Chapitre 17
Quelques semaines venaient de s'écouler depuis leur escapade au restaurant. Malgré les jours qui s'estompaient, Isla avait l'impression que les semaines étaient interminables et sans fin définitive. Elle vivait dans son appartement que depuis quatre semaines. Il lui restait deux mois à tenir. Isla repensait sans cesse à ce qu'il lui avait dit ce fameux soir. Il la désirait mais s'en tiendrait à cet aveu. D'abord touchée Isla s'était très vite sentie déboussolée et triste. Il voyait en elle qu'une jeune femme innocente, inexpérimentée et insouciante.
Bien qu'elle n'allait pas s'en plaindre Isla ressentait tout de même une pointe au cœur d'être à ses yeux qu'une petite vierge recluse dans une maison vide.
" Je vous briserais "
Isla ferma brièvement les yeux en se souvenant de cette phrase implacable. Au moins il avait été sincère et elle pouvait que le remercier pour sa franchise. À présent, Isla se répétait sans cesse qu'elle devait tenir jusqu'à la fin de cette triste comédie et ensuite elle retrouverait sa vie d'avant...celle qui secrètement lui manquait affreusement. Elle voulait disparaître et retrouver cette vie calme et sans problème car c'est cette vie qui la rassurait. Ici, elle avait l'impression d'être en danger.
Un danger émanant de cet homme au regard gris foncé.
Isla sursauta et dut s'arracher de sa torpeur lorsqu'elle entendit les portes de l'ascenseur s'ouvrir. Elle se redressa sur l'instant, le cœur battant déraisonnablement...
- Bonsoir Isla comment s'est passé votre journée ?
- Comme celle d'hier et celle qui précédait.
Il lui lança un sourire puis monta l'étage sans prendre la peine de lui répondre.
Ainsi voilà l'horrible quotidien qui ne la quittait pas depuis le restaurant. Elle s'en tenait à cette comédie qu'elle avait dû jouer trois fois en quatre semaines. Les journalistes s'abreuvaient des quelques photos qu'ils avaient pu prendre d'eux. Main dans la main se baladant dans New-York...un baiser volé lors d'une sortie à un gala de charité qui avait eu lieu la veille.
Comment oublier les regards de ces femmes sur elle ? Éprises de jalousie.
Isla en avait même fait la conclusion suivante :
Ces femmes connaissaient Ragnar Amadeus. Elle était persuadée que plusieurs d'entres elles avaient partagé avec lui un moment éphémère de passion.
Isla releva les yeux précipitamment quand elle entendit ses pas redescendre le grand escalier.
Mais lorsqu'elle aperçut la silhouette de son dos Isla sentit une chaleur envahir ses joues. Elle découvrit alors trop tard qu'il descendait torse nu.
- O..oh mon dieu, balbutia-t-elle à voix basse.
Incapable de le quitter des yeux Isla sentit son cœur s'accélérer d'affolement lorsqu'elle s'aperçut que sur ce corps musclé et magnifiée par son teinte bronzée un tatouage recouvrait une partie de son dos tout en sillonnant légèrement son épaule droite.
Un tatouage tribal à l'encre noire.
Comment avait-elle pu manquer ça ? S'écria-t-elle intérieurement.
Tout simplement parce que c'était la première fois qu'il se dévoilait ainsi.
Isla sentit ses lèvres s'assécher alors qu'elle étudiait son dos irradié par une musculature impressionnante. Ses trapèzes, en passant par le grand dorsal...
Isla se racla la gorge avec difficulté tout en gardant ses yeux rivés sur lui. Une grave erreur qu'elle regretta lorsqu'il s'approcha enfin, lui dévoilant son torse massif, ses pectoraux, ses biceps et un flux statique de veines et de tendons.
Embarrassée elle s'empara du torchon laissé sur le plan de travail et l'utilisa pour feindre d'être occupée.
Les yeux baisées, elle vit dans son angle mort qu'il était là, de l'autre côté du plan de travail, vêtu de son pantalon noir.
Rien d'autre !
- J'ai passé une journée harassante, lança-t-il sur un ton neutre mais si grave à la fois.
- Oh ! Vraiment ?
- Oui vraiment, affirma-t-il d'une voix qui paraissait préoccupée : Isla je peux savoir ce que vous faites.
- Un peu de nettoyage.
- Ce n'est pas à vous de faire ça, vous le savez bien.
- Louisa est malade elle n'a pas pu venir, expliqua-t-elle en trouvant enfin le courage de relever les yeux non sans difficulté.
Son ventre palpita à la vue de ce mâle viril et de ce tatouage recouvrant son épaule.
- Elle ne m'a pas prévenu, dit-il en allant jusqu'au bar.
- Je lui ai dit que...je vous préviendrais.
- Voilà chose faite, dit-il en revenant vers elle d'une démarche nonchalante : Hier, la soirée de gala a été un véritable succès, vous avez été splendide.
- Merci mais pourquoi me le dire maintenant ?
- Parce qu'hier vous n'aviez pas l'air dans votre assiette j'ai donc jugé préférable de vous laisser dormir.
- J'étais seulement un peu fatiguée, et à force d'avoir parlé toute la soirée je n'avais plus rien à dire pour tout vous avouer.
Il inclina sa tête en signe de compréhension.
- Ils étaient curieux et en soif d'en connaître davantage sur vous.
- Y compris certaines femmes un peu trop insistantes lors de mes passages dans les toilettes des dames, ajouta Isla en pinçant un sourire.
Il leva un sourcil vaguement intrigué.
- Vraiment ? S'enquit-il avec un sourire en coin.
- Je vous en prie ne faites pas comme si vous ne l'aviez pas remarqué. C'est à croire que toutes vos maîtresses s'étaient réunis en un seul et même troupeau.
Isla secoua de la tête puis rajouta :
- C'est à se demander si vous n'avez pas couché avec toutes les femmes de la ville.
- Sauf vous....lança-t-il avec un sourire diabolique.
Rougissante, elle ouvrit la bouche mais la ferma alors qu'il la pointait du doigt sans se départir de son sourire.
- Mais nous savons tout les deux que j'ai fait vœux de chasteté avec vous ma douce Isla, chuchota-t-il en faisant mine d'être sérieux.
Un long frisson parcourut Isla mais elle lui décrocha un regard de torve.
- Mais si jamais vous avez besoin d'un homme expérimenté pour accéder au délice interdit de la passion je serais ravi de vous aider, ajouta-t-il d'une voix sauve.
Isla réprima un hoquet mais ne put empêcher l'afflux de rougeurs qui lui montait aux joues.
- Vous êtes....
- Doucement sur les insultes diaboliques ma douce Isla ou vous allez finir par être victime d'hallucinations et me voir avec des cornes de diable sur la tête.
- Figurez-vous que c'est déjà fait !
- Ah vraiment ? Et de quoi avais-je l'air ? S'enquit-il en la regardant par-dessus son verre.
Dévastée par un déluge d'émotions contradictoires Isla crut s'évanouir de colère.
- Comme maintenant mais avec la description que vous venez de faire, dit-elle sur un ton excédé.
Oui, Isla était excédé mais parce qu'elle ressentait des choses en sa présence que personne jusqu'ici ne lui avait fait ressentir.
Au moment où elle croyait ne jamais se défaire de cette conversation imprudente l'ascenseur s'ouvrit sur le livreur.
- Une commande pour Isla Rose ?
Ragnar se durcit sur l'instant. Il se retourna pour détailler l'intrus. Sur ses gardes il agrippa le poignet de la jeune femme qui s'apprêtait à le rejoindre.
- Qui est-ce ?
- Le livreur qui m'apporte ce que j'ai commandé il y a une heure, dit-elle en grimaçant les yeux rivés sur son poignet qu'il relâcha.
Ragnar la suivit des yeux tout en s'avançant à distance raisonnable. Le jeune homme la jaugeait avec un intérêt loin d'être professionnel, glissant sa paire d'yeux emplie de concupiscence dans les attraits les plus intimes de la jeune femme.
- Vous voulez de l'aide ? Lâcha-t-il d'une voix rêche.
Le livreur releva les yeux dans la précipitation.
- Oui...enfin non !
Rictus aux lèvres Ragnar lui envoya son regard le plus menaçant, pressant ainsi ce dernier à quitter les lieux.
- Ne donner plus jamais le code sans m'en avertir est-ce clair ?
La jeune femme cilla, incrédule.
- Il n'y a plus rien à manger, j'avais faim.
Sa justification était loin de le satisfaire.
- Peu m'importe, je donne mon code d'accès à cet appartement à des professionnels en qui j'ai confiance, dit-il d'une voix dure : Ce livreur n'avait rien à faire ici !
Malgré la peur qu'il lisait dans ses yeux elle ne semblait pas vouloir en démordre.
- Qu'allez-vous faire ? Le tuer ? Demanda-t-elle en se dirigeant vers la cuisine.
- C'est une idée, répondit Ragnar sans se départir de son mécontentement : Ne vous avisez plus de recommencer.
- Alors il va falloir que quelqu'un remplisse ce frigidaire.
D'ordinaire Louisa s'en occupait mais visiblement son absence avait perturbé le planning.
- J'y veillerai personnellement.
Elle se mit à fuir son regard derrière cette alignée de cils noirs et à ce moment-là une seule question s'imposa à lui.
Était-il en colère pour les raisons qu'il venait de lui évoquer ou parce que ce livreur ne l'avait pas quitté du regard ?
Maîtrisant à demi-mesure l'effet de colère qui l'animait Ragnar l'observa par-dessus son verre. Ses cheveux noués en natte retombaient avec rébellion contre sa hanche....quant à ses yeux bleus...difficile de ne pas voir la timidité qui les habitaient.
- Cette nourriture n'est pas très saine, commenta-t-il en s'approchant d'elle.
- J'adore ça ! S'exclama la jeune femme en mordant dans le hamburger avec entrain.
- Il y a bien meilleure nourriture sur cette terre que ce genre de malbouffe qui vous fera mourir plus vite.
- Pas plus vite que votre whisky, rétorqua-t-elle pétillant de malice.
Devant cette fierté qu'elle affichait d'être parvenue à le contrer, Ragnar plissa des yeux avant de s'emparer de ses joues roses.
- Prenez garde douce Isla ou je serais davantage tenté de vous renverser en arrière toute disposée à la fessée...
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