Chapitre 6
Un cataclysme submergea Isla quand une voiture noire s'arrêta au bord de son allée. En acceptant sa proposition la veille elle était loin de s'imaginer qu'il exigerait qu'elle soit prête le lendemain matin. Une peur indéchiffrable lui bloqua le souffle quand il quitta la voiture, le regard toujours aussi impassible. C'était comme s'il désirait faire de lui un mystère. À cet instant elle se mit à regretter la signature qu'elle avait posée sur ce fichu contrat.
- Bonjour mademoiselle Rose, avez-vous bien dormie ?
- Très mal, répondit-elle alors qu'il s'approchait pour prendre le mince bagage qu'elle avait préparé à la hâte.
- C'est tout ce que vous emportez ? S'enquit-il l'air surpris.
- Au risque de vous décevoir je ne suis pas du genre à emporter toutes mon armoire pour si peu.
Il se contenta de sourire et prit son bagage.
Isla jeta un dernier regard vers sa maison. C'était pour cette bâtisse vieillissante qu'elle se battait aujourd'hui. Cela en valait-il la peine ?
- Montez.
Isla quitta sa torpeur et s'engagea dans la voiture. Un homme se trouvait au volant, silencieux, impassible.
- Je vous présente mon chauffeur Antonio, déclara-t-il : Antonio je te présente Isla Rose.
Enfin un sourire couvrit les lèvres du chauffeur qu'elle put voir dans le rétroviseur.
- Enchanté mademoiselle Rose.
- Bonjour, murmura-t-elle avant qu'il disparaisse derrière une vitre teintée.
Isla se cala dans son siège nerveusement.
- Je suis très heureux que vous ayez accepté ma proposition, dit-il de sa voix de baryton.
- Je n'avais pas le choix même si vous persévérez à me dire le contraire.
À sa grande surprise il garda le silence alors que la voiture s'engageait sur la route déserte. Il était tôt, elle pouvait encore déceler la rosée du matin.
- Vous avez le contrat ?
- Oui, dit-elle en le sortant de son sac pour lui tendre sans lui accorder le moindre regard.
- Vous avez répondu au questionnaire ?
- Oui, murmura-t-elle sans quitter des yeux le paysage.
- Bien, je poserais ma signature quand nous serons arrivés.
Isla se mordit la lèvre, hésitante mais lança avant de ne plus pouvoir le dire.
- Tout ce que je refuse c'est l'humiliation.
Un silence glacial parcourut l'habitacle.
- Quelle humiliation ? S'enquit l'homme d'affaires d'une voix un peu rêche.
Elle trouva le courage nécessaire pour lui faire face. Un éclat dangereux habitait son regard.
- Inutile de se voiler la face plus longtemps. Je suis plus jeune que vous et je redoute que votre cercle d'amis pense que je suis...une sorte d'escorte.
Le simple le fait de l'avoir dit lui provoqua un sentiment de honte.
- Si jamais quelqu'un ose tenir de tels propos à votre égard je peux vous promettre que ce sera les derniers qu'il prononcera, répondit-il l'air menaçant.
Rassurée Isla hocha simplement de la tête et se tourna vers la vitre. Elle avait eu besoin de soulever ce détail par peur de devoir affronter la cruauté de ses amis. À supposé qu'il en avait.
- Vous avez déjeuné ? Demanda-t-il d'une voix grave.
- Non, je n'ai pas eu le temps.
- Une chose qui changera une fois chez-moi, dit-il d'une voix inflexible à une réplique.
Pourtant, elle se retourna pour lui faire face.
- Vous n'êtes pas mon nutritionniste si ?
Il l'embrassa du regard.
- À partir de maintenant je le suis, répondit-il sérieusement : je ne vous laisserais pas dépérir. Vous êtes pâle.
- J'ai toujours été pâle, se justifia Isla d'une voix sèche : Je suis capable de me débrouiller seule.
- J'ai pu le constater oui, laissa-t-il tomber d'une voix traînante.
Outrée, Isla serra les dents.
- Vais-je devoir supporter vos répliques cinglantes pendant trois mois ou c'est juste une façon de m'accueillir ?
Il la dévisagea longuement, une flamme étincelante dans ses yeux gris.
- La vérité vous blesse mademoiselle Rose ?
- Et vous ?
- Je connais mes défauts, mes qualités, aucune vérité ne pourrait me blesser mademoiselle Rose. Je suis un homme qui sait ce qu'il veut. Je suis navré si ma façon d'être vous déplaît mais il faudra apprendre à l'accepter.
Isla serra les lèvres.
Ses deux mâchoires se contractèrent comme deux étaux.
Isla préféra garder le silence. Elle reprit le cours de sa contemplation, les mains nouées ses genoux. A quoi bon lutter ?
Trois mois, il fallait qu'elle tienne trois mois à compter d'aujourd'hui. Le mieux qu'elle puisse faire c'est de laisser le temps passer sans essayer d'appréhender le cours des évènements. En fin de compte, elle réalisa qu'il tenait sa vengeance contre Oliver sans même que ce dernier ne soit au courant. D'ailleurs elle se demandait s'il fallait qu'elle garde le secret.
- Au sujet d'Oliver, est-ce qu'il doit être au courant ?
- Non, je vous l'interdis, cela lui donnerait trop de plaisir, répondit-il d'une voix ferme.
- Mais s'il nous voit ensemble ?
- Quand ce moment viendra je veux que vous me rapportiez ses dires, je compte sur vous pour ne pas laisser son penchant pour le mensonge vous contaminer.
Isla ignora sa réplique cinglante même si au fond d'elle celle-ci l'avait blessée.
- Je ne suis pas comme Oliver.
Il se tourna dans sa direction et inclina sa tête.
- J'ai cru comprendre en effet, cependant il n'a eu aucun mal à vous convaincre de venir dans la gueule du loup.
Isla frissonna, la gorge soudainement sèche. Il était clair qu'il venait de confirmer ses craintes. Elle était tombée dans un piège qui s'était lentement refermé sur elle. Et cet homme qui la regardait tel un prédateur observant paresseusement sa proie avait en sa possession toutes les cartes en mains.
- Il ne pourra pas s'empêcher de vous appeler, reprit-il en retrouvant son expression glaciale et sérieuse : Votre demi-frère est prêt à tout pour jouer, son addiction dépasse les lois. De plus, j'ai eu vent par le personnel de l'hôtel qu'il avait penchant pour l'alcool.
Isla l'affirma à demi-mot.
- Mon père l'était, ainsi je sais exactement de quoi sont capables ces personnes, aussi chaque fois que vous sortirez seule, un garde du corps vous accompagnera.
- Oliver ne m'a jamais touché.
- Ma mère aussi disait cela jusqu'à ce qu'il lui fracture la mâchoire, répliqua l'homme d'affaires mâchoires serrées, mais impassible, de marbre.
Isla réprima un hoquet et son cœur ne s'empêcher de se serrer. Cette cicatrice sur sa joue avait-elle un rapport avec son père ?
- Je suis désolé, s'entendit-elle murmurer.
- Ne le soyez pas, dit-il en sortant son téléphone de sa poche intérieure.
Il le consulta avant de reprendre.
- De plus je ne peux pas m'empêcher de penser que vous n'avez plus aucun lien de parenté. Aussi je me méfie.
Isla écarquilla les yeux.
- Vous êtes sérieux ? Nous avons vécus plus de cinq ans ensembles.
- Et alors ? Rien ne vous permet de dire que vous le connaissez, la preuve.
Isla grimaça. Certes Oliver avait brutalement changé de comportement mais de là à envisager qu'il puisse être intéressé par elle...non !
- Même les personnes que nous pensons connaître peuvent s'avérer être quelqu'un d'autre.
La voiture s'arrêta soudain, ne lui laissant guère le choix de garder le silence. Le chauffeur lui ouvrit la portière. Elle referma son manteau, se cachant du froid matinal. Puis elle pivota sur elle-même et mit sa main en visière pour rejeter la tête en arrière. Un haut et impressionnant gratte-ciel se dressait devant elle, jusqu'à lui en donner le tournis.
- Suivez-moi, dit-il en prenant son bagage.
Bouche bée elle dut cligner plusieurs fois des yeux avant de le suivre. C'était impressionnant vu de l'extérieur mais l'intérieur respirait une opulence à couper le souffle.
Elle le suivit dans l'un des ascenseurs. Une bouffée de chaleur lui monta aux joues malgré la distance qui les séparait.
Elle jeta un coup d'œil aux numéros des étages qui défilaient sous ses yeux. Ce ne fut qu'au soixante-dixième étage que l'ascenseur s'immobilisa.
Il la frôla soudain, pour atteindre le petit boîtier sur la droite et composa un code. Les portes s'ouvrirent sur un hall spacieux et lumineux.
- Après vous mademoiselle Rose, dit-il en posant sa main dans son dos.
Le contacte de sa main suffit à lui procurer un frisson d'appréhension.
- Bienvenue chez-moi mademoiselle Rose.
Isla s'avança, subjuguée par la grandeur des lieux. Les grandes baies vitrées donnaient un éclairage surprenant. Hélas, c'était très sombre, voire même à l'image du propriétaire.
- C'est magnifique mais sombre, commenta-t-elle en serrant la lanière de son sac à main.
- J'aime ces couleurs, répondit l'homme d'affaires d'une voix désintéressée : Venez je vais vous montrer votre chambre.
Isla inspira profondément avant de le suivre à l'étage. S'ensuivit un long couloir qu'elle traversa avant qu'il n'ouvre une porte en s'écartant du passage pour la laisser entrer. Elle s'était attendue à un décor sombre mais fut surprise de constater qu'il n'en était rien.
C'était beaucoup trop pour elle et le malaise se fit sentir.
- Vous aimez n'est-ce pas ? Lança-t-il avec impatience.
Isla se retourna dévisageant son profil austères et ses mâchoires taillées au burin. Inutile de le contrarier, songea-t-elle en esquissant un sourire.
- C'est parfait merci...
Satisfait il posa sa valise sur le côté puis s'effaça près de la porte.
- Rejoignez-moi dans trente minutes en bas.
Puis il referma la porte, ne lui laissant aucune autre explication, hormis ce regard énigmatique qui n'avait de cesse de la troubler...
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