8. Coup de théâtre

Bonjour, bonsoir tout le monde. Comment allez-vous mes chers petits ? ^^

Comme toujours, j'espère que ce chapitre vous plaira et je vous souhaite une agréable lecture.

Une fois n'est pas coutume, je remercie toutes les personnes qui prennent la peine de me lire, de voter et de commenter, c'est toujours aussi motivant pour moi ! :)

8. Coup de théâtre

L'homme de main de Giorno s'était montré extrêmement peu bavard et pendant tout le trajet, il avait affiché une figure aussi rigide qu'un barreau de chaise. Gigi s'était donc retrouvée sur le bateau à moteur, seule face à la mer et à son anxiété. Elle en avait profité pour rechercher sur son téléphone dans quel type de restaurant elle allait être conduite.

Sans grande surprise, elle avait découvert que l'Oro était un éminent lieu gastronomique, au menue exorbitant et au cadre aussi grandiose que somptueux. Venant de Giovanna, ce choix ne l'étonnait même pas, mais elle craignait de ne pas s'y sentir à sa place. Au fond, elle remerciait Gwen d'avoir mis autant de soin et d'application dans l'élaboration de sa tenue. Au moins elle savait que du côté de l'habillement, elle serait dans les clous. Pour ce qui était des manières en revanche, elle allait devoir s'en remettre à elle-même... Et ça ne serait franchement pas de la tarte.

Son premier impaire fut de bafouiller en donnant son nom et celui de Giovanna au réceptionniste. L'homme d'âge mûr l'observa comme si elle avait été une curiosité et elle ne savait si elle le devait à sa maladresse ou à la mention du nom du beau Vénitien.

- Mlle Le Roux ! Quel plaisir de vous avoir ici ce soir. Nous vous attendions avec impatience. S'exclama t-il finalement d'un air très chaleureux. Vous êtes la première arrivée. Quelqu'un va venir vous conduire à votre table. Commandez ce qu'il vous plaira en attendant Don Giovanna. Selon ses directives, tout sera transféré sur sa note. Si vous avez besoin de quoi que ce soit, nous sommes à votre entière disposition.

Elle crut qu'il n'allait jamais s'arrêter de lui faire des ronds de jambes. Jamais elle n'avait reçu tant d'égard et elle se demanda si cela avait à voir avec le titre honorifique que l'homme avait utilisé pour parler de Giovanna. Malgré le standing du lieu, elle doutait que tous les clients aient droit à un tel degré d'attention. Il y avait fort à parier que dans cette ville, le beau Vénitien faisait figure de personnage éminemment prestigieux.

Elle n'en savait finalement que peu sur sa profession et à ce sujet, il était resté très vague. Avant même de le connaître elle l'avait jugé à l'emporte-pièce. De riche mécène, elle l'avait classé dans la case privilégié sans vergogne. Et quand elle l'avait vu pour la première fois, débordant de tact et de charisme, elle avait compris qu'il était avant tout un homme d'influence et d'exception. Gigi se souvint alors de l'étincelle de passion qu'elle avait vu flamber dans les yeux de Giorno quand il parlait du pouvoir qui lui appartenait. Elle se demandait quelle profession et quelles aspirations avaient bien pu motiver chez lui une telle ambition et une telle volonté de puissance. Giovanna lui-même s'était présenter comme « Homme d'affaires » mais Gigi trouvait que ce terme générique voulait tout et rien dire.

Trop occupée à se questionner sur la vie professionnelle de Giorno, elle se laissa surprendre quand un garçon dégingandé, tiré à quatre épingle, se présenta à elle. Après s'être incliné, il lui fit traverser l'entrée pour la guider vers une immense salle de forme circulaire. Par les grandes fenêtres, l'on pouvait admirer la baie nocturne, ce qui contrastait avec les murs clairs de bois laqué qui baignaient dans l'intense lumière d'un lustre de cristal. Sur tout un pan de la pièce figurait des banquettes arrondies de couleur mauves et recouvertes du plus beau satin. Le reste de l'espace était occupé par de petites tables rondes pourvues d'adorables minis lampes dorées.

- Nous voici dans la salle principale. À votre droite se trouve la terrasse et le couloir face à vous mène aux commodités.

Époustouflée, Gigi se fit violence pour ne pas siffler d'admiration. Cette mauvaise habitude de vieux roublard, comme toute son extravagance, elle la tenait de son paternel. D'une allure faussement sage, un peu impressionnée, elle suivit son guide jusqu'à sa table en observant le décor, priant pour que ses nouvelles chaussures ne glissent pas sur ce sol si luisant et immaculé.

Comme il était de coutume, le garçon lui tira sa chaise pour qu'elle puisse s'installer, mais sans y prêter attention, Gigi l'esquiva et manqua de s'écrouler sous la table.

Son poing s'abattit avec fracas sur la petite table et dans une contorsion malhabile elle refit surface avec aplomb. Même s'il n'y était pour rien, elle ne put retenir un regard furibond à l'égard du garçon tandis que tous ceux des clients s'étaient posés sur elle, invasifs et moqueurs.

« Remballez vos sourires suffisants bande de vieux croûtons snobinards ! » Hurla t-elle intérieurement, piquée par la gêne.

Une fois calée sur sa chaise, figée dans une raideur incommode, elle entreprit de se cacher derrière la carte du restaurant. Assise seule au milieu de la somptueuse salle, elle se sentait écrasée par tout le luxe qui l'entourait et pour s'y soustraire, elle s'était perdue un long moment dans les alcools de la carte. Elle avait finalement arrêté son choix sur une flûte de champagne, qu'elle sirota rapidement, espérant que les bulles légères qui lui montaient à la tête l'aiderait à se détendre... Et elle y serait presque parvenue si un riff de guitare endiablé n'avait pas brusquement surgit de son sac à main, entonnant les premières notes du tube de Heavy préféré de son père.

« I'm going out the rails on a crazy train ! »

En entendant les paroles d'Ozzy Osbourne retentir bruyamment dans le restaurant, tous les clients se mirent à la fustiger de leurs yeux désapprobateurs et à pousser des soupirs indignés. Gigi s'était empressée de batailler avec le fatras dans son sac afin de faire taire la sonnerie de son téléphone. Trop embarrassée, elle mit son portable en mode silence et le replongea dans les tréfonds du sac, n'osant même pas rappeler le paternel.

Réprimant une furieuse envie de se réfugier sous la table, elle tenta de se donner une contenance en commandant un deuxième verre : « Attention Gigi, tu sais bien que tu ne tiens pas l'alcool » l'avertit la petite voix de sa conscience avant qu'elle ne l'envoie se faire balader.

Déjà un peu éméchée, elle se mit à scruter l'entrée de la salle et dès que l'ombre d'une silhouette paraissait dans l'encadrement, elle se redressait comme un suricate à l'affût, cherchant Giovanna du regard. Combien de temps allait-il encore la faire languir ?! Cet endroit, son luxe et les vieux snobs qui le peuplaient n'avaient aucun attrait si le vénitien n'était pas là !

Soudains, des hommes habillés de noir, grands et menaçants, débarquèrent dans la salle du restaurant. Elle s'était alors préparer à voir Giovanna leur succéder devant ses yeux brûlants d'impatience, mais à sa grande stupéfaction, ce n'était pas Giorno qui avait franchit la porte en dernier. Ce ne fut pas une déception, mais un choc monumental qui l'étreignit. Son sang ne fit qu'un tour dans ses veines et son cœur sauta d'allégresse dans sa poitrine.

Ce qu'elle avait reconnu parmi les nouveaux arrivants était un très vieux visage... Un visage qu'elle n'aurait jamais dû être en mesure de revoir ! Les yeux écarquillés, épouvantée comme une petite fille, elle se retrouvait devant son plus vieux démon, comme revenu miraculeusement d'entre les morts.

Cette femme, dans la cinquantaine, qui semblait diriger ce groupe de personnes hautement inquiétantes, ressemblait à traits pour traits à celle qui l'avait porté 9 mois dans son ventre pour lui donner la vie. C'était tout bonnement impossible ! Ça ne pouvait pas être elle ! Sa mère était morte. Elle le savait et l'avait accepté depuis l'âge de 7 ans... Alors pourquoi, là, maintenant, elle se mettait à espérer de tout son être que cette ressemblance frappante ne soit pas juste le fruit du hasard ?

Après avoir essuyé le choc de se trouver à quelques mètres de la personne qu'elle avait le plus rêvé de voir réapparaître dans sa vie, elle essaya de rassembler son esprit qui se perdait en conjectures et en souvenirs. L'alcool ne l'aidait pas à garder un flot de pensées cohérent mais elle parvint tout de même à faire appel à sa raison. Procédant de manière sceptique et méthodique, comme elle avait l'habitude de le faire quand elle était confrontée à d'étranges cas, elle essaya de retrouver son sang-froid.

Elle commença par se saisir de son portefeuille pour récupérer entre deux plis de cuir, une vieille photo d'identité. C'était la seule chose qu'il lui restait de sa mère. Ça et son prénom : Ginevra. Même si aujourd'hui, elle ne se faisait plus appeler que Gigi.

Après la disparition de sa mère, son père s'était séparé de toutes les choses qui lui avait appartenu. Et plus jamais il n'avait appelé sa fille Ginevra. Ce nom avait été banni de la maison des Le Roux et tenter de raviver le souvenir de la défunte était devenu le tabou ultime. Toutes les photos avaient été jetées au feu. Toutes sauf celle-ci, que Gigi avait toujours conservée précieusement auprès d'elle.

Une émotion diffuse la traversa quand elle regarda le petit rectangle aux bords vieillis. Le visage de sa mère y était fier et racé, d'une peau mate de Sicilienne. Ses cheveux étaient bruns et lisses, coupés à la garçonne, ce qui accentuait sa beauté sauvage. Son sourire n'était pas doux mais éclatant de défiance. Et quand Gigi regarda les yeux de cette jeune femme sur la photo, d'un bleu gris semblable au siens, elle avait l'impression de plonger son regard dans un miroir. Les yeux et le sourire : c'était là tout ce que les deux femmes avaient en commun. Presque tout le reste, Gigi l'avait hérité de son père Billy.

Après avoir bien identifié l'apparence de chacun des traits de sa mère et avoir sollicité les moindres souvenirs qu'elle avait d'elle, elle se livra à une comparaison minutieuse.

Plus elle observait la femme qui trônait sur une des banquettes, entourée de ses convives, plus la ressemblance devenait évidente. Elle avait les mêmes signes distinctifs, les mêmes expressions, la même fossette et le même sourire, quoique les rides le rendaient plus acéré. Les seules différences notables étaient d'ailleurs le passage du temps qui avait marqué son beau visage et la longueur de ses cheveux, coiffés désormais en un strict carré plongeant. Enfin, de ce qu'elle parvenait à entendre, même sa voix rauque, bien qu'encore plus rocailleuse, avait les mêmes échos que dans ses souvenirs d'enfance.

De deux choses l'une, soit Gigi était en plein délire, soit cette femme était bel et bien sa mère !

Elle savait que les souvenirs entourant sa mort restaient très flous dans son esprit. Imitant son seul modèle parental de l'époque, elle avait tout enfouis, comme son père. Elle se souvenait qu'à l'âge de 6 ans, sa mère avait disparu un beau matin. Son père avait agi comme si elle était partie pour un long voyage. Pourtant, Gigi pouvait voir à quel point il semblait désespérer le soir, ne cessant de se noyer dans les photos et l'alcool pour raviver le souvenir de Ginevra. Chaque fois Gigi lui demandait : où est Maman ? Elle va bientôt rentrer ? Et il lui répondait : Maman est en Italie. Maman est partie voir de la famille. Ce petit manège avait duré un peu moins d'un an, puis elle se souvenait de comment il avait fini par lui annoncer sa mort. Solennellement, il l'avait guidé dans le fond du jardin, un bel après midi d'été. Sous l'arbre à cabane de Gigi, se trouvait une croix celtique plantée dans le sol, la terre était fraîchement retournée tout autour. La grande main calleuse de son père s'était posé sur son épaule et il lui avait dit :

- Maman est morte en revenant d'Italie. Papa l'a enterré ici pour qu'elle reste toujours auprès de nous.

Sentant le sol se dérober sous ses pieds, Gigi avait agrippé le marcel de son père avec toute la force que pouvait contenir ses petits poings d'enfant.

- Non ! Non, je ne veux pas ! Comment on va faire sans maman ?!

Devant la voix brisée de sa fille, Billy était resté stoïque. Il l'avait soulevé dans ses bras pour la bercer avec calme, mimant le rythme d'une vague apaisante et tranquille.

- On fera comme nous avons fait depuis qu'elle est partie. On fera de notre mieux pour se serrer les coudes, toi et moi... Même quand la tempête essai de faire chavirer le navire, il faut avancer Gigi. Nous tiendrons le cap. Papa est là.

Depuis ce jour, ils n'en avaient plus reparlé. Aussi, elle n'avait jamais vraiment su si sa mère avait péri un an auparavant, quand elle était partie, ou si elle était vraiment morte en essayant de rentrer. Tout ce qu'elle savait, c'etait qu'à partir de ce jour au jardin, son père avait arrêter de se morfondre et de se réfugier le soir dans les souvenirs qu'il avait de sa femme. Il avait arrêté de consommer cet alcool qui le rendait si mélancolique et il avait tout brûler, comme si cela avait été nécessaire pour que le foyer renaisse de ses cendres. Et pour porter pleinement son rôle de père célibataire, il avait tout enfoui : ses craintes, sa colère et sa tristesse, aussi béante qu'un puits sans fond.

Billy avait toujours était un homme rude, solitaire et peu bavard, mais en endossant le rôle de pilier de la maison, il s'était radicalisé dans son caractère de taiseux. Il avait élevé Gigi en s'emmurant dans le silence, mais en contrepartie, elle n'avait manqué de rien et surtout pas d'affection ni d'instruction. Il lui avait donné le goût du Heavy Metal et des préceptes de la philosophie antique pour endurcir son esprit. Il avait commencé par lui enseigner la doctrine stoïque de Sénèque, lui lisant Les consolations le soir avant qu'elle ne s'endorme.

Gigi avait le sentiment d'avoir eut une enfance particulière mais heureuse aux côtés de Billy. Il avait été à ses yeux d'enfant un solide point d'ancrage, un modèle de fiabilité et de force intérieure. Mais elle avait trop vénéré la rudesse et la dureté de son père pour tenter de briser la règle du silence érigé autour de la mort de sa mère.

En grandissant Gigi s'était pourtant interrogé, laissant bien des questions sans réponses. Qui de nos jours enterre ses morts dans son jardin ? Elle savait que Billy était assez borné et anticonformiste pour avoir vraiment défié la loi et disposé du corps de sa femme comme il l'entendait. Mais surtout, elle avait toujours eut tellement confiance en son père qu'elle n'avait encore jamais osé mettre en doute la version trouble et morcelée qu'il lui avait donné. Pourtant, aujourd'hui, l'histoire qui entourait la tombe de sa mère, entrait en dissonance avec ce qu'elle voyait devant elle. De plus en plus, elle sentait que cette tombe, sur laquelle elle s'était recueillie si souvent, n'était peut-être qu'une imposture, une immense mystification. Son histoire personnelle, son identité même, étaient en cet instant totalement misent à mal.

Gigi se souvint alors de la prédiction de la sorcière : « Je vois une femme qui vous est chère resurgir du passé »... Tout se mit en branle dans son esprit, et elle imagina l'impensable. Et si jamais Billy lui avait menti ! Si jamais cette tombe dans le jardin n'était qu'un endroit symbolique qu'il avait érigé pour qu'elle puisse faire son deuil et se recueillir ? Et si sa mère n'était pas morte dans un accident, mais avait choisi de partir et de rester vivre à Venise ?! Pour la première fois de sa vie, de tout son cœur, elle se mit à croire en la providence et au destin.

Elle avait l'impression d'être dans une pièce de théâtre. Elle était l'enfant perdue, abandonnée, qui par les lois de la fortune finissait par retrouver ses origines. Cet instant, c'était la scène de reconnaissance de sa vie, elle le sentait dans son sang et dans sa chair !

Portée par ses élans romanesques et une joie indescriptible, elle détermina que sa mère devait être en mesure de la reconnaître comme elle l'avait fait : au premier regard. Mais pour se dévoiler à elle, Gigi allait devoir choisir son moment. Elle avait remarqué que Ginevra était devenue une femme de renom et d'importance, à en juger du moins par la présence de plusieurs gardes du corps qui encerclaient l'espace où elle buvait en compagnie de ses amis. Gigi pressentait qu'on ne la laisserait pas approcher si aisément. Devait-elle attendre que sa mère quitte le restaurant ? Non clairement pas ! La présence de Giono compliquerait grandement les choses et ne ferais que la distraire de sa quête des origines. Il fallait qu'elle agisse vite, avant qu'il n'arrive !

Soudains, Ginevra, si élégante dans son tailleur gris chiné, se leva pour se diriger vers le couloir qui menait aux toilettes. Elle était seulement accompagnée d'un de ses hommes. C'était sa chance ! Pour se donner du courage, Gigi avala son verre d'une traite et sans réfléchir elle bondit de sa chaise, se ruant vers son destin, le cœur battant d'appréhension et d'impatience.

Le temps qu'elle n'arrive dans le couloir, Ginevra avait déjà passé la porte des toilettes qui était désormais gardée par un homme de main. Grand, athlétique, dans la trentaine, du genre « plus ténébreux, tu meurs », il avait de longues et amples boucles brunes, un bouc soigné et d'épais sourcils noirs et sévères, le tout dissimulant un visage viril et inquiétant. Dès qu'elle le vit, campé impassiblement devant la porte, Gigi sut qu'il allait lui mettre un stop, pourtant, avec détermination, elle s'essaya à passer devant lui.

Plus brusquement qu'elle ne l'aurait crut, elle se heurta contre son bras. Il l'avait alors repoussé d'un geste, comme on le ferait avec un nuisible.

- Personne ne passe. Reviens plus tard. Lui avait-il dit sèchement sans même lui adresser un regard.

Devant son air froid et fermé Gigi avait tenté de feindre l'innocence avec insistance, osant un geste pour attraper la poignée :

- Mais pourquoi ? Je veux juste aller au petit coin... Allez c'est une envie pressante...

Sans crier gare, il l'avait chopé par le cou pour l'écarter de toute la longueur de son avant-bras. Les deux éclat d'onyx sombres et acérés qu'il avait à la place des yeux, se posèrent sur elle alors que ses doigts s'écrasaient sur sa jugulaire. Il sembla saisit un instant en la regardant, puis comme en essayant de camoufler sa surprise, il la somma d'une voix brutale et appuyée :

- Tu es sourde ? J'ai dit, reviens plus tard femme.

Pétrifiée par cette sécheresse misogyne, Gigi ne bougea pas d'un cil et au même moment la porte s'ouvrit sur Ginevra.

- Lucci, que se passe t-il ? Lâche cette jeune fille.

En entendant sa voix et en la dévisageant, Gigi confirma ses soupçons. De près, la ressemblance était encore plus flagrante ! Dès que le fameux Lucci eut relâché sa gorge endolorie, elle ne put retenir son immense joie et s'écria :

- Maman ! C'est bien toi ?

Circonspecte, la femme posa sur elle ses yeux bleus gris. Longuement, elle la détailla et Gigi, pleine d'espoir, cru voir dans son regard qu'elle l'avait reconnu. Pourtant, après une longue observation silencieuse, elle s'était mise à rire avec mépris :

- Moi des enfants ? Dieu m'en préserve. Tu dois te méprendre ma petite.

Son rire ironique vint transpercer le cœur de Gigi plus sûrement qu'un coup de poignard. Comment pouvais t'elle ne pas la reconnaître ? À quoi jouait-elle ? Était-il possible de renier sa fille, son propre sang, la chair de sa chair ?

- Mais c'est moi : Gigi ! Avait-elle hurlé avec dénie, les yeux déjà humides. Je suis la fille de Billy Le Roux et accessoirement la tienne ! Tu as quitté la maison quand j'avais six ans ! Je te croyais morte... La seule chose qu'il m'est restée de toi c'est ton prénom : G...

« SHLACK ! »

Ses lèvres semblèrent soudain exploser sous les métacarpes de son interlocutrice ! La violence inopinée du soufflet était telle que Gigi en avait été projetée contre le mur. Partie comme elle était, comme en plein délire, elle ne se serait jamais arrêté de parler si la femme qu'elle prenait pour sa mère ne lui avait pas assené une gifle magistrale du revers de la main.

- Assez ! Ma patience a des limites. Je ne te connais pas !

Sa voix de glace avait pétrifié Gigi encore plus que la douleur cinglante de la gifle sur ses lèvres. Ce violent rejet la dévastait et les larmes dans ses yeux commencèrent à brouiller la vision qu'elle avait de cette femme indigne qui, loin de s'en émouvoir, lui porta le coup de grâce :

- Lucci fous moi ça dehors ! Avait-elle ordonné à son sinistre serviteur avant de tourner les talons avec désinvolture, sans même un regard en arrière.

Gigi voulut la poursuivre. Cependant, avant de pouvoir esquisser le moindre geste, Lucci s'était emparé d'elle.

- Putain lâches moi sale larbin ! Avait-elle explosé, pleine de rage.

Dans sa hargne, elle avait tenté de le mordre pour se libérer. Mais ça n'avait fait qu'aggraver son cas. Comme une muselière, sa main s'était enfoncée sur la moitié de son visage, et un bras autour de sa taille, il l'avait embarquer.

- Fermes là Bambina et suis moi...

À dire vrai, elle n'eut pas tellement le choix. Ne parvenant pas à se défaire de lui, elle se fit traîner plus qu'elle ne le suivit. Lucci, n'était pas passé par la salle et l'entrée. Il avait entraîné Gigi dans les couloirs du personnel, passant comme un coup de vent par les cuisines, pour finalement ressortir par la porte de derrière qui donnait sur les poubelles. Alors qu'il la tenait toujours, comme un pantin gesticulant dans ses bras d'acier, sa voix inquiétante mais étonnement concernée lui dit en guise d'adieu :

-Ta mère est morte Ginevrina. Un conseil, passe à autre chose.

Puis sans ménagement, il l'avait envoyé valser contre une énorme benne à ordure, refermant aussitôt la porte sur lui et sur ce sinistre épisode. Gigi était trop dévastée, trop abrutie par la violence de ses émotions, pour percevoir l'étrangeté de ces dernières paroles. Seule et démunie, après avoir été traînée dans la honte et dans la fange, elle s'adossa contre la poubelle et se laissa mollement tomber sur le sol.

En pleine déconfiture intérieure, elle avait la sensation d'être un sac de détritus que l'on aurait balancé sur le trottoir de cette ruelle sombre et nauséabonde. Étrangement, un sourire ironique surgit sur son visage ravagé de peine. Elle venait de vivre les pires retrouvailles qu'elle aurait pu imaginer. Dans les romans et les comédies, la scène de reconnaissance était un instant jubilatoire : après la révélation, l'enfant abandonné était cru sur parole, reconnue et chérie par son parent instantanément. Pour elle, ça n'avait était qu'une monumentale désillusion. Tout ce qu'elle avait récolté, c'était de l'hostilité et la torgnole de sa vie ! Tout ça lui avait laissé en bouche une saveur amère et ferrugineuse, celle de son sang et de la trahison. Giorno avait sans doute raison, la réalité avait bien plus de goût que la fiction, mais la saveur brute de cet instant la rendait simplement nauséeuse et l'avait présentement transformé en un vase du désespoir d'où débordait ses pleurs intarissables.

Voilà qui lui apprendrais à vivre sa vie comme une héroïne de roman ! Qui était-elle pour se comparer au fils d'Ulysse ou à celui de Lucrèce Borgia ? Elle n'était que Gigi Le Roux et sa propre mère ne l'avait même pas reconnue. En cet instant, elle n'était rien qu'une misérable flaque de larme, anéantie, abandonnée.


Alors alors, que pensez-vous de ce chapitre ? Pas trop long ? Est ce que ce coup de théâtre attise votre curiosité ou bien « osef on veut voir Giorno et Gigi conclure leur affaire ! » ? ^^

Pour celles et ceux favorables à la dernière option, ne vous en faite pas : prochain chapitre nos héros seront réunis et ce, je l'espère, pour votre plus grand plaisir ! ;)

(Attention ça va déballer sa science alors que ça a juste fait un ptit tour sur wikipedia !!! ^^')

Le saviez-vous : La scène de reconnaissance, très présente au théâtre ou dans certains romans, porte le nom barbare d'Anagnorisis. (ça a faillis être le nom du chapitre mais j'avais peur que ça parle pas à grand monde et en vrai le mot est, je trouve, un peu moche et surtout ma scène de reconnaissance ne contient pas vraiment l'essence d'une vrai Anagnorisis ^^')

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