Chapitre Deux


Je jette un regard sur la table recouverte de toutes mes trouvailles. Prendre des photos de chaque article ainsi que rédiger chaque annonce vont me prendre un temps fou. Je souffle.

Prenant mon courage à deux mains, je me lève difficilement du canapé. Il me faut un remontant avant de démarrer. Loin de moi l'idée d'un verre d'alcool, je me dirige directement vers mon placard surnommé « paradis ». En général à chaque début de régime je le renomme « tentation » mais au bout d'une semaine, il se re-transforme comme par magie. En même temps, comment renoncer à la douceur du chocolat ou à la gourmandise du caramel ! C'est mon petit plaisir dans la vie, certains s'achètent des vêtements ou des voitures, moi je préfère déguster un carré de chocolat noir avec la délicatesse afin d'en savourer chaque arôme. Je fourre une guimauve dans ma bouche. Mais comment font les mannequins pour ne pas en manger ? Ce goût de sucre qui chatouille mes papilles me donne l'impression d'un feu d'artifice gustatif. Je ferme les yeux pour mieux profiter de cette sensation de bien-être qui m'envahit.

—    C'est parti !

Je pousse tous les objets dans un coin de la table afin de laisser un maximum de place pour un fond uni. Je saisis tout d'abord la théière et la dispose au centre. Je prends mon portable et grimace en voyant que le cadre n'est pas vraiment vendeur. L'écran n'affiche absolument pas ce que j'avais imaginé. Faut-il que je les mette en scène ? Une photo avec l'objet en situation me semble beaucoup plus attrayant ! Je repense à la façon dont les magasins présentent leurs marchandises comme IKEA. Leur façon de mettre en valeur les objets me font toujours ressortir de là-bas avec un caddie à ras bord de choses qui ne me servent en réalité à rien.

Je me dirige d'un pas traînant vers la cuisine afin de récupérer un plateau au motif scandinave et une tasse blanche. Je dispose le tout avec soin. La photo est très sombre. Même retouchée avec mon application fraîchement achetée, il manque cruellement de lumière ici. J'étais réellement convaincue que prendre en photo des objets était beaucoup plus simple que ça !
Je saisis à nouveau le plateau et le dépose au sol près de la fenêtre. Cette solution ne me plait absolument pas. On dirait les annonces bidons sur « Le bon coin ». Je grimace et me mets à songer de déplacer la table de la salle à manger jusqu'ici. Soudain, je repense à ma petite table en fer sur la terrasse de derrière dont je ne me sers absolument jamais, achetée à IKEA évidemment.
J'effectue donc un petit déménagement non sans difficulté. En effet, cela fait un moment que je ne me suis pas servie de cette table et cela se voit en vue de son état. M'en suis-je seulement déjà servie ? Je tente de m'imaginer en train de déjeuner dessus tandis que je nettoie énergiquement le fer.
Non, il me semble ne l'avoir jamais utilisée. C'est donc le moment !

Je recompose une petite mise en scène. Je suis soudainement très satisfaite de moi.

Je continue ma séance photo avec tous les autres objets qui peuvent tenir sur la table en jonglant avec différents accessoires comme une nappe improvisée à l'aide d'un de mes chemisiers, ou encore des fleurs artificielles récupérées d'un vieux bandeau.

J'arrive au moment fatidique de prendre en photos les vêtements. Il s'avère que je n'ai pas la moindre idée de comment procéder.
N'ayant pas de mannequin, j'opte pour une photo sur cintre, cependant où accrocher le cintre tout en étant à la lumière ?
Je me gratte le crâne.
Il m'est impossible de le fixer sur la fenêtre. Je commence donc une visite de mon appartement afin de trouver l'endroit idéal. Impossible de trouver un endroit convenable ! Je ne peux cependant pas me résoudre à les mettre au sol tels de vulgaires tapis !

Je me mords la lèvre .
Soudain, j'ai une idée et me précipite dans le placard de la cuisine afin de récupérer un balais. Je tente de le coincer entre deux meubles afin de réaliser un portant de fortune. J'esquisse un sourire à la vue de ce dernier.
Je mets donc la veste chinée sur cintre avant de l'accrocher au manche du balais. Subitement, toute la structure s'écroule. Je comprends que cela ne tiendra jamais et c'est une bien piètre idée.

—     ça va là-haut ? hurle Lucas.

Je sors la tête par la fenêtre qui donne sur l'entrée de l'immeuble et aperçois mon voisin de palier. Il s'agit d'un grand jeune homme d'une trentaine d'années, aux cheveux noirs ébènes bouclés et aux yeux bleus. Il est vêtu d'un simple jeans et d'un t-shirt a l'effigie de Star Wars. Lucas porte toujours ses petites lunettes noires rondes qui lui donnent ce petit air vintage-chic. A vrai dire, il est plutôt beau garçon avec son petit sourire en coin ainsi que ce grain de beauté juste en haut de ses lèvres charnues. Il a toujours été un ami proche et m'encourage dans mes idées parfois farfelues.

—     Tout va bien merci ! dis-je en lui souriant.

Il me rend mon sourire avant de s'engouffrer dans l'immeuble. Je ne sais pas pourquoi je l'ai « friendzoné » dès le premier jour. J'ai encore parfois ce regret car je pense sérieusement qu'il n'est pas insensible à mon charme. C'est vraiment étrange. Nous avons une superbe relation mais que j'ai peur de gâcher si on en venait à aller plus loin. C'est d'ailleurs précisément pour ça que je fais mine de ne rien comprendre à ses sous-entendus. Même si parfois, je l'avoue, j'ai vraiment envie de les saisir.

Tout d'un coup, un éclair me traverse l'esprit. La propriétaire de l'immeuble a installé la semaine dernière une nouvelle sculpture dans le hall d'entrée. Elle a toujours eu ce côté artiste, à vouloir collectionner des oeuvres d'art même si je suis intiment convaincue qu'elle ne s'y connaît pas tant que cela. Je suis même persuadée qu'elle paie beaucoup trop cher ces œuvres. Les artistes doivent avoir trouvé la « pigeonne » idéale. Cette idée me fait rire. Ce n'est pas que je ne l'aime pas, d'ailleurs je ne la connais pas vraiment, mais l'idée que c'est elle qui se fait avoir et pas elle qui nous a avec ce loyer hors de prix est quand même plus agréable. Elle justifie cela avec des arguments bien maigres à savoir sa localisation. Bon c'est à demi-vrai.Il est proche de mon travail, proche du métro qui peut m'emmener partout dans la ville et les voisins sont tous sympathiques. Et si je revenais à mes moutons ?

La sculpture sera donc parfaite pour mes photos. Je cours prendre mon portable sur la table, jette les vêtements sur mon épaule et dégringole les escaliers deux à deux pour rejoindre l'entrée de l'immeuble.

Lucas lève la tête surpris par mon arrivée soudaine.

—     Mais qu'est-ce que tu fais !? demande-t-il avec un regard suspicieux.

—     Un nouveau projet, je t'en parle plus tard, je lui lance sans un regard pour ce dernier.
Tiens rends toi utile.

Je lui lance le petit tas dans ses bras et suspends le cintre sur le haut de la sculpture. En fait, « sculpture » c'est un bien grand mot. Cette « chose » est en fait un fouillis de tuyaux et tubes en fer. Je ne suis pas sûre qu'on puisse appeler ça une sculpture à vrai dire. Quoi qu'il en soit, cela donne un effet très chic et moderne. Encore mieux que les mises en scènes de certains sites marchands.
Je prends quelques clichés sous le regard médusé de Lucas totalement largué par les événements. Je recommence l'opération avec le reste toujours avec Lucas à mes côtés qui ne saisit pas l'interêt de ma démarche.

J'arrive enfin à la dernière pièce et là, le drame. Le tuyau tombe au sol dans un vacarme assourdissant tandis que je retire le cintre. J'ouvre et ferme la bouche rapidement pendant que Lucas pousse un cri silencieux.
Je le regarde avec les yeux d'un enfant pris sur le fait. Il me fixe. Je sais qu'à la façon dont ses pupilles bougent de droite à gauche, il est en train de réfléchir en vitesse.

—     Scotch ? je tente.

—     C'est du fer, répond-il calmement.

—     Colle ?

—     Tu en as une assez forte ?

—     Non, je dois l'admettre.
Mais j'ai de la pâte à fixer !

Il me regarde et hausse les épaules avec une moue.

A suivre...

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