Chapitre Dix


     Je ferme doucement les yeux. J'ai bien le droit de me reposer quelques instants. Non, il ne faut pas, surtout pas ! Cela ne fait pas très professionnel.
Je me redresse de ma chaise en essayant de garder les yeux grands ouverts. C'est déjà la sixième fois qu'on refait la scène. C'est bon, on a compris que Cassandra doit être au centre et Louis légèrement en retrait. Il doit ensuite la saisir par l'épaule pour l'interpeller. On peut bien recommencer la prise une bonne centaine fois la scène mais Cassandra sera toujours aussi molle et Louis ne changera pas d'accent. Ils devraient vraiment remplacer Cassandra par Léa. J'en ai glissé quelques mots à la production mais apparemment Cassandra est un personnage central de la série et la remplacer est inconcevable. Quelle plaie ! Elle est juste la cousine du Roi, c'est pas non plus sa soeur ou sa maîtresse. Elle est ennuyante à mourir.

—       Cassandra un peu de dynamisme ! On recommence ! hurle le réalisateur à son équipe.

     Je pousse un petit soupir et cherche du regard mon amie. Léa s'est éclipsée pour essayer de remplir son carnet d'autographes. Je ne suis pas sûre que ce sont les stars dont elle rêvait mais c'est déjà ça. Au moins, il y en a une qui s'amuse.

—     C'est la veste qui ne va pas ! intervient à nouveau le réalisateur.

Je manque de tomber de ma chaise. Comment ça ma veste ne va pas ! Ma superbe veste que j'ai dû monter tout un stratagème pour avoir. Il se prend pour qui ce réalisateur de pacotilles !

—     Elle ne fait pas assez authentique, continue-t-il en se tournant vers moi.

Impossible ! Elle sort tout droit d'un musée ! Plus vraie, tu meurs ! Non mais est-ce qu'il s'y connait vraiment ? Non je crois pas. Je me sens obligée d'intervenir avant qu'un ingénieur du plateau retire la veste de Louis. Je me mets en travers de son chemin.

—     Ce n'est pas possible ! Il s'agit d'un authentique Grenadier Français guerre de sept ans 1756 - 1763, je récite en me félicitant d'avoir aussi bien retenu le cartel du musée.

Le réalisateur plisse les yeux suspicieux.

—    Et comment vous pouvez en être sûre ?

Je l'ai emprunté d'une manière pas très légale dans le musée du coin. Non, je ne peux pas dire ça. Il faut que je trouve quelque chose à dire au plus vite ou je peux dire adieu à mon nom crédité à l'écran.

—     J'ai un ami conservateur qui me l'a affirmé.

—    Vraiment ? J'ai comme un léger doute.

Comment ça tu as un doute ? Tu crois que je mens ? Bon d'accord, je mens mais pas sur l'authenticité de ma pièce. Quoique maintenant, je doute moi aussi. Et si ce conservateur s'était barré avec les objets du musée en les remplaçant par des objets fabriqués en Chine ?

—     Je pourrais avoir au téléphone ce conservateur ?

—     Oui bien sûr, je réponds avec un sourire crispé.

Je commence à paniquer. Bien entendu que je ne connais aucun conservateur de musée. Il faut que je trouve une idée. Je sors mon portable de ma poche en réfléchissant à toute vitesse. Je compose rapidement le numéro de Lucas. Je croise les doigts pour que ce dernier ne décroche pas. S'il te plaît, ne réponds pas. Ne réponds pas. Je n'aurais qu'à dire que je n'ai pas réussi à le joindre et qu'il faut me croire sur paroles.

—     Allo ?

Oh non ! Quelle poisse ! Tant pis, vas y Carla ! J'espère qu'il va me suivre dans mon mensonge.

—     Allo ? Comment ça va Lucas ? Dis, je suis avec le réalisateur qui doute de l'authenticité de la veste que je t'ai fait examiné récemment... Pourrais-tu lui affirmer qu'il s'agit d'une vraie ?

Je ne le laisse pas répondre et tends mon portable au réalisateur. Je maintiens ma respiration en essayant de ne pas louper une seconde la conversation. Le producteur s'isole quelques instants. Je suis tendue au maximum. L'homme revient finalement en me rendant mon appareil

—     Très bien merci monsieur le conservateur, je dis en souriant au réalisateur.

—    Avec plaisir, j'espère que tu valideras ma licence d'histoire de l'Art vu ma magnifique expertise.

Je me retiens de rire.

—     Finalement, elle va très bien cette veste. Louis, essaie de moins renifler ! Maquillage, on aurait besoin de fond de teint pour ce nez atrocement rouge !

Je m'effondre sur ma chaise.

Le reste du tournage s'était très bien déroulé. J'ai fait un grand nombre de photos en identifiant sur insta quasiment toute l'équipe de tournage. Résultat, plusieurs nouveaux abonnés certifiés ou encore de partages de mon compte. Quelle aubaine ce tournage ! Je ne parle pas seulement de l'argent que j'ai remporté mais aussi de la notoriété gagnée. C'est vrai que l'argent est quand même le point le plus gratifiant. Mon premier achat va être un bon burger car je meurs de faim. En même temps, je n'ai rien avalé durant les sept heures de tournage.

Après un rapide arrêt au musée pour restituer la veste, nous avons pris la route du retour. Je ne peux m'empêcher de rire en racontant tout la mascarade à Léa. Je me demande encore ce qu'a pu bien dire Lucas pour qu'il tombe dans le panneau.



Je remonte la couette de mon lit. Quelle journée épuisante ! Je contemple le plafond tout en ne cessant de me repasser cette journée dans la tête. Je ne parviens pas à trouver le sommeil. Je me retourne sur le côté droit qui m'a l'air plus confortable que d'être sur le dos.

Après quelques secondes, je me retourne sur le côté gauche cette fois-ci. Non, en fait ,je n'aime pas être du côté gauche, je tourne le dos à la porte. C'est stupide mais je ne me sens pas bien. Je retourne sur le côté droit. J'ai soudainement envie d'aller aux toilettes. Je me lève quand j'entends soudainement un léger bruit. Je tourne la tête et examine la pièce. Je tente de calmer les battements de mon coeur. Il n'y a rien dans ma chambre. Je ne perçois que le silence. Oh non, je viens encore d'entendre ce bruit. J'allume la lumière alors que mon coeur s'emballe. Et s'il y avait quelqu'un au-dessus de mon lit qui m'observe depuis tout à l'heure ? Ou bien une souris dans mes draps ? Je frisonne. La lumière envahit la pièce pour me faire découvrir ma chambre vide. Je fais une rapide inspection en marchant sur la pointe des pieds. Rien de me semble inhabituel. Je me tourne alors vers mon armoire. J'ai vu dans un film d'horreur un tueur se cacher dedans. Non mais Carla voyons, il n'y a pas de tueur dans ton appartement. Je saisis lentement la poignée mais hésite quelques instants avant de l'ouvrir. Je m'exécute cependant pour ne découvrir que mes vêtements. Je pousse un soupir de soulagement.

J'entends à nouveau un léger bruit qui me fait sursauter. Ma respiration se saccade. Je balaie une nouvelle fois la pièce des yeux. Je suis si fatiguée. Mes yeux sont tellement lourds. Je me les frotte afin d'améliorer ma vision. Et soudain il est là, la chose inhabituelle que je cherche depuis quelques instants. Mon gobelet de soda. Les bulles font un petit bruit assez surprenant. Ça m'apprendra de boire du cola avant de me coucher. C'est peut-être aussi pour ça que j'ai du mal à m'endormir. J'embarque le gobelet avec moi dans le salon et le pause sur la table avant de pianoter sur mon ordinateur que j'avais oublié d'éteindre. Tiens, il y a encore du monde connecté sur les réseaux sociaux malgré cette heure tardive. Oh mais Jeanne ne dort pas encore !? Je vais lui envoyer un message.

Je rédige rapidement mon message et attends sa réponse en sirotant mon soda. Je devrais sûrement arrêter de le boire. Bon après tout, il n'en reste pas beaucoup autant le finir. Je reçois une notification m'indiquant la réponse de Jeanne. Le court échange que je devais avoir à la base s'est transformé en une longue conversion menant à Lucas. Bien entendu, elle est au courant de la relation que j'entretiens avec lui mais elle a toujours affirmé que je finirais avec lui. C'est peut-être pour lui prouver le contraire que je l'ai toujours friendzoné. Non, c'est ridicule. Je consulte l'heure. Oh non je n'ai pas vu le temps passé ! Je commence à travailler dans deux heures et vingt-quatre minutes pour être exacte. Es-ce que cela vaut vraiment le coup de s'endormir pour si peu de temps ? Probablement pas. Je me lève et récupère une nouvelle canette de soda dans le frigo. Autant prendre encore de la caféine pour tenir. En fait, je ne sais pas dire si c'est la caféine ou l'excitation de la journée qui m'empêche de m'endormir.

Jeanne est enfin allée dormir et je me retrouve seule face à mon écran. Je décide de lancer le premier épisode de la série dont j'avais assisté au tournage aujourd'hui.

— A nous deux Cassandra, je lance à voix haute avant d'avaler une nouvelle gorgée de ma cannette.

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