Chapitre 77
Carmen bondit dans la ruelle, ses pas martelant brutalement les pavés, cherchant Laurent du regard, guettant le moindre signe de vie. Mais le Chef de la Famille du Sud semblait s'être volatilisé.
Elle jura et pesta contre cet homme qu'elle avait autrefois admiré. Elle stoppa sa course et observa les alentours. Mais il n'y eu pas le moindre signe de vie. Dans son dos, à moins de vingt mètres, les échos des coups de feu et des cris retentissaient toujours, l'empêchant d'écouter les sons de la nuit dans laquelle se cachait Laurent.
- Je sais que tu es là, Laurent ! Hurla-t-elle brusquement, frustrée. Tu auras beau te cacher, je te retrouverai ! Ça me prendra le temps qu'il faudra mais je te jure que je vais te tuer !
- Non. Répliqua une voix dure dans son dos. C'est « moi » qui te tuerai.
Elle eut à peine le temps de se retourner qu'elle reçut un violent coup de pied au visage. Elle fit un vol plané, ses pieds quittèrent le sol et son dos heurta violemment les pavés. Elle poussa un cri de douleur sous l'impact et elle sentit le fusil s'échapper de ses mains pour atterrir quelques mètres plus loin dans un bruit métallique. Lorsqu'elle se redressa pour voir qui l'avait attaquée, elle ne put retenir un cri d'horreur franchir ses lèvres.
Samaël avait réussi à éteindre le feu qui consumait ses vêtements, mais il avait dû se débarrasser de son t-shirt. Son torse large était ravagé par des brûlures qui avaient rendues sa peau noire et carbonisée. Carmen pouvait même apercevoir l'os de son bassin ressortir, toutes ses chairs étant dissoutes à cet endroit. Sa main droite avait également subit des dommages irréparables, les muscles et les os de son majeur, annulaire et auriculaire étant visibles. Son jeans était calciné par endroits et il marchait raidement. Mais c'était son visage qui était le plus effrayant à voir ; la plus grande partie de celui-ci était boursouflé, à vif, en lambeaux. La puissance de l'explosion avait rendu le mercenaire borgne de son œil droit, devenant complètement blanc et vitreux. Son œil valide était braqué sur elle, brillant d'un éclat meurtrier.
Carmen tenta de reculer en direction de son fusil mais Samaël fut sur elle en quelques enjambées. Il la saisit à la gorge et elle sentit un frisson de dégoût parcourir sa colonne vertébrale lorsque sa main écorchée se referma sur sa carotide, tel un étau. Le mercenaire la plaqua contre le sol, passa une jambe de chaque côté de son bassin et leva son poing valide qu'il envoya directement dans sa mâchoire.
Carmen cru que sa tête allait exploser sous le choc. Un éclair blanc jaillit devant ses yeux mais à peine eut-elle poussé un cri de douleur que Samaël lui donna un nouveau coup au visage, lui fracturant son arcade sourcilière qui se mit à saigner. Cette fois, le mercenaire ne semblait pas vouloir « discuter » avec elle ou prendre son temps pour la torturer. Il la rouait de coup de poings avec toute la force et la rage dont il était pourvu. Il déversait sur elle toute sa colère pour s'être échappée et pour avoir été la cause de la mort d'Adonis, son compagnon de torture et probablement son seul ami.
Carmen tenta de se défaire de son emprise en se tortillant et en lui griffant le visage mais Samaël ne réagit pas. Sa peau était si gravement brûlée qu'elle était comme morte, insensible à toute forme de douleur. Il repoussa sa main d'un geste impatient et continua à la frapper, serrant d'avantage sa gorge à chaque coup.
A chaque impact, elle poussa un hurlement de souffrance, à s'en déchirer la gorge. Mais le coup suivant lui coupait le souffle, lui explosait la vue en un épais brouillard blanc et faisait gicler le sang sur sa peau, épais et poisseux. Et les doigts déchiquetés de Samaël se resserraient de plus en plus autour de son cou.
Carmen suffoquait. S'il ne la tuait pas en lui fracassant le crâne avec ses coups, ce serait l'asphyxie qui aurait raison d'elle. Elle eut beau se tortiller et tenter de repousser sa main, ses doigts se resserraient inexorablement sur sa gorge, la coupant de toute oxygène. Elle sentait ses veines palpiter brutalement contre ses tempes, sa vue se brouiller, ses poumons étaient en feu, son visage ruisselait de sueur et de sang.
Puis, vint un instant ou son corps et son esprit cédèrent. Elle n'avait plus la force de lutter et de se débattre. Sa main retomba mollement sur le sol. La dernière chose que Carmen vit avant qu'un écran noir ne tombe sur ses yeux, était le visage défiguré du mercenaire au-dessus d'elle, l'éclat meurtrier qui brillait dans son œil anthracite et le sourire cruel dessiné sur ses lèvres.
Elle sentit à peine le souffle chaud de Samaël contre son oreille et sa voix lui parvint comme un écho lointain. Mais elle comprit distinctement les paroles qu'il lui chuchotait avec hargne :
- Tu vas crever, Carmen. Par le sang d'Adonis que tu as fait couler, je vais te broyer les os. Je vais te réduire en miettes, jusqu'à ce que tu me supplie de t'achever...Comme m'ont supplié tous les autres avant toi.
Elle eut envie de lui rétorquer quelque chose. Mais elle n'en eut plus la force.
Elle allait mourir.
A même le sol, meurtrie, brisée, suffocante.
C'était affreux.
Elle ne voulait pas mourir...pas encore.
Elle se sentit partir. La douleur s'était quelque peu atténuée. Elle avait une curieuse sensation dans l'estomac, comme si elle flottait...
Soudain, un bruit sourd retentit au loin et la main de Samaël la libéra de son emprise. Elle reprit brusquement une grande gorgée d'air, soulagée. De l'air ! De l'air frais qui coulait le long de sa gorge et qui gonflait ses poumons. Lentement, le brouillard s'éclaircit et sa vision redevint plus nette. Du moins, elle parvenait à distinguer les contours de ce qui l'entourait.
Elle leva une main tremblante à son visage. Elle était couverte de sang, elle le sentait couler entre ses doigts. Qu'il coulait et sillonnait son nez, sa bouche, ses tempes. Sa peau était douloureuse par endroit, gonflée, bosselée, et quand elle respirait par le nez, elle ne pouvait s'empêcher de gémir. Samaël lui avait sûrement cassé le nez.
Et d'autres os.
Prudemment, elle bougea son corps endoloris. Ses membres lui obéirent, elle ne devait donc pas avoir quelque chose de cassé...
Elle tourna légèrement la tête. Sa vue brouillée distingua une silhouette floue non loin d'elle, qui lui tournait le dos. Et il y en avait une deuxième, tout aussi proche. Elle semblait invectiver la première silhouette, Carmen entendait une voix résonner au loin.
Une voix de chat.
Sergueï.
Il lui avait sauvé la vie.
Son cœur bondit de joie dans sa poitrine, mais elle réfréna bien vite ce sentiment de bonheur. Le jeune homme affrontait Samaël, un mercenaire qui n'avait plus rien d'humain et qui n'avait qu'une envie ; faire couler le sang. Et même si ce dernier avait une grande partie de son corps brûlé au troisième degré et plus qu'un œil valide, il restait dangereux.
Carmen eut peur pour Sergueï. Elle ne voulait pas qu'il meurt. Pas pour elle.
La peur lui donna de l'adrénaline. La peur lui permis de focaliser son regard sur les deux silhouettes et de revenir peu à peu à la réalité de l'action qui se déroulait sous ses yeux hagards.
Elle entendit Samaël émettre un ricanement guttural :
- Abandonne, mon gars ! S'exclama-t-il d'un ton moqueur. Tu ne fais pas le poids contre moi.
Mais Sergueï braqua son fusil Sniper sur lui, sans trembler :
- J'ai déjà abattu ton ami. Répliqua-t-il d'un ton déterminé. ce n'est qu'une question de secondes avant que je ne t'envoie le rejoindre.
De là où elle se trouvait, Carmen put voir les épaules de Samaël se raidir. Mais il se ressaisit aussitôt et lâcha avec mépris :
- C'est donc toi qui as tué Adonis ? Je ne sais pas si je dois te maudire ou te féliciter...Après tout, il a toujours été impossible de nous atteindre !
- Il y a un début à tout, non ?
- Un début...et une fin. Commenta le mercenaire. Je n'ai pas l'intention de me laisser faire comme Adonis. Il a été bien bête de s'être faire avoir de cette manière. Mais qu'importe ! Tu n'en a plus pour très longtemps...Et lorsque je t'aurais écorché vif et que tes tripes s'étaleront sur le sol, je m'occuperais définitivement de cette petite garce ! Ajouta-t-il en désignant Carmen d'un signe de tête.
Sergueï resserra sa poigne autour de son arme, déterminé :
- Je te tuerai avant que tu ne tentes de la toucher à nouveau.
- Essayes, juste pour voir ! Cracha Samaël avec défi.
Les deux hommes se toisèrent durant de longues secondes sans esquisser le moindre geste, tendus. Puis, Sergueï appuya sur la gâchette. La détonation claqua mais Samaël s'y était préparé. Il bondit sur le côté une fraction de seconde avant que Sergueï ne termine son geste. La balle ricocha sur un pavé.
Sergueï visa à nouveau le mercenaire et tira encore, mais à chaque fois, Samaël parvenait à esquiver les balles. Pire encore ; chaque bond qu'il faisait le rapprochait d'avantage de Sergueï. Car malgré ses brûlures, le mercenaire restait un ennemi dangereux.
Lorsqu'il fut à moins d'un mètre de lui, Samaël donna un violent revers de la main et l'arme s'échappa des mains de Sergueï, volant au loin. Il lui donna un second coup mais Sergueï parvint à le parer. N'aillant désormais que leurs poings et leurs jambes pour blesser l'autre, les deux hommes engagèrent aussitôt un combat qui, Carmen le pressentait, ne se finirait que par la mort de l'un d'eux.
La jeune fille devait aider Sergueï. D'une manière ou d'une autre.
Elle se redressa en grimaçant de douleur. Ses oreilles bourdonnaient et son sang battait dans ses veines. Elle fut soudain prise de vertiges et de nausées et elle se laissa retomber à terre, le souffle rauque, vidée de ses forces. Elle ne put que regarder, impuissante, Sergueï se battre contre Samaël.
Sous les échos des cris et des coups de feu qui résonnaient non loin, Sergueï et le mercenaire n'avaient plus rien d'humains. Ils ressemblaient à présent à deux bêtes sauvages, se jetant l'un sur l'autre, frappant, grognant, jurant, roulant sur le sol, cherchant à faire souffrir l'autre de toutes ses forces.
Sergueï parvint à décocher un coup de poing dans la tempe de Samaël qui recula de quelques pas en grognant. Il lui envoya un second coup mais le mercenaire lui attrapa le poignet au vol, le tordit violemment et balança son genou dans le ventre de son adversaire qui fut plié en deux, le souffle coupé. Ne lui laissant pas le moindre répit, Samaël lui donna un coup sur la nuque et Sergueï tomba à genoux sur le sol. Le mercenaire enchaîna aussitôt avec un coup de pied qui l'atteignit à la mâchoire et Sergueï fut projeté au sol, face contre terre, visiblement sonné. Mais quand Samaël se rua à nouveau sur lui, il exécuta une roulade sur lui-même et balança sa jambe dans celle de son ennemi qui tomba à la renverse.
Profitant de l'avantage qui s'offrait à lui, Sergueï se jeta sur Samaël et le frappa au visage, de toutes ses forces. A moitié assommé, le mercenaire finit par intercepter son poing avant qu'il ne le frappe à nouveau, passa une de ses jambes autour du torse de Sergueï et il roula sur lui-même, renversant ce dernier qui se retrouva soudain sous lui, dominé.
Carmen ne pouvait pas en supporter d'avantage ; elle était sûre d'avoir entendu à trois reprises des os émettre des craquements inquiétant et les deux hommes ruisselaient de sang sous la force de leurs coups.
Ce duel devenait une vraie boucherie. Si elle n'agissait pas, elle allait assister à un massacre.
Elle se fit violence et serra les dents. Elle se retourna sur le ventre et elle se mit à ramper vers le fusil Sniper que Sergueï avait perdu au début de son combat contre Samaël. Celui qu'elle avait arraché des mains de Kylian était hors de vue.
Elle atteint l'arme et elle s'appuya contre le mur d'une maison pour s'aider à se relever. Ses jambes tremblèrent sous son poids mais elle parvint à garder son équilibre. Elle épaula son arme, mit le doigt sur la gâchette et visa Samaël.
Du moins, elle essaya.
Ses mains tremblaient tellement que son fusil risquait de tirer n'importe où, sauf dans sa cible. Et Sergueï ne l'aidait pas vraiment ; complètement absorbés par leur combat, les deux hommes ne s'étaient pas rendu compte qu'elle pointait une arme sur eux. Ils continuaient de se frapper, de bouger, de se tortiller, tant et si bien que Carmen risquait d'avantage de tirer sur Sergueï par accident que d'avoir une chance de toucher Samaël.
Complètement absorbée par son conflit intérieur, Carmen ne remarqua pas tout de suite que le mercenaire avait immobilisé Sergueï sous lui et qu'il enserrait sa gorge de ses deux mains, l'étranglant inexorablement.
Ce fut le râle étouffé du jeune homme qui la fit sortir de sa léthargie. Elle épaula plus fermement son fusil, visa les omoplates de Samaël et appuya sur la gâchette.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top