Chapitre 21




Isla se réveilla alors que le soleil se couchait sur les gratte-ciel de New-York. Son mal de tête avait presque disparu. Ragnar avait fait venir un médecin qui lui avait confirmé ce qu'elle avait tenté de lui faire comprendre avant son arrivée.

Elle avait un simple rhume qui s'était peu à peu estompé au cours de la journée.

- Vous vous sentez mieux ?

Isla accueillit Louisa avec un faible sourire.

- Beaucoup mieux merci, dit-elle en se redressant sur le lit : Je ne suis pas prête d'oublier cette virée en voiture.

Louisa rit puis déposa le plateau sur la table de nuit.

- Une bonne soupe de légumes sur ordre du docteur.

- Vraiment ? S'enquit Isla en se penchant pour humer l'odeur affreusement tentante : Je ne me souviens pas l'avoir entendu dire ça.

- C'est parce que cela ne vient pas de lui.

Isla se figea et son cœur se mit à battre contre sa poitrine. Elle se redressa pour la dévisager en comprenant qu'elle évoquait Ragnar Amadeus. Louisa lui sourit timidement puis se retourna pour faire le tour du lit.

- Est-il rentré ? Demanda-t-elle sur un ton qu'elle espérait détaché.

- Pour cela il faudrait qu'il soit parti, répondit-elle en tapotant l'oreiller.

Cette fois-ci Isla eut l'impression qu'elle était victime d'une nouvelle poussée de fièvre.

- Je vous demande pardon ?

Louisa se redressa en posant ses mains sur ses hanches.

- Il n'est pas parti à son travail, il est rester ici, dans son bureau.

Isla peinait tant à y croire qu'elle secoua de la tête. Pour dire vrai elle essayait de se convaincre que cela n'avait rien à voir avec elle.

- Ce n'était pas la peine, je me sens à présent coupable de...

- C'est le grand patron, il fait ce qu'il lui plaît, argua Louisa en s'éloignant.

Elle s'arrêta devant la porte, la laissant en proie à de vives questions.

- Je dois partir, je reviens Lundi, prenez soins de vous Isla.

Incapable de répondre Isla se contenta de lui sourire. Une fois seule, elle prit une forte inspiration. La culpabilité ! Voilà ce qui l'avait motivé à rester, conclut-elle en attrapant le bol de soupe. Il se sentait coupable de l'avoir emmené dans sa Ferrari au toit ouvert.

Cependant cette conclusion n'expliquait pas pourquoi son cœur battait si vite à la simple idée qu'il ait pu rester ici.

Chassant le tumulte de questions qui la taraudait Isla dégusta la soupe appréciant la chaleur qu'elle lui apportait à chaque gorgée.

Mais cette chaleur se transforma rapidement en un brasier incontrôlable lorsqu'elle s'aperçut qu'il était là....l'épaule appuyée contre le mur.

- Comment se porte ma patiente ? Demanda-t-il d'une voix chaude.

Isla déglutit péniblement tout en reposant le bol de soupe sur le plateau.

- Mieux qu'elle ne l'aurait espéré, répondit-elle en remontant la couverture.

Elle fit de son mieux pour ne pas baisser les yeux sur le col ouvert de sa chemise ou encore même sur ses larges épaules qui tendaient le tissu.

Il s'approcha lentement, le regard énigmatique.

Il s'installa sur le rebord du lit et de là, elle cessa de respirer.

- Je me serais bien permis de toucher votre front pour m'en assurer mais j'ai peur de vous donner de la fièvre, murmura ce dernier avec un sourire en coin.

La bouche sèche elle fronça des sourcils.

- Je ne comprends pas.

- Vous ne vous rappelez pas ? Quand j'ai voulu toucher votre front ce matin vous m'avez dit que j'allais amplifié votre température.

Isla sentit ses joues s'empourprer.

- N..non, je n'ai pas dit ça.

- Oh que si ! Affirma-t-il en riant : Vous m'avez dit et je cite, non pitié ne m'approche pas vous allez l'amplifier.

Écarlate elle lui lança un regard mal assuré.

- Je...j'étais dans les vapes, je...ne savais pas ce que je disais, bredouilla-t-elle en levant son index.

- Certes mais vous l'avez dit quand même, rétorqua-t-il l'air satisfait.

Isla lui lança des éclairs de colère.

- Plus sérieusement, comment vous sentez-vous ?

- Bien mieux, assura-t-elle d'une voix plus légère : Mais vous n'étiez pas obligé de rester ici.

- Je vous l'ai dit, je voulais jouer au docteur.

Isla réprima un frisson puis un autre sans savoir s'il était préférable qu'elle s'évanouisse pour échapper à cette conversation.

- Rassurez-vous je suis resté enfermer dans mon bureau toute la journée, Louisa était chargé de m'informer sur votre état.

Il marqua une pause dans laquelle il prit le bol de soupe.

- Mais il n'est jamais trop tard pour commencer à jouer. Pour quelle raison vous ne finissez pas ?

- Je n'ai plus faim, mentit-elle alors que c'est son arrivée qui l'avait désorientée.

- Vous n'avez rien mangé de la journée, vous allez devoir faire un effort, déclara-t-il le regard sombre et exigeant.

Isla effaça toute volonté à se battre et prit le bol non sans effleurer ses larges doigts.

Elle la termina sous l'épais regard de l'homme qui ne la quittait pas des yeux.

- Voilà qui est mieux, murmura-t-il d'une voix grave.

Impassible, le front plissé comme si quelque chose le tracassait il reprit le bol.

- Je vais vous laisser vous reposer à présent, demain vous vous sentirez mieux.

Il glissa furtivement son index sous son menton comme une légère caresse rassurante et se leva en emportant le plateau.

- Merci ! S'entendit-elle dire avant qu'il ne disparaisse.

Il s'arrêta, déviant sa paire d'yeux gris foncé dans la sienne.

- C'était un immense plaisir Isla, dit-il d'une voix suave.

Il disparut, et enfin elle sentit son cœur se calmer. Mais pour combien de temps ? Allait-elle survivre ou bien même réprimer les assauts de son cœur ? Alors que son propre corps n'avait de cesse de la trahir en sa présence ?

Isla s'enfonça dans le lit moelleux et décida de fermer les yeux avec l'espoir que cette nuit de sommeil lui soit bénéfique.

Mais le lendemain, Isla éprouva un sentiment de déception lorsqu'elle avait appris par un simple mot laissé sur la table que le maître des lieux était parti depuis l'aube.

Fondamentalement, Isla savait qu'elle était trop émotive et elle en venait presque à oublier ce qui la retenait prisonnière de ces lieux luxueux et silencieux.

Par chantage ou par compromis dans les deux sens Isla était là au bon vouloir de cet homme dangereux et intraitable. Pourtant, derrière cette comédie diabolique qui les unissait Isla devait reconnaître une chose.

Ragnar Amadeus l'avait respecté depuis leur accord et ce détail l'emplissait d'un sentiment jusque-là méconnu.

Pour combler le temps Isla décida de s'enfermer dans la pièce qu'il lui avait réservé et commença à dessiner, laissant libre cours à son imagination.

Mais lorsqu'elle reposa le fusain, Isla réalisa que ce n'était pas son imagination qui l'avait poussé à dessiner mais le désir.

Car l'homme qu'elle venait d'esquisser sur la toile était Ragnar Amadeus.

Isla reposa le fusain comme si ce dernier lui brûlait les doigts et se leva lentement sans quitter le regard figé de l'homme. Des sensations l'assaillaient mais elle les réprima tout en retournant la toile pour échapper à son regard qui pendant un instant lui parut vivant. Elle jeta un coup d'œil sur l'horloge et remarqua qu'il était plus de dix-neuf heures.

Elle se précipita hors de la pièce puis emprunta l'escalier. En parcourant le long salon Isla sursauta à mi-chemin lorsqu'elle aperçut une silhouette assise dans le fauteuil.

- Vous m'avez fait peur !

Mais très rapidement cette peur se transforma en une chaleur étouffante. Il se tenait presque comme un roi dans ce fauteuil, le bras allongé sur l'accoudoir tenant un verre dans sa main, le col de sa chemise ouvert.

- Comment s'est passé votre journée ? Demanda-t-elle en nouant ses mains nerveusement.

- Plutôt calme je dirais, dit-il sans la regarder.

Isla s'approcha lentement. Il y avait quelque chose dans son regard qui était différent.

- Je suppose que la vôtre était ennuyeuse à mourir, glissa ce dernier en plantant enfin son regard dans le sien.

Isla secoua doucement de la tête.

- J'étais dans la bibliothèque, je...

Elle s'interrompit brusquement lorsqu'elle vit le contrat posé sur la table basse.

- Pour...quoi vous avez...

- Parce que je l'ai changé, la coupa-t-il brusquement.

Isla lui fit comprendre qu'elle peinait à le suivre et surtout elle se demandait pour quelle raison il était si sombre.

- J'ai demandé à mon avocat de changer votre date de départ parce que je craignais que vous soyez la victime des vautours qui s'empresseront de vous chasser. Je voulais obtenir de vous un mois de plus le temps de trouver une solution au terme des trois mois et hier j'ai fini par la trouver.

Isla accusa son explication du mieux qu'elle le put, le cœur battant à la chamade.

- Et...Et quelle solution avez-vous trouvé ?

Il rejeta sa tête en arrière, mâchoires serrées tout en inspirant par le nez.

- Notre contrat prend fin ce soir, lâcha-t-il d'une voix catégorique.

Isla cilla et sa vision se brouilla. Non ! Impossible !

Elle faillit s'évanouir et sentit des larmes lui piquer les yeux.

- Si...si j'ai fait quelque chose de mal je...

- Vous n'avez rien fait du tout bien au contraire, la coupa-t-il avec un rire amer.

Il se leva et combla l'espace qui les séparait.

- J'efface la dette d'Oliver, votre maison est sauve ainsi que ma promesse de faire réparer les dégâts causés par sa vieillesse.

Isla secoua de nouveau de la tête, la gorge nouée.

- Mais je ne comprends pas...

- C'est pourtant simple, je voulais vous punir parce que je pensais que vous étiez non seulement une séductrice mais de mèche avec Oliver. Puis je me suis peu à peu rendu compte que vous étiez sa victime et la mienne au passage.

Isla recula tant ses yeux étaient noir.

- Je me suis trompé douce Isla, et considérez qu'Oliver s'en sort uniquement grâce à vous.

Sous le choc elle s'entoura de ses bras en baissant brièvement la tête. Jamais en descendant cet escalier elle n'aurait cru entendre cela. Un déluge d'émotions la traversa.

Il se retourna pour s'emparer du lien qui les unissait et traversa le salon pour le jeter dans cette luxueuse cheminée moderne.

Ce geste concluait la fin définitive de leur contrat et elle crut sentir son cœur se serrer.

- Je vous demanderais qu'une seule chose en retour.

Incrédule, elle hocha de la tête.

- Je vous demanderai de rester ici le temps que je vous sorte du merdier dans lequel je vous ai mis, déclara-t-il d'une voix sérieuse sans trace d'humour : Je connais ces hommes, à l'instant même où la presse indiquera que nous ne sommes plus ensemble vous serez leur cible.

Dit comme ça, Isla esquissa une grimace de dégoût et de peur mêlés. Mais un détail la heurta.

Faisait-il cela pour la protéger ou pour empêcher ses adversaires d'envisager que...

- Puis il y a Oliver, je dois impérativement le mettre hors d'état de nuire, reprit-il en l'arrachant à ses pensées.

Il s'approcha à pas de loup, la dominant peu à peu de toute sa hauteur.

- Acceptez-vous de rester Isla cette fois-ci sans contrainte ou dois-je faire venir mon chauffeur ?

Une flamme jaillit dans ses yeux gris. Disait-il vrai à propos de ces hommes ? Comment douter alors qu'à aucun moment il avait perdu son sérieux ?

Ayant trop peur de le dire par peur que cela devienne réel elle hocha de la tête en guise de réponse.

- Merci, s'entendit-elle néanmoins murmurer avec l'impression d'être libre même si elle ne l'était pas encore tout à fait.

Sans qu'elle s'y attende il glissa sa main dans ses cheveux en la dévisageant, le front plissé.

- À présent...filez avant que...

Il s'interrompit en serrant ses mâchoires, laissant retomber sa main le long de sa hanche.

- Filez...répéta-t-il alors qu'elle s'éloignant le coeur cognant contre sa poitrine, le ventre irradié d'une émotion indescriptible.

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