Finalement, ils avaient raison au sujet de Cassandra. Elle a, en effet, un rôle plutôt important, voire crucial. On ne peut pas ignorer sa présence lors de la tentative de meurtre de la Reine élaborée par la nouvelle maîtresse du Roi. Je n'ai pas pu décrocher les yeux de mon écran pendant la nuit entière. J'ai donc regardé les deux saisons à la suite sans interruption. L'histoire et l'ambiance m'ont totalement captivé. J'ai tellement hâte découvrir mes tenues dans un de ces épisodes.

     17 jours. 17 jours que j'attends la diffusion du tant attendu épisode. J'avais commencé à organiser cette soirée dès que j'ai reçu le message de la production m'annonçant la date précise de sa diffusion. Les invitations ont été envoyés dès le lendemain matin. J'ai dû en faire partir une bonne vingtaine, bon d'accord, bien plus. Cependant, seulement quelques personnes ont répondu présent à savoir, Jeanne, Léa, Lucas, Isabelle et Eric. A vrai dire, je crois qu'une bonne partie pense que j'ai inventé tout ça. Pourquoi aurais-je menti ? J'ai bien épaulé le département des costumes pour une des séries les plus en vogue du moment. Je ne suis cependant pas vexée de la méfiance de mes amis et collègues car j'ai encore du mal à y croire moi-même. Pourtant, ça y est nous y sommes. 

Dans quelques instants mon nom va apparaitre à l'écran de plusieurs milliers de téléspectateurs. Je suis toute excitée. Depuis ce matin, je ne cesse de partager sur mon Facebook des publications au sujet de la série et sur mon Instagram de poster des photos de la journée de tournage passée. J'espère que tout mes followers vont être eux aussi devant l'écran et auront subitement l'envie de dévaliser mon stock. J'ai bien sûr prévu le coup depuis deux semaines. J'ai passé deux week-ends entiers à chercher un nombre considérable de marchandises; réalisé les photos en avance toujours avec l'aide de Jeanne, Léa et Lucas; et rédigé les annonces au préalable. J'ai même ajouté dans ma biographie Instagram « Costumière télévision ». Ça en jette, n'est-ce pas ? J'ai même gagné plusieurs followers et clients grâce à cette mention. Je l'ai ajouté aussi sur mes nouvelles cartes de visites reçues fraîchement ce matin. J'en ai glissé déjà plusieurs dans mon porte feuille et distribué un bon nombre au travail. Je ne suis pas sûre que cela les intéresse mais on ne sait jamais.

Je me suis achetée une tenue digne des plus grands galas. Une magnifique robe noire au décolleté vertigineux en tulle et dentelles. C'est un achat que je compte rentabiliser avec tout les tapis rouges que je vais sûrement faire. Les producteurs de série vont se battre pour que je leur fournisse des costumes. Afin de répondre à la demande, je devrais refuser les propositions des moins célèbres et je devrais embaucher des assistants. Ah mais ça serait tellement classe. Je ferme les yeux quelques instants et me plonge dans ma rêverie.

—      Allo ? Speilberg au téléphone. Je cherche à joindre la fabuleuse Carla de « Carla a le Smile » pour mon nouveau film à gros budget. Il me faut absolument ses talents sans quoi mon film sera un bide total.

—     Bonjour, assistante de Carla. Je vais consulter son planning car elle est très prisée vous savez.

Je me sens déjà excitée pour cette collaboration. Bon d'accord cela ne sera surement pas Spielbreg en personne qui appellera mais plutôt son assistant. La finalité est la même néanmoins.

—     Carla, Allo ?

Je sursaute et tourne la tête.

—     Oui monsieur Spielberg ? dis-je encore perdue dans ma rêverie.

—     Quoi ? éclate de rire Lucas.

Je retourne soudainement à la réalité et affiche un sourire gênée à ce dernier.

—     Je disais que l'épisode va bientôt commencer. Tu devrais t'assoir avec nous, continue-t-il.

—     Oui tu as raison j'arrive dans quelques minutes.

Je me retouche les cheveux et arrange ma robe avant de retourner dans le cuisine finir de m'occuper des petits fours surgelés. Je n'ai pas eu le temps de les préparer moi-même à cause du travail. A la sortie de ma journée, j'avais eu le choix entre me préparer ou les préparer. Le choix a été vite fait. Heureusement que le supermarché dans lequel je bosse a un super rayon de surgelés. Bon après réflexion, j'aurais été incapable de les faire moi-même.

Je passe la tête par dessus la porte quand j'entends la bande annonce de la série qui tourne pour la troisième fois. Il ne reste désormais plus que quelques minutes avant le moment fatidique, je frissonne de plaisir. J'ai l'impression de vivre l'accomplissement d'une vie. Je peux déjà imaginer mon nom en lettre capitale sur l'écran.

Soudain, mon sourire s'évanouie. Je rêve ou Isabella vient de poser sa main sur la jambe de Lucas. Je m'avance dans le cadre la porte afin d'avoir une meilleure vision. Mais non, je rêve pas du tout. Elle rigole même avec lui. Dis donc, ça à l'air hilarant ce que raconte Lucas pour qu'elle se torde comme ça. Je sais très bien ce qu'elle fait. C'est ma technique ! Quand un garçon me plaît, je fais semblant qu'il est le garçon le plus drôle que je n'ai jamais rencontré. En général, ça flatte son égo et il tombe raide dingue. Je me mords la lèvre nerveusement. Pourquoi je l'ai invité elle déjà ? Ah oui c'est une amie de Léa que j'avais rencontré à l'occasion de son anniversaire. Elle était sympa pourtant. Isabella passe une mèche dernière ses oreilles. Oh non encore une chose que je fais quand je suis avec un homme qui me plait. Je commence à bouillir. Qu'a-t-elle de plus que moi ? Elle est pas si jolie avec son carré blond, son visage angélique et ses yeux verts. En plus, elle est pas si bien foutue. En fait si, elle a tout pour elle et cela me fait rager encore plus.

Le four sonne pour m'indiquer la fin de la cuisson. Je cours les chercher en me repassant la scène dans la tête. « Oh mais tu es si drôle Lucas ! » J'imagine avec sa voix toute aigue ridicule. Je la vois rire encore et encore. On dirait une hyène. Bon une jolie, même magnifique, hyène. Je pose violent le plat sorti du four sur le plan de travail en faisant tomber au passage les bols à proximité. Je jette à travers la pièce les gants de protection, ramasse rapidement les petits fours avant de les emmener sur la table du salon.

Isabella et Lucas sont assis sur le canapé quant à Eric, Léa et Jeanne sur des chaises. Je fais mine de ne pas voir la chaise libre à côté de jeanne et décide me m'assoir entre Isabella et Lucas tout en faisant un grand sourire. Après tout c'est mon moment. Cette blondasse ne va pas me le gâcher en me prenant mon mec. Je me raidie. J'ai vraiment dit mon mec ? Non je voulais dire mon copain. Enfin, mon copain dans le sens mon ami. Oui, Lucas mon ami. Carla tu t'embrouilles.

—     ça commence ! annonce Jeanne toute excitée.

J'oublie tout subitement. Mes yeux sont rivés sur l'écran. Les premières notes du générique flottent dans l'air et mon coeur s'emballe. Les différents noms s'enchaînent sur un fond d'image de fleurs dans les jardins royaux. J'espère que le mien va apparaitre sur des roses ou non mieux des pivoines. Soudainement mon sang ne fait qu'un tour, l'écran indique « Costumiers ». Mais on ne voit que le nom de Mona Franceschi. Et moi alors !? C'est moi qui ait déniché les tenues de cet épisode et pas Mona. D'ailleurs, elle n'a absolument rien fait à part m'avoir envoyé un message. Ma colère resurgit.

L'écran change de plan avant de montrer un magnifique parterre de tulipes. Et là, mon nom apparait. « Avec la collaboration de Carla Longaret ». Ma mâchoire semble se détacher. Enfin, mon nom est en gros sur l'écran. J'entends au loin mes amis applaudir et me féliciter. Les yeux me piquent. J'ai envie de pleurer. J'ai envie de pleurer de joie et aussi de soulagement. Tout mes efforts, pas seulement ceux qui m'ont permis d'être citée dans le générique de cette série mais tout mes efforts depuis petite à vouloir innover, essayer des idées bancales sont enfin reconnus. Toutes les moqueries et insultes sont envolées. Touts les sentiments de jalousie ou rencoeur sont évaporés. Je ne suis pas une loseuse comme le disais Simon. J'ai envie de rire en repensant à lui. Quand je regarde vers le passé mes épaules ne me semblent plus peser des tonnes. Je me sens plus légère. Quand je pense au passé désormais, je le vois comme les marches qui m'ont servis à ma réussite. Tout ses pleurs et doutes n'étaient présentent que pour mieux apprécier ce moment. Toutes ces insultes et mots décourageants n'étaient là que pour mieux recevoir les félicitations et encouragements. Tout mon passé me permet en fait être la personne que je suis aujourd'hui. Je sens mon torse se bomber. Je suis si fière de moi. Je n'ai pas à être jalouse de la réussite des autres. J'y suis arrivée moi aussi. Je n'ai même pas à être jalouse de cette Isabella. En repensant à mon état de tout à l'heure je manque de rigoler.

—     Oh, Lucas tu sais que tu serais parfait dans le rôle de Louis. Tu es bien plus sexy que lui ! dit Isabella en se penchant sur mes genoux pour créer un contact visuel avec ce dernier.

Je la fusille du regard. Je vais me la faire.

Enfin Carla est récompensée par ses efforts ! Cependant, cette Isabella joue les trouble-fête et Carla ne va se laisser faire... Je vous laisse découvrir ça au prochain chapitre !