Chapitre 51
- Qu'on l'infiltre ? Répéta Beniamino.
Il ne semblait pas plus comprendre que Carmen, ce qui la rassura.
Elle avait cru un instant qu'elle n'avait pas bien écouté.
Nathaniel reprit :
- C'est effectivement ce que je vous demande. Demain matin, vous allez entrer dans le quartier général de la Famille du Sud. Carmen en connais tous les recoins, ça va vous faciliter la tâche.
- D'accord, mais...qu'est-ce qu'on devra y faire ? Demanda la jeune fille d'un ton hésitant.
- Vous allez récupérer la liste.
- Celle que je vous ai partiellement volé ? S'étonna-t-elle.
- Celle-là même. Tu nous en as volé un fragment qui nous est utile. J'ai besoin que vous la récupériez. Laurent y attache une grande importance, n'est-ce pas ?
- Oui...Si je me souviens bien, il m'avait avoué qu'il comptait l'utiliser contre la Famille du Nord.
A sa grande surprise, elle vit Nathaniel sourire :
- Vraiment ? Eh bien ! C'est qu'il ne manque pas d'imagination ! Mais il n'arrivera pas à tirer quoi que ce soit de cette liste. Du moins, pas comme il se l'imagine. Quoi qu'il en soit, je pense que cette liste sera un bon moyen de pression au cas où les choses tourneraient mal pour nous. Laurent est intelligent, il ne va pas agir de manière inconsidérée s'il apprend que nous avons récupéré cette liste.
- Tu veux lui faire du chantage ?
- Est-ce que ça te pose un problème de conscience, Carmen ? Tu peux me le dire, je ne m'en formaliserais pas.
- Non. Ça ne me pose aucun problème. Répliqua-t-elle avec défi. Je sais même quel chemin nous allons pouvoir emprunter pour nous faufiler discrètement dans le quartier général de la Famille du Sud.
- Je savais que je pouvais compter sur toi. Beniamino se joindra à toi. Il a longtemps travaillé sur cette liste et il sera le mieux placé pour la retrouver parmi tous les fichiers codés. Car je suppose que Laurent aura protégé le fragment de liste dans un fichier codé ?
- Bien sûr.
- Dans ce cas, il nous faut une décodeuse pour craquer les fichiers. Conclu Nathaniel. Vous vous infiltrerez dans le quartier général et vous attendrez que le premier groupe passe à l'attaque. Lorsque tous les membres de la Famille du Sud auront désertés leur quartier général, vous passerez à l'action.
- Compris. Dirent Carmen et Beniamino en même temps.
Nathaniel expliqua ensuite plusieurs points importants, quelques 'uns posèrent des questions puis la séance prit fin. Les chefs de sections sortirent du pub et se séparèrent pour aller retrouver leurs équipes et leurs expliquer le plan.
- Carmen ? Appela Beniamino. On se voit quelques minutes pour qu'on s'organise ?
- Entendu.
Ils s'éloignèrent en direction d'une petite arche et s'assirent par terre, à l'ombre.
- Comment est-ce que tu vois la chose ? Demanda Beniamino avec sérieux.
Elle savait quoi lui répondre. Dès que Nathaniel lui avait dit ce qu'il attendait d'eux, son cerveau s'était mis en ébullition et elle avait déjà un plan en tête pour mener la mission à bien.
- Demain matin, on va partir un peu avant les autres équipes. Expliqua-t-elle. Le quartier général de la Famille du Sud est situé à flanc de colline et entouré par de hauts murs. On va grimper à travers les oliviers et les pins pour monter jusqu'à eux. Il y a un arbre qui est planté tout près de l'un des murs, il nous suffira de l'escalader pour sauter de l'autre côté. On va ensuite arriver dans un quartier abandonné. On va entrer dans l'une des maisons et attendre. Dès que la voie sera libre, on sortira de notre cachette et on foncera vers la maison principale. Au dernier étage, il y a un bureau avec des ordinateurs. Il faudra peut-être entrer avec un code mais ça, j'en ferai mon affaire. Ensuite, il te suffira de trouver la liste et de la récupérer.
- Compris. Et pour sortir ?
- On reprend le même chemin par lequel on est arrivé.
- Aussi simplement que ça ? S'étonna-t-il.
- Tu veux te compliquer la tâche ? Répliqua-t-elle en souriant d'un air moqueur. Tu aimerais sans doute exécuter une sortie théâtrale en faisant tout exploser derrière toi ?
- Faire exploser les choses, c'est plutôt de ton ressort, si je ne m'abuse. Répliqua-t-il sur le même ton.
- Pour la trentième fois ; je-n'ai-pas-fait-exploser-cette-bombe ! S'écria-t-elle en articulant chaque mot comme si elle devait s'adresser à quelqu'un lent d'esprit.
- C'est noté. On se retrouve demain matin vers...disons quatre heures ?
- Devant les grilles de la porte principale ? Proposa-t-elle.
- Ça me va.
Il lui sourit :
- Tu te sens prête ?
- Bien sûr. Affirma-t-elle.
Elle était bien loin de lui dire la vérité. Certes, elle avait un plan pour leur mission et elle savait qu'elle pouvait compter sur l'infirmier. Mais elle n'était pas sûre d'être prête à affronter son ancienne Famille. Et elle ne savait pas ce qu'ils devraient faire s'ils tombaient sur des membres de la Famille du Sud. Les tuer ? Ça lui paraissait impossible à faire. Elle n'était pas une meurtrière. Et durant toutes ces années, elle les avait considérés comme des amis.
Beniamino semblait avoir compris son trouble. Mais il n'insista pas. Il lui serra l'épaule dans un geste encourageant, se leva et la laissa seule.
Carmen resta encore de longues minutes assise sur les pavés frais, perdue dans ses pensées. Puis, lentement, elle se redressa et retourna vers l'appartement qu'elle partageait avec Ariane. Sa colocataire n'était pas encore revenue. Elle devait probablement être avec son équipe pour finaliser le plan d'attaque.
Elle décida de l'attendre sur le canapé. Elle se servit d'un nouveau verre de Gin qu'elle sirota distraitement, perdue dans ses pensées et l'organisation de son plan. L'alcool coula dans sa gorge et l'aida à mieux réfléchir. Si Beniamino et elle s'en tenaient au plan, tout se passerait bien. Elle n'avait pas de raison de s'inquiéter. Peut-être même qu'ils ne croiseraient personne dans le quartier général de la Famille du Sud.
C'est du moins ce qu'elle espérait.
Ariane revint une demi-heure plus tard. Elle semblait épuisée. Elle vint s'affaler à ses côtés et lui prit une gorgée de Gin. Elle toussa violemment.
- C'est de la lave en fusion ton truc ! Hoqueta-t-elle.
- J'ai l'habitude. Répondit-elle simplement.
Ariane secoua la tête et alla se servir d'un verre de vin rouge dans la cuisine avant de revenir auprès d'elle.
- Alors ? Demanda-t-elle. Tu as ta mission ?
- Oui. Je sais ce que je dois faire. Et toi ?
- Moi aussi. Je vais être dans l'arrière garde, avec Sergueï. Ça va aller.
- Je pense, oui. Sourit-elle. Il saura te protéger.
- C'est vrai que c'est rassurant de l'avoir à côté de soit dans des situations pareilles. Admit-elle en sirotant son verre. Sergueï est quelqu'un de sérieux qui a beaucoup de ressources. Je suis très contente de l'avoir à mes côtés pour cette bataille.
- Oui...
Carmen sentit comme de petites griffes se resserrer sur son cœur. Elle aussi elle aurait bien voulu se battre aux côté de Sergueï...
« Arrête de déconner, s'il te plaît. » Supplia une voix narquoise au fond de sa tête.
- Ça ne va pas être trop dur pour toi ? Reprit Ariane, un peu inquiète.
Carmen tenta de lui sourire, sans succès.
- Bien sûr que ça va être dur. Répondit-elle. Mais je suis la mieux placée pour ma mission. Beniamino est avec moi et Nathaniel compte sur nous. J'accomplirai ce que je dois faire, pour la Famille du Nord.
Ariane hocha la tête, compréhensive.
- Quelle histoire ! Murmura-t-elle. J'ai de la peine à croire que demain, on va partir en guerre.
- C'est vrai.
- Mais nous sommes obligés, pas vrai ? On doit le faire. Ne serait-ce que pour Livio, Bryan et Antoine...
- Je ne sais pas si on « doit » le faire. Répliqua-t-elle. Lors de la cérémonie, Nathaniel a dit qu'on devait se souvenir des moments passés avec eux. Et de ne pas laisser la colère et le chagrin aveugler notre raison. Et je me demande si ce n'est pas justement la colère et le chagrin qui guident les décisions de Nathaniel en ce moment, même s'il ne laisse rien paraître.
- Tu penses qu'on a tort de ne pas réclamer justice ?
- Non. Je pense juste qu'on a déjà perdu trois hommes. Avec cette guerre, il y en aura sûrement d'avantage.
- Sans doute. Admit-elle. Mais il n'agit pas seulement de venger la mort de nos amis, tu sais. Ça fait des semaines qu'on pressent une guerre entre les Quatre Familles. Nathaniel nous a avertis que le répit et le calme n'allaient pas durer éternellement entre Nous. Nous le savions. Nous observions les faits et gestes des autres Familles. Laurent n'a fait que précipiter les événements en t'envoyant voler nos entrepôts et faire exploser cette bombe à notre frontière...
- Vous allez me lâcher avec votre bombe ? Gronda Carmen, exaspérée.
Ariane eu un sourire d'excuse.
- Quoi qu'il en soit, la guerre était inévitable, Carmen. Poursuivit-elle. L'assassinat de Livio, Antoine et Bryan par les mercenaires de la Famille du Sud n'est que la goutte d'eau qui a fait déborder le vase. Il ne nous reste plus qu'à suivre les instructions de Nathaniel.
- A la fin de cette guerre, il y aura plus de morts à enterrer que de vivants qui trinqueront à la victoire. Marmonna Carmen.
- Il faut faire confiance en plan de Nathaniel.
- Je doute que son plan soit si bien pensé qu'il n'y aura pas un seul mort dans nos deux camps.
- Tu es pessimiste.
- Je suis fataliste. C'est la guerre qui veut ça.
- C'est un peu triste comme façon de penser.
- Je sais. Mais j'ai toujours pensé comme ça.
- Un jour, il faudrait que tu quittes l'Ile. Commenta Ariane. Que tu voies le Continent. Que tu découvres d'autres choses. Je ne crois pas ceux qui disent qu'il n'y a rien pour nous de l'autre côté de l'océan. Il y a quelque chose. Quelque chose de bien. Et peut-être te diras-tu que le monde n'est pas si moche que ça ?
Elle lui sourit et retourna dans sa chambre, laissant Carmen perplexe.
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