Chapitre 20
En fait, les jours qui suivirent n'étaient pas pénibles. Ils étaient infernaux.
Ses côtes avaient de la peine à guérir et étaient si douloureuses à certains moments qu'elle avait l'impression que quelqu'un s'appuyait de tout son poids sur sa cage thoracique. Elle était prise de nausée et de maux de tête perpétuels, ce qui n'améliorait pas son état. Elle essayait de ne pas bouger et de se reposer mais son corps meurtri la rappelait à l'ordre continuellement. Une fois, elle fut même prise de vertiges et s'était écroulée dans sa cellule, se cognant violemment la tête contre le sol. Et comme un malheur ne vient jamais seul, sa plaie à la tempe s'était rouverte et le sang avait longtemps coulé avant qu'elle ne parvienne à l'arrêter avec un morceau de tissu.
Quand Sergueï venait la voir, elle faisait semblant d'aller bien pour ne pas lui montrer qu'elle souffrait. Même s'il s'était toujours montré amical envers elle, Carmen ne pouvait pas lui faire confiance. Et s'il allait rapporter son état de faiblesse à Nathaniel ? Ce dernier en profiterait aussitôt pour tenter de la manipuler pour qu'elle rejoigne la Famille du Nord. Mais elle ne savait pas vraiment si elle était convaincante car à chaque fois, il la regardait d'un air soupçonneux.
Pour tenir le coup, Carmen se plongeait dans une sorte de léthargie qui lui permettait de se déconnecter de sa triste réalité. Elle parvenait à couper son esprit du reste de son corps et s'échappait dans des pensées réconfortantes. Durant ces moments d'égarement, elle songeait souvent au petit Lorik, qu'elle considérait comme son petit frère, à Laurent qui l'avait choisi pour cette mission, lui accordant ainsi toute sa confiance, elle pensait aussi à Aydan, même si cette pensée était aussi douloureuse que ses côtes. Il lui manquait. Leur relation lui manquait, ses sourires lui manquaient, ses regards posés sur elle lui manquait. La culpabilité de l'avoir rejeté après l'avoir vu dans les bras d'Eileen lui piqua le cœur. Elle aurait peut-être dû lui avouer ce qu'elle ressentait pour lui il y a longtemps. Ça aurait peut-être évité tous ces problèmes...
Perdue dans cette semi-conscience, Carmen n'entendit pas tout de suite la clé tourner dans la serrure de la porte en métal. Elle revint brutalement à la réalité et se colla le plus possible contre l'angle du mur, soudain paniquée.
Ce n'était pas Sergueï qui revenait la voir, il était déjà passé pour lui donner à manger et n'avait aucune raison de revenir. Et si c'était Nathaniel ? Qu'il avait décidé de venir la chercher pour lui laver le cerveau et l'inciter à faire partie de la Famille du Nord ? Pire encore : et si c'était Renaud ? Elle n'avait pas envie de se retrouver en face de cet homme rancunier et psychopathe alors qu'elle commençait à se rétablir !
La porte s'ouvrit et elle retint son souffle.
Un inconnu entra dans la pièce et son regard se posa aussitôt sur elle. Carmen ouvrit des yeux ronds ; S'il y avait dans le dictionnaire une illustration pour le mot "parfait", l'homme correspondait en tous points à cet adjectif. Il était très grand, avec des épaules larges et il portait un t-shirt noir qui moulait sa musculature impressionnante. Il avait des cheveux noirs et bouclés, de grands yeux bruns et une barbe bien taillée.
Carmen ressentit un curieux fourmillement au creux de son ventre et se détendit aussitôt face au sourire bienveillant qu'il lui adressait.
- Alors ? Comment se porte notre petite écorchée ? Demanda-t-il.
Elle tressaillit. Sa voix était grave et rassurante, très agréable à entendre.
- Bien. Déglutit-elle.
C'était tout ce qu'elle parvenait à prononcer sans que sa voix ne tremble.
Le jeune homme s'approcha d'elle et s'assit sur le matelas, non loin d'elle, sans cesser de la regarder. Cela devenait gênant. Carmen se gifla mentalement tandis qu'elle se sentait rougir.
- T'es qui ? Demanda-t-elle pour dissiper cet instant de malaise et rompre le silence qui s'était installé.
- Je m'appelle Beniamino. Se présenta-t-il. Ben pour les amis.
Carmen retrouva son cynisme habituel et sourit moqueusement :
- Et donc ? Je dois t'appeler Beniamino ou Ben ?
Son sourire s'accentua :
- Navré, mais je ne crois pas te considérer comme une amie.
- Tu me brise le cœur. Railla-t-elle.
- Tu n'es pas mon amie pour le moment. Corrigea-t-il toutefois, avec un sourire qui se voulait charmeur.
- Ça sous-entend que je pourrai bientôt t'appeler par ton petit nom ?
- Qui sait ?
Elle détourna la tête pour masquer le sourire niais qui venait de se dessiner sur ses lèvres. Elle s'administra une deuxième gifle mentale. Qu'est-ce qui lui arrivait ? Depuis quand se comportait-elle comme une gamine de douze face à un homme qui lui plaisait ? Si elle ne se reprenait pas, elle allait se mettre à glousser comme cette peste d'Eileen !
- Qu'est-ce que tu me veux ? Demanda-t-elle en s'efforçant de garder un ton neutre.
Le jeune homme reprit son sérieux :
- Je suis l'un des infirmiers de la Famille du Nord. C'est moi qui t'ai soigné après...ton accrochage avec Renaud.
Il fallut quelques secondes pour que Carmen assimile cette information. Savoir que c'était un aussi bel homme qui l'avait soigné était une idée aussi plaisante que choquante. Elle avait eu plusieurs côtes cassées, donc pour la soigner, il avait dû retirer ses vêtements. Elle dû faire un gros effort de concentration pour chasser des images de cet homme lui enlevant son t-shirt pour revenir à leur conversation.
- Sergueï s'est beaucoup inquiété de ton état. Poursuivit-il sans relever son trouble. Il m'a demandé si je pouvais t'ausculter parce qu'il te trouve de plus en plus affaiblie.
Carmen haussa les sourcils, étonnée. C'était Sergueï qui lui avait envoyé l'infirmier ? Et ce dernier avait obéit ?
- Je ne suis pas faible. Répliqua-t-elle, vexée.
Qu'on fasse attention à elle, c'était plutôt flatteur. Mais la couver, c'était particulièrement agaçant !
- Tu permets ? Demanda-t-il.
Sans attendre de réponse, il leva les mains vers elle et attrapa délicatement son visage. Elle tressaillit légèrement mais soutint son regard. Il semblait absorbé par le pansement qu'elle avait à la tête.
- La blessure s'est rouverte.
- Ah ? Fit-elle innocemment.
- Ton bandage est couvert de sang séché. Répliqua-t-il.
Il n'était pas facile à duper.
- Je vais le changer et désinfecter ta plaie.
Avec des mains expertes, il dénoua avec précaution le bandage. Son visage était inexpressif. Carmen se sentit tout de suite plus inquiète.
- Alors ? Fit-elle d'une voix hésitante.
- Tu as un trou dans la tête.
- Pardon ? Balbutia-t-elle, paniquée.
- Non, je plaisante. Ta plaie s'est effectivement rouverte, contrairement à ce que tu as voulu me faire croire. Mais elle ne s'est pas infectée, ce qui est pas mal.
- C'est malin ! Grogna-t-elle. Elle est comment ?
- Tu veux que je te la décrive ?
- Au cas où t'as pas remarqué, il n'y a pas de miroir dans cette pièce qui me permette de voir dans quel état je suis.
- Tu as une sale tête.
- Tu m'étonne, je ne me suis pas lavée depuis au moins une semaine !
C'était assez frustrant d'avoir la visite d'un aussi bel homme et d'être dans un état aussi lamentable ! Elle devait être pâle comme la mort, sale, ses cheveux étaient gras et emmêlés.
Qu'est-ce qu'elle n'aurait pas donné pour une douche !
Beniamino poursuivit sa consultation d'un ton plus sérieux :
- Elle n'est pas très grande mais assez profonde. Je vais quand même la désinfecter et te donner des médicaments.
- Des médicaments ? Pourquoi ?
- Pour éviter les vertiges et que tu te refasses un trou dans la tête en tombant.
Il sortit de son sac un flacon de désinfectant et un bandage propre. Il nettoya doucement la blessure de Carmen. Le liquide lui piquait la peau, la faisant grimacer. Puis, il lui refit le bandage et lui tendit un comprimé avec une bouteille d'eau. Carmen prit le médicament sans protester.
Une fois qu'elle l'eu avalé, Beniamino poursuivit :
- Maintenant, je vais ausculter tes côtes.
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