Chapitre 76

Une gigantesque boule de feu s'éleva dans les airs, montant à plus de quatre mètres de haut comme un champignon incandescent. Le souffle ardent qui s'en dégagea fut tel que les vêtements des personnes à proximité prirent feu. Aux cris de surprise, se mêlèrent alors les hurlements de douleur et de panique.

Carmen vit Samaël se rouler au sol en poussant un cri de souffrance et de rage, son jeans et son t-shirt enflammés lui brûlant son corps, léchant la peau de ses mains et de son visage, le métamorphosant en une torche humaine.

Sous la force de l'explosion, Laurent fut projeté en arrière et atterrit brutalement sur le dos. Il resta sonné quelques instants avant de se ressaisir et ramper jusqu'au porche d'une maison proche lorsque retentirent sur toute la place les coups de feu qui fauchaient celles et ceux qui ne s'étaient pas mis à couvert à temps.

Dans son dos, Carmen entendit Kylian beugler :

- BORDEL !

La jeune fille réagit aussitôt. Elle n'avait pas besoin d'explication, elle n'avait pas besoin de savoir ce qu'il se passait réellement. Son instinct lui indiquait simplement que c'était l'occasion rêvée pour agir et tourner la situation à son avantage.

Elle abandonna Ariane et fonça sur Kylian. Ce dernier fut trop perplexe pour réagir et il tomba à terre lorsqu'elle lui décocha un coup de poing à la mâchoire. Elle se jeta sur lui et n'eut aucun mal à lui arracher son fusil des mains. Elle bondit sur ses pieds et pointa l'arme sur sa poitrine, le doigt sur la gâchette, sans trembler :

- Dégage, Kylian ! Ordonna-t-elle, menaçante. Je ne tiens pas à te faire un trou dans le ventre, mais sois sûr que je le ferai !

Le jeune homme la toisa avec défi :

- Tu n'oseras pas ! Cracha-t-il.

Elle appuya sur la gâchette. La balle percuta les pavés à quelques centimètres de sa tête. Il glapit de frayeur et se recroquevilla sur le sol tandis qu'elle rechargeait son arme pour la pointer une nouvelle fois sur lui :

- Je ne veux pas te tuer, Kylian. Déclara-t-elle à voix basse. Mais la prochaine balle, je te la loge dans tes bijoux de famille.

Kylian ne se le fit pas redire une nouvelle fois. Il recula précipitamment sur ses coudes avant de se redresser et de quitter la place au pas de course. Plusieurs autres membres de la Famille du Sud se précipitèrent sur ses talons et ils disparurent dans la nuit, abandonnant les armes et leurs compagnons.

Carmen se précipita sous le porche d'une maison pour se mettre à l'abri des coups de feu qui retentissaient partout autour d'elle. Elle vit Max, la cuisse en sang et soutenu par Joëlle, boitiller jusqu'à l'abri le plus proche. Elle vit Vincent et Pedro pointer leurs fusils sur les toits et tirer sans vraiment viser. Quand elle leva la tête, Carmen aperçut la silhouette athlétique de Sergueï sauter d'un toit à l'autre pour éviter les balles.

Elle reporta son attention sur la place lorsqu'elle entendit des cris étranglés à proximité des prisonniers. Les membres de la Famille du Nord, profitant de l'attaque surprise de Sergueï et d'Emilio et de la grande confusion qui s'en suivait, bondirent sur leurs pieds et se jetèrent sur leurs gardiens pour les neutraliser. Ces derniers ne résistèrent pas longtemps et finirent par capituler.

Mais les membres restants de la Famille du Sud s'étaient remis de leur surprise et commençaient à s'organiser. Ils se regroupèrent pour faire front contre les membres de la Famille du Nord. Certains étaient armés de pistolets et de fusils mais la plupart n'avaient que des couteaux ou leurs poings pour se battre.

Durant une longue seconde, personne ne bougea. Puis, quelqu'un hurla dans la foule :

- A l'attaque !

Des cris s'élevèrent de part et d'autre de la place en guise de réponse et tout le monde se jeta dans la bataille, formant une grande mêlée dans laquelle les coups de feu claquaient, les lames de couteaux entaillaient et les poings frappaient les adversaires au hasard.

De là où elle se trouvait, Carmen vit un membre de la Famille du Nord, dont Carmen avait oublié le prénom, se faufiler entre les combattants et s'accroupir aux côtés de Nathaniel qui avait été abandonné à terre, sans surveillance. Il le libéra de ses liens, passa un bras autour de sa taille pour l'aider à se relever et il le soutint pour s'éloigner des combats. Fiona, indemne mis à part une lèvre fendue, les rejoignit aussitôt et passa son bras autour de son torse pour les aider à marcher plus vite.

Elle vit Renaud zigzaguer entre les combattants avec l'agilité d'un chevreuil avant de plonger soudain à terre. Elle crut d'abord qu'il avait été touché par une balle perdue mais elle fut soulagée de le voir se redresser avec Ariane dans les bras. La jeune fille était toujours inconsciente et sa tête reposait mollement sur l'épaule de Renaud qui se mit à courir à la suite de Nathaniel afin de la mettre en lieu sûr.

Estimant que Nathaniel et Ariane étaient hors de danger pour le moment, Carmen se jeta à son tour dans la bataille. Elle devait retrouver Laurent. Elle ne savait pas exactement ce qu'elle comptait faire une fois que ce serait fait, mais elle devait le retrouver. Elle avait envie de se venger de ce qu'il avait fait subir à Ariane. Tout comme à elle, Beniamino, Nathaniel, Ariane et Aël.

Elle se fraya un chemin jusqu'à l'endroit où elle l'avait vu pour la dernière fois mais elle eut beau le chercher, elle ne le vit nul part ; Laurent avait disparu. Elle poussa un cri de frustration et regarda de tous côtés pour l'apercevoir, en vain.

Elle fonça entre les combattants, évita de justesse la lame d'un couteau qui manqua de lui trancher la gorge, plongea à terre avant qu'un coup de genou ne la heurte, exécuta une roulade sur le sol et rampa loin de la mêlée sauvage qu'avait formée les membres de la Famille du Nord et du Sud.

Elle jeta un rapide coup d'œil aux toits et remarqua la silhouette large d'Emilio qui s'était accroupit sur l'arrête d'un toit et visait les combattants en-dessous de lui. Sergueï, en revanche, n'était plus visible. Avait-il décidé de descendre ? Se cachait-il dans l'obscurité de la nuit ? Carmen n'aurait su le dire.

Une forme indistincte passa non loin d'elle et elle agrippa le bras de Lorik qui se tortilla aussitôt, paniqué :

- Lâchez-moi ! Je n'ai rien fait ! Hurla-t-il en se débattant. Lâchez-moi !

- Lorik ! Tonna-t-elle. C'est moi !

Elle coinça le visage du garçon entre ses mains pour le forcer à la regarder. Il s'écoula plusieurs secondes durant lesquelles Carmen ne vit que la peur dans ses grands yeux. Des larmes de panique avaient tracé des sillons sur ses joues couvertes de suie. Puis :

- Frangine ! S'écria-t-il.

Avec un éclat de rire, Carmen accueillit le benjamin de la Famille du Sud dans ses bras et le serra fort contre elle, soulagée de constater qu'il allait bien et qu'il y avait au moins quelqu'un, au sein de son ancienne Famille, qui l'appréciait toujours.

- Ça me fait plaisir de te revoir, Lorik. Lui dit-elle doucement en passant une main sur ses cheveux ébouriffés.

- Moi aussi. Murmura-t-il dans son cou. Je croyais que j'allais plus te revoir !

- Ne t'en fais pas, je suis là. Le rassura-t-elle. Tu n'es pas blessé ?

Le garçon se dégagea de son étreinte et lui désigna d'un signe de doigt son épaule légèrement brûlée sous son t-shirt roussi.

- A part ça ? Non, je vais bien. Répondit-il simplement.

- Bon. Tu sais ce que tu vas faire ? Tu vas partir d'ici. Laurent est cruel de t'avoir obligé à participer aux combats. Tu vas courir le plus vite possible et tu vas aller te cacher...

Lorik parut scandalisé :

- Pas question que je fuis ! Je veux rester avec toi, frangine !

- Si tu restes avec moi, il va t'arriver des sales trucs. L'avertit-elle. Tu obéis !

Le garçon la défia du regard mais devant celui qu'elle lui lança, il ne protesta plus. Ses épaules retombèrent légèrement, abattu.

- Je dois me cacher ? Marmonna-t-il.

- Oui. Approuva-t-elle, soulagée qu'il ait abandonné la partie. Tu vas courir jusqu'à la vieille grange et y rester jusqu'à ce que je vienne te chercher. Tu ne devrais pas y courir le moindre danger. Si c'est le cas, je veux que tu te sauves en suivant la plage. Je te retrouverais.

- Promis ? Demanda-t-il, méfiant.

- Je te le jure sur ce que j'ai de plus cher. Affirma Carmen d'un ton grave.

- Et toi ? Tu vas faire quoi ?

- Je dois retrouver Laurent. Tu saurais où il est ?

Lorik ne réfléchit guère longtemps :

- Je l'ai vu se relever après que le feu ait explosé. Et je crois l'avoir vu partir là-bas. Ajouta-t-il en désignant la rue principale qui menait vers les quartiers reculés du quartier général de la Famille du Nord.

- Merci, petit frère.

Carmen l'embrassa sur le front et se redressa :

- A présent, file ! Ordonna-t-elle.

Lorik ne se le fit pas dire deux fois. Preste comme une belette, il se mit à courir en direction du mur d'enceinte en évitant les combats et disparut.

Carmen quant à elle, fonça dans la direction que lui avait indiquée le garçon, s'enfonçant dans la nuit et s'éloignant des combats. Elle n'avait pas à se faire de souci pour Lorik, elle savait qu'il allait faire exactement ce qu'elle lui avait demandé. Ne la considérait-il pas comme sa grande sœur ? Depuis son arrivée, il avait toujours été proche de Carmen. C'était elle qui s'était le plus occupé de lui, qui lui avait raconté des histoires pour s'endormir, qui lui avait appris à grimper aux arbres, qui lui avait appris des jeux. Leur préféré était cache-cache et s'était dans une vieille bâtisse, au pied de la colline du quartier général de la Famille du Sud et qu'ils appelaient tous deux « la vieille grange » que Lorik se cachait toujours. Là-bas, il serait en sécurité.

Du moins, elle l'espérait.

Mais elle chassa aussitôt cette idée de la tête. Elle devait avoir confiance en Lorik. Il n'allait rien lui arriver.

Elle prit une grande inspiration, plus déterminée que jamais, et elle se lança dans la traque du Chef de la Famille du Sud.


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