Chapitre 43


Durant toute la journée du lendemain, Carmen eut le sourire jusqu'aux oreilles. Même l'annonce que Livio, Antoine et Bryan étaient partis pour leur mission d'éclaireur, tôt ce matin, n'estompa que très peu sa bonne humeur.

Grâce à Ariane et ses efforts, elle avait passé un anniversaire magnifique. Et finalement, c'était important de passer un tel moment avec ces personnes pour fêter un vingtième anniversaire.

De plus, le gâteau qu'Ariane avait préparé était délicieux, malgré son aspect un peu étrange.

Ariane s'était absentée pour la journée, devant répondre à ses obligations. Le soir où Carmen avait emménagé chez elle, elle lui avait expliqué qu'elle travaillait dans l'un des bureaux de la Famille du Nord, pour trier et archiver toutes les informations et documents importants. Elle aimait ce travail mais regrettait d'être souvent seule et de ne pas pouvoir parler avec quelqu'un.

Ceci expliquait sans doute cela.

Et puisque Carmen n'avait pas encore de tâche précise au sein de la Famille du Nord, la jeune fille en avait donc profité pour ranger l'appartement de fond en comble. Elle avait décroché les guirlandes, passer un coup de balai au sol, avait regonflé les oreillers malmenés de la veille et nettoyé et rangé toute la vaisselle.

En fin de journée, n'ayant plus grand-chose à faire, elle lut quelques pages du livre qu'elle avait commencé, puis avait sorti les boites des tiroirs de la salle de bain pour en examiner le contenu au salon. A son plus grand agacement, elle commençait à ressentir de la fascination pour les produits cosmétiques d'Ariane.

Et cette dernière n'en manquait pas.

Carmen observa la collection de verni à ongle qui s'étalait à présent devant elle sur la table basse du salon. Ariane lui avait expliqué qu'elle était parvenue à les créer elle-même avec de la résine, du solvant, des pigments et des nacres colorés. La manière dont elle était parvenue à emmagasiner de telles connaissances demeurait un mystère pour Carmen, mais elle devait admettre que le résultat était captivant.

Elle en avait vraiment beaucoup, de toutes les nuances de couleurs ; des bleus turquoise et marin, des roses pastels et fuchsia, des rouges vifs, des verts tendres et foncés, des orangés, des noirs et des gris.

La jeune fille prit un flacon d'une couleur vert tendre et s'en appliqua sur l'ongle du pouce. Ses gestes étaient maladroits et elle dépassa à plusieurs endroits. Mais elle trouvait que c'était une belle couleur. Elle avait toujours aimé le vert. Elle prit un deuxième flacon, d'une teinte bleu sombre, et s'en mit sur l'index.

Elle s'amusa ainsi pendant une dizaine de minutes, appliquant diverses couleurs sur chacun de ses ongles, -et sur une grande partie de ses doigts par la même occasion-. Elle trouvait l'exercice plutôt plaisant et songea qu'il fallait qu'elle le pratiquât plus régulièrement.

Lorsque personne ne serait là pour la surprendre, évidemment.

Mais comme elle aurait dû s'y attendre, ou du moins s'en souvenir, les membres de la Famille du Nord étaient bien plus présents les uns pour les autres que ceux de la Famille du Sud. Dans son ancienne Famille, elle pouvait compter sur l'individualisme de ses camarades pour passer de longues heures tranquilles dans son coin, sans qu'on ne la dérange.

Mais elle ne se trouvait plus dans la Famille du Sud.

Aussi, quand des coups retentirent contre la porte d'entrée, elle sursauta brusquement. Elle poussa un juron en tentant d'essuyer le verni qui avait coulé le long de son auriculaire mais ne parvint qu'à l'étaler d'avantage. Elle maugréa en ouvrant la porte, prête à houspiller celui qui avait osé la déranger.

Mais quand elle découvrit Sergueï sur le seuil, un sourire serein aux lèvres, la tirade qu'elle avait songé lui cracher à la figure mourut dans sa gorge.

- Bonjour Carmen. Salua-t-il dans un murmure feutré.

Elle le regarda quelques secondes, perplexe.

- Salut...Marmonna-t-elle.

- Est-ce que je te dérange ? Poursuivit-il, sans relever son air troublé.

- Non, pas du tout. Dit-elle en retrouvant son assurance.

Elle cacha discrètement ses mains dans son dos. Elle ne voulait pas que le jeune homme voit le carnage multicolore qu'elle avait infligé à ses doigts. Mais son geste n'avait pas échappé à Sergueï qui arqua les sourcils.

- Qu'est-ce qu'il y a ?

- Je ne te le dirais pas, tu te moquerais de moi. Répliqua-t-elle en maugréant.

Son sourire se fit narquois :

- De toute manière. Rétorqua-t-il. Je trouve toujours un sujet sur lequel je peux me moquer de toi.

Carmen soupira :

- Est-ce que tu souhaites me demander quelque chose en particulier ? Parce que si ce n'est pas le cas, je te prierais d'aller faire le malin ailleurs.

Le sourire moqueur du jeune homme s'accentua :

- Et où donc dois-je aller faire le malin ? Demanda-t-il.

- Où tu veux, du temps que c'est loin de moi. Bougonna-t-elle. Je suis certaine que d'autres personnes seront bien plus réceptives à tes traits d'humour que moi.

- Je suppose que tu fais allusion à mes nombreuses conquêtes féminines ? Susurra-t-il.

- Ah bon ? Tu en as ? Rétorqua-t-elle ironiquement.

- J'en ai tellement que je ne les compte plus. Répliqua-t-il du tact au tact.

- Ta vie sentimentale est passionnante. Tu n'as vraiment personne d'autre que moi à emmerder ?

- Pourquoi irais-je emmerder quelqu'un d'autre alors que tu réponds à mes provocations ? Ça n'a pas le moindre intérêt.

Carmen rendit les armes et poussa un long soupir :

- Qu'est-ce que tu me veux, Sergueï ? Demanda-t-elle, résignée.

Le sourire moqueur du jeune homme s'effaça subitement.

- Je voulais simplement te proposer de venir boire un verre. Annonça-t-il d'une voix plus douce.

Elle fronça les sourcils, soupçonneuse :

- Avec toi ?

- Tu vois quelqu'un d'autre que moi sur ce palier ? Répliqua-t-il.

Elle lui lança un regard sombre qui n'eut pour seul effet que de le faire sourire à nouveau.

- Mais si tu as quelque chose de mieux à faire...Ajouta-t-il avec un regard interrogateur.

- Non. Je veux dire ; je n'ai rien à faire de particulier. Et oui, je viens volontiers boire un verre avec toi. Il faut juste que je me change et j'arrive.

- Je t'attends en bas.

Carmen hocha la tête et tandis que Sergueï redescendait les escaliers, elle referma la porte et se précipita dans la salle de bain. Elle retourna tous les tiroirs à la recherche du dissolvant pour nettoyer ses ongles et ses doigts. Lorsqu'elle l'eut trouvé, elle se frotta vigoureusement avec pour que ne demeure plus la moindre trace du carnage qu'elle avait infligé à ses ongles. Puis, elle courut dans la chambre d'Ariane.

Sa colocataire lui avait dit qu'elle pouvait se servir dans son armoire de tout ce qu'elle voulait. Elle resta songeuse quelques secondes devant les piles de vêtements qui s'entassaient sous ses yeux, les bras ballants, sans savoir ce qu'elle pouvait porter.

Il était bien difficile de distinguer les robes des débardeurs et les jupes des pantalons dans tout ce capharnaüm.

Elle parvint à attraper un pantalon sombre qui était un peu serré pour elle, mais qui restait confortable. Elle enfila par-dessus sa tête un débardeur bleu nuit et laça des basquets blanches à ses pieds.

Elle retourna rapidement dans la salle de bain pour vérifier son reflet dans le miroir. Elle attacha ses cheveux en une queue-de-cheval haute, rajusta sa frange pour qu'elle masque au mieux la cicatrice qu'elle avait au front et s'appliqua un simple trait de khôl aux yeux, le seul code de maquillage qu'elle maîtrisait. Elle s'observa de haut en bas et estima qu'elle était présentable.

Carmen écrivit un mot pour Ariane, au cas où sa bavarde de colocataire rentrerait avant elle ou qu'elle ne la croiserait pas dans les rues du quartier général. Elle rejoignit ensuite Sergueï qui l'attendait patiemment sur les marches du perron.

- Tu as fait vite. Commenta-t-il en se relevant.

- J'ai fait au plus simple. Répliqua-t-elle. Où allons-nous boire ce verre ?

- Je te propose le pub le plus calme.

- Celui où l'on discute des sujets sérieux ?

- Entre autre. Sourit-il. A moins que tu ne préfères boire une pinte de bière à la taverne ?

- Non. Si je peux éviter de me retrouver au milieu d'une foule d'ivrognes braillards, ça m'arrangerait.


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