Chapitre 23



Ivar se réveilla à l'aube et ne s'était jamais senti aussi apaisé. Au creux de son bras, Nessa dormait paisiblement, recroquevillée contre lui, la main sur son torse. Il ne se souvenait même plus de la dernière fois qu'il avait ressenti un tel sentiment. Il s'approcha de son visage pour y déposer un baiser et il en savoura chaque seconde. Elle ne bougea pas, toujours endormie dans cette position enfantine.

Il se leva du lit pour s'étirer mais fut très vite alerté par une altercation entre Hayar et Zvar. Forcé d'intervenir, Ivar quitta sa maison et se dépêcha de les séparer avant qu'ils n'en viennent au poing.

- Je peux savoir ce qu'il se passe de si bon matin !

Rageusement, Hayar recula sans lâcher son frère d'arme des yeux.

- Il se passe que l'esclave de ton frère raconte des histoires et que ton frère semble y croire dur comme fer !

- Quelle genre d'histoire Hayar ? S'enquit Ivar en posant une main amicale sur son épaule dans l'espoir qu'il se calme.

Ivar savait de quoi son frère était capable depuis qu'il connaissait les réelles causes qui avaient emporté sa mère. De ce fait, Ivar préférait agir en douceur avec lui.

- Kara raconte qu'au nord de la mer se trouve une île sur laquelle il y a un château abandonné et pourtant richement peuplé d'or.

Hayar marqua une pause pour jeter un regard noir à Zvar.

- Kara n'aurait aucune raison de me mentir.

- Oh si mon ami ! Des tas même ! Rétorqua Zvar en pointant la maison de Hayar ; Et si c'était un piège ? Un moyen pour elle de s'enfuir ?

- Kara sait qu'elle ne partira jamais ! S'emporta Hayar en revenant à la charge.

Le viking tatoué sur le visage d'un emblème de leur clan fit claquer sa langue entre ses dents.

Soucieux de savoir si cette jeune femme disait vrai, Ivar pivota les talons pour exiger une réponse de sa femme. Il tenta d'abord de la réveiller en douceur mais quand son corps se mit à devenir lourd entre ses bras, Ivar sentit son sang quitter son visage.

- Nessa ? L'appelle-t-il fermement.

Envahi par un vif soulagement de la voir ouvrir les yeux, Ivar dissimula le trouble qui l'avait assailli. Perdre une femme qui se donne la mort était capable de briser un homme, Ivar le craignait par-dessus tout. Elle se redressa maladroitement sur le lit en se frottant les yeux.

- Que se passe-t-il ?

Ivar prit doucement ses épaule en prenant soin de ne pas la brusquer.

- Kara a raconté à mon frère qu'il y avait une île au nord des mers est-ce là une vérité ou un conte narré dans l'espoir de...

- Ou..oui, dit-elle dans les vapes en levant avec difficulté son regard vers lui ; Cette île existe bien, un lord y habitait avec sa famille avant que les saxons ne les tuent.

Livide, sa femme semblait exténuée mais sincère dans la narration de cette histoire.

- Le clan saxon a été emporté dans la mer un soir de tempête comme si quelqu'un avait voulu les déloger. Depuis ce jour, certains disent que quiconque parviendra à percer les vagues qui entoure l'île aura gagné bien plus de l'or.

Sa femme secoua légèrement de la tête les yeux toujours faiblement ouvert.

- Je crois qu'il se nommait lord Jon mais je ne sais plus.

Elle se laissa retomber sur le lit puis ferma à nouveau les yeux. Alarmé par son teint très pâle, Ivar posa sa main sur son front.

- Tu es brûlante, dit-il d'un souffle.

Réprimant un sursaut d'horreur il constata que ses lèvres étaient sèches.

- Je crois que ce sont les baies, parvint-elle à dire en ouvrant péniblement les yeux.

Craignant qu'elle meurt sous ses yeux, Ivar se précipita à l'extérieur pour exiger l'aide de Kara. Celle-ci s'empressa de venir à son chevet.

- Les baies...elle dit que ce sont les baies.

Kara toucha le front de sa cousine avec inquiétude.

- Est-ce quelqu'un d'autre en a mangé ? S'informa Kara en reniflant une potion.

Gunard se précipita hors de la maison pour examiner chacune des femmes. Seule Nessa en avait mangé, en avait conclu Gunard au plus grand désarroi de Ivar qui regardait impuissant sa femme à peine âgé de vingt-trois ans et qui peut-être...allait mourir par sa faute.

- Sortez tous s'il vous plaît, demanda Kara d'une voix douce.

Idy entraîna les vikings à l'extérieur ainsi que Hayar. Seul Ivar n'avait pas bougé, immobile devant son lit.

- Je ne bouge pas d'ici, déclara Ivar sur un ton catégorique.

Kara baissa les yeux sur sa cousine et lui appliqua un linge humide sur le front. Elle lui donna un remède et écarta les fourrures. Ivar s'apprêtait à interrompre son geste mais Kara pourtant si timide se leva pour faire barrage.

- Elle a de la fièvre, je dois la faire tomber, il faut les retirer.

Impuissant, Ivar poussa un juron et tira violemment la chaise pour s'y installer.

- Va-t-elle mourir ? Demanda-t-il d'une voix altérée par inquiétude qui le rongeait.

- Non, je vais la soigner, il faut juste se montrer patient.

De longues heures passèrent durant lesquelles Ivar s'était approché du lit pour prendre la main de la jeune femme. Était-il maudit ? Ivar commençait par le croire. À moins que les dieux ne le punissent d'avoir osé prendre cette femme en mariage par la force.

Refusant de céder à la peur il leva son regard sur Kara qui tordait le linge pour le remettre sur le front de son épouse.

- Pourquoi as-tu parlé de cette île à Hayar.

Loin de se laisser déstabiliser, Kara haussa des épaules puis lui répondit ;

- L'hiver approche, j'avais pensé que ce château serait un endroit plus sûr pour votre clan, je voulais que...

- Mais selon les dires de Nessa aucun bateau n'est parvenu à passer la mer sans qu'elle ne l'engloutisse.

- C'est vrai, seulement c'était les saxons pas les danois qui on péri en mer.

Ivar expira par le nez et posa son regard sur sa femme.

- Le plus dur est passé, annonça Kara avec l'ombre d'un sourire, elle va s'en remettre.

Soulagé Ivar posa un baiser dans le creux de sa main et quitta la maison pour inspirer profondément. Il poussa ensuite un grand soupir de soulagement en faisant signe à ses guerriers que tout irait bien.

- Et pour cette île alors ? Lança Haakon en s'approchant de lui.

Arraché à sa violente inquiétude Ivar tenta de reprendre un semblant d'esprit en regardant la foule qui se pressait vers sa maison. Certains étaient craintifs, d'autres transpiraient d'espoirs.

- Apparemment elle existe, dit-il d'une voix extrêmement sérieux.

Des exclamations étouffées prirent la foule.

- Et si c'était faux ? Lança Haakon en regardant sa femme.

- Pour quelle raison elles mentiraient ? S'enquit une femme du village ; Et si elles voulaient simplement nous aider ?

Zvar s'approcha de lui, les traits tirés.

- Enfin Ivar tu ne vas tout de même pas nous conduire à la mort ? Quand bien même cette histoire était vraie, tu ne veux tout de même pas qu'on quitte notre village pour naviguer...

- L'hiver approche, coupa Holga en prenant le bras de son mari.

Zvar se tourna vers sa femme en la dévisageant longuement.

- Holga, tu ne parles pas sérieusement ?

Celle-ci posa sa main sur sa joue, les yeux brillants d'espoir.

- Je ne veux pas passer l'hiver ici, pas enceinte, je n'y survivrais pas. On nous a volé nos terres Zvar ! Nous avons le droit d'avoir mieux que ce village même si j'y suis très attachée.

- Elle a raison ! S'écria un viking en enjoignant les autres à acquiescer.

Ivar considéra ses hommes un à un. Il avait bâti ce village avec tellement d'effort qu'il craignait de le quitter. Il avait assez d'or et de biens pour survivre des années mais le froid était son ennemi. Un ennemi qui pourrait causer la mort des enfants et femmes...sa femme.

- Préparez-vous, nous partirons dans l'heure, ordonna-t-il alors.

Sans écouter les protestations d'une poignée de mécontents, Ivar rejoignit sa maison en espérant que Nessa soit rétablie. Son visage était toujours aussi blême mais ses yeux étaient ouvert.

- Comment tu te sens ? Demanda-t-il d'une voix voilée par l'inquiétude.

- Un peu mieux, murmura celle-ci le regard traversé par un éclat de crainte ; Merci d'avoir veillé sur moi.

- Tu es ma femme, je me dois de prendre soin de toi, dit-il fermement.

Il s'approcha du lit et caressa son front.

- Seras-tu capable de surmonter un voyage ma douce ?

- Quel voyage ?

- Cette île dont Kara parle tant, je décidé...

- Avez-vous perdu la raison ? S'enquit la jeune femme en essayant de se redresser ; Personne n'est pas parvenu à atteindre la côte, nous allons mourir !

- J'ai tant de fois déjoué la mort que je ne la crains plus.

- Mais moi je tiens à rester en vie !

- Je te protégerais, murmura Ivar en glissant son pouce sur sa joue qui reprenait des couleurs.

Ivar sut alors que cette île existait vraiment, sinon pourquoi craignait-elle de mourir en essayant d'y parvenir.

- N'aie craintes, je ne laisserais personne te prendre à moi, encore moins la mer.

Il la vit frémir, les yeux rivés sur les siens.

- N'oublie pas que tu m'appartiens, ajouta Ivar d'une voix rocailleuse avant de la quitter pour organiser leur départ.

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