Chapitre 67
- Ça, je m'en doutais. Répliqua doucement Nathaniel. Mais si j'avais raison ? Que feras-tu, une fois que tu m'auras tué ?
- Dans l'hypothèse où tu m'aurais dit la vérité, je vais récupérer tes recherches, capturer ton infirmier, -le dénommé Beniamino-, et je l'obligerais à aider ma propre infirmière à terminer ce que tu as commencé.
Derrière son muret, Carmen aurait éclaté de rire à l'écoute de ces paroles si la situation n'était pas aussi critique. Laurent ignorait que Beniamino était le jeune homme qu'il avait capturé et fait torturer par ces deux mercenaires. Lorsqu'il apprendra qu'il avait l'infirmier sous la main et qu'il avait réussi à s'échapper, il sera hors de lui.
Et il était préférable de se retrouver le plus loin possible de lui lorsque ça arrivera.
- C'est un bon plan. Commenta Nathaniel. Un peu simpliste, mais efficace...
- Je n'ai pas beaucoup de temps. Rétorqua Laurent. Je préfère quand mes plans sont mûrement réfléchis. Mais au vu des circonstances, je n'ai pas pensé à mieux.
- Je suis persuadé que tu trouveras rapidement tous les aspects, les éléments et les angles adéquats pour réussir ton plan. Commenta Nathaniel, comme s'il évaluait un travail particulièrement ardu et ambitieux d'un élève.
- Sûrement. Rétorqua Laurent. Mais je suppose que tu ne me diras pas où ton infirmier se trouve ?
- Tu supposes bien.
- Ça, c'est embêtant. Commenta Laurent. Je vais donc devoir faire appel à mes mercenaires pour le retrouver...Ils ne vont pas être très contents, je vais les déranger en plein travail et ils ont horreur de ça.
- Ah...Soupira tristement Nathaniel. Dois-je en conclure qu'il y a une forte probabilité que je ne revoie pas l'un de mes membres en vie ?
- Ta conclusion est correcte, vieillard. Assena Laurent d'un ton cruel. Et à l'heure qu'il est, ils doivent sûrement être en train d'arracher la peau de leurs victimes, centimètre par centimètre...
- Epargne-moi les détails, Laurent ! Gronda Nathaniel, soudain furieux. Mais je te jure que...
- NATHANIEL ! Hurla soudain une voix dans le lointain.
Ce dernier s'interrompit brusquement. Carmen osa jeter un nouveau coup d'œil par-dessus le muret pour voir ce qu'il se passait et qui avait hurlé le nom du Chef de la Famille du Nord. Elle le vit regarder par-dessus son épaule, perplexe, se désintéressant complètement de Laurent. Ce dernier regardait également dans la direction d'où provenait la voix.
Quelques secondes plus tard, Yvan entra dans le champ de vision de Carmen, courant jusqu'à Nathaniel, le souffle court. Il freina brusquement sa course et dérapa légèrement à ses côtés. Il remarqua la présence de Laurent et, sitôt la surprise passée, il braqua son fusil sur lui, le doigt sur la gâchette, prêt à l'abattre. Le Chef de la Famille du Sud leva également son arme. Nathaniel leva ses mains à hauteur d'épaules en signe d'apaisement.
- On garde notre calme. Murmura-t-il lentement. Il est inutile de changer cette aimable conversation en bain de sang, n'est-ce pas ?
- S'il jette son arme, je baisse la mienne. Gronda Yvan d'un air hostile.
Laurent éclata d'un rire sarcastique :
- Je suis sensé me sentir menacé, gamin ? Ricana-t-il. Dégage de là ! Tu interromps une conversation sérieuse.
- Oh, je suis sûr qu'Yvan avait une bonne raison de nous interrompre, non ? Commenta Nathaniel en jetant un coup d'œil interrogateur à l'infirmier.
Yvan baissa légèrement son arme mais continua de toiser Laurent, comme s'il voulait l'abattre sur le champ.
- Oui. Maugréa-t-il de mauvaise grâce. Je viens de l'infirmerie, c'est Beniamino qui m'envoi.
Carmen se tendit. Qu'est-ce qui était arrivé à Beniamino ? Pourquoi cet idiot d'Yvan était-il là, à risquer sa vie dans la bataille qui régnait encore dans les rues de la ville plutôt que de rester auprès de Beniamino pour le soigner ?
- Beniamino est à l'infirmerie ? S'étonna Nathaniel.
La jeune fille remarqua qu'il s'était également tendu. Elle décela même une note de crainte dans sa voix.
- Oui...mais il va mieux ! Ajouta précipitamment Yvan. Il s'est fait blesser par des mercenaires et Carmen l'a ramené.
- Quoi ? S'écria Laurent, furieux. Carmen s'est échappée ?
- Comment ça, « échappée » ? Protesta Nathaniel. Tu les avais capturés ?
- C'est Adonis et Samaël qui les ont capturés. Corrigea-t-il. Et je n'avais aucune raison de m'opposer à ce qu'ils s'amusent avec eux puisque Carmen était une traîtresse et Beniamino un ennemi.
- Ils sont gravement blessés ? Demanda Nathaniel en reportant son attention sur Yvan.
- Carmen n'était pas blessée. Elle m'a amené Ben et est repartie. Il est mal en point mais il va s'en sortir. Il peut marcher en tout cas. Au début, il voulait venir vous parler personnellement mais je l'ai convaincu de ne pas le faire. Mais comme ça avait l'air important à ses yeux, il m'a demandé de vous retrouver au plus vite.
- Qu'est-ce qu'il voulait me dire ? Le pressa Nathaniel.
- Euh...il a parlé des derniers tests. Il a dit aussi qu'ils étaient positifs. Il a dit...que tu comprendrais.
Nathaniel eut alors une réaction des plus surprenantes ; il déplia la gorge et poussa un véritable cri de victoire. Il hurla si fort que pendant un bref instant, Carmen n'entendit plus rien des coups de feu qui retentissaient encore dans la ville.
- Enfin ! S'écria-t-il. Nous avons réussi ! Ça y est ! Nous allons enfin créer un vaccin ! Grâce à elle ! C'est magnifique !
Visiblement, ni Laurent, ni Yvan, ne comprenait quoi que ce soit à ce qu'il hurlait avec tant de joie. Nathaniel, tout à son bonheur, poursuivit :
- Ne faites pas cette tête ahurie ! Grâce à Carmen, nous sommes tous sauvés ! Elle est une donneuse saine ! Elle ne porte pas le virus dans son organisme ! Les résultats des tests sur ses échantillons de sang sont formels, on va pouvoir mettre au point un vaccin ! Oh, c'est sans nul doute le plus beau jour de ma vie !
- Encore faudrait-il que tu remettes la main sur Carmen. Intervint Laurent d'un ton glacial. Ce qui va poser problème puisque tu ne sais pas où elle est.
- Je lui fais confiance pour me retrouver. Répliqua-t-il. Elle est maligne, cette petite.
- Merci pour le compliment.
En disant cela, Carmen s'était redressée et sortit de sa cachette. Tous les regards se braquèrent sur elle tandis qu'elle s'approchait d'eux. Nathaniel eut l'air profondément soulagé de la revoir mais en jetant un coup d'œil à Laurent, elle ne put sonder son visage. Il avait l'air étonné de la revoir, mais il semblait également réfléchir à toute vitesse à ses marges de manœuvre.
- Tu étais là depuis le début ? Demanda Nathaniel.
Elle haussa les épaules :
- Effectivement. J'ai entendu tout ce que vous vous êtes dit. D'ailleurs, je te remercie pour ces explications pour le moins...révélatrices. Ça a répondu à beaucoup de mes interrogations.
- Ah, oui...Navré de ne pas t'avoir dit la vérité. Marmonna-t-il d'un air un peu coupable.
Carmen lui sourit :
- Ne t'en fais pas. J'ai bien compris que tu avais tes raisons. Même si, en effet, j'aurais bien voulu être au courant. Et je pense que les autres membres de la Famille du Nord auraient aussi voulu l'être.
- C'est le moins qu'on puisse dire ! Maugréa Yvan à voix basse.
Il regardait son Chef de Famille d'un air médusé et choqué.
- C'est vrai que je suis une donneuse saine ? Reprit Carmen avec espoir.
Nathaniel eut l'air réjouit :
- D'après Beniamino, les résultats sont formels. Grâce à toi, nous allons mettre au point un vaccin et soigner tout le monde !
- C'est plutôt une bonne nouvelle, alors.
- Oui. Comment as-tu fais pour t'échapper ? Demanda-t-il encore.
Carmen hésita. En la présence de Laurent, elle ne pouvait pas dire que c'était Eileen qui les avait aidés à s'échapper. Le Chef de la Famille du Sud allait la tuer à coup sûr et Carmen ne voulait pas la trahir.
- Grâce à...un concours de circonstances. Répondit-elle évasivement.
Soudain, ils entendirent des pas qui couraient dans leur direction. Tous se retournèrent au moment où Samaël et Adonis fendirent sur eux, leurs armes dégainées et le regard enragé. Leurs habits étaient couverts de sang et Carmen était absolument sûre que ce n'était pas le leur.
Ils se figèrent à quelques mètres du groupe, décontenancés par la scène qu'ils avaient sous les yeux. Ils semblaient stupéfaits de voir Laurent, Carmen, Nathaniel et Yvan discuter calmement ensemble.
- Qu'est-ce qui se passe, ici ? Gronda Adonis, furieux.
Samaël fit un pas en avant, effroyablement calme.
- Je vois que tu t'es rendu compte que nos proies s'étaient échappées. Déclara-t-il à l'adresse de Laurent.
- En effet, je ne vous ai pas attendu pour m'en rendre compte. Répliqua-t-il, sarcastique.
Samaël grimaça :
- Nous avons été roulés. Mais ne t'inquiète pas, nous nous sommes déjà occupés de la petite vipère.
- Mais dans ce cas de figure, l'expression « même coupée, la tête du serpent peut encore mordre » ne s'applique pas. Renchérit Adonis.
Carmen pâlit. Elle ne comprenait que trop bien le sous-entendu.
- Vous l'avez tuée ? Murmura-t-elle, horrifiée.
Le sourire des deux mercenaires devint machiavélique.
- Bien sûr que nous l'avons tué. Répondit Samaël d'un ton sournois. Nous n'allions pas laisser cette petite peste d'Eileen s'en tirer à si bon compte.
Carmen chancela. Samaël et Adonis l'avaient bien expliqué ; ils ne prenaient la peine de retenir les noms que de celles et ceux qu'ils avaient tués. Les deux mercenaires venaient d'ajouter celui d'Eileen sur leur liste de trophées.
Elle se sentit mal. Si mal. Elle n'avait jamais aimé l'infirmière mais sa rancœur s'était un peu atténuée depuis qu'Eileen l'avait libérée. L'un de ses derniers gestes avant de mourir était de lui venir en aide. Elle ne pouvait pas se réjouir de sa mort.
- Ainsi, c'est Eileen qui les a aidés à s'échapper ? Murmura Laurent en arquant un sourcil, étonné.
- Stupéfiant, n'est-ce pas ? Commenta Adonis. C'est dingue comme on peut se tromper sur les autres ! Elle nous a dit que tu avais besoin de nous pour combattre la Famille du Nord, alors on a quitté le quartier général de la Famille du Sud pour te chercher puis, on a eu un doute. On est revenu à la cellule mais on n'a pu que constater que nos proies s'étaient envolées. Je suis incapable de te dire lequel de nous a été le plus furieux, mais on a remis la main sur cette petite garce d'Eileen et on lui a donné une petite leçon...expéditive.
- Vous avez bien fait. Approuva Laurent. Même si ça m'ennuie de ne plus avoir d'infirmière à mon service...
Carmen jeta à Laurent un regard noir. Son manque de compassion et de remord quant au sort d'Eileen la rendait furieuse.
- A présent, nous allons nous occuper d'elle. Reprit Samaël en désignant Carmen d'un signe de tête. Nous n'avons toujours pas terminés notre petite conversation, « princesse ». Ajouta-t-il en braquant son regard sur elle.
Carmen eut un geste de recul, dégoûtée. Elle ne voulait pas se retrouver à nouveau enchaînée à un mur de cette cellule froide avec Samaël et Adonis pour seule compagnie. Surtout pas avec Samaël. Elle se doutait du sort qu'il lui réservait et elle préférait encore sauter du haut d'une falaise plutôt que de subir son contact contre sa peau.
Mais à sa grande surprise, Nathaniel fit aussitôt un pas de côté pour se placer devant elle, formant un bouclier humain.
- Vous ne lui ferez pas le moindre mal. Assena-t-il d'une voix grondante. Carmen est notre chance pour tous guérir.
Les mercenaires marquèrent un temps d'arrêt, se demandant visiblement de quoi il était en train de parler. Ils lancèrent un regard interrogateur à Laurent et ce dernier haussa les épaules :
- Même si ça m'écorche la bouche de l'admettre, Nathaniel à raison. Vous ne lui ferez aucun mal...
Samaël et Adonis parurent scandalisés.
- ...Toutefois, il va y avoir un petit changement de programme. Poursuivit-il en souriant froidement.
- De quoi est-ce que tu parles ? Demanda sèchement Nathaniel.
- Réflexion faite, je vais te croire, Nathaniel. Je serais vraiment stupide si je ne prenais pas le temps de vérifier que Carmen soit bien une donneuse saine pour vous donner un vaccin susceptible de sauver tout le monde. Si ce n'est pas le cas, je pense que Samaël et Adonis se feront un grand plaisir de tuer cette traîtresse.
Du coin de l'œil, Carmen vit les deux mercenaires se lancer un regard réjoui.
- En revanche, si Carmen est bien une donneuse saine, je n'ai pas l'intention de te laisser bénéficier du vaccin. Acheva-t-il.
- Qu'est-ce que ça veut dire, Laurent ? Gronda Carmen.
- Tu m'as parfaitement compris, Carmen. Rétorqua-t-il. Après tout, tu as toujours été une fille intelligente. Samaël et Adonis vont te raccompagner docilement en cellule et veiller à ta sécurité, le temps que la Famille du Sud s'accapare toutes les analyses et les travaux de Nathaniel. Je vais également faire en sorte que Beniamino nous suive bien gentiment et mette au point le vaccin. Quand se sera fait, je le donnerai à tous les membres de la Famille du Sud dignes de confiance. Bien sûr, les autres Survivants qui me jureront fidélité et obéissance le recevront également. Quant aux autres, ils mourront de la maladie. Il n'y aura plus qu'une Seule Famille et j'en deviendrai le seul Chef. Et pour te remercier de ton utilité, peut-être même t'accorderai-je la vie sauve, Carmen. Et toi, Nathaniel, je ne te laisserai en vie uniquement pour que tu puisses assister à ton échec et la destruction de la Famille du Nord.
- Tu es complètement fou ! S'écria Carmen, révulsée. Tout le monde a le droit de recevoir ce vaccin ! Ce n'est pas à toi de décider qui va vivre et qui va mourir !
- Je te l'ai déjà dit ; j'ai toujours eu ce droit. Assena-t-il en haussant les épaules, indifférent.
Il porta la main à son oreille et pressa l'un des boutons de son oreillette. D'une voix claire et forte, il s'adressa à tous les membres de la Famille du Sud :
- Famille du Sud ! Clama-t-il. Il y a un changement de programme. Foncez tous au quartier général de la Famille du Nord et faites en sorte qu'il soit sous votre contrôle. Eliminez tous ceux qui se dresseront sur votre chemin, je ne veux pas qu'il y ait la moindre résistance ! Exécution !
Il pressa à nouveau le bouton, coupant la communication. Il se tourna vers Samaël et Adonis :
- Attrapez-la.
Les mercenaires s'avancèrent d'un même geste. Yvan braqua son fusil sur eux, prêt à tirer. Mais Carmen savait que c'était inutile ; les deux hommes étaient très rapides, ils arriveraient sûrement à éviter les balles. Et tant bien même Yvan parviendrait à toucher l'un d'eux, le second le tuerait avant qu'il ne tire à nouveau. Où il tuerait Nathaniel. Et Laurent avait également levé son arme, dévisageant Yvan sans la moindre pitié.
Carmen s'enfuit.
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