Chapitre 20




Le trajet dura trente minutes. Quand il entra dans une allée bordée de fleurs Isla eut peine à croire qu'il s'agissait d'un endroit en lien avec Ragnar. Elle avait l'impression d'être au paradis. Cependant et bien qu'elle se savait constamment dans l'action d'un rôle, Isla ne put s'empêcher d'être nerveuse à l'idée de rencontrer sa mère. Était-elle aussi machiavélique que son fils ?

Isla s'ôta immédiatement cette idée de la tête. Cette femme avait vécue l'enfer selon son fils, alors il lui était impossible d'envisager qu'elle soit comme lui.

À peine eut-elle quitter le véhicule qu'une femme apparut dans l'allée tout sourire. Ce qui la marqua en premier lieu fut l'élégance qu'elle dégageait.

Elle portait un sourire radieux.

- Bonjour mon fils ! Quel plaisir de te voir.

- Plaisir partagé, dit-il en embrassant sa joue.

Devant cette échange intime Isla aurait souhaité s'effacer aussi loin que possible. Hélas, cette dernière se tourna vers elle.

- Vous devez être la fameuse Isla ? Questionna-t-elle en s'approchant pour la prendre furtivement dans ses bras.

- Fameuse ? Répéta Isla en se tournant vers l'homme d'affaires.

- Fameuse, délicieuse, énuméra ce dernier en lui lançant un regard intense : Quelle que soit la définition tu peux constater que je ne t'avais pas menti mère.

- En effet, confirma-t-elle en lui souriant : on dirait presque une poupée en porcelaine.

Isla ne put s'empêcher de rougir.

- Mon dieu ! Je manque à tout mes devoirs. Je suis Susan et je suis ravie de vous rencontrer.

- Isla Rose, dit-elle en croisant ses mains derrière son dos.

Cette dernière la prit par les épaules pour la guider jusqu'à l'entrée.

- J'espère que vous avez faim, j'ai préparé un délicieux poulet.

- Je meurs de faim.

Isla ne s'était pas trompée. La mère du diabolique Ragnar Amadeus était un ange ! Difficile pour elle de croire qu'elle était sa mère. Elle sentait sa présence derrière elle au point d'en frissonner.

À l'intérieur, l'espace était grand et le décor était complètement différent. Les couleurs étaient d'un blanc nacré accompagnée d'un bois très clair.

- Votre maison est absolument magnifique.

- Merci, lança une voix grave derrière elle.

Isla se retourna vers lui, le front plissé.

- Cette maison est...

- À moi oui, confirma-t-il en s'approchant pour l'aider à retirer son manteau.

Le contact de ses mains sur elle lui provoqua un courant brûlant qu'elle tenta de refouler au plus profond de son être.

- Difficile à croire n'est-ce pas ? Pourtant j'en suis le propriétaire. Ma mère y séjourne quand elle vient ici.

- Difficile à le croire en effet, dit-elle en croisant son regard : Le décor ne vous correspond pas.

- Ça c'est parce que j'ai eu mon mot à dire, intervint Susan.

Malgré cette intervention, Isla ne parvenait pas à le quitter des yeux et il semblait s'en satisfaire.

- Je dois passer un coup de fil, peux-tu t'occuper d'elle ?

- Bien entendu ! Venez Isla.

Elle ne le quitta pas des yeux jusqu'à ce qu'il disparaisse puis suivit Susan jusqu'à la cuisine. Une odeur délicieuse lui monta au nez. Susan prit place derrière le plan de travail sans se départir de ce sourire radieux.

- Alors mademoiselle Rose, comment trouvez-vous mon fils ?

La question fut si directe qu'elle cligna plusieurs fois des yeux avant d'envisager de lui répondre.

- Il est...autoritaire, exigeant et...

Celle-ci se mit à rire de bon cœur.

- Vous êtes bien la première femme à oser le décrire ainsi. Vous êtes différente, je l'ai tout de suite sentie.

Isla sourit, gênée.

- Et oui, vous avez raison, mon fils est tel que vous l'avez décrit, reprit-elle en coupant des rondelles de citron : C'est un homme intimidant je dois vous avouer qu'il l'intimide parfois.

Isla remarqua qu'elle portait une alliance, signe qu'elle s'était remariée. Elle voulait en découvrir plus sur Ragnar mais savait qu'elle s'engageait sur une pente glissante. Si seulement cet homme n'était pas aussi mystérieux, songea-t-elle en se mordant la lèvre.

Elle ne serait pas obligée de repousser cette curiosité qui la dévorait.

- A-t-il toujours été comme ça ? Osa-t-elle demander.

Susan sourit tristement.

- Ragnar était un garçon solitaire et silencieux, il ne parlait pas beaucoup et ce comportement est apparu à cause de son père.

Isla baissa les yeux sur le plan de travail. En réalité elle était surprise qu'elle lui en parle sans craindre la réaction de son fils.

- Puis un jour, il s'est rebellé contre lui, la suite j'ai l'impression que vous la connaissez.

Isla hocha silencieusement de la tête.

- Depuis il se montre exigeant, autoritaire, protecteur envers moi. Les quelques hommes qui j'ai rencontré après mon divorce ont tous été chassé par Ragnar.

- Vous voulez dire qu'il...que c'est lui qui choisissez...

- L'un était marié et avait deux enfants.

- Oh...

Susan esquissa un sourire en coin tout en secouant de la tête.

- Mon fils a la capacité terrifiante d'analyser les personnes. Puis Phill a su se démarquer. Il a gagné le cœur de Ragnar et nous sommes mariés depuis deux ans.

Isla esquissa un sourire tremblant. La façon dont il avait protégé sa mère la confortait dans l'idée que quelque part au fond de cet homme il y avait du bon.

- Alors ? Quel genre d'interrogatoire lui as-tu fait passer ?

Isla réprima un sursaut. L'intéressé entra dans la cuisine l'air impassible.

- Rien de bien méchant, répondit Susan en glissant les rondelles de citrons dans la carafe.

Une main se posa dans son dos. Isla réprima un mouvement de recule malgré le tumulte d'émotions qui la submergeait. Sa main n'était pas seulement irradiée de chaleur elle était possessive...la naissance de ses doigts était crispé dans le creux de son dos.

- Phill ne se joint pas à nous ? Demanda-t-il comme si de rien n'était...comme si cette situation était parfaitement logique.

- Il a du travail malheureusement, nous sommes que tout les trois.

Isla perdit à ce moment-là le sens des réalités et le repas qui s'ensuivit la rendit mal à l'aise. Susan faisait comme si elle avait devant ses yeux un couple naissant et s'en donnait à cœur joie. Puis peu à peu elle était parvenue à se détendre grâce à l'aide de l'homme d'affaires.

- Promettez-moi de me faire cette toile Isla, je serais vraiment enchanté d'admirer votre talent, avait-elle lancé à leur départ.

Puis ils avaient quitté cette grande maison sans un mot pour l'autre comme si cette situation surréaliste les avait mis dans l'embarras tout les deux.

- Vôtre mère est une femme très charmante, lança-t-elle quand ils furent rentré.

- Difficile de croire qu'elle a engendré le diable, dit-il en lui souriant.

Isla lui sourit en retour, habituée à son ironie noire.

- Je vais montée me reposer, je ne me sens pas très bien.

- Allez-y ma douce, je dois travailler.

Évitant soigneusement les lances enflammées qui brillaient dans ses yeux Isla monta à l'étage le cœur battant à la chamade. Elle s'enferma dans sa chambre pour une durée indéterminée...du moins...le temps qu'elle puisse trouver un moyen d'arrêter l'assaut de son cœur.

Le lendemain matin Ragnar noua sa cravate avec humeur. Il avait passé une nuit courte et semée d'embûches. En travaillait jusqu'à tard dans la nuit il avait crû pouvoir étouffer le désir perpétuel qu'il éprouvait pour la jeune femme. Hélas en se couchant celle-ci avait hanté sa nuit jusqu'à rêver d'elle. La résistance devenait presque une torture. Son image revenait sans cesse dans son esprit. L'incarnat de ses lèvres qu'il mourrait d'embrasser en passant par la tentation de caresser la douceur de sa peau...

Ragnar lâcha un chapelet de jurons puis descendit la rejoindre car le fait de la regarder lui offrait au moins un répit intérieur de quelques instants avant que son corps ne se mette à réagir à cette beauté interdite.

Il la chercha dans le grand salon puis dans la cuisine et fut soucieux de ne trouver que Louisa.

- Isla n'est pas ici ?

- Toujours pas monsieur, elle n'est pas encore descendue, d'habitude elle est là avant que j'arrive.

Intrigué Ragnar pivota les talons pour remonter à l'étage.

Il entra dans la chambre sans s'annoncer et la trouva allongée dans le lit, les rideaux étaient tirés laissant un léger filtre de lumière éclairer la pièce.

Ragnar s'approcha rapidement et l'étudia en train de dormir avant de se pencher pour saisir son menton délicat. Ses yeux bleus brillaient et ses joues étaient plus rouge que d'habitude.

- Laissez-moi deviner trésor, rouler cheveux au vent dans une voiture de sport ne vous a pas réussi ?

En guise de réponse elle se mit à éternuer en continue avant de nicher sa tête dans l'oreiller.

Ragnar s'installa sur le bord du lit.

- Laissez-moi regardé si vous avez de la fièvre.

La jeune femme se recula en secouant de la tête. Elle semblait sur une autre planète. En réalité elle avait l'air ivre sans avoir bu.

- No..non pitié ne m'approcher pas vous allez l'amplifier, bafouilla-t-elle.

Ragnar leva un sourcil en souriant.

- Alors celle-là il faut absolument que je la note quelque part, lança-t-il en croisant son regard fatigué.

Il posa sa main sur son front et nota qu'il était chaud.

- Vous avez de la fièvre.

Ragnar reprit son sérieux et prit son téléphone pour appeler son médecin.

- Ne vous dérangez pas pour si peu, ça va passer c'est juste un rhume, objecta-t-elle d'une voix voilée par la fatigue.

Ragnar se pencha en avant, croisant ainsi sa paire d'yeux brillante alors qu'il patientait au téléphone.

- Et perdre l'occasion de jouer au docteur avec vous ? Certainement pas...

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