Chapitre 24
Ce fut la porte qui s'ouvrait qui la réveilla. Après avoir passé plus d'une semaine dans une cellule inamicale, ses sens instinctifs l'alertaient au moindre bruit. Elle se redressa en tirant les couvertures sur elle.
Elle avait d'excellents réflexes.
Sergueï entra dans la chambre au même moment et lorsque son regard se posa sur elle, il marqua un temps d'arrêt, surpris.
- Excuse-moi...Balbutia-t-il avant de lui tourner le dos brusquement, par pudeur.
Carmen se sentit stupidement rougir.
- Je suis venu te chercher, Nathaniel t'attends pour le dîner. Poursuivit-il d'un ton qui se voulait neutre.
- Ah...D'accord, très bien. Répondit-elle en s'efforçant d'adopter le même ton anodin que le jeune homme.
Un ange passa.
- Euh...Tu pourrais me passer le linge ? Demanda-t-elle. Sans regarder ! Ajouta-t-elle précipitamment.
Elle vit les épaules de Sergueï se raidirent.
- Oui...Bien sûr.
Tout en faisant attention à ne pas regarder de son côté, il se glissa jusqu'au fauteuil et prit le linge qu'elle avait déposé sur le dossier quelques heures auparavant. Il le lui tendit lorsqu'il fut suffisamment proche du lit. Carmen s'en saisit et attendit que Sergueï retourne à sa place avant de rejeter les couvertures et nouer le linge autour de son corps.
- C'est bon ? Demanda-t-il.
- Tu peux attendre que je prenne mes vêtements et que je m'enferme dans la salle de bain avant d'ouvrir les yeux ?
- Bien sûr.
Elle sortit du lit, empoigna les vêtements propres qu'elle avait sortis de la commode. Elle passa à côté de lui et elle le sentit se raidir d'avantage. Mais il continuait de fixer un point invisible au plafond et Carmen s'enferma dans la salle de bain en tournant le loquet.
- C'est bon ! Cria-t-elle à travers la porte close.
Elle l'entendit soupirer :
- Quand même ! C'est fou comme tu peux être prude !
Elle répliqua, vexée :
- Si toutes les filles de la Famille du Nord ont l'habitude de se déshabiller devant toi, tant mieux pour elles ! Mais ne compte pas sur moi pour les imiter !
Un éclat de rire lui répondit :
- Aucune fille ne se déshabille devant moi. Je dis juste ça parce que tu n'as pas l'air à l'aise avec les hommes.
- Parce que pour toi, une fille à l'aise avec un homme doit être nue ? Quelle curieuse conception ! Railla-t-elle en tentant d'enfiler l'une de ses chaussettes.
- Tu interprète mal mes paroles. Beniamino m'a raconté sa consultation dans ta cellule.
En équilibre précaire sur un pied, Carmen manqua de se casser la figure en entendant ses mots.
- Et qu'est-ce que sa Majesté Beniamino a dit sur moi ? Siffla-t-elle furieusement.
Même si elle ne pouvait pas le voir à travers la porte, elle sut qu'il souriait d'un air moqueur.
- Il a dit que ce n'était pas évident te t'ausculter, surtout au niveau des côtes.
Elle sentit ses joues s'embraser.
- Il a mentit. Maugréa-t-elle avec fierté.
- Vu comme tu réagis pour un simple linge, je suis plutôt tenté de le croire.
- T'es con.
- Je rêve où tu viens de me faire un compliment ? Ricana-t-il.
- Des comme ça, je peux t'en sortir des milliers.
- J'ai hâte de les entendre.
- Une autre fois, tu veux ? Grogna-t-elle.
- Est-ce une promesse ?
Carmen leva les yeux au ciel, exaspérée. En même temps, elle ne pouvait pas s'empêcher de sourire. Sergueï avait le don de la mettre en confiance. Peut-être était-ce parce qu'il s'était toujours montré gentil avec elle ? Il avait aussi beaucoup d'humour, un humour qui lui plaisait ; cynique, mordant, hilarant. Leurs personnalités, du moins le peu qu'elle connaissait de lui, étaient assez semblables.
Un petit pincement la prit au cœur. Avec Aydan aussi, elle avait eu cette sorte de lien. Mais ce lien n'existait plus, il avait été détruit. Aydan était partit dans les bras de cette peste d'Eileen et Carmen n'avait plus de coéquipier pour ses missions. L'amertume et la culpabilité l'obligèrent à s'appuyer contre le mur pour remettre ses idées en place. Elle avait une mission à remplir.
Elle ne devait pas faiblir. Pas maintenant.
Jamais.
Lorsqu'elle fut complètement habillée, lavée le visage, remit un pansement propre à la tête et s'était rattaché ses cheveux sur sa nuque, elle sortit de la salle de bain. Sergueï l'attendait patiemment, appuyé contre la porte de la chambre. Il n'avait pas pris ses aises en s'asseyant dans le fauteuil ou sur le lit.
- Tu es prête ? Demanda-t-il.
- On peut y aller. Confirma-t-elle.
L'heure était venue de manger avec Nathaniel et avec elle, le stress revint.
Sergueï sortit de la chambre, Carmen sur les talons. Ils passèrent sans un mot devant l'homme qui gardait la porte et qui semblait s'ennuyer. Ils descendirent jusqu'au rez-de-chaussée et sortirent du bâtiment. Le soleil venait à peine de se coucher mais la chaleur étouffante de la journée était toujours présente. Ils empruntèrent plusieurs ruelles, marchant côte à côte, sans échanger le moindre mot. Plus ils se rapprochaient de leur destination, plus Carmen était nerveuse. Elle allait devoir se montrer excellente comédienne si elle voulait avoir la chance de berner le Chef de la Famille du Nord. A moins que ce ne soit lui qui se montre si convaincant qu'elle trahirait la famille du Sud sans regret. Mais ça, elle ne pouvait se le permettre.
Sergueï l'emmena soudain dans une grande maison qui formait un angle avec une autre rue, ouvrit la porte et ils entrèrent. Le hall était petit et mal éclairé. Lorsqu'il s'arrêta, Carmen lui rentra dedans.
Elle poussa un juron :
- Pourquoi tu t'arrêtes ?
- Parce que je dois attendre qu'on m'autorise à entrer. Répliqua-t-il sans s'excuser.
Elle regarda au-devant et aperçut qu'il y avait effectivement une porte au fond du hall d'entrée, à côté d'un escalier en bois qui se découpait dans la pénombre.
- Il faudrait toquer. Suggéra-t-elle.
Dans le noir, elle le vit lui lancer un coup d'œil par-dessus son épaule.
- Avec ta discrétion, c'est inutile.
Carmen ravala la réplique cinglante qu'elle s'apprêtait à lui balancer à la tête car la porte s'ouvrit sur un homme d'une taille imposante.
Nathaniel leur fit un sourire de bienvenue :
- Carmen ! Sergueï ! Je vous en prie, entrez. Dit-il en s'effaçant pour leur laisser la place de passer.
Sergueï lui fit un bref sourire mais Carmen baissa la tête lorsqu'elle passa devant lui.
La pièce dans laquelle elle entra avait des proportions harmonieuses, assez hautes de plafond et suffisamment grande pour qu'ils puissent se mouvoir entre la bibliothèque, un petit bar à cocktails et la table ronde qui avait été dressée pour trois convives. Carmen contempla cette table recouverte d'une nappe d'un blanc de lys, avec ses verres à vin en cristal et plusieurs couverts, comme dans les grands restaurants gastronomiques d'autrefois.
Elle se tourna vers Sergueï et darda sur lui un regard chargé de reproches :
- Tu manges avec nous ?
Durant le repas, Nathaniel allait sûrement tenter de la manipuler pour qu'elle rejoigne la Famille du Nord. Pourtant, le jeune homme lui avait dit qu'il ne connaissait pas les méthodes de persuasion de son Chef de Famille. Le sentiment d'avoir été trahie une fois de plus luis erra le ventre et la mettait en colère.
Mais Sergueï hocha négativement la tête :
- Non, ce n'est pas moi qui vais manger avec vous. Je n'en ai pas l'autorisation.
En disant cela, il jeta un regard à Nathaniel. Carmen tiqua, surprise. Était-ce un reproche qu'elle lisait dans ses yeux et dans sa voix ?
- Qui va nous rejoindre, alors ? Demanda-t-elle.
- Quelqu'un qui est en retard, comme d'habitude. Répondit Nathaniel en consultant sa montre.
Carmen se sentit un peu soulagée. Sergueï ne lui avait pas menti. L'avait-il seulement déjà fait ? Au fond d'elle-même, elle sentait qu'elle pouvait lui faire confiance. Même la perspective de manger avec quelqu'un d'autre que lui n'entacha pas cette sensation.
Sergueï se tourna à nouveau vers Nathaniel :
- Je viendrai la chercher tout à l'heure.
- Inutile. Répliqua-t-il avec un geste de main impatient. J'appellerai quelqu'un d'autre. Va te reposer.
- J'insiste, Nathaniel.
Les deux hommes se toisèrent un long moment. Carmen les regardait tour à tour, légèrement mal à l'aise et fascinée. Elle n'arrivait pas croire que le jeune homme se permettait de contester les ordres de son Chef de Famille ! Si elle avait eu la même attitude envers Laurent, ce dernier l'aurait enfermé dans un cachot pour lui apprendre l'obéissance. Ou il lui aurait envoyé Samael et Adonis, les deux psychopathes.
Elle commençait à se poser de sérieuses questions quant au rôle que Sergueï tenait au sein de sa propre Famille.
Mais il n'était certainement pas un simple exécutant...
Nathaniel finit par rendre les armes, las.
- Tu fais ce que tu veux, après tout. Marmonna-t-il en haussant les épaules.
- Merci, Nathaniel.
Le jeune homme s'inclina légèrement devant lui en signe de respect, fit un sourire encourageant à Carmen en passant devant elle et referma la porte derrière lui en quittant la pièce.
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