Chapitre 35
Vitali Amadeus...
À l'évocation de ce prénom Isla eut l'impression que son corps s'était figé de glace. Cependant, dans son for intérieur elle avait toutes les raisons de ne pas s'inquiéter. La main ferme de son amant en était la principale raison. À travers la vitre de la voiture Isla pouvait apercevoir les merveilles de Moscou et s'impatientait de pouvoir visiter les vestiges de ce pays magnifique.
- Tu n'as pas froid ?
Isla dévia son regard sur lui et remarqua très vite qu'il était tendu.
- Non, je n'ai pas froid Ragnar.
Isla abandonna la contemplation de la ville pour se remettre sur la banquette les mains sur les genoux. Elle posa son regard sur sa cicatrice qui barrait sa joue et sentit en elle remonter le poids de la tristesse.
La voiture se stoppa devant un splendide hôtel de luxe.
Pourtant habituée au style de vie dans lequel Ragnar l'avait plongée Isla avait toujours un peu de mal à s'y faire. Elle s'efforçait de s'en détacher pour mieux accuser l'instant où elle devrait retourner à sa vie.
Car bien qu'il lui portait des paroles rassurantes, Isla se voulait prudente.
Ses pensées se bousculaient à mesure du temps qui passait. Bientôt, très bientôt elle allait devoir affronter le passé de Ragnar.
- Tu es prête ? Demanda-t-il en la débarrassant de son manteau et de son chapeau.
Un maître d'hôtel prit ses affaires puis les entraîna avec lui dans la salle du restaurant.
- Je suis prête et toi ? S'informa-t-elle en jaugeant son expression.
- Toujours, chuchota-t-il à son oreille en lui prenant la main.
Isla lui rendit son mince sourire puis porta son attention sur la salle bondée de monde.
Plus elle s'aventurait dans ce terrain méconnu plus elle sentait ses muscles se crisper. Elle jeta des furtifs regards sur les hommes attablés en essayant de deviner lequel pouvait bien être le père de Ragnar.
Puis soudain, c'est au fond de la salle qu'elle aperçut un homme qui les scrutait de loin. Isla comprit alors qu'il s'agissait de Vitali Amadeus. Son épais regard noir la toisait avec insistance et derrière ses traits vieillissants elle reconnut certains points de ressemblances avec Ragnar.
Très peu, songea-t-elle en se rappelant à quel point la mère de Ragnar avait le même regard que son fils.
Ils s'arrêtèrent à hauteur de la table et elle en profita pour dévisager l'homme âgé d'une soixantaine d'années.
De taille moyen cependant vêtu d'un riche costume il arborait un sourire cynique tout à crachant la fumée de son cigare dans leur direction.
Isla faillit s'étouffer et dut déglutir pour estomper le goût de cendre qu'elle avait dans la bouche.
- Quelle agréable surprise de voir mon fils après tant d'années, déclara Vitali sans se donner la peine de se lever.
Il se tourna vers elle.
- Et en plus accompagné d'une attirante créature, ajouta-t-il en lui adressant un long regard.
Isla esquissa un fin et rapide sourire avant de relever les yeux sur son compagnon. Les traits durcis, le regard froid il la poussa gentiment vers la chaise qui se trouvait en face de son père.
- La surprise n'est pas partagé père mais il me tenait à cœur de te revoir pour me donner une idée sur la vie que tu mènes à présent.
Ragnar marqua une pause dans laquelle il esquissa un sourire en coin.
- Je ne suis pas déçu de constater que rien a changé hormis ta coupe de cheveux.
La réplique piquante heurta Vitali qui se mit à rire doucement.
- Toi non plus tu n'as pas changé mon fils, toujours aussi sarcastique.
Isla se pinça les lèvres sans trop savoir comment réagir face à cet échange plus ou moins houleux.
- Et puis-je connaître le nom de ton adorable maîtresse ? S'enquit Vitali en se tournant vers elle.
Elle entendit Ragnar émettre un rire doucereux avant de répondre.
- Ce n'est pas ma maitresse mais ma compagne.
Surpris Vitali ouvrit la bouche en grand avant de la refermer sur son cigare.
- Comme c'est intéressant, dit-il d'une voix lente : Et comment se nomme cette " Compagne "
- Isla Rose monsieur, répondit-elle en esquissant un sourire artificiel.
Il ne dit rien et se contenta d'une brève inclinaison de tête.
- C'est à la fois un choc et une surprise de voir mon fils avec une femme depuis tant de temps. D'ordinaire il fréquente que des femmes sans lendemain.
Isla serra ses poings le long de ses genoux pour se retenir d'exposer la première. Bien qu'elle ne portait pas d'attention aux femmes que Ragnar avait fréquenté par le passé Isla détestait la façon avec laquelle il parlait des femmes.
- La seule qui est parvenu à lui mettre la main dessus c'est Amélia, reprit Vitali avec un large sourire.
- Je vois que tu suis de près ma vie, constata Ragnar en plissant des yeux.
- Assez pour savoir que tu es bel et bien mon fils, affirma Vitali en claquant des doigts pour qu'un serveur s'approche : Un homme implacable, machiavélique et qui sait reconnaître à quel point les femmes sont des catins arrogantes et superficielles.
Offensée, Isla fit de son mieux pour rester de marbre et accepta le réconfort discret de son amant lorsqu'il lui prit la main.
- Sans vouloir me montrer offensant envers vous mademoiselle Rose, ajouta-t-il en attrapant son verre au vol.
- Oh mais rassure-toi elle ne l'est pas, intervint Ragnar en lâchant sa main : Elle savait parfaitement à quoi s'en tenir avant même de rentrer dans cet hôtel.
Ragnar marqua une courte pause pour affronter le regard éteint de son père.
- Le problème avec mon père trésor c'est qu'il n'est toujours pas parvenu à accepter que ma mère a eu le courage de partir.
- Tu l'as fait partir, rectifia Vitali d'une voix crispée ; Si tu ne t'étais pas mis en travers de mon chemin elle ne serait pas marié à ce misérable.
Ragnar eut bien du mal à se contenir car sans s'en apercevoir son père lui révélait des informations cruciales. Depuis toutes ces années il parvenait toujours à obtenir des détails sur sa mère. Mettant cette information dans un coin de sa tête, Ragnar inspira imperceptiblement pour poursuivre.
- Tu veux dire lorsque tu l'as bâtée ou lorsque tu l'as humiliée à ta guise ? rétorqua Ragnar en serrant les mâchoires ; Nous ne sommes pas ici pour parler de notre passé commun mon très cher père. Je porte le poids de ta cruauté sur mon visage ne m'oblige à te rendre cette cruauté aujourd'hui, nous savons l'un comme l'autre que tu n'es plus en âge de te battre sans craindre une lombalgie.
Ragnar appuya ses dires en levant son verre ponctué d'un sourire en coin. Il put alors sentir le sourire de sa compagne juste à ses côtés. Quant à son père il l'observait avec une haine à peine voilée.
- Ta mère était une jeune femme à peine sortie de la faculté, insista Vitali d'une voix méprisante ; Elle était trop naïve, mais suffisamment futée pour devenir une véritable plaie aux fils des années.
- Ce n'est pas ce que tes amis disaient à l'époque quand il se murmurait derrière toi à quel point maman était courageuse de supporter un ivrogne comme toi.
Vitali lâcha son cigare les lèvres retroussées.
- N'oublie pas à qui tu t'adresses ! Sans moi tu ne serais rien !
Ragnar lâcha un rire diabolique en remerciant la présence d'Isla à ses côtés et qui l'aidait à maitriser ses nerfs.
- C'est ce que tu essayes de te faire croire pour accuser le goût de ta terrible défaite, répondit Ragnar en terminant son verre : Tu n'as pas supporté que je réussisse alors que toi, tu t'écroulais à mesure du temps que tu passais à décuver. Le pire dans cet affreux récit c'est que je t'ai offert mon aide après tout le mal que tu as fait à ma mère.
Isla fixait Vitali sans rien dire. Ses lèvres retroussées viraient peu à peu au bleu et son visage déjà rougi n'était plus qu'un brasier de frustration et de colère. Mais Isla n'en avait que faire. Elle venait de voir ce qu'elle voulait et ce que son amant voulait. Ragnar ne ressemblait en rien à son père. Certes implacable et exigeant, les deux hommes qui s'affrontaient devant elle, n'avaient absolument rien en communs et elle venait de déceler ce qui les différencier tant.
L'humanité...
Ragnar possédait encore son âme et elle se sentait prête à la sauver.
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