Chapitre 25


- Asseyes-toi, Carmen. L'invita Nathaniel en lui proposant une chaise.

Docilement, elle obéit. Pendant ce temps, il alla chercher une bouteille de vin blanc dans le bar et vint s'assoir en face d'elle.

- Un verre ? Suggéra-t-il.

- Volontiers.

Carmen était beaucoup plus portée sur l'alcool fort comme le Gin. Mais elle se disait qu'elle ne pouvait pas refuser le verre qu'il lui remplissait généreusement. Nathaniel leva le sien dans sa direction, comme s'il voulait lui porter un toast.

- A notre nouvelle recrue. Déclara-t-il.

La jeune fille se crispa en l'entendant appeler de la sorte. Méfiante, elle reposa son verre, sans quitter son interlocuteur des yeux.

- Tu crains un empoisonnement ? Demanda-t-il, moqueur.

- Non. Répliqua-t-elle. Plutôt de la drogue.

Il éclata de rire et but une gorgée de vin.

- Quelle drôle d'idée ! S'exclama-t-il. Je n'ai pas besoin de drogue pour que tu rejoignes ma Famille.

- Vous êtes bien sûr de vous. Constata-t-elle. Mais pour vous, la partie n'est pas encore gagnée.

- Oh ! Tu supposes donc que tu saurais me résister ? C'est très courageux de ta part. Ou très téméraire ! Crois-moi, j'ai beaucoup d'expérience dans ce domaine.

- J'ai cru comprendre, oui. Répliqua-t-elle avec froideur.

Elle se permit de boire une gorgée de vin. Le liquide coula dans sa gorge, frais et fruité. Il n'était pas mauvais.

La porte s'ouvrit à nouveau, la faisant sursauter. Une femme entra dans la pièce, très élégante dans une robe noire et argent. Elle avait une quarantaine d'année, ses cheveux sombres parsemés de mèches grises étaient noués en un chignon sophistiqué. Elle avait un visage mince avec des yeux bruns et était de petite taille. Elle sourit d'un air contrit :

- Pardonnez mon retard. Dit-elle en guise de salutations.

Elle s'approcha de la table, détaillant Carmen avec curiosité, avant de s'assoir sur la dernière chaise de libre.

- Tu es pardonnée. Sourit Nathaniel. Permets-moi de te présenter Carmen, une jeune briseuse de code appartenant à la Famille du Sud. Carmen, voici Fiona, ma femme.

La jeune fille manqua de s'étrangler en buvant son vin. Elle toussa durant quelques secondes avant de reprendre son souffle.

- Votre femme ? Répéta-t-elle stupidement.

Elle les regarda à tour de rôle, stupéfaite. Depuis quand Nathaniel était-il marié ? Laurent ne lui avait jamais donné une telle information ! Était-il seulement au courant ?

- A part les membres de la Famille du Nord, personne n'est au courant. Expliqua Nathaniel, comme s'il avait lu dans ses pensées. Je n'ai pas envoyé de carton d'invitation à toutes les Familles !

- Je ne serais probablement pas venue. Railla Carmen sans pouvoir s'en empêcher.

Fiona éclata de rire :

- Quel cynisme ! S'exclama-t-elle, nullement choquée. Maintenant, je comprends pourquoi Sergueï prends particulièrement soin d'elle ! Ils ont le même humour.

- Le même humour et la même insolence. Soupira ce dernier.

Il secoua la tête en levant les yeux au ciel, agacé.

- Vous ne l'aimez pas. Constata Carmen.

Fiona la regarda d'un air surpris. Nathaniel, lui, haussa les épaules :

- Ce n'est pas vrai. Contesta-t-il. J'aime beaucoup Sergueï, comme chacun des membres de ma Famille. C'est un jeune homme droit et loyal, mais il veut sans cesse faire ses preuves, au risque de se mettre en danger. Je ne peux donc pas lui confier des tâches à trop hautes responsabilités, de peur qu'il fasse un excès de zèle.

Il poussa un soupir las mais il se reprit bien vite.

- Nous pouvons commencer à manger. Reprit-il.

- Bonne idée ! Je meurs de faim. S'exclama Fiona en dépliant sa serviette pour la déposer sur ses genoux.

Quelques secondes plus tard, plusieurs personnes entrèrent dans la pièce, les bras chargés de plateaux. Ils déposèrent sur la table des petits pains, de la charcuterie, du fromage, une soupière, des pâtes, des sauces et une corbeille de fruit.

Le repas se déroula dans le plus grand calme. Carmen, qui n'avait pas très faim, faisait semblant de picorer dans son assiette avec concentration. Mais en vérité, elle écoutait tout ce que Nathaniel et Fiona se disaient pour amasser un maximum d'informations.

La femme d'âge mûr lui demandait comment s'était déroulé sa journée et il lui répondait. De ce que Carmen pût découvrir, c'était que le Chef de Famille faisait des allers et retours entre son bureau et l'infirmerie. Le nom de Beniamino arriva dans la discussion et Carmen, en repensant au bel infirmier, sourit sous cape. Nathaniel semblait très satisfait du travail fourni par ce dernier.

- Est-ce que ça va mieux, d'ailleurs ? Demanda-t-il brusquement à Carmen, l'intégrant pour la première fois dans la discussion.

- Beaucoup mieux. Répondit-elle platement. Il m'a changé les pansements et donné des médicaments.

- Parfait. Tu es donc en bonne voie de rétablissement.

- Oui.

- Quand vas-tu le libérer ? Demanda Fiona avec prudence.

Elle avait pris soin de ne pas prononcer le nom de Renaud devant elle mais Carmen sut quand même de qui elle parlait.

- Sa mise à pied s'achève dans quatre jours. Répondit Nathaniel. D'ici là, j'espère que Carmen fera partie de la Famille du Nord pour qu'il y ait une cohabitation correcte entre les deux.

La jeune fille émit un sifflement sarcastique. Nathaniel lui fit un clin d'œil :

- Renaud n'osera pas te faire de mal si tu fais partie de la Famille du Nord.

- J'en doute. Répliqua-t-elle. Il a une dent contre moi depuis que je l'ai brûlé avec mon Taser.

Fiona éclata de rire une nouvelle fois.

Lorsque le repas s'acheva, Nathaniel reposa ses couverts, essuya ses lèvres avec sa serviette et planta son regard dans celui de Carmen.

- Et maintenant, passons aux choses sérieuses...

Carmen avala difficilement sa gorgée de vin. L'heure était venue, il allait lui laver le cerveau. Elle se redressa et prit une grande inspiration pour apaiser le rythme de son cœur. La bataille pouvait commencer. Elle était prête.

- Dis-moi, Carmen ; que sais-tu des Quatre Familles ?

Elle arqua un sourcil. Elle ne s'attendait pas à cette entrée en matière. Elle prit toutefois le temps de formuler sa réponse :

- Pas grand-chose. Dit-elle en haussant les épaules. Il y a la Famille du Sud, celle du Nord, celle de l'Est et celle de l'Ouest. Chacune est dirigée par un Chef de Famille et aucune d'entre Elles ne s'aime.

- C'est exact. Concéda Nathaniel. Mais sais-tu comment et pourquoi ont-Elles été créées ?

- Non. Avoua-t-elle. Si ce n'est qu'elles ont été créées après que tous les habitants de l'Ile ne soient partis, ne laissant que les Survivants.

Il la regarda un long moment, songeur.

- Comment va ce vieux lion d'Aël ? Demanda-t-il subitement. Il est toujours vivant ?

Elle ouvrit la bouche mais ne sut que répondre.

Pourquoi lui parlait-il d'Aël ? Avait-il son nom sur la liste des traîtres ? C'était impossible ! Elle ne pouvait pas le croire.

- Pourquoi cette question ? Demanda-t-elle, soupçonneuse.

- Si je te parle de lui, c'est parce qu'il a tout à voir avec notre conversation.

- Dans quel sens ?

Nathaniel se leva et fit lentement quelques pas dans la pièce :

- Laisse-moi te raconter une histoire, Carmen. La petite histoire de notre Ile et celle des Quatre Familles. Avant, nous étions très nombreux sur cette Ile. Les villages et la capitale étaient grands et beaux. Des touristes venaient du monde entier pour visiter les petites rues pittoresques et les paysages sauvages. Puis vint l'Année Noire. Et plus rien ne fut pareil.

- Je sais déjà tout ça. Répliqua-t-elle. Je suis née durant l'Année Noire.

- Une année horrible. Commenta Fiona en fermant les yeux, attristée.

- Il y avait de plus en plus de morts. Poursuivit Nathaniel, comme s'il n'avait pas été interrompu. C'était alarmant. Personne ne savait comment on pouvait soigner toutes ces personnes malades, les traitements étaient inefficaces. La population a plongé dans la guerre civile. Puis, les autorités ont décidé de quitter l'Ile et tous ceux qui étaient « sains » sont partis à bord d'un bateau et on ne les a plus jamais revus. Seuls ceux qui étaient malades, ceux qui ne voulaient pas se séparer de leurs biens ou de leurs familles, ceux qui étaient affaiblis ou encore les marginaux sont restés.

- Dont vous.

- Et toi aussi, Carmen, puisque tu es là.

Elle fit la moue. Elle détestait parler de son passé.

- Mais tu as raison. Continua Nathaniel. Nous sommes restés. Moi, Santana, Renzo...et Aël.

- Vous vous connaissiez ? S'étonna-t-elle en fronçant les sourcils.

- Il ne te l'a jamais dit ?

- Lui non plus n'aime pas parler de son passé.

- Ça ne m'étonne pas de lui. Soupira-t-il. Mais oui, nous étions amis. Il y a longtemps. Nous étions inséparables tous les quatre. Nous étions à peine plus âgés que toi lorsqu'il y a eu l'Année Noire. Nous ne voulions pas partir. Il n'y avait rien qui nous attendait de l'autre côté de l'océan. Nous voulions survivre, rebâtir la société. Nous étions jeunes...et téméraires.

- C'est vous qui aviez fondés les Quatre Familles ? Il me semble que le nom de Renzo me dit quelque chose...

- Evidemment, c'est le Chef de la Famille de l'Ouest. Mais au départ, nous en formions qu'une seule et grande Famille. On accueillait tous ceux qui voulaient se joindre à nous et on laissait tranquille ceux qui ne voulaient pas nous rejoindre. Si au départ, cette question de survie posait problème, par la suite, elle devint une source de déchirement entre nous.

- De quoi parlez-vous ? Demanda Carmen, qui se sentait mal à l'aise tout à coup.

- Je te parle de la création des Quatre Familles.

Il cessa de faire les cent pas dans la pièce et se tourna vers elle, l'air soudain grave.

- Et du meurtre de Santana par la main d'Aël. 

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