Chapitre 32




Devant cette confession inattendue Isla battit des cils et s'imposa le silence. Il couvrit ses lèvres d'un baiser possessif puis se redressa avant de se rasseoir lentement. Impassible et satisfait il se servit un verre de vin sous le regard hagard d'Isla.

- Si cela peut apaiser ta sensibilité, j'appellerais ma mère pour m'excuser.

Isla dut faire appel à toute sa volonté pour reprendre ses esprits.

- Ce que je peine à comprendre c'est pourquoi tu t'es montré à ce point froid avec elle.

- Parce que je savais quel était le but de sa visite. Elle craint que je te fasse du mal, Zall aussi.

Il eut un rire amer avant de poursuivre.

- N'est-ce pas si charmant de leur part ?

- C'est prévenant de leur part, rectifia Isla en esquissant un léger sourire.

Il se leva, rictus amer aux lèvres.

- Je n'ai pas l'intention de te faire du mal Isla.

- Tu ne contrôles pas l'avenir, d'ailleurs personne peut le contrôler.

Elle se leva prudemment et le rejoignit près des baies vitrées.

- Je ne te ferais aucun mal, répéta-t-il le regard perdu sur l'horizon.

Isla s'arrêta à hauteur de son dos et comprit avec ces deux phrases qu'il venait de répéter que sa mère avait probablement raison.

Au plus profond de lui, il craignait de reproduire les même erreurs, le même comportement violent que son père. Le ventre noué, le cœur serré elle posa une main dans son dos.

- Moi je pense que tu ne me feras aucun mal, murmura-t-elle d'une voix prudente.

Avait-il besoin de l'entendre de sa bouche ?

Isla l'ignorait mais le Ragnar qu'elle connaissait commençait lentement à lui manquer jusqu'à se demander si elle n'était pas à l'origine de son changement.

- J'ai l'impression d'être la cause de tes tourments.

Ragnar rouvrit brutalement les yeux comme s'il venait de recevoir un choc. En laissant son côté le plus sombre dompter son corps et son esprit il laissait une image amer de sa personnalité et se maudissait pour ça.

- Je t'interdis de penser ça, dit-il en lui faisant face.

Malgré tout, la jeune femme le regardait avec un air presque coupable.

- Cela n'a rien à voir avec toi Isla, je suis juste un peu tendu, et en colère contre moi-même.

- Tu n'es plus le même depuis quelques jours, insista-t-elle le regard empli de culpabilité.

Ragnar glissa avec douceur son index sous son menton et cueillit ses lèvres entrouverte.

- Je suis toujours le diable, chuchota-t-il contre sa bouche : je suis toujours le même, à la différence qu'aujourd'hui j'ai quelqu'un dans ma vie et je dois faire attention à toi et ce que pourrait raconter la presse sur mon passé.

Elle exhala un soupir tremblant et il sentit qu'une question lui brûlait les lèvres.

- Je t'écoute, dis-moi ce qui te tracasse à ce point.

- Je veux te poser une question mais je redoute ta réaction.

Ragnar resta impassible et sut en son for intérieur qu'il était incapable de se mettre en colère contre cette jeune femme dont il avait prit son innocence.

- Je t'écoute, murmura Ragnar en s'écartant légèrement.

Elle hésita, bafouilla quelques mots inaudibles avant de se lancer.

- Est-ce que tu as peur de devenir comme ton père Ragnar ?

Immobile, cherchant à effacer la colère qui montait progressivement en lui Ragnar la dévisagea. Si c'était une autre femme devant lui, si une autre qu'Isla lui avait posé cette question, Ragnar l'aurait jeté dehors sans pitié. Mais la femme qui se tenait devant lui avait l'air pétrifiée, sur le point de s'enfuir battant de ses longs cils déployer comme les ailes d'un aigle. Cette question il ne comptait plus les fois où il se l'était posée. Il ne comptait plus les fois où il s'était demandé si un jour la violence de son père prendrait possession de son être. Alors il regarda Isla dans les yeux et eut l'impression d'avoir devant lui la réponse qu'il espérait tant.

Il fixa ses yeux bleus nuit, il dévisagea son visage d'ange et ce corps frêle mais qui secrètement s'abandonnait à son étreinte érotique avec fougue et eut enfin sa réponse.

- Viens je dois te montrer quelque chose.

Ragnar dégaina son téléphone et ordonna à ce qu'on lui prépare son jet privé. Il enfila sa veste mais lorsqu'il se retourna, Isla n'avait pas bougé.

- Enfile ton manteau Isla est suis-moi, ordonna Ragnar en raflant son manteau laissé sur le haut du fauteuil.

- Où allons-nous ?

- Tu le sauras bien assez tôt.

Il l'aida à se vêtir et posa sa main dans son dos pour la guider. Trente minutes plus tard c'est avec une expression interloquée qu'elle le suivit jusqu'à son jet privé. Ce fut seulement quand ils s'envolèrent au-dessus de la piste qu'elle lâcha ses premiers mots de panique.

- Je peux savoir où tu...

- C'est un secret, la coupa-t-il en détachant sa ceinture de sécurité.

Il se leva et se dirigea vers le service pour remplir deux coupes de jus d'orange.

- Tu n'as absolument rien à craindre trésor, je veux te montrer quelque chose qui te permettra de comprendre.

Elle accepta la coupe tout en le suivant des yeux.

- Je ne m'attendais pas à ça, dit-elle en secouant de la tête.

- Tu ne t'attendais pas à monter dans un avion pour une destination méconnue ?

- Non, et je dois dire que je commence à m'inquiéter.

- Aurais-tu peur de moi ? Tu ne me fais pas confiance.

- Tu sais que ça n'a aucun rapport Ragnar.

Il resta silencieux dans l'attente qu'elle poursuive.

- Je t'ai posé une question assez brutale et cette questions t'a mené à ça.

- Ma mère a dû te parler je me trompe ?

- Non, avoua-t-elle sans hésiter : Elle m'a raconté que ton ex-femme à osé faire croire que tu la battait. C'est ignoble de sa part.

- Comment peux-tu être aussi certaine que ce n'est pas le cas ? Demanda-t-il d'une voix neutre.

Ragnar voulait provoquer en elle le doute afin de voir si elle hésiterait à lui répondre.

- Parce que j'ai entière confiance en toi et que jusqu'ici tu ne m'as fait aucun mal. Tu es possessif, autoritaire mais pas violent avec une femme. Tu as beau les haïr, tu les respectes.

Bluffé par la détermination dans sa voix douce, Ragnar serra les accoudoirs et sentit en lui naître une pulsion vorace.

- Tu n'es pas ton père, et je refuse que tu le penses, ajouta-t-elle d'une voix tremblante.

Irradié de l'intérieur et secrètement touché, Ragnar se contenta de sonder son regard au sien en sachant au tréfonds de son être que cette jeune femme en face de lui était éperdument amoureuse de lui.

L'esprit bousculé par des questions sans réponses Isla réprima un frisson tout en appuyant son regard dans le sien. Elle voulait tant réussir à abolir la peur qu'il avait d'aimer. La nervosité était à son comble. Jamais elle n'aurait cru atterrir dans un avion sitôt cette question posée. Pourtant il ne semblait pas en colère contre elle.

- Si une autre femme m'avait posée cette question, je l'aurais puni verbalement et avec cruauté.

Isla se figea alors que le sourire diabolique qu'il arborait se peignait peu à peu d'amertume.

- Je n'autorise personne à faire ce que tu as fait, reprit-il d'une voix grave.

- Je suis désolée.

- Ne le soit pas, parce que je ne ressens aucune colère envers toi.

Surprise et soulagée elle releva les yeux.

- Je ressens un fort désir, une envie dévastatrice de te faire l'amour, je ressens l'envie de te remercier parce que tu me bouscule, tu frappes où ça fait mal et pourtant, je ne ressens aucune colère, aucune envie de te congédier à jamais.

Il se pencha, le regard brûlant alors qu'elle luttait pour ne pas pleurer de soulagement.

- Petite sorcière, que m'avez-vous fait, chuchota-t-il en plissant des yeux.

Isla ne put s'empêcher de sourire.

- Peut-être que je parviens peu à peu à dompter le diable, supposa Isla en posant sa coupe sur la tablette.

- Ça, c'est impossible trésor, je suis indomptable, ne l'oublie jamais.

Il se leva pour déboucler sa ceinture et l'attira pour qu'elle s'installe sur ses genoux.

Il l'embrassa en posant sa main sur sa nuque puis se détacha de ses lèvres pour plonger son regard dans le sien.

- Tu vas me dire enfin où nous allons ?

Il replaça une mèche derrière son oreille en expirant longuement.

- Nous allons en Russie...

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