Chapitre 72
Le petit groupe sortit de la maison avec prudence. Emilio, qui ouvrait la marche, passa la tête par l'embrasure de la porte et observa les alentours. Lorsqu'il fut certain qu'il n'y avait pas de danger, il fit un signe de main aux autres et ils se glissèrent dans la rue plongée dans le noir.
D'un pas rapide et silencieux, ils longèrent les ruelles jusqu'au quartier général de la Famille du Sud. Leurs pas résonnaient étrangement sur les pavés, seul bruit qui retentissait dans le silence de plomb. A chaque intersection, ils s'immobilisaient et l'un d'eux passait devant en tant qu'éclaireur. Mais heureusement pour eux, ils ne croisèrent personne. Ni dans les rues, ni aux abords du quartier général de la Famille du Sud.
Guidés par Carmen, ils se glissèrent silencieusement jusqu'à l'infirmerie. La pièce était toujours dans l'état désordonné dans laquelle elle l'avait quitté, bien des heures plus tôt. Dans son dos, Beniamino émit un sifflement :
- Et bien ! Ça va être encore plus compliqué que ce que je pensais...
- Tu vas y arriver ? Demanda Sergueï en faisant le tour de la pièce pour s'assurer qu'ils étaient seuls.
Le bel infirmier se renfrogna, vexé :
- Evidemment !
Il déposa sa sacoche sur la table d'opération et inspecta les armoires d'un rapide coup d'œil.
- Il me faut des antibiotiques, des stabilisants et des adjuvants. Déclara-t-il avec sérieux.
Lorsqu'il se tourna vers les autres, il constata leur air stupéfait.
- On a rien compris. Grommela Emilio. On n'est pas infirmier, nous !
Beniamino poussa un long soupir et se dirigea vers plusieurs armoires. Il les ouvrit, farfouilla dedans, sortit des flacons et des boites, les reposa à leur place, en reprit d'autres et ainsi de suite durant plusieurs minutes. Puis, il trouva ce qu'il cherchait et apporta ses trouvailles sur la table d'opération. Il alla chercher une aiguille et un garrot et s'approcha de Carmen.
- Il me faut de ton sang. Déclara-t-il.
Carmen hocha la tête et lui donna son bras. Ben plaça le garrot au-dessus de son coude et serra. Il tapota ensuite l'intérieur du coude pour faire ressortir les veines et piqua l'aiguille dans l'une d'elle. Il préleva une bonne quantité de son sang et tendit à la jeune fille une compresse pour éviter que le liquide coule une fois l'aiguille enlevée.
L'opération ainsi faite, il s'activa autour des autres substances et commença à faire le vaccin. Carmen, Sergueï et Emilio le regardait faire, anxieux et fascinés par les gestes assurés de l'infirmier.
- Voilà. Dit ce dernier après une dizaine de minutes de manipulation. L'une des étapes est en cours, mais il me faudra encore beaucoup de temps pour que le vaccin ne soit prêt à être administrer.
- Ça prend combien de temps, normalement, pour faire un vaccin ? Demanda Carmen, curieuse.
- Honnêtement ? Des semaines. Des mois, même ! Répondit Beniamino. Je sais que nous ne possédons pas d'autant, je ferai donc au plus vite. Mais il ne faut pas vous attendre à un vaccin fonctionnel dans l'heure !
- On ne s'attendait pas à ce que tu mettes au point le vaccin dans l'heure. Répliqua sèchement Emilio.
- A présent, il nous faut un subsidiaire pour tromper Laurent et les membres de sa Famille. Déclara Sergueï avant que Beniamino ne puisse répondre.
Ils ouvrirent donc les armoires et fouillèrent parmi les fioles qui y étaient rangées. Pour la plupart, Carmen ne connaissait même pas le nom, et encore moins les effets qu'ils pouvaient produire sur la personne à qui elles étaient administrées.
- « Cytarabine ». Lu-t-elle à voix haute.
Elle lança un regard à Beniamino, les sourcils froncés :
- Qu'est-ce que c'est ?
- C'est un médicament qu'on utilise pour les traitements de la leucémie. Répondit l'infirmier sans relever la tête de son travail. Contre indiquée pour toute personne qui n'est pas atteinte de cette maladie. Ajouta-t-il d'un air absent.
- Qu'est-ce qu'il lui arrive ?
- Cela peut aller de simples maux de tête, de la fatigue ou des démangeaisons jusqu'aux vomissements et aux changements de personnalité, entre autre. Cela dépend de la dose administrée et de la personne à qui on l'administre.
- Et combien de temps s'écoule-t-il avant que les premiers symptômes n'apparaissent ?
- Ça aussi, ça dépend de la dose et de la personne. L'effet peut être assez immédiat, parfois il faut attendre une à deux heures ou même plusieurs jours, dans certains cas.
- Et les symptômes s'estompent ?
- Une fois de plus, ça dépend. Répliqua Beniamino, légèrement agacé. Mais avec quelques médicaments et beaucoup de repos, il ne devrait pas il y a voir trop de problèmes...
Carmen jeta un coup d'œil à Sergueï et Emilio qui hochèrent la tête.
- Ça fera l'affaire. Approuva ce dernier.
La jeune fille retira l'étiquette du flacon et le glissa dans sa poche. Elle prit une grande inspiration et déclara :
- Je vais me présenter devant les grilles principales du quartier général de la Famille du Nord. Il faut que je m'y rende sans armes pour que Laurent croie que je me plie à ses exigences. Je serais sûrement amenée jusqu'à lui et il va vouloir le vaccin. Je lui donnerais alors le leurre. Il ne se l'administrera pas à lui-même, il est trop méfiant pour croire qu'il n'y a pas un danger potentiel.
- Il va donc le donner à quelqu'un d'autre. Intervint Sergueï, songeur.
- Oui. Une personne qui ne sera pas une grande perte si elle venait à mourir.
- Un des otages ?
- Probablement.
- Et après ? Demanda Emilio.
- Pendant ce temps, nous, on va s'introduire dans le quartier général par le terrier. Reprit Sergueï. Je ne pense pas que cet accès sera surveillé, on ne devrait pas rencontrer trop de problèmes.
- Je vais essayer de négocier la libération des otages, mais je doute que Laurent soit conciliant. Poursuivit Carmen. Pas avant de constater que les effets de ce qu'il croit être le vaccin de la maladie de l'Année Noire ne se déclarent, en tout cas. Mais comme il y a plus de chances que la personne soit prise de vomissements que d'être complètement guérie, il va vite se rendre compte que nous l'avons berné et il va s'en prendre aux prisonniers.
- Nous allons donc devoir créer une diversion avant que notre plan ne vire au carnage. Commenta Emilio.
Il resta silencieux et songeur une longue minute avant de se diriger vers l'une des armoires de l'infirmerie. Il prit une bouteille remplie d'un liquide transparent sur une étagère et lut l'étiquette. Son visage se fendit d'un sourire :
- Je crois que j'ai trouvé notre diversion. Dit-il. Ce liquide est hautement inflammable.
Carmen et Sergueï se jetèrent un regard circonspect. Même Beniamino releva la tête de son ouvrage pour regarder Emilio, bouche-bée.
- T'as l'intention de mettre le feu au quartier général ? S'écria-t-il. T'es complètement dingue ! Avec la sécheresse de ces derniers jours, le feu se propagera sur toute la ville et les montagnes !
- On va localiser un foyer qui sera sans risque. Répliqua Emilio. Et cette nuit, il n'y a pas de vent pour propager le feu.
- Tu as l'air sûr de toi. Commenta Carmen, nerveuse.
Ce n'était pas la peine de faire des pieds et des mains pour sauver tout le monde des griffes de Laurent s'ils allaient tous brûler vif juste après ! Mais Emilio lui fit un sourire confiant.
- Je sais ce que je fais.
- Je trouve que c'est une mauvaise idée. Répliqua Sergueï d'un air résigné. Mais bon, si tu es sûr de toi...
Ils prirent donc deux bouteilles au liquide inflammable et des bandes de tissus pour démarrer un feu, bien que quelques brindilles asséchées auraient suffis pour que les flammes s'élèvent. Beniamino les regarda faire, une moue dubitative sur les lèvres :
- Je suis bien content de ne pas me joindre à vous. Soupira-t-il en secouant la tête.
A l'aide d'une pipette en verre, il fit couler quelques gouttes de produit dans une éprouvette et la remua doucement.
- Bonne chance, Ben. Encouragea Sergueï. Fais de ton mieux et, si tout se passe bien, tu auras tout le temps nécessaire pour mettre au point ce vaccin et l'administrer à tout le monde.
- A condition que vous réussissiez. Assena l'infirmier. Bonne chance à vous ! Et tâchez de revenir en un seul morceau !
- On va essayer. Promis Carmen.
Elle abandonna Beniamino à son travail et elle suivit les deux autres hors de l'infirmerie.
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