler de sa découverte ? Comment le pourrait-il ? Les conséquences seraient fâcheuses...Car après tout, tout le monde croyait que l'homme allongé sur la plage, couvert de sable, était mort.

Tout le monde avait entendu parler de sa chute vertigineuse depuis les falaises.

Non, il avait meilleur temps de garder ça pour lui. Mais alors, que faire ? Devait-il le ramener, le cacher et le soigner ? Ou avait-il meilleur temps de l'abandonner sur la plage, le condamnant une bonne fois pour toute ?

Il réfléchit longuement.

Le corps de l'homme tressaillit légèrement.

Que devait-il faire ?

Un spasme fit serrer les doigts de l'homme allongé dans le sable humide.

Il prit sa décision.

A ses pieds, l'homme ouvrit les yeux.


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