" Inutile il est devant vous "

Isla repensait sans cesse à cette phrase qu'avait prononcé Ragnar Amadeus avant son départ précipité. Elle avait pris la fuite comme si le diable était à ses trousse. Pourtant, elle aurait pu jurer l'avoir entendu l'appeler dans une autre langue. Isla s'était précipité dans l'ascenseur puis elle avait quitté l'hôtel le souffle court. De retour chez-elle, Isla avait pris la peine d'informer Oliver qu'elle n'avait pas réussi à le convaincre. Sa réaction avait été si violente qu'elle avait préféré lui raccrocher au nez. Perdre la maison lui déchirait le cœur mais valait-elle la peine de se plonger dans les combines affreuses d'Oliver ?

La réponse était non.

N'avait-elle pas sacrifier ses études d'art pour les sauver de la faillite ?

Isla s'approcha de la cheminée et s'empara du cadre. Elle regarda la photo de sa mère et sentit une larme rouler sur sa joue. Avec un peu de chance l'homme d'affaires reviendrait sur sa décision de l'impliquer dans cette affaire, songea-t-elle en gardant une bribe d'espoir

D'un soupir résignée elle reposa le cadre et monta à l'étage pour prendre son ordinateur. La curiosité la poussa à taper le nom de l'homme d'affaires.

Une vingtaine de pages s'ouvrirent sur l'instant. Son sang se figea aussitôt lorsqu'elle posa son regard sur la photo qui le représentait...aussi impitoyable et séduisant. Sa carrière était saluée, le nommant l'homme d'affaires de l'année.

Les articles le désignaient comme un homme intransigeant, mystérieux, sportif et capable de mettre à mal tous ses concurrents. En d'autres termes plus limpides Isla n'aurait eu aucune chance de le faire changer d'avis. Né d'un père russe et d'une mère américaine il possédait suffisamment d'atouts pour conquérir le monde.

Cherchant vainement à fuir son regard énigmatique sur les clichés Isla ferma les pages les unes après les autres et repoussa son ordinateur, le cœur battant à la chamade. Son téléphone vibra soudain.

" Tu as intérêt d'y retourner avant demain "

Isla ignora cet énième texto menaçant d'Oliver et se leva pour se diriger vers la salle de bains.

- Ça ne doit pas être si compliqué que ça, murmura-t-elle en prenant une clé à molette.

Isla tenta en vain de dévisser le tuyau en suivant le tutoriel sur YouTube. Hélas plus elle tentait de le dévisser plus la fuite semblait grandir seconde par seconde.

Elle s'écarta en essuyant son visage d'un revers de main avant qu'un bruit au rez-de-chaussée la fige de peur. Isla se leva précipitamment pour se rendre dans le couloir. Elle se pencha au-dessus de la balustrade pour survoler le rez-de-chaussée avec un sourire en coin.

- Elvi ? C'est toi ? Tu sais que ça ne peut pas marcher à tout les coups.

Isla descendit l'escalier avant de ralentir l'allure en réalisant qu'elle n'avait pas obtenu de réponse.

- Elvi ? Appela-t-elle descendant la dernière marche.

Une seconde bruit se fit entendre. Cette fois-ci Isla prit peur et s'empara d'un tisonnier en fixant la porte d'entrée fermée. En revanche celle de l'arrière, bien qu'elle était persuadée de l'avoir fermée, Isla se remémora les paroles d'Elvi.

- Oliver si c'est toi ce n'est pas drôle !

Un silence parcourut la pièce, Isla s'approcha pas par petit pas vers le couloir sombre en brandissant le tisonnier. Son cœur martelé ses tempes. Pour ajouter un peu plus de terreur dans cet instant glaçant le parquet grinçait pendant son avancée dans l'étau de ce couloir sombre.

Puis soudain elle sentit une masse sombre s'approcher. Isla élança de toute ses forces le tisonnier vers l'intrus qui d'une main de fer l'agrippa. Elle étouffa un cri. L'intrus tira sur le tisonnier ce qui la propulsa en avant.

Le visage de son agresseur lui apparut alors. Isla reconnut les traits sombre de l'homme d'affaires et son sang se glaça.

- Vous ! Qu'est-ce que vous faites ici !

- Lâchez ça avant de vous blesser, ordonna-t-il d'une voix grave.

Isla sentit sa main abandonner sa seule arme de défense. Il s'avança pour mieux qu'elle recule jusqu'à ce que la lumière se fende sur son visage sévère mais si...beau...

- Vous n'avez pas répondu à ma question.

- Je suis venu pour découvrir à quoi ressemble le bien qui m'appartiendra dans quelques heures.

Isla croisa les bras comme une barrière de protection.

- Vous êtes rentré sans y être convié, l'accusa-t-elle.

L'homme d'affaire lui décocha un regard mécontent.

- J'ai cogné à plusieurs reprises pour m'annoncer or vous n'avez pas répondu alors j'ai fait le tour et j'ai trouvé une porte à demi fermée.

Il s'approcha lentement. Dans son costume noir taillé sur mesure elle pouvait aisément décrire les reliefs de son corps sculptural. De plus, à présent qu'il se trouvait tout près, elle se sentait prise au piège, comme une proie facile et il semblait en tirer plaisir.

- N'importe quel malade peut rentrer à sa guise, reprit-il sur le même ton : Êtes-vous à ce point inconsciente du danger ou vous le faites délibérément ?

Isla le fusilla du regard. En plus de s'introduire dans sa maison voilà qu'il l'accusait d'être stupide.

- La porte ferme mal, j'ignore comment la réparer, et puis qu'est-ce que cela peut vous faire ?

Ragnar esquissa un profond sourire intérieur qui se dissipa très vite. Aussi loin que ses souvenirs lui permettaient Ragnar n'avait jamais vu une jeune femme aussi désirable que celle qui se dressait devant lui avec maladresse. Dans un visage de perfection une profonde paire de lèvres rose et pulpeuse rehaussait la couleur pâle de son teint. Ses pommettes roses donnaient un éclat à la couleur bleue nuit de ses yeux en amandes. Une couleur qu'il n'avait jamais vu jusqu'ici. Sa tenue vestimentaire sans attrait ne pouvaient pas dissimuler ses courbes sensuelles et sa taille fine. Ses hanches sublimes en passant par cette rondeur absolue de cette poitrine dont il devinait la texture crémeuse. Quant à ses cheveux brun, une torture de ne pas lui ordonner de les détacher.

Exquise, songea-t-il en réprimant un désir trivial devant cette créature inaccessible par sa jeune beauté sauvage.

- Je n'ai pas envie d'apprendre votre mort en gros titre demain matin.

- Je n'ai jamais été agressé hormis ce soir.

Ragnar leva un sourcil vaguement amusé.

- Si on reprend la scène au départ c'est vous qui m'avez agressé.

- C'est faux ! Je me suis défendue !

- Très mal, nota Ragnar en pointant le tisonnier dans sa direction.

Une peur indicible se lut dans ses prunelles.

La peur...

C'est ainsi qu'il aimait prendre au piège ses adversaires. Il adorait sentir la peur sur leur visage mais bizarrement ce soir il n'en tirait aucun plaisir.

- Soyez sans craintes, je ne vais pas vous blesser.

Elle se pinça les lèvres, cherchant désespérément une réplique qui se mua sur sa bouche sensuelle.

- Vous êtes tombée dans la baignoire toute habillée ? Demanda-t-il d'une voix rieuse et suave.

Isla sentit son trouble l'aspirer à mesure de cette étrange conversation.

- J'ai une fuite d'eau, je tentais de la réparer.

À la seconde où son explication quitta ses lèvres Isla secoua de la tête imperceptiblement.

Pourquoi converser avec cet homme alors qu'il voulait lui prendre la maison.

- Laissez-moi deviner, vous venez de l'aggraver ?

Isla ne répondit pas, beaucoup trop perturbée par cet homme au regard gris foncé.

- Montrez-moi, ordonna-t-il en passant à côté d'elle pour montrer l'escalier.

- Non, vous...

- J'ai dit, montrez-moi, la coupa-t-il d'une voix basse mais inflexible.

Isla frissonna jusqu'à la base de sa nuque.

- La première porte à gauche.

Il monta sans l'attendre et elle dut le rattraper en montant les marches deux par deux.

- Un désastre, commenta-t-il en ôtant sa veste : vous n'auriez pas dû y toucher seule.

- Je n'avais pas le choix, répondit-elle sur un ton évasif.

- On a toujours le choix mademoiselle Rose, rétorqua-t-il en attrapant un outil dans la caisse.

- Vous m'aidez par pure bonté ou parce que cette maison sera bientôt la vôtre ?

- Parce qu'elle sera bientôt à moi, répondit-il froidement : Ou alors parce que l'eau chaude ne vous ai plus accessible et qu'elle passe directement par-là avant la baignoire.

Honteuse elle jeta un regard sur la baignoire.

- Depuis combien de jours vous vous lavez à l'eau froide ?

- Un peu plus d'une semaine, mais ça ne me dérange pas, mentit-elle, l'eau froide a beaucoup de vertus.

- Comme l'hydrocution par-exemple, lança-t-il toujours concentré sur l'évier.

Au bout de dix minutes il se leva, la chemise sale, trempée, révélant la couleur bronzée de ses biceps, assez pour qu'elle se sente rougir de confusion.

- Ça devrait tenir mais il faudra faire venir un professionnel.

Isla n'en revenait pas. L'eau était chaude et la fuite avait disparue.

- Monsieur Amadeus, je ne sais comment vous remercier.

- Moi je sais, répondit-il une lueur mystérieuse dans les yeux : Demain à 20h précise au ritz, j'ai une proposition à vous faire mademoiselle Rose.

Il passa devant elle, effleurant son épaule.

- Ça sera votre dernière chance...murmura-t-il d'une voix basse et presque fière.