Chapitre 34
Contrairement à ce qu'elle avait cru, Ariane ne fut pas surprise lorsque Carmen lui parla de cette fête.
Et non seulement elle n'en fut pas surprise, mais en plus, elle en devint plus intenable que jamais.
- Ah, c'est pas trop tôt ! S'exclama-t-elle joyeusement. Je me demandais quand Nathaniel allait se décider de nous donner la date de ta soirée d'intégration ! J'ai presque cru qu'il avait complètement oublié...Tu te rends compte de la catastrophe que ça aurait été ?
La seule catastrophe que Carmen voyait, c'était que Nathaniel n'avait justement « pas » oublié de donner une fête en son honneur.
- Et...il va se passer quoi, durant cette soirée ? Demanda-t-elle, perplexe.
- C'est l'occasion de faire la fête ! La Famille du Nord compte un nouveau membre, c'est formidable ! C'est l'occasion pour tout le monde de pouvoir mettre un visage sur ton nom et qu'on puisse mieux te connaître !
- Quoi ?
Carmen avait toujours pensé –sans pour autant s'envoyer des fleurs- qu'elle avait l'esprit vif. Mais depuis qu'elle avait manqué de se faire lyncher par sa propre Famille et que Nathaniel lui avait proposé de faire partie de la Sienne, elle avait l'impression que son cerveau était parti en vacances et n'avait pas l'intention de revenir de sitôt.
Ariane poussa un soupir.
- Tout le monde a entendu parler de toi, Carmen. Expliqua-t-elle avec patience, un sourire angélique aux lèvres. Ton nom circule dans toutes les bouches depuis que tu l'as dit à Sergueï. Tu es l'un de nos sujets de conversation favoris. Mais peu nombreux sont ceux qui t'ont déjà vue.
De plus, les avis sont assez mitigés à ton propos. Les membres de la Famille du Sud n'ont pas une très bonne réputation et il est vrai que tu provoques beaucoup de méfiance parmi nous. Tu n'es pas très loquace, pas très expressive, on ne sait pas à quoi tu penses. Cette fête, c'est l'occasion rêvée de te montrer et de te dévoiler. Montre-nous que tes intentions sont pacifiques et soit le plus honnête possible. Ton intégration n'en sera que plus facile !
- Merci pour ces encouragements...Grogna-t-elle en s'enfermant dans sa chambre.
« Montre-nous que tes intentions sont pacifiques et soit le plus honnête possible »...
Elle était censée dire quoi ? Que c'était Laurent qui lui avait demandé d'intégrer la Famille du Nord afin de La détruire de l'intérieur et qu'elle mentait à tout le monde depuis le début ? Qu'après avoir été chassée de Sa Famille elle était revenue parce qu'elle ne savait pas où aller ?
Avec des explications aussi honnêtes, son intégration se fera très facilement, oui.
Tout cela ne lui convenait absolument pas.
Carmen était à nouveau soumise à des angoisses. La simple idée de devoir se retrouver au beau milieu d'une foule qui était plus ou moins bienveillante à son égard lui tordait le ventre douloureusement.
Cette nuit-là, elle dormit très mal. Elle avait des sueurs froides, la nausée, une envie de vomir, elle avait chaud, puis elle avait froid, puis à nouveau chaud...Elle avait faim mais elle était incapable d'avaler quoi que ce soit au risque de courir aux toilettes. Et plus la journée défilait, plus elle se sentait mal.
Vers la fin de l'après-midi, Ariane toqua à sa porte. Surprise, Carmen leva les yeux de son livre.
Elle en avait pris un au hasard dans la bibliothèque de sa colocataire qui se révélait être un livre de contes pour enfants. Il n'avait pas un niveau très poussé au niveau du vocabulaire et de l'intrigue, mais au moins avait-il le mérite de lui permettre de s'évader dans un monde imaginaire et de songer qu'il y avait des personnes bien plus malchanceuses qu'elle. Elle au moins, elle ne s'était pas faite dévorée par un loup et elle n'était pas condamnée à être l'esclave de sa belle-mère. Rétrospectivement, passer une soirée au milieu d'une foule ouvertement méfiante n'était peut-être pas si mal...
Elle poussa un faible soupir et invita Ariane à entrer. La jeune fille glissa sa tête dans l'entrebâillement.
- Je te dérange ? Demanda-t-elle.
- Non, entre. L'invita Carmen.
- Merci.
Carmen sourit en la voyant ; elle avait des bigoudis dans les cheveux encore humides et portait un peignoir pelucheux bleu ciel. Ça lui donnait l'air une grand-mère un peu folle.
- Je me suis dit que tu étais sans doute en train de te préparer, je ne voulais pas...
Elle s'interrompit brutalement et la regarda, bouche-bée. Carmen haussa les sourcils, interrogative :
- Quoi ? Finit-elle par demander devant l'état de mutisme inhabituel dont était frappé Ariane.
- Tu...Tu n'es pas en train de te préparer ? Balbutia-t-elle.
- Euh...Non, pourquoi ?
- Mais...La fête donnée en ton honneur est ce soir ! S'écria-t-elle, soudain paniquée. Tu as oublié ?
- Non.
Il n'y avait aucune chance et aucune probabilité mathématique pour qu'elle ait pu oublier cet évènement.
- Non, je n'ai pas oublié. Répéta-t-elle. C'est juste que je n'aie pas besoin d'un après-midi pour me préparer.
- Mais...qu'est-ce que tu vas mettre ?
Carmen lança un coup d'œil vers le débardeur noir et le jeans qu'elle avait posé au pied de son lit. Puisqu'elle n'avait aucune chance de couper à cette fête, autant y aller avec des habits dans lesquels elle se sentait à l'aise.
Ariane la contempla de longues secondes, visiblement choquée.
- Tu n'as tout de même pas l'intention de mettre ça ! S'écria-t-elle.
- Pourquoi pas ? Rétorqua-t-elle, irritée.
- C'est toi le centre de l'attention ! Tu dois être bien habillée, bien coiffée, bien maquillée...Voyons, il te faut une robe qui te mette en valeur, fluide...Et la coiffure doit être élégante, le maquillage sobre mais lumineux. Et je verrais bien des chaussures couleur corail pour parfaire la tenue...J'ai exactement tout ce qu'il te faut dans mon armoire mais il faut prendre en compte...
Une fois de plus, elle partit dans un monologue dont Carmen n'y comprenait rien. Elle poussa un long soupir, ferma son livre, se leva et posa sa main sur sa bouche pour lui imposer le silence.
- Stop, Ariane. Dit-elle calmement. Arrête de parler et écoute-moi ; je suis une fille très simple qui ne se prend pas la tête pour ce genre de chose. Je n'ai pas envie de ressembler à quelqu'un que je ne suis pas.
Ariane bafouilla quelque chose sous sa main et Carmen la retira.
- Même pas pour me faire plaisir ? Demanda-t-elle, les yeux pleins d'espoir.
- Non.
- Même pas pour toi ?
- Non.
- Même pas pour les autres ?
- Non.
- Il y a des tas de beaux garçons, tu sais...
- Je t'ai dit « non ».
- Même pas pour te sentir belle, au moins une fois ?
- Je ne sais pas comment je dois le prendre...
La conversation dura ainsi jusqu'à ce que Carmen jette l'éponge et accepte de mauvaise grâce de se faire un peu plus jolie pour l'occasion. De toute manière, contre Ariane, elle avait perdu la bataille dès le début. Il valait mieux abandonner, même si ce n'était que partie remise...
Elle se laissa entraînée dans la chambre d'Ariane.
- On va commencer par le début. Annonça-t-elle d'un ton joyeux.
Elle ouvrit son armoire et une pile d'habits en tous genres tomba sur le sol. Elle poussa un long soupir en se tournant vers elle :
- Tu comprends pourquoi je veux te donner des habits ?
- Et moi qui pensais que tu me le proposais par charité ! Répliqua-t-elle d'un ton ironique.
Ariane éclata de rire.
L'armoire était remplie à ras bord de robes, t-shirts, jupes, shorts en jeans, chemises, pulls, chaussures, sacs et autres accessoires.
- Tu as cambriolé les boutiques ? Se moqua-t-elle.
- Je n'ai pas eu besoin de cambrioler, puisqu'il n'y avait personne pour encaisser. Répliqua-t-elle, satisfaite.
Elle attrapa quelques habits au hasard et les passa en revue.
- Tu aimes ? Demanda-t-elle en lui présentant une robe couleur vert bouteille.
- Franchement ? Non.
- D'accord. Tu voudrais quelque chose de plus classique ?
- Tu as du noir ?
- Tu veux pas mettre de la couleur ? J'ai cette superbe robe en imprimés...
- Ariane...Soupira-t-elle en levant les yeux au ciel. Je vais déjà faire un effort incommensurable en portant une robe, alors ne m'en demande pas trop non plus !
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