Chapitre 37
Quand ils touchèrent l'île c'est sous une pluie battante qu'ils rejoignirent le château. Trempée de la tête aux pieds Nessa se sentait étrangement faible et soupçonnait Ena de lui vouloir du mal au point de la rendre malade. Nessa refusait de se laisser déstabiliser par cette attaque. Elle demanda à Kara de lui donner des herbes médicinales. Ivar quitta la chambre pour aider les hommes à décharger le bateau. Une fois seule avec Kara, Nessa décida de lui confier ses doutes.
- Je crois que Ena tente de m'empoisonner, déclara-t-elle en écrasant les herbes dans un bol.
Kara porta ses mains à sa bouche puis se laissa choir par terre près d'elle.
- En es-tu certaine ?
La gorge nouée, Nessa fronça des sourcils le regard perdu sur le sol.
- Oui, je suis presque certaine qu'elle essaye de me rendre malade.
- Comment est-ce possible ?
- Les baies, c'est elle qui me les a donné puis sur le bateau c'est elle qui a préparé les bouillons, peu de temps après je me suis sentie mal.
Livide, Kara se releva d'un sursaut quand la porte s'ouvrit sur Ivar, trempé de la tête aux pieds...n'ayant plus de chemise, seulement ses braies. Kara s'incline respectueusement et quitta la chambre sans un mot. L'orage éclata...si fort qu'elle sursauta. Elle s'empressa de finir la préparation le cœur battant à vive allure. Car elle avait beau haïr Ena elle ne souhaitait pas sa mort au contraire de cette dernière et elle savait que le jarl l'exécuterait si elle venait à lui partager ses doutes.
- Je ne comprends pas pourquoi tu te sens si fiévreuse et tu sembles ignorer d'où vient ce mal, déclara-t-il les mâchoires contractées après qu'elle ait eu bu sa préparation.
- Je pense que le voyage m'a énormément fatiguée.
- Je ne parviens pas à y croire, rétorqua le viking les poings serrés.
Incapable de parler tant elle était consumée par le froid, Nessa claqua des dents.
- Tu es forte, tu allais bien ce matin, il se passe quelque chose et tant que je ne trouverais ce qui se passe je n'aurais ni repos ni paix.
Elle le croyait sur parole...
Impitoyable il s'approcha dans la pénombre avant qu'un éclair ne transperce le ciel.
- Nessa ? Es-tu sûre que personne...
- Assurément Ivar, coupa-t-elle épuisée.
Il lui ôta sa robe trempée et raviva le feu de la cheminée. Docilement elle se laissa conduire près du feu et ferma les yeux.
- Je ferais exécuter ceux qui te veulent du mal, siffla-t-il entre ses dents serrées.
Un frisson d'horreur parcourut son visage. Dans la faible lueur des flammes, elle vit son visage se faire dévorer par la haine. Le souffle court, le cœur battant elle ferma les yeux tout en priant le ciel qu'il lui vienne en aide.
Ivar avait le regard rivé sur les flammes, berçant Nessa dans ses bras, incapable de la lâcher. Il se concentrait sur ses lentes respirations. Il ne parvenait pas à comprendre pourquoi elle était souvent saisie de fièvre et cela le rongé intérieurement. Il referma son bras sur sa taille et embrassa sa tempe, complètement bouleversé par les émotions qu'il ressentait pour elle.
- Est-ce qu'elle va mourir ?
Immobile, Ivar releva son regard vers Rolf. Le long de la porte, le petit garçon orphelin attendait une réponse, le regard rivé sur Nessa.
- Non, elle ne va pas mourir, répondit Ivar en se levant lentement pour la déposer sur le lit.
- Elle est juste un peu souffrante.
- On raconte qu'on lui veut du mal, répliqua le petit garçon en s'avançant près du lit.
Ivar plissa son front.
- Qui a dit ça Rolf ?
Il se pencha en avant pour toucher le visage de Nessa.
- Des femmes et des enfants, est-ce que c'est vrai ?
La bouche frémissante Ivar prit sur lui pour ne pas effrayer le petit garçon.
- Est-ce que tu veux bien prendre soin d'elle, je dois descendre dans la grande salle.
Rolf acquiesça visiblement ravi et monta sur le lit en brandissant son épée en bois. Il enfila une chemise et quitta la chambre d'un pas pressé.
- Est-ce bien vrai ? S'enquit-il d'une voix sourde quand il croisa Holga dans le couloir ; Rolf m'a rapporté que quelqu'un tenté de faire du mal à Nessa.
Holga pâlit et n'essaya même pas de lui mentir.
- Idy me l'a rapporté ce matin, j'ignore si c'est vrai mais elle a confié ses doutes à Haakon, puis Hayar puis...
Ivar n'attendit pas la suite et pénétra dans la grande salle. Idy savait ce qu'il l'attendait et se leva le menton levé en signe de défiance.
- Oui, j'ai émis mes doutes et mes craintes au sujet de la sécurité de Nessa.
- Comment peux-tu avancer de tels propos sans...
La salle se mourut dans un lourd silence menaçant. Dans un cri perçant il saisit les cheveux de la saxonne et agrippa sa mâchoire.
- Es-tu responsable de son mal ? Demanda-t-il d'une voix tremblante de colère.
Les yeux écarquillés Ena répondit d'un mouvement de tête mais ce n'était pas suffisant pour Ivar. Alors il l'a saisi à la gorge. Ne touchant plus terre, c'est dans un cri étouffé qu'elle plaida sa cause.
- Si jamais tu es responsable de sa fièvre je te tuerais ! Dit-il d'une voix sifflante.
Il la relâcha et celle-ci retomba lourdement sur le sol en se tenant la gorge. Pour être bien comprit de tous, Ivar jeta un regard circulaire sur les quelques femmes qui maintenaient leur position en faveur de la saxonne.
- Est-elle encore souffrante ? Lança Svend en se levant lentement.
- La fièvre n'est pas encore tombée.
Svend baissa les yeux sur Ena.
- Si c'est elle, nous le saurons tôt ou tard...les saxons sont des faibles d'esprits...
Cruel et sans pitié le viking tatoué jeta le reste de son âle sur Ena qui le gratifia d'un sourire crispé.
- Mon cher Svend ! Grogna la saxonne toujours agenouillée ; Me crois-tu aussi idiote que tu le prétends ? Quel serait mon intérêt de rendre malade la femme du jarl ?
Ena se releva les yeux noirs, cherchant à ressembler le peu de dignité qui lui restait.
- Cette jeune femme frêle est juste fragile ! Incapable de tenir en mer sans attraper du mal.
Devant son dédain évident Ivar esquissa un sourire diabolique puis quitta la salle en la laissant à la foule...une foule qui cherchait Gunard...une foule qui avait prit peur.
Il remonta les étages pour y retrouver sa femme endormie.
- Elle a dit ton nom et elle s'est rendormie.
Rolf se tenait près du lit le dos bien droit avec son épée en bois devant lui. Ivar trouva la force de sourire tout en songeant à l'étrange vielle dame dont les présages semblaient flou. Dans l'incertitude il s'approcha du lit pour caresser la joue de la jeune femme.
- Calomnies, chuchota-t-elle alors en ouvrant les yeux en grand.
- Nessa...
Les mains tremblantes, elle cherche sa main pour saisir la sienne et lui sourit.
- Tout ce que racontait Gareth à ton sujets... tout est faux, maintenant je le sais, murmura-t-elle les yeux clos.
Elle avait la bouche sèche et semblait chercher à lutter contre le sommeil.
- Tout est faux, murmura-t-il en embrassant la naissance de ses doigts.
Nessa ignorait si c'était la fièvre ou l'épuisement qui ravivait des brides de souvenirs lorsqu'elle était prisonnière de Gareth. De ces histoires horribles qu'il avait raconté aux femmes afin de leur faire peur et elle faisait partie de ces femmes qui avaient tremblé...
- Tu es épuisée mon amour, tu devrais dormir..
Saisie par la peur, Nessa songea aux présages de la vielle dame et porta sa main sur son ventre....incapable de savoir si l'avenir qu'elle lui avait prédis serait moins sombre qu'il l'avait été jusqu'ici.
Perdue dans l'abîme, Nessa sombra dans les bras d'Ivar sans savoir ce que demain lui réservait...
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