Chapitre 50
La soirée s'était achevée très tard. Le ciel avait commencé à pâlir lorsque Carmen était allée se coucher. Elle avait eu beaucoup de peine à s'endormir, même si son corps réclamait quelques heures de repos. Elle avait beaucoup trop de choses en tête qui l'empêchaient de trouver le sommeil.
Toute la Famille du Nord s'était rassemblée dans la taverne. Trois membres avaient passé auprès d'eux pour leur servir à boire. Puis, ils avaient tous levés leurs verres en l'honneur d'Antoine, Bryan et Livio. Si au départ, ils avaient conservé le silence, au bout de quelques verres, les langues avaient commencées à se délier.
Certes, la tristesse était toujours présente, mais les personnes s'étaient mises à rire en se remémorant des anecdotes sur les trois défunts. Carmen avait ainsi appris que Livio, alors âgé de quatorze ans, s'était foulé la cheville lorsqu'il avait voulu grimper à l'un des murs d'enceinte pour impressionner Zoé. De Bryan, elle avait appris qu'il avait construit une cabane dans un arbre pour les deux plus jeunes membres de la Famille du Nord. Elle avait appris également qu'Antoine avait passé une journée entière à tourner dans tout le quartier général parce que Renaud et un autre garçon lui avait volé toutes ses affaires et les avaient cachées dans les ruelles.
Emilio fut le seul à ne pas rire à la plaisanterie puisqu'il avait trouvé un caleçon sale sur le rebord de sa fenêtre.
Ce soir-là, ils rirent beaucoup, comme l'avait demandé Nathaniel. Carmen savait qu'ils devaient en profiter ; maintenant que leurs morts avaient été dignement enterrés, le Chef de la Famille du Nord n'allait pas tarder à déclarer la guerre à Laurent.
Et elle avait raison.
Tous passèrent une courte nuit. Alors qu'Ariane et Carmen étaient installées au bar de la cuisine devant un petit déjeuner à base de fruits, quelqu'un les appela par la fenêtre ouverte. Ariane bondit aussitôt sur ses pieds et se précipita vers la fenêtre.
- Qu'est-ce qu'il y a ? Cria-t-elle en se penchant sur le rebord.
Carmen entendit une voix d'homme lui répondre :
- Nathaniel demande à tout le monde de se rassembler sur la place principale ! Je crois que ça ressemble à un conseil de guerre. Ça a l'air important en tout cas ! Et demande à Carmen de venir aussi !
Les deux jeunes filles se jetèrent un coup d'œil circonspect et coururent se préparer. Moins de cinq minutes plus tard, elles se précipitèrent jusqu'à la place principale, rejoins par de nombreux autres. Carmen observa des degrés variés d'inquiétude sur les visages.
Ils se rassemblèrent. Tout le monde avait répondu présent à l'appel de Nathaniel. Ce dernier se tenait devant la foule, comme la veille, et faisait face à sa Famille. Il avait un air grave et déterminé. Quand il prit la parole, sa voix était claire et forte :
- Membres de la Famille du Nord ! S'exclama-t-il en dévisageant chacun. Hier soir, nous étions en deuil. Hier soir, nous avons pleurés et but à la mémoire de trois de nos membres disparus. Mais aujourd'hui, il n'est plus l'heure pour les larmes. La Famille du Sud s'est conduite d'une manière cruelle et inhumaine en tuant trois de nos hommes. Elle croit qu'Elle va rester impunie pour ce crime ? Elle se trompe lourdement. Il est temps pour nous de riposter et de Lui montrer qu'au sein de la Famille du Nord, nous sommes prêts à faire justice.
Une immense clameur jaillit de la foule. Carmen se crispa, mal à l'aise face à tout ce bruit. Partout autour d'elle, on hurlait son approbation aux paroles de Nathaniel et réclamait justice pour Livio, Antoine et Bryan. Des poings se levèrent vers le ciel, des applaudissements et des cris retentirent.
Nathaniel leva les mains pour les apaiser et le silence revint, chacun étant attentif à ce qu'il s'apprêtait à dire.
- Nous allons passer à l'action demain matin. Poursuivit-il. Je veux que chaque chef de section s'approche de moi pour que je lui transmette le plan d'attaque. Ensuite, ils en parleront aux autres dans les moindres détails. Je veux donc voir Sergueï, Emilio, Flavien, Salvatore, Beniamino et Carmen, maintenant. Quant aux autres, allez vous préparer pour la bataille qui s'annonce !
Ce fut aussitôt l'effervescence. Tout le monde se mit à courir et à se disperser dans les rues pour préparer tout le matériel dont ils avaient besoin pour le lendemain.
Carmen avait été très surprise d'avoir été appelée. Elle n'était pas un chef de section, donc elle ne voyait pas pourquoi Nathaniel demandait à la voir. Peut-être avait-il besoin de renseignements sur les points faibles de la Famille du Sud pour préparer une attaque ? Ou qu'il avait besoin de ses talents de décodeuse ?
C'était sûrement pour ça...
« Evidemment que c'est pour ça ! » Se rabroua-t-elle sèchement. « Nathaniel ne va pas te demander des conseils en décoration d'intérieur ! »
Et tant bien même ça aurait été pour cette raison, il aurait été dans la merde.
Aussi, elle rejoignit les autres membres appelés et ils suivirent Nathaniel dans le pub discret qui avait été déserté. Le Chef de Famille les invita à s'assoir autour d'une table et déplia sous leurs yeux une carte de la ville.
- J'ai un plan en tête. Commença Nathaniel, de but en blanc. Il faudra qu'on se montre extrêmement vigilants, Laurent doit s'attendre à se faire attaquer, n'est-ce pas ? Ajouta-il en jetant un coup d'œil à Carmen.
La jeune fille hocha lentement la tête :
- En effet. Répondit-elle. Dès l'instant où il a fait exécuter trois des membres de la Famille du Nord, il savait qu'Elle allait riposter. J'irai même jusqu'à dire qu'il va être surpris qu'Elle n'ait pas agis plus vite.
- Combien il y a d'effectifs ? Demanda Emilio.
- La Famille du Sud compte quarante-huit membres, sans compter Laurent. Mais il va sûrement faire appel à Samaël et Adonis, les mercenaires, bien qu'ils ne fassent pas partie de la Famille du Sud.
- Si on tombe sur eux, on s'en charge personnellement. Gronda Emilio.
Sa remarque fut suivie de nombreux murmures d'approbation. Craignant un acte inconsidéré, Carmen ajouta précipitamment :
- Soyez extrêmement vigilants ! Ne laissez pas votre colère embrumer votre esprit. Avec eux, la moindre erreur de votre part peut être fatale. Ils ne vous laisseront aucune chance et ils vous attaqueront toujours au moment où vous vous y attendrez le moins. Ce sont des tueurs qui sont passés maîtres en art de la torture.
- J'aurais pas dit mieux moi-même. Commenta Nathaniel. Et je partage ton avis, jeune fille. Nous aurons droit à la justice, mais nous procèderons avec précaution.
- Quel est ton plan ? Demanda Emilio, concentré.
Nathaniel se pencha sur la carte et tout le monde l'imita.
- Demain matin, je vais envoyer Flavien et son groupe là, -il désigna un point sur la carte- et Salvatore là, -il désigna un seconde point sur la carte, presque à l'opposé du second-.
- Nous allons attaquer sur deux fronts ? Demanda le dénommé Flavien, un homme efflanqué aux cheveux blonds.
- Oui. Ça va obliger Laurent de séparer ses membres.
- Nous aussi, on sera séparé. Objecta Emilio en fronçant les sourcils.
- Et c'est à ce moment-là que toi et ton groupe allez entrer en scène. Poursuivit Nathaniel. Ce soir, vous partirez vous cacher dans les maisons alentours au quartier général de la Famille du Sud. Vous vous trouverez des postes d'observation stratégiques en hauteur et lorsqu'Elle contre-attaquera, vous pourrez riposter depuis les fenêtres. Ce n'est peut-être pas très loyal, mais tel est mon plan.
- Laurent n'a pas fait preuve de loyauté lorsqu'il a fait assassiner Bryan, Antoine et Livio. Gronda Salvatore avec un rictus méprisant. Nous suivrons ton plan à la lettre, Nathaniel. Et tant pis pour ceux qui tomberont sous nos balles.
- On se calme ! Intima Nathaniel d'une voix dure. Certes, nous devons venger nos amis. Mais essayons de faire couler le moins de sang possible. Si un membre de la Famille du Sud se rend, faite-le prisonnier, ne l'exécutez pas. Si vous pouvez blesser plutôt que tuer, faites-le. Vous n'êtes pas des meurtriers.
Autour de la table, il y eut des mouvements de mécontentement. Carmen remarqua que Salvatore n'était pas d'accord avec Nathaniel. Elle songea tristement qu'il n'allait pas obéir et tuer autant que possible. Au cœur de la bataille, Nathaniel n'aurait aucun moyen de savoir si Salvatore lui avait obéit ou non.
- Et moi ? Quel sera mon rôle ? Demanda soudainement Sergueï.
Le jeune homme regardait son Chef de Famille avec assurance, comme s'il était prêt à en découdre. Nathaniel l'observa un long instant en silence, les sourcils légèrement froncés. Puis, il déclara :
- Tu vas te poster là.
Il indiqua un nouveau point sur la carte. Sergueï se pencha légèrement pour mieux voir et poussa un soupir :
- Tu sais, je suis aussi capable de me battre.
- Je n'ai jamais dit le contraire. Répliqua Nathaniel avec un regard perçant.
- Alors pourquoi dois-je rester en arrière ?
- Parce que je t'en donne l'ordre.
- Cet ordre ne me plaît pas.
- C'est fort regrettable. Je sais parfaitement de quoi tu es capable, Sergueï. C'est pourquoi je te laisse en arrière avec ton groupe. Admettons que Flavien, Salvatore et Emilio échouent dans leur mission et qu'ils doivent battre en retraite. Je doute que Laurent les laisse fuir. Il va leur donner la chasse, il va les faire poursuivre. Il faut donc un point de repli que tu gèreras pour que les autres puissent battre en retraite en minimisant les pertes et les dégâts. Mais si cette tâche te paraît indigne de toi, tu peux t'en aller. Je trouverais bien quelqu'un pour te remplacer.
Les deux hommes se toisèrent froidement. Une fois de plus, Carmen se sentit mal à l'aise. La tension qu'il y avait entre eux était oppressante, presque effrayante.
Mais Sergueï finit par esquisser un sourire acide :
- C'est d'accord.
Nathaniel parut satisfait et l'ambiance se détendit un peu.
- Et moi ? Demanda Beniamino. Est-ce que j'ai un lieu spécifique duquel je dois opérer et soigner nos blessés ?
Le Chef de la Famille du Nord eut un sourire :
- Oh non, Ben. Cette fois, ce sera Yvan qui se chargera des blessés.
Le bel infirmier parut interloqué qu'on le démette de ses fonctions principales.
- Ah...Murmura-t-il, un peu perdu. Et...a quel poste me place-tu, dans ce cas ?
Le sourire de Nathaniel s'élargit :
- Pour Carmen et toi, j'ai une mission un peu plus particulière à vous confier.
Carmen et l'infirmier échangèrent un coup d'œil surpris :
- Une mission un peu particulière ? Répéta Carmen, sans comprendre où il voulait en venir.
- Oui. Vous, vous attaquerez la Famille du Sud à l'interne. Je veux que vous infiltriez le quartier général de la Famille du Sud.
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