Chapitre 15
Nessa avait regagné la maison du jarl un peu confuse par le regard possessif qu'il avait posé sur elle quelques minutes auparavant. Depuis son bain, Nessa faisait en sorte de ne jamais se retrouver seule avec lui. Hélas, son maître veillait toujours à la retrouver où qu'elle soit.
- Nous partons en voyage, annonça-t-il à son plus grand désarroi.
Le cœur battant à tout rompre, elle se retourna pour confronter son regard acérée.
- Moi ? Demanda-t-elle d'un souffle en se tenant au bord de la table.
Une lueur indéchiffrable perça ses yeux bleus.
- Tu m'appartiens, lui rappela-t-il en inclinant sa tête ; Tu dois m'accompagner chaque fois que je le demanderais.
La gorge sèche, Nessa baissa les yeux en tortillant ses doigts nerveusement.
- Où allons-nous ?
Enfin, il bougea pour se diriger vers un coffre. Il en sortit des robes et des capes sans lui répondre. Décidément, Nessa ne se ferait jamais à ce quotidien totalement différent de celui auquel Gareth l'avait soumise.
- Tu en sauras plus pendant notre voyage, dit-il simplement.
Sachant qu'elle n'en saurait pas plus, Nessa enfila la cape qu'il lui donna et sentit ses dernières forces de résistance l'abandonner quand il sella son cheval aussi noir que ses cheveux de jais. Pour lui montrer qu'elle le considérait comme un maître et plus comme un assassin cruel, Nessa prépara des collations pendant qu'il s'affairait à préparer leur voyage.
Il monta sur la selle après qu'on lui ait souhaité un bon voyage puis la hissa sur la selle, au devant de l'horizon. Fermement, il agrippa les rênes et s'enfonça dans la terrifiante forêt. Elle était plaquée contre son torse puissant. Ses mains retenaient les siennes en otage.
- Nous allons rendre visite à l'un des jarls voisin, expliqua-t-il enfin.
Nessa frissonna de la tête aux pieds tant sa voix était sombre.
- Dois-je me comporter d'une manière différente de...
- Jusqu'ici, coupa-t-il d'une voix plus amène ; Tu te comportes bien... d'ailleurs, je me demande si tu n'essayes pas de me piéger.
- Je suis née ainsi, rétorqua Nessa en prenant une faible inspiration ; Après tout ce que j'ai fait pour vous, je pensais avoir obtenu votre confiance.
Ivar se maudit. L'attraction qu'il éprouvait pour cette femme faussait ses jugements. Elle disait vrai. Comment pouvait-il continuer à douter ?
- Je n'ai jamais pris d'esclave, confia-t-il en appréciant la prise qu'il avait sur ses mains délicate ; Je sais qu'au plus profond de toi que tu espères la liberté.
- C'est vrai...
- Mais pour aller où ? S'enquit Ivar désarmé par cette femme ; Tu n'as plus rien ! Ni village, ni argent ni famille.
Il la sentit trembler tout contre lui.
- Tu oublies Kara, ajouta Ivar en jetant un regard sur l'horizon.
- Kara est ma seule famille, murmura-t-elle avec émotion.
- Et elle ne quittera pas le village, Hayar espère la conquérir avant le printemps.
Nessa se raidit tout entière. Hayar voulait épouser Kara ? Nessa ignorait si Kara accepterait d'être la femme de ce viking et se mit à craindre pour sa cousine.
- Rassure-toi ma douce captive, murmura-t-il d'une voix rauque ; Mon frère a pour réputation d'être doux, il la demandera en mariage avant le printemps.
" Ma douce captive "
Nessa sentit ces mots inonder ses chaires d'une chaleur importune.
- Et vous ? Osa-t-elle demander ; Vous n'avez pas de femme ?
Après eut-elle posé la question, Nessa retint son souffle. Sa question était légitime. Malgré les balafres qui barraient son visage, ce viking féroce était absolument magnifique et viril. N'importe quelle femme aurait le désir ultime d'être la femme du jarl. Même Nessa s'était surprise à se demander ce qu'elle pourrait ressentir au creux de ses bras puissants avant de réaliser qu'elle n'était que son esclave.
- Non, je n'ai pas de femme.
Nessa ferma les yeux en se demandant si un jour elle devrait servir son épouse. Un jour peut-être proche, il prendrait une femme. Les choix étaient nombreux. Elle avait longuement observer les femmes du village. Les regards de certaines ne trompaient pas.
- Et toi ? Pourquoi n'as-tu pas de mari ? On raconte que tu as refusé des demandes en mariage même les plus avantageuses.
Nessa ne savait pas si elle pouvait se confier à son maître mais décida de le faire quand même. Après tout, ses rêves de jeune femme n'étaient plus qu'une vaste fumée.
- Je voulais me marier par amour pas par intérêt.
- Tu crois en l'amour ?
- Oui, pas vous ?
- Qu'est-ce que l'amour, lâcha-t-il avec amertume.
- Un cœur qui bat déraisonnablement pour l'autre au point de ne plus pouvoir respirer.
- Qu'en sais-tu ? S'enquit-il d'une voix rêche.
- Ma mère...
Il ne répondit rien.
- As-tu ressentie de la compassion pour Gareth.
- Non ! S'écria Nessa en se rappelant des coups de fouet qu'elle avait reçu.
Des larmes se mirent à brouiller sa vue.
- Est-ce qu'il t'a embrassé ?
- Oui, de force.
Ivar resserra ses mains sur les siennes puis encouragea son cheval à grimper la colline. Aiguillonné par la jalousie de savoir que son traitre de frère avait possédé les lèvres charnues de la jeune femme, Ivar sentit ses muscles se tordre de douleur.
- Il sera bientôt mort, conclut-il d'une voix grinçante.
- Allez-vous me vendre ensuite ?
Ivar dévisagea la cape rouge sang en ayant l'étrange sensation d'avoir entendu de l'inquiétude dans sa voix douce.
- Jamais ! Répondit-il avec force.
Sur cette réponse implacable, Ivar poursuivit son chemin dans la forêt et remonta le flanc de la colline pour gagner les côtes. Il s'arrêta devant le spectacle de la mer déchaînée et descendit du cheval.
- Voilà bien une bonne heure que nous avançons, il est temps de faire une pause.
Ivar l'aida à descendre du cheval, humant son odeur délicieusement parfumé.
Elle ôta sa cape sans le regarder et prit le sac accroché à la selle. Elle se laissa choir sur le tronc d'arbre.
- Avez-vous faim ? Demanda-t-elle en levant son regard captivant vers lui.
- Terriblement, lâcha-t-il d'un souffle rauque.
Elle sortit des galettes, des fruits secs et de la viande encore chaude.
Ivar s'installa à côté d'elle et l'obligea à se tourner vers lui. Elle semblait avoir perdu de ses forces.
- Mange, ordonna-t-il en lui posant un morceau de viande à la base de ses lèvres.
Elle l'accepta comme un précieux cadeau et rougit violemment. Cette fois-ci, Ivar garda le silence, réalisant seulement maintenant qu'il coupait ses repas à chaque fois qu'il rentrait en conflit avec elle. Rassérénés, ils reprirent leur chemin alors qu'un vent glacial venant des mers les heurta de plein fouet. Frigorifiée sa captive tremblait de tout ses membres. Se maudissant de lui avoir donné une robe trop fine, Ivar délia sa cape épaisse pour l'entourer autours de son corps. Un faible merci quitta ses lèvres tremblantes. Ivar pénétra à nouveau au cœur de la forêt pour la protéger de la tempête...dans laquelle l'écume salé abîmait les traits délicats de la jeune femme.
- Nous sommes arrivés, annonça-t-il quand il vit les torches de la maison du vieux jarl.
Storwick quitta sa maison les bras en l'air, sourire aux lèvres.
- Ivar mon ami ! Quelle belle surprise de te voir ici !
Ivar souleva sa captive qui s'échoua contre lui à bout de force.
- Comment vas-tu mon ami ? Demanda-t-il en lâchant un rire chaleureux en tenant la jeune femme qui s'était enfin redressée.
- Je suis en pleine forme ! J'ai eu vent de ton invasion chez les saxons, quelle magnifique démonstration de force.
Ivar lui sourit, la main crispée sur sa taille quand il observa Nessa avec une lueur intriguée au fond des yeux.
- Que me ramènes-tu ici Ivar, murmura le vieux jarl en dardant son regard sur elle ; Est-ce ta femme ?
En voyant clairement son regard se transformer en braise, Ivar refusa de lui avouer qu'elle était son esclave...craignant qu'elle fasse l'objet d'une quelconque convoitise qui pourrait l'amener à combattre son propre clan.
Alors il déclara fermement.
- Oui elle l'est....
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