Chapitre Huit
Mon moral est au plus bas. Il s'est passé une semaine sans que je ne réalise aucune vente. Pourtant, les photos faites avec Jeanne et Léa au village fortifié voisin sont vraiment sympas. Oh, ce n'est pas le nombre de likes qui me manque mais bien les ventes.
Mes épaules s'affaissent un peu plus. Mon regard se fixe sur mes pieds. Le wagon des montagnes russes des enchères s'est finalement écrasé au sol. Je mâche machinalement mon caramel mou, même le sucre ne semble pas m'apaiser.
Tout avait si bien commencé pourtant. Je continue à regarder mes pieds tandis que mon portable sonne pour la quatrième fois. Je me lève difficilement et lance mon sac sur l'épaule. Il faut bien aller travailler, vu qu'apparemment, ce n'est pas demain la veille que je vais devenir riche.
— Dis donc vous pourriez sourire quand même ! Quelle amabilité, se plaint une cliente en rangeant ses courses.
Mais pour qui se prend-elle celle-la ? Je redresse la tête et lui lance un regard noir. Cette dernière ne demande pas son reste et part précipitamment. Je n'ai même pas la force de répliquer. Je me laisse tomber le dos sur le dossier de la chaise en attendant que le prochain client pose ses articles sur le tapis de caisse. Que la journée me semble longue et ennuyante ! Il y a très peu de monde. A vrai dire, je me demande comment ce magasin n'est-il pas encore fermé.
C'est sans doute pour cela que Sandy a été licenciée le mois dernier; ou bien c'est à cause de ses karaokés improvisés dans la réserve. On avait fait un super duo d'ailleurs sur ABC des Jackson 5. J'aurais peut-être dû me lancer dans une carrière de chanteuse. Bon d'accord, je n'ai pas un physique de rêve, ni une voix pour, mais je sais me donner sur scène. Je me serais sûrement tournée vers de la pop française parce mon anglais est plus que moyen. Je me revois à mes 10 ans m'époumoner sur Allumez le feu de Johnny Hallyday durant le spectacle de l'école. J'avais même vu ma mère et sa voisine verser une larme. Quoique, maintenant que j'y pense, ce n'était peut-être pas une larme de fierté. Je grimace.
— C'est calme aujourd'hui n'est-ce pas ? me lance Léa en me sortant de mes pensées.
— Comme tous les jours en fait, réplique-je lassée par cette situation.
— Oui, tu as raison. J'ai d'ailleurs entendu que nous allons peut-être fermer au détriment du grand centre commercial qui va ouvrir en périphérie.
— C'est pas vrai !? je m'exclame.
Elle hoche de la tête d'un air sinistre avant de retourner vaquer à ses occupations.
Le ciel semble me tomber sur la tête. Il ne me manque plus que ça ! Perdre mon travail. Simon avait donc raison quand il me traitait de ratée au collège. Mais non ! Moi Carla Langaret, je ne suis pas une ratée. Je vais me reprendre en main et trouver une nouvelle idée lumineuse. Je saisis mon portable et tape nerveuse sur mon clavier.
« Réunion à 19h » .
— Bon alors que se passe-t-il ? commence Lucas.
Je ne sais pas comment lui dire. J'étais tellement contente de lui annoncer que j'avais enfin réussi il y a quelques semaines, que maintenant j'appréhende de lui dire l'inverse. Je me mords la lèvre.
— Ouh là, continue-t-il avec un sourire narquois.
Je bouillonne intérieurement. J'ouvre ma bouche puis me ravise. Je cherche mes mots. J'enroule quelques unes des mèches dans mes doigts et me balance d'une jambe à l'autre. C'est assez stupide parce qu'il me connait par coeur, et je sais qu'il va trouver une solution. Je revois soudain le visage de Simon. Et si Lucas pensait la même chose ?
— Oh ça y est, je sais ce que tu vas dire.
— Ah bon ? je m'écris en écarquillant les yeux.
— Mais oui !
Oh non, il m'a cramée. Mon coeur bat à tout rompre dans ma poitrine. Je ne peux rien lui cacher. Je patauge dans la nullité et Lucas semble s'amuser devant ce spectacle. Je prends mon courage à deux mains pour lui faire face, même si le coeur n'y est pas vraiment.
— Bon d'accord. Je vais te le dire.
— Tu n'es pas obligée tu sais.
— Bah si, vu qu'apparemment tu as deviné.
Il hoche la tête avec un large sourire. Mais pourquoi il sourit comme ça ? Ça l'amuse de me voir dans cet état ! Ma vie me semble une grande farce et Lucas semble y prendre du plaisir à la contempler. Mes jambes sont à deux doigts de flancher et mon souffle se saccade.
— Depuis le temps que j'attends que tu me le dises, lâche-t-il avec le même sourire qui ne l'avait pas lâché.
— Quoi !?
Lucas me fixe droit dans les yeux. Je fronce les sourcils. Mais où est mon Lucas ? Le Lucas qui est venu à mon secours à deux heures du matin parce que mes toilettes s'étaient bouchées et que j'avais inondé mon appartement. Le Lucas qui est venu me chercher en voiture quand j'avais essayé de faire le tour de France en vélo. D'ailleurs quand j'y repense, mais quelle idée stupide ! Tout le monde savait déjà que je ne tiendrais qu'une heure et ils avaient bien raison. Mais Lucas, lui, m'avait soutenu dans la poursuite de mes rêves. Que ce Lucas me manque !
— Bah vas-y !
Je commence à le trouver grossier. On ne s'amuse pas comme ça du malheur de ses amis. Ma main me démange.
— Non c'est bon en fait, je lui dis contrariée de la tournure de la situation. Je m'attendais à avoir du réconfort et non pas de la moquerie à mon égard.
— Comment ça non ? son expression change.
— J'ai rien à dire, j'affirme en bombant le torse.
— Mais si !
— Mais non !
— Si, dit-il en se levant d'un bloc.
— Bon Lucas, si je te dis que je n'ai rien à dire, c'est que je n'ai rien à te dire.
— Alors, pourquoi tu me demandes de venir chez toi dans ce cas ? continue-t-il agacé.
Mais pourquoi s'énerve-t-il ? C'est lui qui se montre grossier envers moi !
— Parce que... je bafouille déconcertée. Parce que...
Je n'arrive pas à formuler une phrase correct.
— Parce que ? Mais vas-y Carla ! Je n'attends que ça ! hurle-t-il.
— Bon d'accord. Cette idée me semble être aussi un flop. Je n'ai fait aucune vente depuis quelques temps et je n'arrive pas à vendre mon dernier lot, je débite sans respirer.
Le visage de Lucas change pendant une fraction de seconde. Ce dernier semble déçu.
— Je sais que je te déçois, tu as toujours tellement d'espoir dans mes projets, je continue en reniflant fort.
— Mais non ce n'est pas du tout ça Carla !
Son visage s'illumine de nouveau et il m'enlace dans ses bras. Je sens sa main effleurer mes cheveux. Quelle sensation agréable de se sentir protégée du monde. Je repense à son attitude de tout à l'heure. Pourquoi il était si grossier alors qu'il est si doux maintenant ? Il semble vraiment peiné par ma situation et non plus amusé. A moins que... mais non je n'y crois pas. Je rougis soudainement.Il pensait que j'allais lui annoncer tout autre chose en fait. Je suis morte de honte maintenant. Il attendait que je lui déclare ma flamme.
Je me dégage un peu de son étreinte et examine sons visage. Il arbore un si beau sourire qui me réchauffe le coeur. Non et non Carla ! Tu ne craqueras pas. Je me dégage un peu plus même si je sais qu'au fond de moi, je n'en ai pas vraiment envie.
Après plusieurs minutes de débats animés avec Lucas à la recherche d'idées miracles pour sauver mon entreprise, nous en avons élaboré deux plans d'actions.
Le premier est de customiser les vêtements de la vente aux enchères avec des perles ou de la dentelle. Il s'agit de couper la robe de chambre au col claudine en petit top, ou encore de faire des franges sur la longue jupe en lin.
Le second est de se lancer dans les vêtements pour homme. Je n'y avais absolument pas pensé mais maintenant qu'il me l'a suggéré, je n'ai que ça en tête. Il doit bien avoir un marché à prendre. Je peux déjà voir une chemise blanche un peu évasé, un peu comme les hauts des pirates avec des cordages à l'avant, sur un superbe mannequin aux cheveux noirs. Mais oui, si je le combine avec un petit pantalon marron et des petits lunettes rondes pour rendre le tout chic. Oh non, ça y est j'ai la vision de Lucas dans cette tenue. Pourquoi mon imagination me met Lucas en tête et pas le top model que j'ai vu ce matin sur Instagram ou bien l'acteur du film comédie que j'ai visionné hier soir.
— Carla ? Tu m'entends ? me demande Lucas en agitant sa main en face de mon visage.
Euh je crois que tu as quelque chose dans le coin de ta bouche.
Sortie brusquement de ma rêverie, je sursaute de surprise et m'essuie la lèvre. Je deviens cramoisi.
— Oh oui pardon, je pensais à ... je balaie la pièce du regard afin de trouver une excuse. À ...
— A ? me demande Lucas un peu trop curieux à mon goût.
— A... ,mes yeux se posent sur le reste de son assiette. A ces carottes, je réponds vite avant de m'enfourner quelques morceaux dans la bouche.
— Mais Carla ! Tu détestes les carottes.
Touchée ! Il me connait trop bien. J'avale tant bien que mal. Ma langue me pique et la bile semble s'accumuler. Je n'ai qu'une envie, tout cracher. Je ne peux pas m'y résoudre. Je bois une grande gorgée d'eau pour les avaler. Je lui souris les yeux humides.
— Non pas du tout ! J'adore les carottes.
— Et depuis quand ? me demande-t-il d'un ton amusé.
— Depuis hier en fait.
A en juger sa tête, je comprends que mon mensonge ne semble pas avoir fonctionné.
Je ne quitte pas mon ordinateur depuis ce matin. Les conseils de Lucas se sont avérés plus que productifs.
J'ai finalement réussi à vendre tous les vêtements de la vente aux enchères ainsi que les nouveaux dénichés dimanche dernier, tant ceux masculins que féminins. Ça doit être en parti grâce à mes modèles. Léa était si belle dans le haut col claudine ainsi que Jeanne dans la jupe à frange. Ne parlons pas des photos de Lucas qui s'est proposé pour les vêtements hommes. Non, vraiment, n'en parlons pas, je risque de baver encore.
Je reçois une notification sur instagram. Tiens, j'ai un message privé. Je n'ai jamais de message privé. Enfin si, habituellement ce sont des comptes douteux me proposent d'acheter des abonnés. Très peu pour moi merci. Cependant, cela ne semble pas être le cas cette fois-ci.
J'ouvre le message et le contemple quelques instants. Mon sang ne fait faire qu'un tour. Non, c'est irréaliste.
Je décide de redémarrer mon téléphone. Une fois l'opération effectuée, je l'ouvre à nouveau. Il n'a pas disparu et encore moins changé. Il s'agit du compte officiel des costumières d'une des séries historiques les plus en vogue. Je cligne plusieurs fois des yeux.
Le message contient une demande de partenariat pour un épisode. Je semble nager en plein rêve. On me demande à moi, Carla, de louer mes tenues pour un épisode d'une série qui passe à la télévision. Mais non ! Je relis une seconde fois le message . C'est bien, ce qu'on me demande !
Je saute de ma chaise et démarre la playlist « victoire » de mon téléphone. Ouiii ! Je vais devenir une star. Carla, costumière pour la télévision. Mais ça le fait carrément ! Vite il faut que j'appelle mes parents, et Jeanne, et Léa, et Lucas, et ma chef, et Simon !
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