9. La belle naufragée de la ruelle
Bonjour, Bonsoir. J'espère que vous vous allez bien. ^^
Après une petite absence, je vous remercie d'être fidèle au rendez-vous pour ce nouveau chapitre, qui je l'espère, sera à votre goût.
Je vous souhaite une bonne lecture et vous remercie d'avance pour vos votes et vos commentaires qui sont pour moi et en ces temps troublés, de véritables petits rayons de soleil.
Portez-vous bien ! <3
9. La belle naufragée de la ruelle
Cela faisait d'interminables minutes que Giorno venait d'accoster devant l'Oro. Pour répondre à la discrétion à laquelle l'avait contraint sa promesse, il était vêtu d'un ample survêtement noir signé Giorgio Armani. Une tenue feutrée, qui n'aiderait pas à le reconnaître si d'aventure, il devait se risquer à mettre le nez dehors.
Pour l'heure, il était cloîtré à l'intérieur de son bateau, profondément impatient et agité, y tournant comme un lion en cage. Il avait laissé pas moins de 3 messages et autant d'appels à la belle française, tous restés sans réponse. L'homme de main qui l'avait conduite au restaurant lui avait pourtant affirmé qu'elle y était entré il y avait à peine plus d'une demie heure. Il avait donc envoyé son fidèle Ricardo la chercher, mais l'homme à tout faire commençait à être long. Ça n'augurait rien de bon et de seconde en seconde, son inquiétude allait grandissante.
Soudains, son téléphone se mit à sonner. C'était lui. Sans attendre, il décrocha :
- Dis-moi que tu l'as trouvé ?!
- Non, elle n'est plus dans le restaurant. Un serveur m'a affirmé qu'elle était partie aux toilettes puis qu'elle n'était jamais revenue. Le réceptionniste dit qu'il ne l'a pourtant pas vue sortir par la porte principale... Quelque chose cloche : elle est partie sans son manteau et son sac. Un serveur les a ramassés et me les a remis.
- Tu as fouillé les toilettes ?
- Oui, elle n'y était pas... Mais il y a une dernière chose que vous devez savoir. Ça n'a peut-être rien à voir avec sa disparition, mais j'ai aperçu le clan Cavaletto en train de fumer sur la terrasse. Sa voix s'était faite basse, presque anxieuse.
Les Cavaletto étaient une puissante famille, la seule d'Italie et de Venise qui se revendique ouvertement ennemie des Giovannas. Au fil des générations précédentes, les deux clans avaient eut une histoire tumultueuse, pleine de tromperies, de meurtres et de tourments. Aujourd'hui, ses deux éminentes familles vénitiennes parvenaient à cohabiter en s'évitant, mais les vieilles rancœurs étaient toujours à même de se raviver.
- Ok ! Surtout, fais profil bas. Je ne veux pas qu'ils te voient. Prends les affaires de Gigi et reviens au bateau Ricardo.
Les poings et la mâchoire serrés, Giorno raccrocha.
Bordel ! Pourquoi Gigi se serait soudainement enfuie seule dans la nuit, sans ses affaires !? Cette histoire n'avait pas de sens et renforçait en lui cette vive inquiétude. Giorno ne voyait pourtant aucune raison pour que les Cavaletto s'en prennent à elle...
Il se souvint soudains du caractère de feu et de l'insolence inconsciente de Gigi. Il suffisait qu'elle se soit adressée à eux comme elle lui avait parlé la veille pour qu'ils l'aient foutue dehors. Peut-être même non sans lui avoir donné une bonne correction... Tous les mafieux n'avaient pas sa patience, ni même, il l'espérait, pas la même attirance dévorante pour l'impertinente Bretonne.
Le simple fait d'imaginer que Gigi puisse avoir été violentée le mit hors de lui. Sans réfléchir, il enfila sa capuche pour dissimuler ses longs cheveux blonds et sortit du bateau.
Battant les pavés dans l'obscurité de la nuit, il se mit à la chercher, espérant de toute son âme que Dieu guiderait ses pas pour le mener jusqu'à elle. Hasard ou divine prédestination, il fut en tout cas bien inspiré quand il décida de faire le tour du restaurant.
Arrivé dans la ruelle poisseuse de l'arrière-cour, il remarqua, planquée dans la pénombre, une silhouette rouge et fluette, recroquevillée sur elle même. Un intense soulagement le parcouru quand il reconnut la masse de boucles rousses des cheveux de Gigi s'élevant dans la brise. Qu'est-ce qu'elle foutait là, prostrée comme une enfant ?!
Le souffle court, il s'approcha d'elle à grandes enjambés. Sans prévenir, il la souleva lestement du sol pour voir comment elle se portait. Entre ses bras elle avait soudain semblé terrorisée, puis, sortant de sa torpeur, elle s'était débattue comme un petit diable.
- Gigi, c'est moi. Du calme, tout vas bien... Lui avait t-il dit d'une voix rassurante en la serrant contre lui dans un élan naturel.
- Giorno ?! S'étrangla t-elle.
Désemparée, elle venait de lever son petit visage vers lui, le regardant avec de grands yeux humides et cernés de noir. En le reconnaissant, elle avait aussitôt enfoui son visage contre son torse, se cachant dans les plis du large sweat noir.
- Que... que faites-vous ici ? Fit elle d'une petite voix éraillée qu'il ne lui reconnaissait absolument pas.
- Il me semble qu'avant que tu ne prennes la fuite, nous avions rendez-vous, non ? Lui dit-il doucement en passant une main contre son dos pour apaiser ses tremblements.
- Je n'ai pas fui... Je... Elle tenta de réprimer un sanglot, en vain.
Giorno attrapa son menton et lui fit relever la tête. Elle était dans tous ses états et il voulait savoir pourquoi. Que lui était-il arrivé bon sang !
- Gigi regarde moi.
Il l'observa avec attention, cherchant sur son visage la réponse à ses questions. Sa blancheur et sa beauté éplorée le frappèrent soudain. Son expression duplice oscillait entre la dignité et les pleurs. À cet instant, il ne pouvait qu'être d'accord avec le poète qui avait écrit : « Une belle alors qu'elle est en larmes, en est plus belle de moitié ».
Ses charmantes larmes, sa détresse touchante et contenue, exhibaient sa nature profonde et éparpillée devant ses yeux éblouis. Voir une personne pleurer était quelque chose d'intime et les marques de son séduisant chagrin auraient sûrement suffit à faire affleurer le sadisme latent et l'excitation du beau Vénitien s'il n'avait pas remarqué une meurtrissure auréolée de sang au coin de ses lèvres.
- On t'a frappé ! Qui t'a fait ça ?! Demanda t-il brusquement la voix nimbée de colère.
- Ce n'est rien... c'est juste la réalité qui m'a heurté de pleins fouet. J'ai juste la lèvre un peu endolorie, ça va passer. Gigi essayait d'endosser son habituel ton indifférent et sarcastique, mais sa voix ne parvenait pas à dissimuler à quel point elle était lasse et abattue.
- Que s'est-il passé ? Tu as fait quelque chose qui a déplu à quelqu'un ?
Giorno avait peur que ses craintes ne soient fondées et que les Cavaletto n'aient voulu la corriger, mais Gigi secoua négativement la tête d'un air dépité :
- Non... Je me suis contentée de naître semblerait-il...
Perdue dans ses pensées, elle se mettait presque à parler comme une héroïne de tragédie grecque et Giorno n'y comprenait rien. S'obligeant à la patience, il se mit à caresser la joue de la jeune femme. Malgré la douceur de son geste, il ne parvint pas à cacher la violence contenue dans sa voix :
- Gigi, dis moi qui t'a fait ça. Peu importe la raison, je ne laisserais personne poser impunément la main sur toi !
Sous ses doigts toujours agrippés à son pull, Gigi sentit les muscles de son torse se raidirent et le ton vengeur de Giovanna la fit aussitôt revenir sur terre. Retrouvant un semblant de sa défiance et de sa fierté habituelle, elle l'arrêta sans tarder :
- Cette gifle, je l'avais peut-être méritée, elle n'est que la conséquence de ma bêtise. Je suis une grande fille et je sais me défendre toute seule. Je vous interdis d'aller vous battre pour moi !
Les yeux de Giorno semblaient lancer des éclairs. Pourquoi essayait-elle de se montrer aussi fière et stoïque ? Avait-elle seulement conscience que son corps, fébrile et tremblant contre le sien, lui indiquait déjà combien elle était chamboulée ?
Ce fut justement par égard pour le piteux état dans lequel elle se trouvait qu'il s'obligea à contenir ses ardeurs.
- D'accord, je n'interviendrais pas. Mais dis moi au moins ce qu'il s'est passé. Dit-il à regret.
- Pas maintenant... Pour le moment je veux juste m'en aller... Emmenez-moi loin d'ici Giovanna.
Elle avait l'air épuisé. Son ton était moins ferme que ce qu'elle aurait voulu et Giorno y décela des inflexions presque suppliantes qui le firent aussitôt céder. À la réflexion, quitter les lieux en emmenant Gigi était la chose la plus raisonnable à faire. Si on le prenait à témoin dans une baston, il pouvait être sûr qu'aux yeux de tout Venise, il ne paraîtrait pas mort bien longtemps. Gigi indemne et retrouvée, il n'avait plus aucune raison de se montrer sanguin et imprudent. La raison l'emporta alors sur la fougue et dans un soupir, il regagna son calme olympien.
Avec douceur, il vint entourer les épaules de sa belle à la peau si blanche et si froide.
- Très bien Gigi, partons. Lui avait-il concédé dans un souffle. Puis, en la tenant solidement contre lui, il l'avait mené à son embarcation.
*
Giorno, en bon gentleman, avait laissé Gigi entrer la première dans son yacht. Ricardo, qui s'était visiblement inquiété de l'absence de son Don, poussa un soupir de soulagement quand il les vit monter à bord. Giovanna attrapa discrètement son regard pour lui intimer de se taire. En partant seul chercher Gigi, sans prévenir personne, il savait qu'il s'était montré déraisonnable et que ce coup de sang ne lui ressemblait pas.
- Direction le palais Ricardo. Fit-il en lui adressant un mouvement de tête qui signifiait que tout allait bien.
L'homme, grand et chauve, qui ressemblait à un agent secret dans son costume noir, s'exécuta et alla prendre la barre.
Gigi avait bien l'habitude de naviguer sur le vieux rafiot de pêche de son père, mais ce bateau n'avait rien à voir. C'était la première fois qu'elle montait dans un yacht. Il avait la taille d'un petit appartement tout en longueur et tout y semblait confortable. À l'intérieur, le mobilier était sobre et fonctionnel, entièrement recouvert de bois, le parquet ciré était impeccable, et sur la banquette de lin blanc, Gigi fut surprise de trouver son manteau et son sac à main.
Elle ne pleurait plus, mais une dernière fois, elle s'autorisa à renifler, un bon coup, pour dégager ses voies respiratoires et enfin adresser la parole à Giovanna sans avoir la voix d'un canard.
- Vous les avez récupéré ! C'est vraiment gentil d'y avoir pensé...
Comme elle allait pour les prendre, Giorno ne pu s'empêcher de lui répondre :
- Je te laisse imaginer ce qu'il m'est passé par la tête quand on m'a affirmé que tu avais quitté le restaurant sans même prendre tes affaires. Et après ça, je te retrouve en larmes contre une poubelle, la lèvre blessée et je ne sais toujours pas ce qu'il t'est arrivé.
Sa moue était sévère, loin de la mine rayonnante qu'il arborait hier lorsqu'ils s'étaient rencontrés.
Gigi ne savait pas si c'était son ton impassible, l'ombre sous ses yeux où son jogging noir, mais il lui paraissait plus sombre et inquiétant. Pourtant, il n'en était pas moins toujours aussi beau et séduisant et tout cela rajoutait au contraire une facette très excitante à son personnage.
- Je ne pensais pas que vous étiez du genre à vous inquiéter. Vous n'auriez pas tendance à dramatiser ? Essaya t-elle d'esquiver.
- Je passe ma vie à m'inquiéter Gigi et crois moi, j'ai toujours de bonnes raisons. Je suis juste doué pour ne pas le montrer. Toujours est-il que tu me dois des explications.
- Si vous me servez un verre ou deux, peut-être que je vous raconterai ma folle aventure.
Elle se mit à sourire, pleine d'auto-dérision, et son visage commençait à reprendre ses couleurs malicieuses.
- D'accord Gigi. Je te serre un verre, mais tu as intérêt à tout me raconter. Et encore une chose, je croyais qu'on était d'accord pour se tutoyer ?
Mal à l'aise, elle sentait son regard pénétrant la fusiller sur place, l'air toujours inquiet. Elle avait besoin d'un instant pour faire le point, pour arranger son visage qui devait ressembler à celui d'une morte.
- Dans ce cas... Aurais-tu une salle de bain ? Quelque chose me dit que j'ai une tête à faire peur. C'est peut-être pour ça que tu t'inquiètes pour rien d'ailleurs. Bref, je voudrais juste me rafraîchir un peu.
Timidement, elle avait insisté sur le « tu » sans pour autant pouvoir s'empêcher de prendre un air goguenard. Elle était adorablement agaçante et sur ce point elle avait raison : très objectivement, sa tête faisait peur, mais Giorno n'en connaissait pourtant pas de plus belle.
- La porte du fond. Lui indiqua t-il d'un geste, cédant soudain l'impatience à la compréhension.
Une fois dans la salle de bain, sorte de cabine exiguë, avec rien de plus qu'une douche, des toilettes et un lavabo surmonté d'un miroir, Gigi observa son reflet. Son maquillage était ruiné. Le noir de ses yeux s'était éparpillé, zébrant le haut de ses joues de coulés grisâtres. Le teint blême, les yeux sombres et gonflés, elle se fit l'impression de ressembler à un chanteur de Black Metal.
Comme elle était seule, elle s'autorisa à pousser un profond soupir de soulagement. Par chance, elle se sentait soudain ragaillardie. Elle n'avait plus aucune envie de songer à l'horrible incident de l'Oro. Elle se sentait rassurée d'être dans le bateau de Giovanna et qu'il soit simplement avec elle.
Elle se souvint soudain de ses bras, forts et tendres. De l'instant où il l'avait serré contre lui en l'apaisant d'une étreinte salvatrice. Par ce simple geste, il était parvenu à la soustraire au naufrage de ses émotions noyées dans une mer de larmes. Alors qu'elle s'était échouée comme une épave contre la poubelle, prisonnière de la noirceur de cette ruelle, son irruption et sa simple présence avaient suffit à lui faire rassembler les morceaux éparpillés d'elle-même.
Un mince sourire aux lèvres, elle remplie la vasque du lavabo et commença à s'asperger d'eau fraîche, se frottant vigoureusement le visage. L'eau eut sur elle un effet revigorant et pendant qu'elle essayait de raviver les couleurs sur ses joues, mille pensées affluèrent dans sa tête. Elle était divisée entre sa volonté de ne pas penser à sa récente et effroyable rencontre avec sa mère – ou qui que ce fut au final - et l'excitation d'être maintenant avec Giorno.
La réalité était décidément bien changeante et pleine de surprises. Un instant, elle se retrouvait seule et humiliée parmi les ordures, celui d'après elle était sauvée par un homme qui lui semblait plus beau et plus puissant qu'un prince. Mais avait-elle seulement encore la tête à endosser le rôle de cendrillon ?
L'euphorie et l'excitation qui parcouraient son corps lui confirmèrent que oui ! Tout ce dont elle avait besoin, c'était d'oublier l'horrible incident du restaurant pour profiter du reste de la soirée. Il n'était pas trop tard. Ce soir, elle aurait droit au bonheur et au plaisir. Elle allait tous faire pour !
Pensive, elle se remémora combien Giorno avait paru inquiet à son sujet. Malgré son côté macho et protecteur - très Italien dans le fond - elle avait été touché qu'il envisage de châtier ceux qui étaient responsables de son état. Elle aimait le feu vengeur qu'elle avait vu en lui derrière sa façade parfaite et imperturbable.
Sentant son cœur battre et se réchauffer incompréhensiblement, Gigi éprouva soudains le besoin de s'asseoir sur la cuvette pour faire le point.
Pour commencer, quelle heure était-il ? Elle sorti son portable du fond de son sac pour regarder et constata qu'il était 21h08. À son grand étonnement, elle remarqua aussi que l'appel en absence de son père s'était noyé parmi ceux de Giorno. Le beau Vénitien lui avait même laissé plusieurs messages. Dévorée par la curiosité, elle s'empressa de les lire :
Giorno 20h10
« Gigi, j'aurais 30 min de retard. J'espère que tu ne t'ennuieras pas trop et que tu auras la patience de m'attendre. Commande ce qu'il te fait plaisir. N'hésite pas à manger. J'ai été obligé de revoir un peu notre programme. Je voudrais te montrer quelque chose. Je suis sûr que cette surprise te plaira.
PS : Je t'aurais bien dit de m'attendre bien sagement mais tu risquerais de le prendre comme un ordre, alors je le formulerais ainsi : je t'en pris, Gigi, attends moi ! »
Elle se mit à sourire devant le ton attentionné et presque suppliant de son message. Encore et toujours, il marquait des points.
Giorno 20h22
« Pas de réponse. Dois-je en déduire que tu es fâchée ? S'il te plaît, ne me dis pas que tu es partie ! »
À la lecture de ce second message, elle se réjouit simplement de voir à quel point il avait envie de la revoir. S'en suivait une série d'appels en absences, puis un dernier message, vocal cette fois.
Sa voix grave et suave trahissait une profonde agitation et même son père n'avait jamais usé d'un ton aussi autoritaire avec elle :
« Putain Gigi, qu'est ce qui se passe ?! Réponds ! Au moins pour me dire si oui ou non tu es encore au restaurant ? Ou je sais pas, me dire si tout vas bien ?! Rappel moi ! »
Elle ne connaissait pas encore très bien cet homme, mais elle devinait qu'il était difficile de lui faire abandonner son sang-froid. Elle se surprit à éprouver une certaine satisfaction à avoir réussi à lui faire perdre de sa superbe. Mais par-dessus tout, elle était touchée qu'il se soit inquiété pour elle. Si les deux étaient jusqu'à hier de parfaits inconnus, Gigi avait l'impression qu'il tenait déjà un peu à elle. Alors qu'elle se sentait rejetée, seule au monde, il l'avait cherché et l'avait arracher à son apitoiement. Plus que la main, il lui avait tendu les bras et l'avait serré chaudement contre lui... Elle avait la sensation que tout cela était trop beau pour être vrai, mais pour ce soir, une dernière fois, elle s'autoriserait à rêver.
Se regardant dans le miroir, elle essaya de se convaincre :
Je ne suis plus l'enfant perdue, je suis cendrillon. Oublions la vilaine marâtre et concentrons nous sur le prince, juste le temps d'une nuit éphémère, juste le temps d'un rêve...
Car quoi qu'il se passe avec Giorno, l'enchantement ne serait probablement que de courte durée. Elle ne devait pas perdre de vue qu'elle ne le reverrai probablement pas. Ce ne serait pas une histoire de conte de fée « et ils vécurent heureux pour toujours », ce serait plutôt du genre « et après une nuit torride, leurs chemins se séparèrent à tout jamais ». Et tant qu'elle en restait bien consciente, elle avait bien le droit de s'abandonner et de profiter.
Alors qu'elle se mettait au clair avec elle-même, trois coups retentirent contre la porte.
- Gigi tu vas bien ? Demanda Giorno d'une voix où résonnait une extrême prévenance.
- Oui oui. Je sors dans une minute ! Répondit-elle précipitamment.
Quand elle était reparue, il l'avait invité à s'asseoir sur le canapé blanc et avait lui-même pris place sur un fauteuil en cuir. Il lui faisait désormais face dans une posture détendue et presque aristocratique. Entre eux, des bouteilles étaient disposées sur la table basse, ainsi que deux verres, n'attendant qu'à être remplis.
- Qu'est ce que je te sers ?
Pour rester sur sa lancée, Gigi lui demanda du champagne. Elle se montrait déjà audacieuse en s'autorisant un autre verre, alors elle n'allait pas tenter le diable en faisant des mélanges. Et après tout, ce n'était pas tous les jours qu'elle avait l'occasion de se soûler à grands coups d'exquis millésimes qui devaient coûter la moitié de son salaire mensuel.
Pour être débarrassée, pendant que Giorno remplissait généreusement son verre, elle en profita pour lui expliquer, bien qu'avec une extrême brièveté, ce qu'il lui était arrivé à l'Oro :
- Je tiens à vous... enfin à TE remercier. Je suis désolée que tu m'aies vu dans un tel état. Il ne s'est rien passé de grave en vérité et je n'ai aucune envie de m'appesantir sur le sujet, mais pour résumer : J'ai simplement confondue une personne avec un parent proche... J'ai probablement été trop insistante, du coup, on m'a virée du restaurant. Maintenant que c'est dit, j'aimerais pouvoir oublier toute cette histoire.
Giorno avait un sixième sens. Rien qu'à la voix et l'attitude de son interlocuteur, il pouvait deviner quand une personne mentait. C'était d'ailleurs une qualité inestimable dans son milieu. Ainsi, il remarqua que Gigi lui disait la vérité, mais qu'elle se montrait volontairement très élusive.
Étais-ce par pur orgueil ? Il savait en effet qu'elle n'en manquait pas. Mais comment une simple méprise ou même un affront avaient puent suffire à la dévaster ? Il aurait voulu en savoir plus, la questionner, mais il savait qu'il serait de mauvais ton d'insister. Il ne voulait surtout pas qu'elle se braque ou qu'elle se remette à déprimer. Alors, bridant sa curiosité, il lui répondit galamment :
- L'important, c'est que tu te sentes mieux. Je vais faire tout mon possible pour te changer les idées ce soir.
Il se pencha vers elle, lui tendit son verre et trinqua avec elle : Alla salute la bella.
Flattée, Gigi lui réparti un petit sourire qui se figeât aussitôt quand son ventre se mit à gronder plus fort qu'un chien enragé. Embarrassée, elle mit ses deux mains sur son estomac comme pour essayer de faire taire ce véritable tueur d'intimité.
- Tu n'as pas mangé au restaurant ?
- Non j'ai juste pris deux verres de champagne.
Giorno regretta soudains de lui en avoir servi un autre par-dessus. Il aurait du se rentre compte qu'elle avait déjà bu, ses pommettes rouges et son œil brillant ne trompaient pas.
- Tu ne peux pas rester le ventre vide. Quand nous serons arrivés, je te préparerai quelque chose. Déclara t-il très sérieusement.
- Où allons-nous exactement ? Tu as parlé d'un palais je crois...
Le visage de Giorno se fit rayonnant, retrouvant les couleurs solaires de la veille.
- Oui, il s'agit d'un ancien palais vénitien dont j'ai fait l'acquisition récemment. Il n'est pas entièrement rénové et seulement une petite partie est habitable, mais il recèle une âme et des merveilles insoupçonnées. Je me suis dit que pour raviver ton enthousiasme d'hier, il fallait que je te le fasses visiter.
« Raviver son enthousiasme d'hier ? ». À en croire son regard acéré, le sous-entendu était limpide. Sous ses yeux d'émeraude, Gigi se souvint soudain comme elle s'était montrée sauvage et entreprenante dans la cour du palais des doges. Les mains de Giovanna, son souffle, son odeur... Un frisson de lave se coula dans sa poitrine, descendant jusqu'à son ventre aux entrailles serrées d'impatience.
- Tu avais dit que tu ne reparlerais pas de ce qu'il s'est passé hier... Fit elle non sans lui offrir une moue boudeuse et confuse.
- Mais je n'ai rien dis Gigi, seulement que tu aimes les vieux palais autant que moi.
Son sourire ravageur contredisait son ton faussement innocent. Il prenait un malin plaisir à observer son trouble, mais comme elle restait muette, se vengeant sur sa coupe de champagne, il n'hésita pas à changer de sujet.
- Je n'ai pas encore eu l'occasion de te le dire, mais je te trouve sublime. Ta robe est magnifique, j'en aime beaucoup la couleur.
Gigi avait du mal à croire qu'on puisse la trouver sublime avec sa tête de déterrée, mais il ne l'avait pas quitté des yeux et son regard avait l'air si sincère qu'elle se laissa aller à la flatterie. Elle se redressa, croisant ses petites jambes galbées et s'autorisant un sourire de contentement, elle lui répondit :
- On ne dirait pas comme ça mais je peux être sortable quand je veux. J'ai voulu marqué le coup. Puis en le regardant des pieds à la tête, elle poursuivie : mais à en juger par ta tenue, j'aurais peut-être du m'en tenir à mes vieux jeans et à mes tees shirts trop larges. On aurait été mieux assortis.
Cette pique, plus taquine que sournoise, elle n'avait pas pu la retenir. L'alcool commençait à refaire effet dans son sang et elle se désinhibait sans même s'en rende compte. Ses yeux bleus étaient devenus deux lacs luisants à la lueur guillerette, sa gestuelle était souple et détendue, aussi fluide que l'onde d'une rivière.
- Tu as raison, j'aurais dû mettre les formes moi aussi. Mais tu vois, en ce moment, je dois me faire discret. Personne à Venise ne doit pouvoir me reconnaître. Je ne suis pas censé être ici.
Toujours aussi éloquent par les gestes que par la parole, Giorno s'était avancé sur son siège et avait fait mine de mettre son doigt devant ses lèvres. Ses yeux respiraient le secret et son visage halé, si séduisant, s'était figé dans un air de conspirateur mystérieux. Le cœur de Gigi avait fait une envolé, comme son imagination.
- Hin hin, tout ça est très étrange et très excitant. Venise est vraiment la ville des masques et de la dissimulation après tout... Ses yeux s'étrécirent en le lorgnant d'un air curieux et fasciné. Je me demande bien pourquoi tu es obligé de te cacher ?
Comme une enfant qui essaye de jouer au détective, elle se mit à réfléchir avant d'avancer rapidement plusieurs hypothèses :
- Hum... Est ce que tu es un homme marié ? Ou bien tu es recherché par la justice ? Peut-être que tu es un criminel et que quelqu'un en a après toi ? Tu ressemble tellement à un voleur, habillé tout en noir comme ça...
Aucunes émotions n'avaient transparus sur les traits de Giorno, il s'était contenté de lui sourire, levant subtilement un sourcil, comme surpris par ces accusations. Il voyait bien qu'elle était pompette et que l'interrogatoire n'était pour elle qu'un petit jeu. Fort heureusement, elle ne semblait pas vraiment croire à ce qu'elle avançait.
- Ce sont des choses qui t'exciteraient ? Avait-il soudain demandé d'une voix profonde.
La question, posée un octave trop bas, sembla la troubler intensément.
- Non. Je... je plaisante. On m'a toujours dit que j'avais trop d'imagination. Je me laisse parfois emporter, ne fais pas attention. Se défendit t-elle en s'agitant sur le canapé.
- Saches en tout cas que je ne suis ni marié ni recherché par la justice...
En formulant ces quelques précisions Giorno avait cru déceler un soupir de soulagement soulever le buste de Gigi. Puis, un air intrigué traversa son visage quand elle réalisa :
- C'est étrange... Tu ne nies pas être un criminel...
- Peut-être que j'ai plus de chance de te séduire si je te fais croire que je suis un voleur. Les femmes aiment les bad boys non ?
Ce regard de mauvais garçon, impertinent et provocateur, il le maîtrisait en tous cas à la perfection. S'il y avait bien quelqu'un de sublime ici, c'était lui ! Peu importait qu'il ne soit pas en costume, sa beauté et son charisme prenait le pas sur son apparence négligée. Jamais quelqu'un lui avait plu dans de telles proportions et enhardie par l'alcool, elle ne put tout simplement pas s'empêcher de le lui avouer :
- Criminel ou pas, riche ou pauvre, marié ou célibataire... en vérité je m'en fous. Tu me plais Giovanna. Et ce soir, peut importe qui tu es. Tu es tout à moi.
Giorno n'était pas habitué à entendre une femme le séduire aussi frontalement. D'ordinaire, c'était lui qui prononçait ce genre de déclaration. Il préférait avoir l'initiative et être celui qui cherche à posséder plutôt que l'inverse. Mais étrangement, ces paroles, dans la bouche de Gigi, allumaient en lui un désir fort, comme il n'en avait jamais connu. Il était en train de s'égarer dans les mille nuances de gris de ses yeux et devait lutter pour ne pas abdiquer devant eux.
Il pouvait sentir que ce qu'il se passait entre lui et cette femme était quelque chose de rare et de pur, une attraction si forte qu'elle faisait sauter toutes les barrières sociales et humaines. Peu importait qu'ils soit l'un pour l'autre des inconnus ou des opposés, ils ressentaient tous les deux ce besoin de se posséder, de s'unir et ne de faire qu'un. Et l'urgence assumée dans le regard de Gigi avait quelque chose d'effrayant et de divinement excitant.
Avant qu'il n'ai la chance de lui répondre, Ricardo avait arrêté le bateau en criant qu'ils étaient arrivés. Devant l'absence de réponse de Giovanna, Gigi qui n'assumait déjà plus ses paroles, se leva d'un bond et lui tourna le dos pour enfiler son manteau. Giorno en profita alors pour se glisser derrière elle et lui susurra à l'oreille pour conclure la conversation :
- Il y bien un point sur lequel tu ne t'es pas trompée Gigi. Je suis à toi ce soir et cette nuit sera nôtre.
Voilà voilà ! ^^ Un chapitre un poil plus long que les autres.
Est-ce que ça vous a plut ?
Tout ça démarre assez doucement mais que pensez-vous
de ces retrouvailles entre Giorno et Gigi ? ^^
(J'ai sûrement pas bien géré les fautes et je m'en excuse ^^')
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