Chapitre 12
Isla se leva précipitamment, le regard horrifiée. Ragnar tenait Sam Wilcoks à la gorge après lui avoir asséné un coup de poing au visage. Le pire dans cette affreuse scène c'est que personne ne semblait vouloir intervenir. Le directeur du restaurant se contenta de réajuster sa cravate puis se passa un mouchoir immaculé sur son front.
Ses oreilles bourdonnaient si fort qu'elle ne parvint pas à entendre la voix de l'homme d'affaires qui s'adressait à Sam Wilcoks. Puis il se leva, essuyant ses lèvres, le regard si noirs que d'instinct elle s'entoura de ses bras. Tout le monde semblait retenir son souffle.
Il releva la tête en direction de Baxter, alors que Sam Wilcoks se tenait le nez en gémissant de douleur.
- Je crois que notre accord ne s'achèvera pas ce soir, monsieur Baxter, siffla-t-il entre ses dents.
Pétrifiée Isla sentit une main ferme entourer son bras.
- Monsieur Amadeus attendez ! S'écria Baxter sur un ton presque suppliant.
Isla fut traînée hors du restaurant comme une poupée de chiffon. Son cœur battait si vite qu'elle en avait le souffle coupé.
- Montez, ordonna-t-il d'une voix rude en lui ouvrant la portière.
Isla obtempéra avec le sentiment d'avoir tout gâché. Le chauffeur démarra sous les ordres de Ragnar. Dans la nuit noire Isla parvenait tout de même à déceler son visage.
Il n'était que fureur et rage.
- Je suis désolé tout est de ma faute, dit-elle alors qu'il lui bouclait sa ceinture de sécurité.
Ses doigts vinrent attraper ses mâchoires.
- Je vous interdis de songer à vous croire responsable, articula-t-il entre ses dents serrées : Je suis le seul responsable.
Il relâcha ses mâchoires, lui laissant une sensation de picotement.
Il ôta sa veste et la passa autour de ses épaules.
- Sam Wilcoks est un homme détestable et pervers, je n'aurais pas dû vous emmener ce soir, poursuivit-il sur le même ton dur : Je l'ai observé vous regarder comme si vous étiez de la viande fraîche.
- Je vous pensais près du bar, dit-elle persuadée qu'il y était encore lors de sa proposition indécente.
- Je le surveillais du coin de l'oeil et lorsque je vous ai vu blêmir je me suis alors approché et je l'ai entendu.
Isla se mordit l'intérieur de la joue, les yeux baissés sur ses mains.
- À l'avenir, j'éviterais de vous emmener à ce genre de dîner.
- Parce qu'il y a plusieurs genres de dîners ? Demanda-t-elle d'une voix légère en espérant faire redescendre la pression.
Hélas, il se contenta de la regarder les yeux toujours aussi voilés par la colère. Il ne répondit rien. Ses poings restèrent serrés sur ses cuisses musclées jusqu'à ce que la voiture s'arrête à hauteur de l'immense gratte-ciel.
Isla quitta la voiture sans attendre qu'il fasse le tour pour lui ouvrir la portière. Ce dîner avait tourné au fiasco et Isla ne savait plus quoi faire pour calmer les nerfs à vif de l'homme d'affaires.
Ils rentrèrent dans une ambiance glaciale. Isla préféra garder le silence afin de lui laisser le temps de se calmer. Il ôta sa veste avec humeur et dénoua sa cravate. Elle le suivit du regard, hésitante. Devait-elle monter dans la chambre ou rester ici ?
Soudain une musique qui ressemblait à de l'opéra emplit le grand salon. C'était comme un léger bruit de fond agréable à l'écoute. Il revint vers elle avec un verre à la main.
- Ne restez pas planté là, je ne vais pas vous manger, dit-il en s'installant dans l'un des fauteuils dressés devant les baies vitrées.
Isla réprima un frisson et s'approcha lentement. Elle se laissa tomber sur le canapé qui se tenait à grande distance.
- Vous allez bien ? Demanda-t-il d'une voix qui paraissait plus amène.
- Oui, je suis juste un peu...désorientée.
- Je suis désolé de m'être comporté comme un sauvage, ce n'est pas l'image que j'aime le plus chez-moi.
Ses yeux gris étaient percés d'une lueur mystérieuse qu'elle ne parvenait à déterminer.
- Vous avez perdu le contrat ? Demanda-t-elle en tortillant ses doigts.
Un rire diabolique couvrit presque la musique de fond.
- Ma fortune personnelle s'élève à plus de deux milliard de dollars, ce contrat m'aurait rapporté dix millions de dollars, autrement dit une goutte d'eau dans l'océan. Ce sont eux les perdants ce soir pas moi.
Il consulta son téléphone avant de le tourner vers elle.
- Et à présent cette altercation fait déjà la une de la presse, ce qui signifie qu'ils vont commencer à se poser des questions sur nos liens et surtout...pourquoi je me suis donné autant de mal pour une femme ce soir.
Isla déglutit péniblement.
- Aujourd'hui, j'ai gagné et j'ai sauvé votre honneur.
Il est vrai qu'elle se sentait étrangement reconnaissante envers lui. Lorsqu'il lui avait dit qu'il ne laisserait personne l'humilier Isla était loin de s'attendre à ce qu'il en vienne en main.
- Merci, murmura-t-elle en le dévisageant avec prudence tout en avisant la cicatrice qui barrait sa joue.
Puis soudain Isla eut l'impression de manquer d'air. Son regard n'avait jamais été aussi puissant d'intensité.
- C'est à moi de vous remercier, répondit l'homme d'affaires en faisant tressauter ses mâchoires : Avec ce qu'il s'est passé ce soir je m'étonne de vous voir encore ici.
- C'était un simple accident, je n'ai pas l'intention de remettre notre accords en question pour si peu.
Bien sûr Isla mentait. Pendant un bref instant elle avait songé à partir et mettre fin à cette comédie.
- Vous tenez à ce point à cette maison ? Demanda-t-il en tournant son verre d'un mouvement de poignet.
- Imaginez que l'on veuille vous arracher un bien précieux, quelle serait votre réaction ? Vous ne vous battriez pas pour le garder ?
Il demeura silencieux un long moment avec de pousser un faible rire amer.
- J'avais oublié que j'étais le méchant dans l'histoire.
- Oliver est en partie responsable de ma situation mais je ne peux pas dire le contraire, vous êtes celui qui m'a imposé ce contrat, dit-elle sans animosité dans la voix.
Son but n'était pas d'avoir un conflit mais elle voulait comprendre pour quelle raison il tenait temps à ce compromis.
- Voulez-vous reprendre cette fâcheuse discussion ce soir Isla ? Car je ne suis pas d'humeur.
Devant son air menaçant Isla préféra abandonner.
- Vous avez entièrement raison, dit-elle en se levant : C'est inutile de remuer le couteau dans la plaie.
Elle posa sa veste noire sur le canapé, soigneusement pliée puis lui décrocha un léger sourire.
- Je vous laisse, je suis fatiguée, bonne nuit monsieur Amadeus.
Ragnar tapota son index sur son verre tout en la regardant s'éloigner dans cette démarche maladroite mais si appréciable à regarder. Son flux de colère n'était toujours pas redescendu. Sam Wilcoks avait eu de la chance ce soir. Si la jeune femme n'avait pas été là, dieu seul sait ce qu'il aurait été capable de faire. Isla refusait l'humiliation et lui avait cru qu'elle n'en serait pas victime. Une grave erreur qu'il avait beaucoup de mal à se pardonner. Ragnar ferma les yeux espérant que cet instant de silence suffirait à l'aider. Hélas il huma l'odeur trop présente de la jeune femme et se leva d'un bond pour mieux arpenter le salon. Elle lui en voulait à cause de ce contrat et la manière dont il la manipulait avec sa maison. Cependant, il avait beau se persuadé que c'était mal Ragnar restait malgré tout campé sur ses positions.
Pouvait-il changer la manière dont elle le regardait ?
Ragnar se mit à réfléchir avant qu'une idée lui vienne en tête.
Isla adorait l'art au point d'avoir voulu en faire son métier avant que son rêve ne soit brisé.
Peut-être qu'en lui offrant le matériel nécessaire, la jeune femme pourrait se plonger à nouveau dans cette passion ?
Ragnar grimpa à l'étage pour passer quelques coups de fil dans son bureau. Il s'empressa d'abord de prévenir son agent de presse pour qu'il divulgue quelques bribes d'informations sur Isla aux journalistes, puis il contourna son bureau et s'engagea dans le long et vaste couloir avec l'espoir qu'elle soit toujours éveillée. Mais lorsqu'il ouvrit la porte, la chambre était plongée dans le noir. Seules les lumières de New-York éclairaient la pièce suffisamment pour qu'il s'approche du lit. De nouveau épris d'un désir indescriptible Ragnar observa la jeune femme dormir profondément, les cheveux éparses sur l'oreille.
Depuis qu'il la connaissait jamais il ne l'avait vu aussi apaisé.
Ragnar releva les yeux pour échapper à cette image trop tentante et quitta la chambre sans un bruit alors que de son côté, Isla rouvrit les yeux, le cœur battant à la chamade...
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