Chapitre 81
A son grand agacement, il l'entraîna en direction de Renzo, qui était entouré de deux femmes. La première était Fiona, qui semblait avoir bien récupérer de la bataille et qui se précipita sur elle pour l'embrasser, folle de joie. Elle la remercia pour les avoir tous sauvé, elle la remercia tant de fois que Carmen ne compta plus les « merci » et les baisers, et son mari dût intervenir pour les séparer.
- Cesse de la couver. Ordonna-t-il avec patience. Tu vas finir par l'étouffer.
A en juger par l'expression de Renzo, il n'aurait pas été mécontent que ce soit le cas.
La deuxième femme n'était pas beaucoup plus âgée que Carmen, guère plus de trois ou quatre ans. Elle avait des cheveux noirs noués en une longue tresse, des épaules musclées et une taille fine. Elle était indubitablement charismatique. Elle observait Carmen d'un air calculateur et attentif, comme si elle l'évaluait. Mais au-delà, il y avait une lueur de curiosité dans ses grands yeux sombres.
Carmen sentit qu'elle l'intriguait.
- Carmen, je te présente Ysia, la Cheffe de la famille de l'Est. Annonça Nathaniel. Ysia, voici Carmen, la jeune fille grâce à qui nous avons tous put bénéficier du vaccin.
Ysia sourit et dévoila une rangée de dents parfaitement blanches et alignées. Elle lui serra la main avec politesse :
- C'est un honneur pour moi que de te rencontrer, Carmen. Assura-t-elle d'une voix de rossignol.
- C'est un honneur pour moi également. Répondit la jeune fille. J'en profite pour vous remercier de votre intervention, lors de la bataille. Sans vous, nous aurions éprouvés d'avantages de difficultés contre la Famille du Sud.
Elle balaya sa remarque d'un signe de main désinvolte, signifiant par-là que ce n'était rien.
- D'après ce que j'ai compris, c'est plutôt nous qui devrions te remercier. Répliqua-t-elle doucement. Sans toi, il n'y aurait pas eu de vaccin. Et cette bataille n'aurait été que le prélude de notre fin. Mais grâce à ton sang, aux recherches de Nathaniel et aux efforts de Beniamino, nous ne sommes plus condamnés. Pour cela, tu as mon plus profond respect. Ajouta-t-elle en inclinant légèrement la tête vers Carmen.
Elle lança un regard perçant à Renzo qui finit par lâcher à contrecœur :
- Ouais. Merci.
Carmen se contenta d'un bref signe de tête dans sa direction avant de se retourner vers Ysia :
- Vous n'avez toujours aucune nouvelle de Laurent ? Poursuivit-elle.
La Cheffe de la Famille de l'Est poussa un soupir navré :
- Pas la moindre, j'en ai peur. Mais nous finirons par l'avoir. Du moins, je l'espère.
- Mais peut-être pourras-tu nous éclairer sur la question ? Susurra Renzo. Arès tout, il a été ton Chef de Famille pendant des années, non ? Tu n'aurais pas une idée sur l'endroit où il se cacherait, par hasard ?
- Arrête tes insinuations, Renzo, tu te ridiculise. Lâcha sèchement Fiona.
Carmen la regarda avec des yeux ronds. Elle ne l'avait encore jamais perdre son sang-froid.
- Il est inutile de se fâcher. Déclara-t-elle après quelques secondes de silence pesant. Pas en un jour comme celui-là. Je ne sais pas où est Laurent. Ajouta-t-elle en défiant Renzo du regard. Mais je sais qu'il est intelligent, rusé, et qu'il voudra à tout prix le vaccin contre la maladie de l'Année Noire. Il va se trouver une cachette sûre et y rester pour évaluer la situation et réfléchir à un plan. Nous ne le retrouverons pas facilement.
Ysia la regarda longuement, pensive. Mais elle finit par soupirer, les salua et se glissa entre deux groupes pour aller se resservir d'un verre. Carmen se pencha vers Nathaniel :
- Avez-vous déjà statué sur le sort des membres de la Famille du Sud ?
- Oui. Répondit-il. Nous avons finalement décidé de leur administrer le vaccin afin qu'ils puissent survivre.
Carmen était soulagée d'entendre cette nouvelle. Mais elle s'efforça de ne pas paraître trop contente en la présence de Renzo. Visiblement, ses moindres faits et gestes qui exprimeraient une quelconque sympathie envers la Famille du Sud seront considérés comme une preuve irréfutable qu'elle soit toujours fidèle à son ancienne Famille.
- Et ensuite ?
- Ils devront purger leur peine. Marmonna Nathaniel. On ne sait pas encore comment, nous y réfléchirons après...
- D'accord.
Elle hésita quelques secondes avant d'oser demander :
- Tu sais où est Sergueï ? Renaud m'a dit qu'il était bien entouré...
Elle dut faire de gros efforts pour que sa voix paraisse neutre mais elle ne savait pas si elle parvenait à être convaincante. Nathaniel sembla comprendre et désigna un point dans la salle :
- Il est là-bas, « bien entouré » comme tu dis.
Elle regarda dans la direction qu'il lui montrait et découvrit qu'effectivement, une demi-douzaine de filles s'étaient regroupées autour de Sergueï, chacune tentant d'être le plus proche de lui.
- Je vois...Grogna Carmen.
- Oh, tu sais, être entouré de nombreuses personnes ne signifie pas être mieux aimé ! Commenta Nathaniel en réprimant un sourire. Souvent, il suffit qu'il y ait une personne qui vous aime plus que tout, une seule, et le monde entier vous semble dénué d'intérêt sans elle.
Il sourit à Fiona qui l'embrassa sur la joue, touchée.
- Je vais lui rappeler cette leçon, dans ce cas. Marmonna-t-elle.
Elle s'excusa auprès d'eux et se lança vers Sergueï et son groupe d'admiratrices. Il lui semblait peu probable que le jeune homme ne s'intéresse qu'à une seule d'entre elles mais elle voulait tout de même lui rappeler sa présence.
Juste au cas où il aurait oublié qu'il avait une copine.
Certaines des filles gloussaient d'une voix exagérément forte et papillonnaient des cils. L'une d'entre elle bouscula une autre pour se placer à côté de Sergueï, provocant des cris furieux de la part des autres admiratrices. Carmen se demandait si la situation n'allait pas dégénérer et partir en bagarre générale mais elle vit Sergueï marmonner quelques phrases et la tension retomba aussitôt. Les filles reprirent aussitôt leur numéro de charme.
Carmen aurait pu trouver cette situation très comique ; Sergueï tirait une de ces têtes ! Oui, elle « aurait » pu. Mais elle s'aperçut qu'elle n'appréciait pas beaucoup le rapprochement de certaines d'entre elles, qui devinrent de plus en plus tactiles au fil de leurs minauderies.
Elle se demanda si c'était parce qu'elle était amoureuse qu'elle réagissait de cette manière...Elle n'avait jamais ressenti ça avec Aydan, même lorsqu'elle l'avait vu dans les bras d'Eileen. Elle n'avait jamais eu mal au cœur de cette manière, elle n'avait jamais senti son ventre se tortiller comme un serpent et elle n'avait jamais ressenti l'envie que l'attention d'un homme ne soit tournée que vers elle, comme si elle était la seule au monde.
« C'est peut-être parce que je l'aime un peu plus que ce que je veux bien admettre. »Songea-t-elle.
« C'est parce que tu es en train de dérailler complètement, oui ! ». La rabroua sèchement une autre voix. « Dans moins de trois jours, tu vas l'enfermer dans ta cave et il n'y aura que toi qui aura le droit de le voir. »
« Je ne ferais jamais une chose pareille ! » Protesta-t-elle intérieurement.
De toute manière, elle n'avait pas de cave.
Elle s'avança donc vers le groupe d'un pas assuré. Quand il la vit, Sergueï sourit d'un air soulagé :
- Carmen ! S'exclama-t-il. On t'a enfin laissé sortir !
Elle lui fit son plus beau sourire :
- Comme tu vois ! Répliqua-t-elle.
Elle jeta un coup d'œil circulaire à la demi-douzaine de filles qui entouraient toujours Sergueï. Elle n'en connaissait aucune mais certaines la regardèrent avec une franche hostilité. Due au fait qu'elle les ait interrompues dans leur parade de séduction, ou qu'elles la considèrent toujours comme un membre de la Famille du Sud ? Les deux hypothèses étaient possibles...
Même si elle songeait que la première était la plus crédible des deux.
Ces filles n'avaient aucun sens des priorités.
Mais Carmen ne se défit pas de son sourire :
- Je ne peux pas te laisser seul cinq minutes sans que tu dragues ! Lança-t-elle, narquoise.
Un sourire encore plus moqueur se dessina sur les lèvres de Sergueï :
- Tu es jalouse ?
- Evidemment. Répliqua-t-elle d'un ton léger. Tu le serais aussi, non ?
- Je suppose, oui.
- D'ailleurs, je crois qu'il est temps pour moi de marquer mon territoire, afin d'éviter tout malentendu...ou que tu ne commettes une bêtise irréparable.
Sans faire attention des six paires d'yeux qui la fusillèrent du regard, elle vint se blottir contre le torse de Sergueï, glissa une main sur sa nuque et captura ses lèvres dans un baiser fiévreux. Le jeune homme y répondit avec un soupir de contentement et enroula ses bras autour d'elle pour la serer contre lui.
Quand ils se séparèrent, après quelques secondes, Carmen remarqua qu'ils étaient seuls.
- Oh. Fit-elle innocemment. Je crois que j'ai fait fuir ton fanclub !
- C'est dommage. Répliqua-t-il d'un air faussement déçu. Mais je vais le rejoindre, dès que tu auras le dos tourné !
- C'est gentil à toi de vouloir m'épargner un spectacle aussi pathétique.
- Je suis la galanterie incarnée. Assura-t-il avec sérieux.
- Tu sais que je suis capable d'en faire de même ? Répliqua-t-elle, ironique.
- Ah bon ? Quel homme sain d'esprit accepterait de sortir avec toi ? Se moqua-t-il.
- Tu n'aurais pas vu Beniamino ? Minauda-t-elle avec une voix de petite fille. Il faut que je le « remercie » personnellement pour le vaccin qu'il a mis au point et pour le courage qu'il sut démontrer durant la bataille...
Elle fit mine de chercher des yeux le bel infirmier mais Sergueï lui saisit le menton entre ses doigts pour l'embrasser à nouveau.
- Tu es une peste. Chuchota-t-il lorsque leurs lèvres se séparèrent.
- Avoue ; tu adores ça. Répliqua-t-elle.
Il lui sourit moqueusement. Puis, il lui prit la main et l'entraîna dans la foule. Ils retrouvèrent Renaud, qui avait un verre de Gin bien rempli dans une main. Carmen le remercia et sirota sa boisson tandis que les deux hommes faisait un compte rendu, seconde par seconde, de ce qu'ils avaient vécus durant la bataille.
Ils trinquèrent avec quelques personnes, autant des membres de la Famille du Nord que Celles de l'Est et de l'Ouest. Mais bientôt, elle ne pouvait plus masquer l'inquiétude qui la rongeait à propos de Lorik.
Il fallait qu'elle sache s'il allait bien.
Elle prit le bras de Sergueï et se dressa sur la pointe des pieds pour lui murmurer à l'oreille :
- Viens, Sergueï. Allons un peu à l'écart.
Ce dernier lui fit un sourire séduisant qui l'a fit aussitôt rougir, tant il paraissait soudainement sensuel :
- Tu veux terminer de marquer ton territoire sur ma personne ? Aucun problème, je connais quelques endroits dans lesquels nous serions tranquilles.
- Euh...Balbutia-t-elle, gênée et flattée en même temps. C'est-à-dire qu'en fait...
Cette fois, le sourire narquois qu'elle connaissait si bien revint sur les lèvres de Sergueï :
- Quoi ? Tu préfères faire ça en public ? Ça m'étonne, toi qui es si pudique. Mais si tel est ton désir, je serais ravi de l'exécuter !
Carmen ne put s'empêcher d'éclater de rire :
- Tu rêves ! S'exclama-t-elle entre deux rires.
Mais bien vite, elle retrouva son sérieux.
- Si je te demande de venir, ce n'est pas pour...pour ça. En fait, il faut que je te parle.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top