Chapitre 14
L'explosion lui déchira les tympans. L'onde de choc la projeta brutalement contre le mur au fond du couloir, lui coupant le souffle. Une boule de feu avait surgit du boitier et les flammes avaient déjà commencées à ravager le plancher, les murs et le plafond en bois.
Complètement sonnée, Carmen se redressa péniblement en s'appuyant contre le mur. Ses oreilles sifflaient horriblement. Une douleur vive élançait son poignet. Sous le choc de l'impact, elle se l'était probablement foulé. Elle sentait un filet de sang couler sur sa tempe. Elle tituba jusqu'aux escaliers. Une épaisse fumée âcre s'élevait de la pièce, lui brûlant les poumons. Elle toussa. Il lui fallait de l'air.
Elle manqua de tomber à plusieurs reprises dans les escaliers. La fumée épaisse lui piquait les yeux. Elle parvint à sortir de la maison et prit une grande inspiration. L'air s'engouffra dans ses poumons et sa vue redevint peu à peu nette. Son cerveau se remit à fonctionner et elle regarda autour d'elle. Eileen était toujours introuvable et les flammes étaient en train de ronger les murs et le toit de la maison. Le bruit de l'explosion avait sûrement alerté les autres équipes et leurs ennemis, dans l'hypothèse où ces derniers étaient bel et bien présents dans le coin.
Soudain, une nouvelle détonation, plus aigüe, retentit dans la nuit. Carmen leva les yeux vers le ciel et distingua une fusée lacrymogène exploser en plein vol, traçant un sillage écarlate dans le noir. Elle tordit le cou pour vérifier le point de départ de la fusée. Elle savait exactement qui devait fouiller quel endroit et elle voulait savoir quelle équipe était la plus proche de sa position.
L'Ennui, c'était que personne, dans leur équipe, ne fouillait l'endroit d'où s'était envolée la fusée.
Cela ne pouvait signifier qu'une seule chose : il y avait bien des ennemis dans les parages.
Brusquement, des détonations retentirent dans les alentours. Les deux camps avaient été avertis de la présence de l'autre à cause de la bombe et les hostilités avaient commencées. Il y eu des coups de feu qui retentissaient dans la nuit et qui se répercutaient sur les vieilles pierres des maisons.
Faire exploser une bombe dans l'espoir que la Famille du Nord lui tombe dessus et l'a capture n'était pas du tout ce que Carmen avait prévu, pas plus que tout le monde ne se mette à tirer sur le camp adverse. Toutefois, c'était l'occasion qu'elle avait attendu depuis le début de cette mission.
Carmen se mit à courir, non pas vers le territoire de la Famille du Sud, mais vers celle de la Famille du Nord. Elle avait un plan bien précis en tête et elle savait exactement ce qu'elle devait faire.
Elle arriva au bout de la ruelle qui se séparait en plusieurs routes. Si elle poursuivait son chemin tout droit, elle franchirait la ligne invisible de la frontière, entrant dans le territoire de la Famille ennemie. Mais elle n'eut pas besoin de le faire : au même moment, deux hommes apparurent. Ils la repérèrent aussi rapidement qu'elle les avait vu et chargèrent leurs armes. Carmen sentit son sang se glacer dans ses veines. Ils allaient l'abattre. Or, elle ne pouvait pas mourir. Son plan était de se faire capturer...
Elle bifurqua aussitôt à droite, en direction de la place de la fontaine, là où elle avait le plus de chance de retrouver les membres de son équipe. Elle ne pouvait plus penser à sa mission. Sa priorité était de sauver sa peau.
Malheureusement pour elle, un autre homme de la famille du Nord courait dans cette même rue, droit sur elle. Carmen réfléchit en une fraction de seconde aux deux choix qui s'offraient à elle : soit elle revenait sur ses pas au risque de se retrouver prise au piège, soit elle bifurquait sur la gauche et s'éloignait des combats et de ses compagnons. Elle choisit aussitôt la deuxième option et se mit à courir, le plus vite possible. Elle ne devait pas se faire tuer et elle ne devait pas se rendre. Elle ne devait pas leur faciliter la tâche.
Peu à peu, les coups de feu et les cris s'affaiblirent et disparurent. Elle était en train de s'isoler, avec trois hommes de la Famille du Nord à ses trousses. Elle était devenue une proie facile pour eux.
Du moins, c'est ce qu'elle voulait leur faire croire.
Elle bifurqua dans une autre ruelle sans ralentir ou regarder derrière elle. Mais ses sens lui indiquaient que les trois hommes étaient toujours sur ses talons et qu'ils gagnaient du terrain.
Carmen n'avait pas de pistolet sur elle. Son seul moyen de défense était le Taser qui était toujours accroché à sa ceinture. Sans s'arrêter, elle le décrocha et l'alluma. Il mit quelques instants pour se charger, crépitant légèrement. Au même moment, elle sentit un mouvement d'air derrière elle. L'un des hommes avait pris suffisamment d'avance pour qu'il parvienne à l'attraper en tendant le bras.
D'un mouvement brusque et souple, la jeune fille se retourna et lui planta le Taser dans le cou. L'homme n'eut pas le temps d'esquiver l'attaque. Il poussa un hurlement de douleur et tomba, les membres parcourus de tremblements. Carmen ne s'attarda pas ; les deux autres étaient à moins d'une vingtaine de mètres d'elle. Elle poursuivit sa course en se félicitant mentalement d'avoir pensé au Taser.
Ça, c'était la bonne idée de la soirée.
L'ennui, c'était que la mauvaise idée de la soirée suivi juste après.
Elle tourna à l'angle d'une maison. Elle n'aurait pas dû. Elle constata, trop tard, qu'à cet endroit, il n'y avait plus de sol. L'an passé, une violente tempête avait frappé l'Ile et avait fait gonfler le niveau de l'eau dans les canalisations. N'étant plus entretenues depuis des années et en supportant plus la pression, les tuyaux avaient explosés. Le sol s'était affaissé, ne laissant plus qu'une tranchée d'un mètre de profondeur.
Sans pouvoir freiner sa course, elle plongea dans le fossé. Elle eut juste le réflexe de lever les mains pour se protéger le visage avant de heurter violemment le fond du fossé. Le choc fut brutal : elle se cogna la tête contre une canalisation, ses côtes atterrirent brutalement contre des pierres et son poignet déjà meurtri émit un craquement inquiétant.
Complètement sonnée, elle ne parvint pas à crier. Seuls des gémissements de douleurs franchirent ses lèvres. Tous ses muscles l'élançaient et elle avait l'impression qu'elle s'était brisé tous les os. Ce qui n'était pas tout à fait exact, mais il n'en demeurait pas moins qu'elle souffrait le martyr.
Sa vision était floue mais elle distingua des ombres bouger au-dessus d'elle, la surplombant de toute leur hauteur. Encore sous le choc, elle songea avec soulagement que c'était les membres de son équipe qui l'avait retrouvé et qui allait la sortir de là. Elle serait même très contente s'il s'agissait de Kylian !
Mais ce n'était pas le cas. L'une des silhouettes sauta avec souplesse dans le trou et se pencha au-dessus d'elle. Sa voix résonna dans le silence :
- Elle est encore vivante. Déclara-t-elle.
L'homme avait une voix feutrée qui lui rappelait curieusement quelque chose.
- Elle ne le sera pas très longtemps. Gronda l'un des autres hommes.
- Du calme, Renaud. Incita une troisième voix.
- Que je me calme ? Répéta-t-il, furieux. Cette fille m'a planté un Taser dans la gorge ! Elle m'a brûlé au deuxième degré, cette garce !
- Nathaniel voudra sûrement l'avoir en vie pour lui poser quelques questions. Poursuivit l'autre comme s'il ne l'avait pas écouté.
Le dénommé Renaud poussa une exclamation méprisante :
- Et quelles sont les informations que cette pétasse pourrait nous fournir, hein ? Qu'elle nous a attaqués ? Ça, nous le savions déjà.
- Elle pourrait nous révéler bien d'autres choses. Le coupa l'homme à la voix feutrée. On l'emmène avec nous. Tu passeras ta colère sur elle plus tard.
Ces mots finirent par convaincre les deux autres car personne n'émit la moindre objection.
La silhouette qui s'était penchée au-dessus de Carmen s'accroupit et sortit de sa poche une corde avec laquelle il lui attacha les poignets. Il n'avait pas mis beaucoup de force dans son geste mais la jeune fille hurla de douleur lorsque son poignet cassé fut ainsi attaché. L'homme ne s'excusa pas. Pourquoi l'aurait-il fait, d'ailleurs ? Il lui saisit les épaules et la força à se remettre sur pied. Il l'entraîna derrière lui et ils sortirent de la tranchée.
Elle tenait à peine sur ses jambes. Son poignet la faisait souffrir et elle avait des vertiges et sa vue était toujours trouble. Elle s'efforça de faire quelques pas pour suivre la cadence des trois hommes mais ses jambes se dérobèrent sous son poids et elle s'écroula sur le sol.
- T'es sûr qu'on doit s'encombrer de ce déchet ? Dit la voix moqueuse du dénommé Renaud. On peut encore s'en débarrasser.
- La ferme. Soupira l'homme à la voix feutrée.
- Elle n'est même pas foutue de faire un pas devant l'autre !
"Crétin" l'insulta Carmen intérieurement. Elle n'avait de toute façon plus la force de dire quoi que ce soit ni de bouger le moindre de ses muscles.
L'homme à la voix feutrée tenta de la relever de force une nouvelle fois mais elle fut incapable de tenir sur ses jambes. Du coin de l'œil, elle vit Renaud pousser une exclamation frustrée et s'avancer vers elle à grands pas. Lorsqu'il fut à moins d'un mètre d'elle, il s'arrêta et cracha :
- Ça, c'est pour le coup de Taser.
Carmen ne put rien faire pour esquiver le coup de poing qu'il lui envoya. Sa tête explosa sous la violence du coup et elle sombra dans l'inconscience.
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